Les vieux arrangements ne peuvent pas rétablir l'équilibre dans le système de gouvernement de parti

Cette année est le 30e anniversaire de l'élection fédérale du 25 octobre 1993, qui a profondément changé la politique canadienne. Le Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) a conclu de son analyse de la situation que l'élection a créé un déséquilibre, lequel doit être résolu en faveur du peuple. Pour la première fois dans l'histoire du Canada, le parti au pouvoir n'est plus remplacé par le parti de l'opposition. Dans toute l'histoire du Canada, le gouvernement fédéral a toujours été formé ou bien par le Parti libéral, ou bien par le Parti conservateur, l'autre formant toujours l'opposition officielle. Avec leur défaite retentissante à l'élection de 1993 (ils n'ont obtenu que deux sièges à la Chambre), les conservateurs ont perdu leur statut de parti à la Chambre des communes. Le Bloc Québécois, qui n'est pas un parti pancanadien, est devenu l'opposition nationale officielle, avec le Parti réformiste qui, lui, ne présente aucun candidat au Québec.

Ce déséquilibre a été un autre jalon dans la métamorphose du pouvoir qui a commencé avec le référendum de 1992, lorsque l'électorat canadien a infligé une défaite cuisante à tous les partis de l'establishment en votant « non » à l'accord de Charlottetown.

Dans une conférence de presse le lendemain de l'élection, le dirigeant du PCC(M-L), Hardial Bains, a souligné que toutes les forces politiques seraient désormais très actives à tenter de rétablir l'équilibre parlementaire en leur faveur. Cela signifie que les Canadiennes et les Canadiens doivent devenir très actifs à continuer leur engagement dans la politique générale, à discuter des problèmes concrets auxquels ils sont confrontés au fur et à mesure qu'ils se présentent. L'engagement des Canadiennes et des Canadiens à s'investir du pouvoir de décider de leurs affaires doit être porté dans le cadre de l'établissement d'un nouvel équilibre qui sera en faveur du peuple. Si le peuple ne s'impose pas comme un facteur dans l'équation, les forces de l'establishment rétabliront des arrangements qui favorisent le statu quo de leur domination et de leur réaction : elles vont continuer d'éroder les réalisations du peuple des décennies précédentes et accroître les dangers auxquels lui et la société sont confrontés, au niveau national comme au niveau international. « Un parti qui n'est pas capable d'ouvrir de nouvelles voies dans son pays ne peut pas en ouvrir sur le plan international non plus », a dit le dirigeant du PCC(M-L).

Le quotidien Présent et Avenir a fait le compte rendu suivant de la conférence de presse du 26 octobre 1993 :

« Hardial Bains a également souligné que pour rétablir l'équilibre en leur faveur, les forces de l'establishment deviendront de plus en plus démagogiques, car la base objective de la 'société juste' dont elles parlent n'existe plus. Cette 'société juste' a été créée dans les années 1960, lorsque l'expansion des capitaux américains au Canada a été utilisée pour construire des écoles, des hôpitaux et des infrastructures de toutes sortes. Elle est entrée en crise avec l'avènement de la récession dans les années 1970, avec l'introduction du contrôle des salaires et les compressions dans différents domaines. Ces forces n'ont plus le même intérêt à faire la promotion de la cause de l'égalité politique entre tous les citoyens et résidents, car cela signifie remettre en cause leur mainmise sur le pouvoir politique qu'elles veulent préserver.

« Discutant de la nécessité d'une définition moderne de la citoyenneté, M. Bains a abordé l'impact négatif de diverses forces qui font la promotion de la marginalisation de toutes les sections de la société. La pratique de l'accommodement des élites, qui fait partie du processus politique canadien, dit-il, 'est la politique stratégique de ceux qui veulent maintenir le statu quo'. 'L'accommodement des élites n'est pas en faveur des personnes ghettoïsées. [...] Il faut comprendre que ce n'est pas fait pour aider ces différentes sections de la population. L'accommodement des élites est l'une des armes les plus efficaces de la bourgeoisie pour éloigner les couches moyennes de la classe ouvrière. C'est une arme qui est dirigée contre ces gens qui sont souvent démocrates, éclairés à bien des égards, et qui voudraient voir la situation changer. Car une fois qu'ils sont victimes des accommodements de l'élite, ils perdent leur rôle positif.'

