- Jean Saint-Vil, avril 2009 -
Sur la promenade Sussex à Ottawa, à
quelques pas de la gigantesque ambassade des États-Unis, se
trouve le Monument au maintien de la paix. La structure
intitulée « Réconciliation » fut
érigée en l'honneur des plus de 125 000 Canadiens qui ont
servi avec les Bérets bleus de l'ONU depuis 1947. Le
présent article se propose
d'apporter des éclaircissements concernant un cas particulier,
celui de l'intervention de février 2004 en Haïti, où
les faits historiques contredisent le récit officiel du
gouvernement canadien concernant le « maintien de la
paix », que véhiculent les médias d'affaires
et qui est représenté par la pièce
« Réconciliation ».
Se considérant comme un peuple
généreux, la plupart des Canadiens croient que leurs
nobles idéaux sont reflétés dans la politique
étrangère de leur gouvernement. L'importance d'entretenir
cette image positive au pays et à l'étranger est bien
ancrée dans la psychologie nationale et de temps à autres
des sondages sont publiés pour en vérifier la
persistance.[1]
Walter Dorn, professeur agréé au
Collège militaire royal du Canada, écrit :
« Pour les Canadiens, le maintien de la paix
c'est l'effort pour protéger les personnes en danger mortel,
c'est le sacrifice de soi et un service rendu à
l'humanité. Ces notions de courage et de service touchent une
corde sensible parmi le public, et les hommes et les femmes politiques
du Canada, toutes allégeances confondues, ont fait leur
la cause du maintien de la paix. L'appui des Canadiens à ce
rôle de maintien de la paix est si fort, depuis si longtemps,
qu'il fait maintenant partie de l'identité
nationale. »[2]
C'est dans ces termes qu'est présentée et
légitimée l'intervention du Canada en Haïti.
L'Agence canadienne de développement international (ACDI) ouvre
sa page web consacrée à Haïti avec cette
prétention : « Le Canada s'est engagé
à consacrer 555 millions $ sur cinq ans (2006-2011) aux
efforts de reconstruction et de
développement en Haïti. » Cette attention toute
spéciale consacrée à Haïti s'expliquerait par
le fait que « le gouvernement canadien s'est engagé
à aider le peuple haïtien à améliorer ses
conditions de vie ».[3] La revue Maclean exprime
son appui sans équivoque aux prétentions du gouvernement
dans un article d'avril
2008 portant sur Claude Boucher, l'ambassadeur du Canada en
Haïti : « Il est facile d'oublier que ce que dit
M. Boucher est vrai. Haïti est pour la première fois depuis
plusieurs années un endroit moins dangereux et plus porteur
d'espoir, et il en est ainsi en partie grâce à la mission
des Nations unies dans ce pays à laquelle participe le
Canada. »[4]
L'initiative d'Ottawa
Contrairement aux affirmations de la revue Maclean,
de plus en plus d'observateurs de la scène internationale
croient au contraire qu'on assiste en Haïti à un crime
impérialiste odieux dont le Canada est complice.[5] Les
sceptiques font valoir qu'en janvier 2003 le gouvernement du Canada a
été
l'hôte d'une réunion où a été
planifié le renversement illégal et violent du
gouvernement démocratiquement élu de cette petite nation
caribéenne pour des motifs politiques, idéologiques et
économiques.[6] La réunion convoquée sous le
thème « Initiative d'Ottawa sur
Haïti » a eu lieu au centre de conférence du
gouvernement au lac
Meech, à Gatineau, Québec, les 31 janvier et 1er
févier 2003, un an avant le coup d'État du 29
février 2004.
Les décisions extraordinaires prises à
cette rencontre de non-Haïtiens ont d'abord été
portées à l'attention du public général par
Michel Vastel, dans son article de mars 2003 dans la revue L'Actualité
paru sous le titre prophétique : « Haïti
mise en tutelle par l'ONU ? ». L'auteur y décrit
comment, au nom
d'une nouvelle doctrine appelée
« responsabilité de protéger », les
parlementaires d'anciennes puissances coloniales invités au lac
Meech par le ministre Denis Paradis ont décidé que le
président démocratiquement élu d'Haïti,
Jean-Bertrand Aristide, devait être renversé, que le pays
devait être mis en tutelle comme le Kosovo avant le
1er janvier 2004 et que les Forces armées d'Haïti (FAdH)
contrôlées par les États-Unis devaient être
rétablies, de pair avec une nouvelle force policière. Le
projet de tutelle de l'ONU avait fait l'objet d'une rumeur en 2002
(rumeur ou ballon-sonde ?) dans la presse de la République
dominicaine, voisine d'Haïti.
Pendant que les soldats canadiens
faisaient la garde à l'aéroport international
Toussaint-Louverture, à Port-au-Prince, le président
d'Haïti et son épouse étaient placés à
bord d'un avion par des représentants du gouvernement
américain avant l'aube le 29 février 2004. Selon l'auteur
et activiste afro-américain de renommée mondiale Randall
Robinson, qui a interviewé plusieurs témoins oculaires,
ce n'était pas un avion commercial. Aucun membre du gouvernement
Aristide ni aucun représentant des médias
n'étaient à l'aéroport alors que M. et Mme
Aristide était à toute fin pratique enlevés et
amenés en République centrafricaine contre leur
gré, après une escale d'avitaillement à
Antigua.
