Multiplication des menaces américaines en
Asie-Pacifique
et développements connexes
Le Sommet du Camp David entre les États-Unis, le Japon et la Corée du sud
Le 18 août, le Conseil de l'Atlantique nord, qui prétend être « une organisation non partisane qui galvanise le rôle dirigeant des États-Unis et son engagement dans le monde, en partenariat avec leurs alliés et partenaires, pour trouver des solutions aux défis mondiaux », était heureux d'annoncer son compte-rendu du Sommet entre les États-Unis, le Japon et la Corée du sud qui a eu lieu à la résidence de villégiature du président américain à Camp David.
« Le président des États-Unis Joe Biden a accueilli le tout premier sommet trilatéral rassemblant les dirigeants des États-Unis, du Japon et de la Corée du sud à Camp David au Maryland. Biden a convié à ce sommet le premier ministre japonais Fumio Kishida et le président sud-coréen Yoon Suk Yeol dans le but de cimenter un ordre du jour de sécurité commune entre les trois pays pour dissuader la Chine et la Corée du nord. Le sommet s'est achevé par une déclaration commune décrite comme 'l'esprit de Camp David', ainsi que par un engagement commun de se consulter mutuellement sur toute question de menaces à la sécurité », rapporte le Conseil de l'Atlantique nord.
Le commentateur politique Alexandre Vorontsov, dans un article intitulé « La réincarnation du triangle États-Unis-Japon-Corée du sud », résume le sommet comme « un phénomène qualitativement nouveau et différent dans l'arène international, qui est fondamentalement différent de la structure tripartite, au sujet de laquelle de nombreux spécialistes de renommée internationale ont déjà écrit. Il y a en effet lieu d'y percevoir une véritable transformation de l'organisation, qu'on décrivait jusqu'alors comme une 'structure de coalition', en un pacte de sécurité militaro-politique en bonne et due forme. » Les documents produits au sommet sont de très grande envergure en termes de perspectives et de contenu, écrit l'auteur, qui ajoute que ce qui est en train d'être créé mérite une analyse détaillée.
Ayant identifié ce qu'il considère comme étant les points principaux, l'auteur note que les États-Unis considèrent la rencontre elle-même et ses résultats comme « un succès évident et retentissant de diplomatie américaine ». Il écrit : « Washington, ayant exercé une pression aussi dure que celle exercée en Europe, où il se targue de la rapidité et de l'efficacité par lesquelles il a mobilisé et subordonné ses partenaires de l'OTAN en une seule volonté alliée, se targue aussi d'avoir réussi à 'mettre au pas' ses alliés en Asie de l'Est. » Selon le commentateur, « en moins d'un an, l'administration Biden a réussi à convaincre le Japon et la Corée de mettre de côté leurs différends pérennes et de se concentrer sur ce que les États-Unis considèrent être les menaces communes. » Un exemple de « différends pérennes » est « le fait que les deux nations sont perçues comme étant les principales alliées des États-Unis en Asie-Pacifique, en dépit du fait qu'elles ne réussissent même pas à s'entendre sur le nom de la mer qui les sépare. »
Alexandre Vorontsov écrit que « l'une des caractéristiques fondamentales qui ressort du nouveau pacte est que, tandis qu'antérieurement il était perçu comme un instrument de deuxième ordre consacré exclusivement à la région de l'Asie du Nord-Est avec le regard tourné vers la Corée du nord, maintenant sa principale mission est devenue mondiale et se définit comme étant de soutenir les tâches stratégiques des alliés des États-Unis partout dans la région indopacifique. » Le document « L'esprit du Camp David » affirme : « Notre partenariat n'existe pas que pour nos peuples, mais pour toute la région indopacifique. »
L'auteur souligne que Washington continue avec une énergie indomptable de bâtir une nouvelle architecture mondiale d'alliances militaro-politiques sous son contrôle direct, le long des périmètres des frontières de la Russie et de la Chine, unifiant l'infrastructure de sécurité de l'océan Atlantique à l'océan Pacifique pour en faire une infrastructure énergétique autonome [...] ce que nous voyons déjà 'sur le terrain', » écrit Vorontsov. « Au Camp David, Washington a réussi à rapprocher Tokyo et Séoul de son ordre du jour stratégique et principalement antichinois, surmontant toute hésitation, tout désir de la part de Tokyo et, plus encore, de Séoul, de ne pas être en brouille avec Pékin. La Maison-Blanche a réussi à les convaincre d'emboîter le pas à un niveau supérieur en les ralliant à son programme stratégique. »
