Réunion du Brésil, de la Russie, de l'Inde, de
la Chine et
de l'Afrique du Sud (BRICS) en Afrique du Sud
Un sommet historique qui renforce l'unité en faveur de la coopération pacifique et du progrès
Du 22 au 24 août, le groupe
BRICS, composé du Brésil, de la Russie, de l'Inde, de la Chine
et de l'Afrique du Sud, a tenu son 15e sommet de chefs d'États
et de gouvernements à Johannesburg, en Afrique du Sud, sur le
thème : « Les BRICS et l'Afrique : un partenariat pour
la croissance mutuelle accélérée, le développement durable et le
multilatéralisme inclusif ». L'Afrique du Sud préside les
BRICS en 2023 et l'hôte du sommet était le président
sud-africain Cyril Ramaphosa. Il s'agissait du premier sommet en
présentiel depuis 2019.
Représentant les pays membres, y ont participé le président du Brésil Luiz Inacio « Lula » da Silva, le président de la Chine Xi Jinping, le président de l'Afrique du Sud Cyril Ramaphosa, le premier ministre de l'Inde Narendra Modi et le ministre des Affaires étrangères de la Russie Sergueï Lavrov. Le président de la Fédération russe Vladimir Poutine y a participé en ligne. Ont aussi été invités les représentants de l'Association des nations du Sud-Est et des Nations unies. Des représentants de 60 autres pays étaient aussi présents. L'ampleur de la participation internationale était en soi une des caractéristiques principales du sommet cette année.
Dans son discours d'ouverture, le président Cyril Ramaphosa a fait valoir que les BRICS valorisent la solidarité et le progrès, l'inclusivité, un ordre mondial plus juste et équitable et le développement durable. Il a dit que pendant sa présidence aux BRICS, une priorité stratégique a été l'ordre du jour africain tel que reflété dans le thème du sommet cette année. Il a dit : « Nos objectifs sont le commerce et les investissements réciproques. Nous voulons que les biens, produits et services de l'Afrique puissent concurrencer de façon égalitaire au sein de l'économie mondiale. La zone de libre-échange du continent africain, dès qu'elle sera rodée, ouvrira l'accès aux avantages du marché continental et générera des occasions à avantage réciproque pour les pays africains et des BRICS. »
Le principal point à l'ordre du jour du sommet cette année était l'expansion des BRICS, ce qui a été réalisé avec succès. Le ministre des Affaires étrangères de l'Afrique du Sud Naledi Pandor a annoncé à la fin de la première journée de réunions que les dirigeants des BRICS avaient adopté un document d'orientations et de principes encadrant l'expansion du regroupement. « Nous avons accepté de procéder à l'expansion. Nous avons un document que nous avons adopté qui fixe les orientations et les principes, les processus permettant d'évaluer les pays qui désirent devenir membres des BRICS. » Une proposition du premier ministre Narendra Modi voulant qu'un des critères d'adhésion soit qu'aucun membre n'ait été visé par des sanctions internationales n'a pas été adoptée. Cette proposition aurait exclu l'Iran, le Venezuela, Cuba et plusieurs autres.
L'Argentine, l'Égypte, l'Éthiopie, l'Iran, l'Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont été acceptés en tant que membres lors de ce sommet, et leur adhésion entrera en vigueur le 1er janvier 2024. On a aussi demandé aux ministres des Affaires étrangères des BRICS de dresser une liste de pays partenaires potentiels, dans le but de les présenter lors du sommet de 2024.
Seize autres pays ont formellement soumis une demande de faire partie des BRICS. Ce sont l'Algérie, le Bahreïn, le Bangladesh, le Bélarus, la Bolivie, Cuba, le Honduras, l'Indonésie, le Kazakhstan, le Koweït, le Nigéria, la Palestine, le Sénégal, Thaïlande, le Venezuela et le Vietnam. D'autres pays ont aussi exprimé un intérêt à être membre, dont l'Afghanistan, l'Angola, l'archipel des Comores, la République démocratique du Congo, le Gabon, la Grèce, la Guinée-Bissau, le Mexique, le Maroc, le Nicaragua, le Pakistan, le Soudan, la Syrie, le Tadjikistan, la Tunisie, la Turquie, l'Ouganda et le Zimbabwe.