Dans son rapport du 10 décembre 2004
intitulé : « Opération de réforme
de la gouvernance économique », la Banque mondiale
déclare sans ambages que (grâce au coup d'État)
« la période de transition et le gouvernement de
transition offrent une occasion de mettre en oeuvre des réformes
de gouvernance économique
avec la participation des acteurs de la société civile
qu'il serait difficile pour un gouvernement ultérieur de
défaire ».[7] C'est ainsi que durant la
période de l'après-coup ledit gouvernement de transition
a adopté un plan budgétaire baptisé
« cadre de coopération
intérimaire » prévoyant d'importants projets
de privatisation et des
mises à pied massives dans le secteur public. Cela s'est fait
sans la sanction légale d'un parlement haïtien. Le premier
ministre de facto Gérard Latortue, choisi par les
États-Unis pour la mise en oeuvre du programme de
coopération intérimaire, s'est empressé d'allouer
29 millions $ à la remobilisation des soldats et
paramilitaires recrutés et
entraînés par la CIA pour le coup d'État, durant
les années précédentes dans la République
dominicaine. Quelque jours à peine après que le
gouvernement du Canada ait annoncé un nouveau programme
d'« aide à Haïti », le 6
décembre 2004, Latortue instituait une
rémunération spéciale pour ces soldats et
paramilitaires qu'il avait
baptisés « combattants de la
liberté ».[8]
En date de septembre 2008, la plupart des objectifs
attribués à l'Initiative d'Ottawa ont été
atteints. Le gouvernement démocratiquement élu
d'Haïti a été renversé, le pays a
été placé sous la tutelle de l'ONU, une nouvelle
armée a été créée et l'ancien
président Jean-Bertrand Aristide est toujours en exile. Quant
à la promesse du Canada
d'« améliorer les conditions de vie »,
elle a certes été respectée pour ce qui est des
plus de 9 000 soldats étrangers (policiers et militaires) dont
les salaires ont dans bien des cas doublé durant leur passage
à la mission de l'ONU en Haïti (MINUSTAH). Mais pour ce qui
est de la vaste majorité des Haïtiens, il n'y a pas de quoi
se
réjouir. Au cours des cinq dernières années, ils
ont été soumis à une vague sans
précédent d'enlèvements, de viols et de meurtres,
entre autres formes de violence urbaine. L'État haïtien a
été davantage affaibli et déstabilisé. Le
traumatisme et les divisions sociales qu'a vécus le peuple
haïtien se sont beaucoup aggravés en conséquence du
coup.
Beaucoup s'accordent pour dire que la doctrine de la
« responsabilité de protéger »
s'est avérée « une expérience
néo-impérialiste violente et cauchemardesque qui a
terriblement mal tourné » aux dépens des
Haïtiens, en violation flagrante du droit international.[9]
Lorsque le public a eu vent de la réunion de
l'Initiative d'Ottawa, des Canadiens d'origine haïtienne ont
averti le premier ministre Jean Chrétien de ne pas s'engager
dans « cette folle aventure du
néocolonialisme ».[10] Mais ces mises en garde sont
tombées dans l'oreille d'un sourd. Il y a eu plusieurs
changements de garde à
Ottawa depuis mais rien n'indique un changement à cet
égard. En fait, pendant qu'ils continuent d'appliquer cette
politique aux conséquences désastreuses, les
représentants canadiens blâment les victimes pour son
échec. Il suffit de noter, pour le démentir, qu'en
Haïti, comme en Irak et en Afghanistan sous occupation
étrangère, les enlèvements et
l'« exode des cerveaux » sont deux
phénomènes qui ont connu une croissance importante avec
l'arrivée des troupes étrangères.[11]
Quatre piliers chancelants
Le régime de l'après-coup dans
l'Haïti occupée par l'ONU repose sur quatre piliers
très instables : l'argent, les armes, la solidarité
de classe et le racisme.
L'argent : Ceux qui font la loi en
Haïti aujourd'hui sont ceux qui contrôlent les comptes
bancaires. Comparez, par exemple, le budget de 600 millions $ des
forces de l'ONU avec celui de la République haïtienne, qui
est passé de 300 millions en 2004-05 à 850 millions en
2005-06, à 1,8 milliard $ en 2006-07 et
finalement à 2 milliards $ en 2008-09. Il faut savoir
cependant que plus de 60 % de ce budget dépend de sources
étrangères et leurs conditions. Les demandes
répétées du président René
Préval que les chars de la MINUSTAH soient remplacés par
de l'équipement de construction sont aussi vaines
qu'incessantes.[12] Les
« subventions » accordées à
Haïti aux nombreuses conférences des donneurs sont dans une
grande mesure acheminées vers les organisations non
gouvernementales choisies par les donneurs.
En réaction aux émeutes alimentaires de
l'année dernière, Préval s'est engagé dans
un discours en créole à ne plus subventionner les
importations de riz et à plutôt stimuler la production et
la consommation du riz haïtien. La promesse a été
rétractée en moins de quelques heures. Préval a
annoncé qu'il utilisait les maigres ressources du pays
pour subventionner les importations de riz en provenance des
États-Unis pour réduire le prix de vente au détail
de 16 %.[13] Les positions de force étant ce qu'elles sont
dans ces rapports complexes, Haïti doit accepter sans
rouspéter le cadeau empoisonné
« donné » par ses généraux
bienfaiteurs au nom de la
« paix » et de l'« aide
humanitaire ».
Les armes : La MINUSTAH, qui est
constituée de forces de répression de
notoriété déployées par le Brésil,
la Chine, la Jordanie et les États-Unis, est sans rival sur le
terrain pour ce qui est de la puissance de tir. Ses ordres sont tout
à fait clairs, surtout depuis le
« suicide » de son ex-commandant, le
général
brésilien Bacellar, qu'on a trouvé mort le 7 janvier 2006
après une nuit d'échanges acrimonieux avec des membres de
l'élite des affaires d'Haïti qui lui reprochaient
ouvertement d'être trop « doux » avec les
« bandes des bidonvilles », les
« bandits » et les
« chimères ». La MINUSTAH joue le
rôle de substitut des défuntes Forces armées
d'Haïti, l'outil qui a servi aux élites haïtiennes et
à leurs partenaires étrangers à maintenir
« les masses noires » sous contrôle.