« La situation actuelle comporte une complexité, a souligné Hardial Bains. Les forces de l'establishment ne peuvent pas continuer comme avant, étant donné le déséquilibre qui a été créé, et elles ne peuvent pas non plus surmonter leur crise de crédibilité sur la base de la démagogie et de la création d'illusions qu'elles seront obligées de pratiquer, afin de maintenir les apparences. Cela signifie que les Canadiens doivent s'activer pour apporter eux-mêmes des solutions aux problèmes auxquels ils sont confrontés.

« M. Bains a également souligné que la classe ouvrière n'a joué aucun rôle dans cette élection, tandis que les couches moyennes ont succombé aux tactiques de peur des forces de l'establishment, qui ont dit que l'existence du Canada est menacée par la droite et par les forces favorisant la séparation. Il est reconnu que cela a créé les conditions d'une victoire des libéraux à l'élection, a-t-il dit. Par exemple, le Congrès du travail du Canada 'a joué son rôle habituel'. 'Il a présenté un scénario dans lequel les conservateurs sont l'ennemi principal. Il espérait que les travailleurs choisissent le NPD mais il a échoué.' En fin de compte, dit M. Bains, ces forces, y compris le Comité national d'action sur le statut de la femme et d'autres, ont favorisé l'élection d'un gouvernement libéral. Au Québec, fait-il remarquer, 'les syndicats ont tout misé sur le Bloc et, avec le temps, ils se rendront compte qu'ils ont aussi perdu avec le Bloc car, avec une majorité libérale aussi massive, le Bloc ne peut pas vraiment prétendre à une popularité incontestée, même au Québec.

« Quant à la participation du Parti marxiste-léniniste à l'élection, Hardial Bains a expliqué que le Parti 'a établi son programme et l'a défendu'. Son programme était d''écarter les partis de l'establishment pour les cinq prochaines années'. 'Ce qui s'est passé, c'est que l'équilibre de l'establishment a été ébranlé. La situation ne montre pas que l'establishment a gagné. Son équilibre a été complètement bouleversé [...] Cela veut également dire qu'un nouvel équilibre reste à établir.'

« Reste à savoir dans quelle mesure le Parti et la classe ouvrière seront capables de tirer parti de la situation. Il a appelé tous les membres du Parti à en discuter de manière approfondie afin de pouvoir intervenir efficacement dans la situation. 'Dans cette situation de déséquilibre, a dit Hardial Bains, 'une fois de plus, c'est seulement la classe ouvrière qui peut proposer une alternative, et c'est le socialisme'. 'C'est ce que nous devons faire ressortir par notre travail. En d'autres termes, le débat et le travail pratique doivent commencer tout de suite. Le Parti ne peut en aucun cas se permettre d'être subjectif tout juste parce que le système électoral axé sur l'affrontement est entièrement contrôlé par l'establishment.'

« Ce que cela signifie, a conclu Hardial Bains, c'est que dans la période à venir la classe ouvrière doit se mobiliser pour défendre ses propres intérêts, et elle doit neutraliser les couches moyennes afin qu'elles cessent de soutenir l'establishment et adoptent plutôt des positions favorables à l'ensemble des Canadiens et favorables à la résolution réelle des problèmes de l'économie, de la démocratie et du fédéralisme. 'À cet égard, le Parti ne peut pas se contenter d'aller voir les gens et leur dire que le Parti libéral ne fera rien. Ce n'est pas la question, même s'il faut dire à tout le monde que le Parti libéral ne peut pas résoudre les problèmes de l'économie, du processus politique et de la constitution. Le Parti marxiste-léniniste et tous ceux qui sont politiques doivent faire des propositions pour changer la situation. La première proposition que nous avons soumise est que le problème de l'économie ne peut être résolu que si nous organisons un référendum contraignant sur la direction de l'économie. Les Canadiens ont le droit de décider de la direction de l'économie. Nous ne pouvons pas attendre de voir ce que le Parti libéral va faire.' Le chef du PCC(M-L) a souligné qu'il faut une discussion sur le renouvellement du processus politique et sur la rédaction d'une nouvelle constitution.

« 'Nous devons nous mettre en action sans tarder pour que les travailleurs deviennent un facteur dans l'équation et que l'équilibre s'établisse en leur faveur, et non en faveur de la réaction et du statu quo', a conclu Hardial Bains. »

(Présent et Avenir, 27 octobre 1993)


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Volume 53 Numéro 10 - Octobre 2023

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