Les questions économiques et la coopération ont été au coeur des discussions, tel que reflété dans la déclaration finale en 94 points. La déclaration finale du sommet des BRICS 2023 présente les résultats des discussions regroupées en six thèmes : Partenariat pour un multilatéralisme inclusif, Promotion d'un environnement de paix et de développement, Partenariat pour une croissance mutuellement accélérée, Partenariat pour le développement durable, Approfondissement des échanges entre les peuples et Développement institutionnel[1].
Le renforcement de la coordination macroéconomique et une plus grande coopération économique ont également été réaffirmés et des plans ont été annoncés visant à améliorer la coopération en agriculture afin d'assurer la sécurité alimentaire. Les pays des BRICS représentent un tiers de la production alimentaire mondiale. La déclaration finale préconise de poursuivre l'expansion des monnaies nationales en commerce et dans les transactions financières entre les pays de l'association afin de réduire la dépendance au dollar américain. Cela fait suite au travail du 14e sommet des BRICS en juin 2022, alors que la proposition de la Russie de créer une nouvelle réserve de devises fondée sur un panier de devises de ses pays membres a été adoptée. La déclaration finale a aussi rejeté les barrières au commerce, dont celles imposées par plusieurs pays développés sous prétexte de lutter contre le changement climatique. Le conflit ukrainien a été mentionné pour souligner l'appréciation des « propositions de médiation » visant à un règlement pacifique de la crise ukrainienne, y compris la mission de maintien de la paix africaine.
Les membres des BRICS, dans leur déclaration finale, réaffirment leur engagement envers le multilatéralisme et le droit international avec les Nations unies en tant que pierre angulaire du système de relations internationales. Ils ont aussi appelé à réformer les Nations unies pour permettre une plus grande représentation des pays en développement, en particulier au Conseil de sécurité, ainsi que les institutions financières de l'Organisation mondiale du commerce et de Bretton Woods, y compris le Fonds monétaire international, qui devraient toutes être réformées pour mieux refléter les intérêts des nations et des peuples du monde. Le sommet des BRICS s'est aussi engagé à favoriser une approche plus équilibrée visant à renforcer et intégrer la voix de ces pays qui forment les soi-disant « pays du Sud » dans l'ordre du jour du G20 au cours de la présidence indienne en 2023 et des présidences brésiliennes et sud-africaines en 2024 et 2025.
Le dernier jour du sommet, le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres « a répété les demandes de réformes de longue date des BRICS au Conseil de sécurité de l'ONU, au Fonds monétaire international et à la Banque mondiale », selon Reuters. Guterres a dit : « Les structures de gouvernance mondiales d'aujourd'hui reflètent le monde d'hier. Pour que les institutions multilatérales soient vraiment universelles, elles doivent être réformées pour refléter les forces et les réalités économiques d'aujourd'hui. »
Le président cubain Miguel Diaz-Canel, en sa qualité de président tournant du G77+Chine, s'est adressé au sommet le dernier jour. Il a qualifié les BRICS de « mécanisme d'intégration qui, en raison de sa nouveauté et de sa diversité, ouvre des perspectives et des espoirs sur la voie du renforcement du multilatéralisme, qui aujourd'hui est aussi urgent qu'essentiel pour le destin même de l'Humanité ». Il a poursuivi :
« J'assiste à ce dialogue avec l'énorme responsabilité que représente pour Cuba le fait d'assurer la présidence du groupe des 77 plus la Chine, le groupement le plus important et le plus diversifié de nations en développement. Nous sommes 134 pays, a-t-il rappelé, les deux tiers des membres de l'Organisation des Nations unies, où vit près de 80 % de la population mondiale, confrontés aux défis colossaux d'un monde de plus en plus inégalitaire, où l'exclusion et la pauvreté se sont multipliées après deux années de pandémies suivies de conflits dramatiques. » « Nous, groupe des 77 plus la Chine et les BRICS », a déclaré Miguel Diaz-Canel, « avons la responsabilité et la possibilité d'agir pour changer cet ordre mondial injuste : ce n'est pas une option, c'est la seule possibilité. ».