« Dans le contexte d'un pays possédant 210 000 armes
à feu (dont la vaste majorité sont solidement entre les
mains des familles et des entreprises dirigeantes),
écrit Peter Hallward, l'arsenal "chimère" d'environ 250
armes de poing n'a sans doute jamais causé beaucoup
d'inquiétude. »[14] L'afflux d'armes en province de
la Floride tout de suite après le coup de 2004 laisse entendre
que les pouvoirs en place ne prennent pas de chance.
La solidarité de classe : En
décrivant la base d'appui du gouvernement Lavalas
renversé comme des « chimères »
marginales et violentes, les grands médias à
l'intérieur et à l'extérieur d'Haïti ont
aidé les forces coup d'État à s'attirer de la
sympathie. L'offensive contre le Lavalas a été
systématique, mais elle ne
s'est pas limitée à ce parti politique. Aujourd'hui il ne
reste plus un seul parti politique en Haïti qui soit
indépendant des forces étrangères. René
Préval a lui-même déclaré qu'il
n'appartenait à aucun parti politique.[15] La plate-forme de
Lespwar avec laquelle il a été élu est en
déconfiture. Hallward analyse en profondeur les vingt
années d'effort
des États-Unis et de leurs alliés pour détruire la
démocratie populaire émergente en Haïti. Il est
essentiel de reconnaître l'impact dévastateur de
l'assassinat, dans les années 1990, de personnalités
importantes de la bourgeoisie progressiste liées au Lavalas,
comme les frères Izmery, le procureur Guy Malary et l'agronome
et journaliste Jean
Dominique, pour comprendre la lutte de classe à l'oeuvre en
Haïti. Il faut par ailleurs enquêter, documenter et analyser
les liens qui unissent les ambassadeurs et directeurs d'ONG,
importateurs de produits alimentaires et propriétaires de
sweatshops, tous dans les mêmes quartiers de Port-au-Prince, dont
les enfants vont aux mêmes écoles et qui ont
acquis un sens élevé de l'appartenance communautaire (de
style apartheid). Et pendant ce temps les grands médias
continuent de propager les stéréotypes qui alimentent
cette mentalité d'une « classe
assiégée » qui doit se protéger contre
« les sauvages ».[16]
Pour satisfaire au projet de classe appelé
« responsabilité de protéger »
qu'ils ont entrepris dans l'Haïti post-Aristide, le Canada, les
États-Unis, l'ONU et le gouvernement Préval appliquent
résolument des pratiques illégales et non
démocratiques, comme le maintien en exile de l'ancien
président Jean-Bertrand Aristide et l'exclusion
de son parti, Fanmi Lavalas, des élections sénatoriales
du 19 avril 2009.[17] Il est claire que ces pratiques, plutôt que
de contribuer à la réconciliation inter-haïtienne,
à la paix sociale ou à la stabilité politique,
accentuent les tensions politiques au sein d'un peuple qui a
lutté héroïquement pour la paix mais qui s'est
toujours vu refuser le fruit d'une
véritable fraternité internationale.
Le racisme : L'influence persistante de
l'idéologie suprémaciste est rarement mentionnée
dans la grande presse quand il est question d'Haïti. C'est
pourtant un pilier de l'Initiative d'Ottawa et de la doctrine de la
responsabilité de protéger sur laquelle elle s'appuie.
Les traits raciaux du conflit à l'oeuvre en Haïti sont en
effet très
évidents.
Au niveau international, les positions prises par le
Groupe noir au Congrès des États-Unis, les pays des
Caraïbes et d'Afrique contre le coup d'État et en faveur de
la souveraineté haïtienne contrastent avec celles de la
Maison blanche, du Canada et d'Europe.
En Haïti, la majorité noire se trouve en
opposition à une minorité soutenue par les puissances
étrangères représentées par des gens comme
le propriétaire de sweatshops américain blanc
André Paid, son beau frère et candidat à la
présidence Charles Baker, l'Américain Rudolf Boulos, son
frère Reginald Boulos, Hans Tippenhauer (oncle et neveu
du même nom), Jacques Bernard, etc.[18]
Les similitudes abondent entre le coup d'État de
2004 et l'occupation américaine de 1915, qui a mené
à l'imposition d'une série de dictatures menées
par des gens de couleur pâle au service de l'impérialisme
américain : Sudre Dartiguenave, Louis Borno, Elie Lesco,
Louis Eugène Roy et Stenio Vincent. Comme en 1915-1934, la
majorité
noire qui résiste aujourd'hui à l'occupation humiliante
de son pays est décrite comme une horde de
« bandits » qui menacent « la
propriété privée ». Au vingtième
siècle, la propriété privée
protégée par les troupes Yankee est principalement une
propriété américaine. Aujourd'hui la
« responsabilité de
protéger » de la MINUSTAH s'applique également
à d'importants investissements canadiens, comme ceux des
sweatshops de Gildan Active Wear et des concessions d'exploitation
aurifère.[19]
Dans une étude intitulée Defining
Canada's Role in Haiti, le major des Forces armées
canadiennes J. M. Saint-Yves écrit :
« Si les solutions peuvent sembler de nature
coloniale, il est clair que la corruption endémique de la
société haïtienne empêchera l'application
d'une solution économique saine aux problèmes
d'Haïti sous contrôle haïtien. Il faut plutôt un
investissement étranger sous contrôle étranger pour
établir une nouvelle économie haïtienne basée
sur
les industries qui bénéficieront directement à la
population rurale du pays. »[20]
Comme nous le verrons plus en détail, le
« contrôle étranger » que
réclame Saint-Yves existe déjà. Mais il semble que
personne ne veuille revendiquer officiellement la paternité de
ce qu'a enfanté jusqu'à présent ce type de projet
raciste et impérialiste de pris en contrôle.
Documentation du rôle du Canada
L'activiste et avocate haïtienne-américaine
Marguerite Laurent a dénoncé avec force et esprit de
suite le renversement du gouvernement Aristide depuis les
premières heures du coup d'État et elle a
documenté ses conséquences pour des milliers de personnes
dans le monde. « Si c'était la
justice plutôt que le pouvoir qui dominait les affaires
internationales, écrit-elle, la corporatocratie du coup
d'État, c'est-à-dire les gouvernements
(États-Unis, France, Canada), les banques internationales et les
riches multinationales, et leurs serviteurs haïtiens, qui ont
financé le renversement du gouvernement élu, verserait
des réparations du peuple
d'Haïti qui a perdu et continue de perdre des êtres chers,
de la propriété et des membres. »[21]
Dix jours après le coup, Stockwell Day, qui
était alors critique aux Affaires étrangères pour
l'opposition conservatrice, a déclaré à la
Chambre : « Il y a maintenant un chef d'État
élu, Aristide. Nous n'aurions peut-être pas voté
pour lui. Il n'est peut-être pas le type de chef pour nous qui
aurions voté. Toutefois, le gouvernement
décide qu'il devrait y avoir un changement de régime dans
ce pays. Voilà une question sérieuse qui mérite
d'être abordée. Sur quels critères était
fondée cette décision ? »[22]
Le gouvernement libéral a d'abord tenté de
semer le doute sur la véracité des informations
concernant la réunion de triste notoriété du 31
janvier 2003 où a été planifié le coup
d'État. Dans le Hansard du Sénat canadien du 19
mars 2003, sous la rubrique « La rencontre au sujet du
changement de régime en Haïti », le
sénateur Consiglio Di Nino s'informe au sujet d'« une
rencontre secrète nommée "Initiative d'Ottawa relative
à Haïti" [qui] serait dirige par le secrétaire
d'État à la Francophonie ». Il demande :
« Madame le leader du gouvernement peut-elle nous dire si
cette rencontre a bel et bien eu lieu ? » À quoi
la
sénatrice libérale Sharon Carstairs répond :
« Honnêtement, je ne peux pas dire si cette rencontre
a eu lieu. Je n'ai aucun renseignement à ce
sujet. »[23]
Depuis cet échange à la Chambre des
communes, les gouvernements qui se sont succédés,
libéraux et conservateurs confondus, ont poursuivi
résolument dans la lancée de l'« Initiative
d'Ottawa sur Haïti ». Le procès verbal de la
réunion du lac Meech n'a toujours pas été rendu
public, malgré la demande du député
néo-démocrate
Svend Robinson. Le journaliste vancouvérois Anthony Fenton, qui
a finalement obtenu une trousse de documents très
censurés de la rencontre aux termes de la loi sur l'accès
à l'information, a écrit ce qui suit à l'auteur du
présent article :
« Il demeure qu'il est tout à fait
raisonnable de demander pourquoi le procès verbal au complet,
non censuré, n'a pas encore été
déposé au Comité permanent sur les Affaires
étrangères. Depuis le coup d'État, ce
comité a entendu des témoignages sur Haïti à
au moins 13 occasions séparées. Entre mai et juin 2006,
le Comité a entendu une
trentaine de "témoins" dans le cadre de son "Étude sur
Haïti". Le résultat en fut le Rapport du Comité
permanent des Affaires étrangères et du
développement international « La politique
internationale du Canada mise à l'épreuve en
Haïti » en décembre 2006. »
Fenton note qu'on ne trouve évidemment aucune
mention du coup d'État ou de l'Initiative d'Ottawa dans le
rapport ou dans la réponse du gouvernement.
Dans « Canada in Haiti : Waging War on
the Poor Majority », écrit en collaboration avec Yves
Engler, Fenton documente différents aspects de l'implication du
Canada dans le coup d'État de 2004.[24] On y apprend des choses
au sujet du rôle qu'a joué l'ACDI dans la campagne de
déstabilisation qui a préparé le terrain au
coup d'État et dans la campagne de relations publiques qui a
suivi. Dans Damming the Flood, publié par Peter
Hallward, auteur canadien vivant en Grande-Bretagne, le Canada s'est
acquitté de « ses fonctions de client d'une
façon exemplaire » aux yeux des États-Unis, le
véritable leader du coup d'État multinational.
« Le ministre des Affaires étrangères du
Canada, Pierre Pettigrew, aurait rencontré plusieurs figures de
proue de l'opposition anti-Aristide un peu avant le coup d'État
de février et, comme nous l'avons vu, l'ACDI a donné une
aide financière importante aux groupes de pression pro-coup,
comme la Coalition nationale pour les droits des
Haïtiens (NCHR-Haïti) et SOFA. »[25]
Le cas du financement de la NCHR-Haïti par l'ACDI
est particulièrement troublant puisqu'il est une preuve directe
de complicité entre les plus hauts échelons du
gouvernement canadien et une ONG pro-coup très
discréditée autant aux yeux des Haïtiens que des
observateurs internationaux. La NCHR-Haïti aurait causé
beaucoup de tort à la
cause de la paix et de la justice en Haïti. Cela comprend
notamment l'emprisonnement à tort du premier ministre Yvon
Neptune pendant deux ans, sous des accusations forgées
essentiellement financées par les contribuables canadiens, par
l'entremise de la NCHR-Haïti. Celle-ci a été
à ce point discréditée par le scandale de
l'emprisonnement
d'Yvon Neptune que son organisation mère aux États-Unis
lui a demandé de changer de nom. Elle s'appelle désormais
Réseau national de défense des droits humains (RNDDH).