Le président cubain a rappelé que la transformation réelle de l'architecture financière internationale actuelle, qu'il a qualifiée de profondément injuste, anachronique et dysfonctionnelle, est une exigence historique du G77+Chine et des BRICS. Il a souligné que la nouvelle banque de développement créée par les BRICS peut et doit devenir une alternative aux institutions financières actuelles, qui imposent depuis près d'un siècle des recettes draconiennes pour profiter des réserves du Sud et reproduire les cycles d'assujettissement et de domination. L'extension de ce mécanisme de réserves de devises étrangères sur une large base peut garantir la certitude et la stabilité au Sud et contribuerait à atténuer les déséquilibres du système monétaire actuel. L'établissement de lignes de crédit mutuelles en monnaies locales par les banques des pays du BRICS et la possibilité de créer une monnaie unique pour leurs opérations, a-t-il ajouté, sont également des initiatives qui pourraient être appliquées dans les relations avec d'autres pays en développement. Cela pourrait réduire le monopole abusif du dollar américain en tant que monnaie de réserve mondiale, qui renforce et garantit une hégémonie préjudiciable au reste du monde.
En ce qui concerne le développement scientifique et la technologie, Miguel Diaz-Canel a appelé à une coordination efficace entre les BRICS et le G77+Chine, pour sauvegarder le principe des responsabilités communes mais différenciées dans la mise en oeuvre de la Convention-cadre et de l'Accord de Paris, et pour que le G77+Chine et les BRICS brisent le monopole d'un club de pays qui contrôlent la plupart des brevets, des technologies, des centres de recherche, et drainent les talents de nos pays. À cet égard, Cuba a demandé la tenue d'un sommet des chefs d'État et de gouvernement du groupe des 77 et de la Chine sur la science, la technologie et l'innovation en tant que prémisses du développement, qui se tiendra en septembre prochain à La Havane.
Le président cubain a conclu en disant : « Nous croyons fermement au pouvoir de l'unité dans la diversité et que le moment est venu d'agir ensemble pour défendre des revendications historiques qui, faute d'avoir été traités à temps, ont multiplié les problèmes auxquels nos nations sont confrontées aujourd'hui. Pour avancer vers un avenir plus juste et plus durable, le temps de l'action collective n'est pas demain, c'est aujourd'hui. »
Le président sud-africain Cyril Ramaphosa a abordé les résultats du sommet dans ses remarques qui ont clôturé l'événement. Il a déclaré qu'avant le sommet, un vaste programme d'affaires des BRICS avait été mis en place afin d'attirer les investissements, de promouvoir la collaboration et de présenter les opportunités en Afrique du Sud, en Afrique et dans les pays des BRICS. « Nous saluons la vision claire de Dilma Rousseff en tant que présidente de la Nouvelle banque de développement sur le rôle que la banque devrait jouer pour soutenir les infrastructures et le développement durable en Afrique et dans les pays du Sud. Nous avons célébré le 10e anniversaire de la création du Conseil des affaires des BRICS et nous nous sommes félicités de l'auto-évaluation du Conseil et des recommandations qui en ont découlé pour les dirigeants, a-t-il déclaré. Nous avons parlé de nos attentes concernant le partenariat économique des BRICS, qui doit générer des avantages tangibles pour nos communautés et apporter des solutions viables aux défis communs auxquels le Sud est confronté. Nous avons partagé notre vision des BRICS en tant que défenseur des besoins et des préoccupations des peuples du Sud. Il s'agit notamment de la nécessité d'une croissance économique bénéfique, d'un développement durable et d'une réforme des systèmes multilatéraux. Nous réitérons notre engagement en faveur d'un multilatéralisme inclusif et du respect du droit international, y compris les objectifs et les principes inscrits dans la Charte des Nations unies. »
Cyril Ramaphosa a déclaré que les BRICS reconnaissent qu'il existe une dynamique mondiale en faveur de l'utilisation de monnaies locales, d'arrangements financiers alternatifs et de systèmes de paiement alternatifs, et qu'ils sont prêts à explorer les possibilités d'améliorer la stabilité, la fiabilité et l'équité de l'architecture financière mondiale. Le sommet, a-t-il dit, a convenu de charger les ministres des Finances et/ou les gouverneurs des banques centrales des BRICS, selon le cas, d'examiner la question des monnaies locales, des instruments de paiement et des plates-formes et de faire rapport aux dirigeants des BRICS d'ici le prochain sommet.
En ce qui concerne l'expansion des BRICS, le président Ramaphosa a déclaré : « Les BRICS eux-mêmes sont un groupe diversifié de nations. Il s'agit d'un partenariat égal entre des pays qui ont des points de vue différents, mais qui partagent la même vision d'un monde meilleur. »
La présidence des BRICS passe à la Russie en 2024 et le prochain sommet se tiendra dans la ville de Kazan, en Russie.
Note
1. Voir la déclaration complète (en anglais)
Cet article est paru dans
Volume 53 Numéro 9 - Septembre 2023
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