Dans son article bien étayé
« Faking Genocide », Kevin Skerrett
écrit :
« À peine quelques jours après
le coup d'État, l'accusation de "génocide" contre le
premier ministre Neptune, un massacre de 50 personnes, a
été rendue publique par une organisation des droits
humains appelée Coalition nationale pour les droits des
Haïtiens-Haïti (NCHR-Haïti). Les
événements violents et les assassinats politiques qu'on
attribuait à Neptune ont eu lieu dans la ville de Saint-Marc le
11 février 2004, durant la "rébellion des escadrons de la
mort" commencée le 5 février dans les Gonaïves et
qui s'est ensuite étendue au nord du pays. Les attaques de cette
"rébellion" ont culminé avec le coup d'État du 29
février. »[26]
Des documents obtenus en 2007 par Anthony Fenton en
vertu de sa requête d'accès à l'information (ACDI
A-2005-00039) montrent qu'au nom des victimes de la violence du coup
d'État, la NCHR-Haïti a soumis une demande d'aide de 100
000 $ à l'ACDI vendredi le 5 mars 2004. Le lundi suivant,
le 8 mars, M. Yves Pétillon, chef de
la Coopération canadienne à l'ambassade en Haïti, a
reçu de son personnel la recommandation d'approuver le
financement et jeudi le 11 mars (moins de cinq jours ouvrables
après la requête originale), M. Pétillon signait et
approuvait la requête de subvention. Ayant 17 années
d'expérience avec le système de subvention
fédéral, l'auteur du présent
article peut attester qu'il s'agit là d'une réponse
extraordinairement rapide.
Dans leur lettre du 5 mars, les demandeurs
écrivent : « Si la NCHR a aidé les
victimes du régime Lavalas, elle a aussi l'obligation d'en faire
autant pour les supporters du Lavalas qui sont aujourd'hui
attaqués. » Et pourtant le même document
confirme que la NCHR a pris la décision de limiter la
période couverte pour l'aide
aux victimes au 9 au 24 février 2004. C'est ainsi qu'ils ont
manoeuvré pour exclure les victimes de la violence anti-Lavalas
qui a frappé surtout lorsque la
« rébellion » des escadrons de la mort ont
attaqué les Gonaïves durant les premiers jours de
février et durant les jours qui ont suivi l'enlèvement
d'Aristide, le 29 février 2004. De
plus, la NCHR a refusé d'entrer dans le secteur de Bel Air pour
enquêter les rapports faisant état de massacres de
sympathisants non armés du Lavalas par les occupants
étrangers au début de mars 2004.[27]
Deux jours après le coup, dans une entrevue
accordée aux journalistes Kevin Pina et Andrea Nicastro, le
premier ministre Yvon Neptune déclarait : « La
démission du président n'est pas constitutionnelle parce
qu'il l'a fait sous la contrainte et la menace. Le juge en chef de la
Cour suprême a été amené ici à mon
bureau par des
représentants de la communauté internationale. Je n'ai
pas été invité et je n'étais pas
présent à la cérémonie
d'assermentation. »[28]
En contraste avec les rapports de la NCHR-Haïti
financés par l'ACDI, la déclaration d'Yvon Neptune
explique bien les motifs derrière l'incarcération
illégale et le harcèlement subi par le premier ministre
constitutionnel d'Haïti durant l'après-coup, lorsque la
justice et le système carcéral
« haïtiens » étaient à toute
fin pratique sous
contrôle canadien. Alors que M. Neptune était puni et
jeté en prison pour avoir refusé de marcher avec le coup,
Paul Martin s'est rendu en Haïti en novembre 2004. C'était
la toute première visite officielle d'un premier ministre
canadien en Haïti. Martin, qui se prétend le champion de la
doctrine de la responsabilité de protéger. aurait dit
à
l'Agence France presse qu'« il n'y a pas de prisonniers
politiques en Haïti ».[29]
Le premier ministre d'Haïti, Yvon Neptune, fut plus
tard libéré, lorsque René Préval est devenu
président. Il a été relâché
après qu'on ait éliminé tous les risques que des
dizaines de hauts représentants de Fanmi Lavalas
illégalement incarcérés puissent s'inscrire et
remporter les élections de 2006 contrôlées par les
occupants étrangers.
Plusieurs mois après son retour au Canada, le
premier ministre Paul Martin a été dénoncé
publiquement par l'activiste Yves Engler qui lui a crié :
« Martin ment, des Haïtiens meurent », pour
son comportement honteux en Haïti. Durant un autre épisode
haut en couleurs, Engler a mis de la peinture rouge sur les mains du
ministre des Affaires étrangères Pierre Pettigrew,
symbole du sang des Haïtiens. Yves a dû passer plusieurs
jours en prison pour cela.[30]
Ce qui devient clair avec le temps, c'est
l'embarrassante réalité que le service de police et le
système de justice haïtiens sont dans un pire état
qu'ils ne l'étaient au moment du coup d'État, alors que
le gouvernement canadien s'est tant vanté d'avoir
contribué des millions de dollars à leur
réhabilitation. La prétention que l'échec
appartient aux
Haïtiens ne tient pas. Vous n'avez qu'à écouter les
francs propos du surintendant principal David Beer, directeur
général, Services de la police internationale de la GRC,
aux audiences du 3 avril 2008 du Comité permanent des affaires
étrangères et du développement international :
« Monsieur le président, le
comité aimera peut-être aussi savoir que même si
notre participation a baissé par rapport à l'ensemble de
l'effectif de 1 900 policiers en service, le Canada continue de jouer
un rôle essentiel dans la mission. Le Canada occupe en effet le
poste de sous-commissaire aux opérations, premier mentor et
conseiller et
d'unité principale de mentorat pour la police de Port-au-Prince.
Nous sommes à la tête du Bureau de la lutte contre le
trafic des stupéfiants. Nous dirigeons également
l'unité de lutte contre les enlèvements. Nous contribuons
aussi à la gestion de la frontière, l'académie et
la formation de la police nationale. Nous nous occupons aussi de
l'intégrité
financière et du projet de gestion des actifs au sein de la
Police nationale d'Haïti. Enfin, monsieur le président, le
contrôle et l'enregistrement des agents de la PNH relèvent
également d'un policier canadien. De fait, ce programme de
sélection constitue toujours un volet important de la
mission. »[31]
L'échange d'argent entre l'ACDI et la
NCHR-Haïti qui a financé le supplice qu'on a fait subir
à Yvon Neptune ne fera sans doute jamais la première page
du Maclean ou du Globe and Mail. En
général, les Canadiens sont très surpris quand ils
entendent parler des scandales impliquant les élites politiques.
Un des cas
présentement devant les tribunaux est celui de l'ancien premier
ministre Brian Mulroney qui est accusé d'avoir accepter des
pots-de-vin en argent comptant du marchand d'armes allemands Karlheinz
Schreiber. Beaucoup sont étonnés par cette affaire. Mais
le fait que l'entente secrète en question concernait l'achat
d'armes destinées au
« maintien de la paix » ne semble pas attirer
l'attention outre mesure.
Que la paix soit avec vous... avec des chars et des
fusils
Les interventions étrangères sanguinaires
menées sous l'enseigne du « maintien de la
paix » ont si bonne image au Canada que des instances
paragouvernementales comme FOCAL demandent maintenant au Canada de
s'engager davantage dans l'aventure
impérialiste appelée Initiative d'Ottawa.
Cette aura qui entoure les opérations de
« maintien de la paix » amène des
personnages militaires comme le major Michael D. Ward à
écrire que « le fort engagement envers la
souveraineté et l'indépendance ... d'Haïti est un
obstacle à l'engagement international requis pour rebâtir
et réformer l'État haïtien. »[32]
Ces expressions de condescendance envers le peuple
haïtien expliquent pourquoi l'Institut Nord-Sud a servi cet
avertissement au gouvernement canadien : « La
justification de l'intervention de 2004 en Haïti, sans un
débat ouvert dans la perspective de la responsabilité de
protéger, a fait du tort à la campagne pour la
responsabilité
de protéger, notamment en Amérique latine et dans les
Caraïbes. »[33] Cet organisme financé par l'ACDI
reproche au gouvernement d'avoir compromis
l'« établissement de la paix » en
Haïti par sa collaboration de facto avec les chefs paramilitaires
responsables de violations des droits humains dans le passé.
Dans le document préparé par le Commission
sur la responsabilité de protéger, on décrit
comment les gouvernements qui participent à ces interventions
doivent faire preuve d'habileté dans le contrôle de
l'information. « La clé du succès pour la
mobilisation de l'appui international, affirme-t-il, est la
mobilisation de l'appui intérieur, ou
du moins la neutralisation de l'opposition
intérieure. » Le rapport met en lumière le
rôle crucial que doivent jouer les entités
financées par le gouvernement (définies à tort
comme des « organismes non gouvernementaux »,
ONG) à cet égard : « Les ONG ont un
rôle crucial et toujours plus grand, en échange, à
contribuer de l'information, des arguments et l'énergie
nécessaires pour influencer le processus décisionnel, en
s'adressant directement aux législateurs et indirectement
à ceux qui les influencent. »[34]
Il incombe donc à des ONG grassement
financées de voir à ce que le racisme passe pour
humanisme et que l'impérialisme passe pour maintien de la paix,
quel que soit le décompte des cadavres. Il n'est donc pas
surprenant qu'aux yeux des gens d'origine africaine partout dans le
monde, la « bonne » image du Canada ait subi un
dur coup à la suite du coup d'État de 2004.
Commentant les émeutes alimentaires qui ont
secoué Haïti en avril 2008, le journaliste chevronné
John Maxwell écrit dans le Jamaica Observer :
« Aujourd'hui, et surtout ces
dernières semaines, la population affamée d'Haïti
cherche à attirer l'attention du monde sur l'angoisse et la
misère qui l'accablent. Messieurs Bush et Colin Powell et un
mélange de politiciens français et canadiens avaient
décidé que la liberté et l'indépendance,
c'était trop demander pour la population noire
d'Haïti. Il y a une preuve abondante que la conspiration contre
Haïti s'est inspirée de la haine et du
préjugé raciaux... J'ai écrit à ce sujet
déjà et je n'y reviendrai pas.... Suffit de dire que les
États-Unis, le Canada et la France, agissant au nom du
« monde civilisé », ont
décidé en s'appuyant sur le mensonge que, comme dans le
cas de
l'Irak, un peuple libre et indépendant n'a pas d'affaire
à être libre et indépendant quand cette
liberté et cette indépendance représentent une
menace pour les intérêts économiques de la
minorité riche d'Haïti et, par extension, des pays les plus
riches du monde. »[35]
Conclusion
Selon Walter Dorn, il y a deux groupes de partisans de
la doctrine de la responsabilité de protéger :
« L'école idéaliste, ou internationaliste, se
heurte fréquemment à l'école de la realpolitik,
dont les disciplines sont généralement connus sous le nom
de réalistes (bien que pas nécessairement
réalistes) », écrit l'expert des affaires
militaires. « Les réalistes canadiens soutiennent que
les contributions du Canada ne sont pas le fait de la pureté de
l'âme ou de la bienveillance nationale, mais bien de
l'intérêt national fondamental. » Il nous dit
que pour les réalistes « les grandes contributions du
Canada aux missions
successives de l'ONU en Haïti s'expliquent aussi en partie par un
désir d'aider les États-Unis dans l'arrière-cour
continentale. »
Le journaliste Michel Vastel cite Denis Paradis, qui
était alors ministre de la Francophonie, qui parlait dès
2003 de sa conception de la responsabilité du « monde
civilisé » de protéger « les
autres » : « Je ne veux pas finir comme
Roméo Dallaire [...] » « Et le temps
presse, car on estime que le
nombre d'habitants en Haïti pourrait atteindre 20 millions en
2019 », fait remarquer l'auteur, avant de citer le ministre
Paradis pour qui la population à 99 % africaine est
« une bombe à retardement qu'il faut
désamorcer tout de suite ».[36]
Il est inquiétant pour celui qui connaît
l'histoire, surtout s'il est d'origine africaine, de voir que la
doctrine du « fardeau de l'homme blanc » de
Rudyard Kipling vient si facilement à l'esprit de hauts
représentants du gouvernement et d'intellectuels au Canada, et
est ensuite traduite en une politique étrangère
appliquée avec force
brute. Comme l'écrit Sherene Razak dans Black Threats,
White Nnights, « aujourd'hui le maintien de la paix est
un type de guerre, une guerre de race menée par ceux qui se
considèrent comme civilisés, modernes et
démocratiques contre ceux qui sont considérés
comme sauvages, tribaux et sans moral. »[37]
Un rapport préparé par la Commission
internationale soutient que « dans un monde
interdépendant, où aucun pays ne peut régler seul
tous ses problèmes, l'altruisme procure de nombreux avantages
réciproques directs : si mon pays aide le vôtre
à régler les problèmes de réfugiés
et de terrorisme dans sa région, vous serez peut-être
plus enclin à m'aider demain à résoudre mes
difficultés écologiques ou mon problème de
stupéfiants ».[38] On ne peut pas ne pas poser la
question : Qu'entendent-ils par responsabilité de
protéger ? C'est la responsabilité de
protéger qui de quoi ? Les soldats sont-ils
mobilisés pour protéger les populations
vulnérables
contre les violations massives des droits humains ou pour
protéger les intérêts des élites du monde
contre les menaces telles que cette « bombe à
retardement » que représente les noirs d'Haïti
pour certains ou de protéger l'Europe contre les progrès
des damnés de la terre arrivés par le corridor
Maroc-Espagne ?
Tout en cherchant une réponse à cette
question incontournable, j'ai à l'esprit une déclaration
choquante du secrétaire général adjoint de
l'OÉA faite en ma présence et en la présence de
nombreux autres témoins à l'Hôtel Montana de
Haïti le 31 décembre 2003 : « Le vrai
problème avec Haïti, a dit Luigi Einaudi, est que la
communauté internationale est si mêlée et
divisée qu'elle laisse les Haïtiens administrer
Haïti. » Moins de deux mois après cette
déclaration d'Einaudi les marines américains faisaient
éruption dans la résidence du président
d'Haïti, tandis que des officiers de la GRC prenaient le
contrôle de l'aéroport et que commençaient le coup
d'État et
l'occupation d'Haïti. Depuis cette nuit tragique, les
Haïtiens n'administrent plus Haïti et les bains de sang que
l'invasion étrangère était censée
arrêter ont atteint des proportions inégalées, avec
la pleine participation des forces de l'ONU qui se livrent à ce
qu'on ne saurait qualifier d'autre chose qu'une guerre de classe et une
guerre de race. Pendant
ce temps le monde attend toujours un rapport sur les circonstances
entourant la mort du commandant Urano Teixeira Da Matta, à
l'Hôtel Montana, le 7 janvier 2006.
« Il y a une limite à dire constamment
non aux maîtres politiques à Washington. Tous ce que nous
avions à brandir, c'était l'Afghanistan. Dans tous les
autres dossiers nous étions en dehors. Nous avons réussi
à être de la partie pour ce qui est de Haïti, alors
avons ajouté une autre flèche à notre
carquois » — Bill Graham, ancien
ministre des Affaires étrangères, en entrevue,
cité par Janice Gross Stein et Eugene Lang dans The
Unexpected War : Canada in Kandahar (Toronto, Viking Canada,
2007), pp. 126-27.
Que devrait être la politique du Canada envers
Haïti ? : Au delà de la politique de
prête-nom... vers un véritable virage !
Contrairement à l'« aide »
de type FMI, le modèle Cuba-Venezuela est essentiellement ce que
préconisent les militants pour la paix et la justice depuis
plusieurs années.
Malheureusement, les gouvernements qui se sont succédés
au Canada ont choisi de tourner le dos à cette alternative pour
plutôt multiplier les ateliers, conférences,
réunions (habituellement avec pas ou très peu
d'Haïtiens) pour coordonner encore plus
d'« aide » à Haïti. Cela se fait au
mépris de la réalité qui montre que Haïti a
été
depuis trop longtemps « aidée à
mort » par des bienfaiteurs étrangers
autoproclamés.
La pauvreté épouvantable qu'on trouve en
Haïti n'est pas un phénomène récent,
attribuable à une « mauvaise
gouvernance », comme le prétendent souvent les
apologistes de la conquête violente de ce continent. La
vulnérabilité endémique des populations africaines
et des Premières Nations des Amériques est le fruit de
500 années
de politiques coloniales et néocoloniales inhumaines. La
stratégie qui consiste à faire des montagnes d'argent et
d'armes, tout en rapiéçant une école de briques,
une infirmerie et quelques prisons en échange du droit de
brandir le drapeau canadien partout, n'est pas du tout une solution.
Commentant la crise actuelle de la faim dans le monde,
Jeffrey Sachs soutient que la solution à long terme
nécessite qu'on mette un frein à l'industrie de
l'éthanol aux États-Unis, qu'on crée un fonds de 5
milliards pour l'agriculture et qu'on finance mieux la recherche et le
développement pour les technologies agricoles dans les pays en
développement.[39] Voilà des objectifs très
louables. Mais à en juger par l'expérience
haïtienne, on ne saurait compter sur un virage à 180
degrés des gouvernements des sociétés enrichies
qui ont bâti leur richesse sur l'esclavage racial, le vol des
terres autochtones et la ruse du système financier
international. Il faudra une mobilisation des peuples
du monde pour faire triompher ces changements dont nous avons un urgent
besoin. Pour changer la situation, nous devons forcer les États
enrichis à adopter de nouvelles politiques et de nouvelles
approches, plutôt que de ressasser les mêmes vieilles
pratiques racistes, masquées ou pas, avec un discours
humanitaire. Ils doivent d'abord arrêter de
faire du tort, puis réparer les torts faits. Pour nous, le
défi est de constamment pratiquer la solidarité
véritable entre les peuples.
Notes
1. « World Sees Canada as Tolerant,
Generous Nation », Angus Reid Global Monitor : Polls
& Research (November 12 2006).
2. Walter Dorn, « Canadian Peacekeeping : Proud
Tradition, Strong Future ? », Canadian Foreign
Policy, Vol. 12, No. 2, (Fall 2005)
3. Site Web de l'Agence canadienne de développement
international (ACDI)
[www.acdi-cida.gc.ca/CIDAWEB/acdicida.nsf/Fr/JUD-12912349-NLX]
4. Michael Petrou, « Haiti : Are we
helping ? », Maclean's (April 7, 2008)
5. Voir Marguerite Laurent, « It's Neither Hope nor Progress
when the International Community is Running Haiti », Haitian
Lawyers Leadership Network, [www.margueritelaurent.com] et Aaron
Lakoff, « The Politics of Brutality in Haiti : Canada,
the UN and collateral damage », Dominion Paper
(January 21, 2006).
6. Anthony Fenton etd Dru Oja Jay, « Declassifying Canada in
Haiti », Global Research [www.globalresearch.ca] ; et
Canada Haiti Action Network [www.canadahaitiaction.ca]
7. Report No. 30882-HT, « Program Document of The
International Development Association to the Executive Directors for an
Economic Governance Reform Operation », World Bank,
(December 10, 2004)
8. DeWayne Wickham, « Payoffs to Haiti's renegade soldiers
won't buy peace », USA Today (January 3, 2005)
9. Jean Saint-Vil, « Please Fix Canada's Policy Towards
Haiti », Letter to Minister Peter McKay, (May 29, 2008)
[www. archivex-ht.com]
10. Jean Saint-Vil. « New Canadian Premier Gets Sound Advice
on Haiti », Letter to Prime Minister Stephen Harper,
(February 6, 2006) [www. windowsonhaiti.com]
11. Cinq pays les moins développés (Haïti, Cap-Vert,
Samoa, Gambie et Somalie) ont perdu plus de la moitié de leurs
professionnels issus des universités ces dernières annes
parce qu'ils sont allés dans les pays industrialisés
à la recherche de meilleurs conditions de vie et de travail.
UNCTAD, « Least Developed Countries Report
2007 : Knowledge, Technological Learning and Innovation for
Development » [www.unctad.org] (July 19, 2007)
12. Discours inaugural du président René Préval,
Haïti (14 mai 2006)
13. Le New York Times semble être mieux connecté
aux vrais pouvoirs qui mènent la danse en Haïti. Ayant
attribué la réduction des prix à M. Préval,
le Times a publié un correctif le 10 avril 2008.
14. Cité dans Robert Muggah, « Securing Haiti's
Transition », Small Arms Survey Occasional Paper no. 14
(October 2005)
15. En entrevue avec le président haïtien René
Préval, mars 2006, Ottawa.
16. « An Inside Look at Haiti's Business Elite, An Interview
with Patrick James », Multinational Monitor
(January/February 1995)
17. HAITI : Fanmi Lavalas Banned, Voter Apprehension Widespread,
Jeb Sprague, IPS (april 17, 2009)
18. Jean Saint-Vil, « Haiti's 'Ambassador' to
Canada », Znet (June 9, 2005) [www.zmag.com.]
19. Reed Lindsay, « Haiti's future glitters with
gold », Toronto Star (July 21, 2007)
20. Maj. J.M. Saint-Yves, « Defining Canada's Role in
Haiti », (Toronto : Canadian Forces College Master of
Defence Studies Research Project, 2006),
[http ://wps.cfc.forces.gc.ca]
21. Marguerite Laurent, « Debt Breeds Dependency Equals
Foreign & Corporate Domination »
[www.margueritelaurent.com], (January 4, 2005)
22. Journal des débats, Chambres des communes, 37e
législature, 3e session (10 mars 2004)
23. Hansard, Débats du Sénat, 2e Session, 37e
Législature (19 mars 2003)
24. « Using NGOs to Destroy Democracy and the Canadian
Military Connection », extraits de : Canada in
Haiti Waging War on the Poor Majority, Yves Engler et Anthony
Fenton. Fernwood Publishing, 2005
25. Peter Hallward, Damming the Flood : Haiti, Aristide and
the Politics of Containment, Verso Books, 2007
26. Kevin Skerrett, « Faking Genocide : Canada's Role
in the Persecution of Yvon Neptune », Znet (June 23, 2005)
[www.zmag.org]
27. Tom Reeves, « Haiti's Disappeared », Znet
[www.Zmag.org] (May 5, 2004)
28. Kevin Pina et Andrea Nicastro, « Interview with Prime
Minister Yvon Neptune », Haiti Action (March 2, 2004)
[www.haitiaction.net]
29. « Canada in Haiti for long run, says PM », Caribbean
Net News (November 19, 2004)
30. Marcella Adey et Jean Saint-Vil, « Human Rights worker
arrested for heckling Prime Minister Paul Martin »,
globalresearch.ca (December 4, 2005)
31. Hansard, 39e Législature, 2e Session, Témoignages,
Comité permanent des affaires étrangères et du
développement international, 3 avril 2008.
32. Major Michael T. Ward, « The Case for International
Trusteeship in Haiti », Canadian Forces Journal,
vol. 7, no. 3 (Autumn 2006)
33. Stephen Baranyi, « What kind of peace is possible in the
post-9/11 era ? », North-South Institute, (October 2005)
34. ICISS (ibid)
35. John Maxwell, « Is Starvation
Contagious ? », Jamaica Observer (April 13,
2008)
36. Michel Vastel, « Haïti mise en tutelle par
l'ONU ? », L'Actualité, (15 mars 2003)
37. Sherene H. Razack, Black Threats & White Knights :
The Somalia Affair, Peacekeeing, and the New Imperialism,
University of Toronto Press, (2004)
38. La responsabilité de protéger. Rapport de la
Commission internationale de l'intervention et de la
souveraineté des États (décembre 2001)
39. Sinclair Stewart, « Facing a food crisis, optimist finds
hope in the dismal science », Globe and Mail
(Wednesday April 30, 2008)
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