L'auteur ajoute : « Bien sûr, les documents du sommet foisonnaient de prises de positions condamnant les actions de [la République populaire démocratique de Corée (RPDC)] et mettant de l'avant des plans visant à neutraliser ses capacités militaires, y compris l'annonce de la création d'un nouveau groupe de travail trilatéral pour intensifier la coopération, de pair avec la communauté internationale, pour combattre les menaces cybernétiques de la RPDC et entraver ses opérations cybernétiques. Les trois pays se sont engagés à tenir des exercices militaires conjoints au moins une fois l'an, ainsi que des sommets, etc. [...] Il est évident que la plus récente exigence voulant que Pyongyang se dénucléarise, ce qu'évidemment elle juge inacceptable, confirme le fait que la troïka n'a aucun plan ou intention d'entamer un véritable processus de négociations avec la RPDC. »
Pour résumer, Vorontsov souligne que « le principal résultat du sommet, selon nous, est 'un grand pas de l'avant' dans la mise en oeuvre de la stratégie américaine de créer une architecture militaro-politique unifiée de l'océan Atlantique à l'océan Pacifique. Nous pouvons y voir une profonde transformation de l'alliance États-Unis-Japon-Corée du sud et des efforts incessants pour l'institutionnaliser au maximum, ce qui mérite d'être le sujet d'une étude indépendante. En outre, le but de ces actions est clair – elles visent à renforcer cette infrastructure dans le but d'intensifier la confrontation avec la RPDC, la Chine et la Russie. »
Pour ce qui est des « experts du Conseil de l'Atlantique nord de l'OTAN », les chercheurs de l'Initiative de sécurité indopacifique du centre Scowcroft, ils soulignent que la nouvelle administration de la Corée du sud, avec sa nouvelle approche vis-à-vis la politique étrangère et ses relations avec les États-Unis, a « créé une occasion historique et l'administration Biden a bien fait de la saisir ». Du même coup, ils font valoir que la prudence est de mise puisque « malgré l'optimisme généré par une telle réalisation, il serait sage de reconnaître que de tels moments ne durent pas éternellement ».
Un chercheur, qui est aussi professeur adjoint et coordonnateur de projets à l'Université de Tokyo ainsi que chercheur principal associé au Forum du Pacifique, écrit qu'il ne s'agit pas de la « première tentative des États-Unis, du Japon et de la Corée du sud d'institutionnaliser la coopération trilatérale », mais, en déduit-il, « cette fois, c'est différent ». Il écrit : « Les trois dirigeants tentent d'adopter de manière autoritaire une institutionnalisation de la coopération trilatérale ayant un cycle de vie qui ne dépendra pas d'administratives successives. »
Il dit que les trois pays doivent maintenant agir de façon décisive pour « élargir leurs opérations au-delà de la défense antimissile ou de combats anti-sous-marins. Ces domaines pourraient inclure le renseignement, la surveillance et la reconnaissance; les combats de mines navales; les combats cybernétiques et électroniques; l'espace; l'évacuation de leurs citoyens respectifs; et la logistique. Pour y arriver, ils devront formuler des stratégies trilatérales et une coordination opérationnelle sans faille. Cela nécessitera aussi la création d'un groupe consultatif trilatéral sur le nucléaire, des exercices réguliers et l'envoi trilatéral d'agents de liaison, et des efforts pour assurer une comptabilité et une interopérabilité technique. »
Un autre de ces experts, un ancien PDG d'une société japonaise et représentant du département d'État américain, aurait déclaré que le sommet reflète « un effort majeur pour créer un précédent ». Il écrit : « Nous pouvons voir une coopération et une coordination consolidées dans une foule impressionnante de domaines d'intérêt mutuel, dont les réunions trilatérales annuelles institutionnalisées par les dirigeants et les membres de cabinets. Les pays se sont engagés à travailler ensemble pour promouvoir la sécurité maritime et la sécurité économique (y compris la résilience de la chaîne d'approvisionnement) » et « la lutte contre les menaces cybernétiques nord-coréennes et son évasion des sanctions, la coopération en défense antimissile, et la tenue de manoeuvres militaires trilatérales. »
Manifestation antiguerre au Japon, 3 mai 2022
Une autre « universitaire de l'OTAN » écrit : « Contrairement à une certaine spéculation à l'effet que la déclaration trilatérale sur la Chine et l'Indopacifique n'apporterait que des changements négligeables en raison de la position de la Corée du sud entre les États-Unis et la Chine, l'institutionnalisation et la consolidation de la coopération trilatérale en sécurité économique signale une nouvelle étape de valeurs et d'engagements communs. »
Un chercheur ayant vingt ans d'expérience dans l'armée américaine dit : « Reste à voir si cette coopération pourra permettre au groupe d'avoir un accès illimité à des semi-conducteurs haut de gamme au moment voulu : pendant un conflit régional armé. Au cours d'un conflit régional, les États-Unis doivent assurer un accès illimité à des semi-conducteurs particulièrement haut de gamme, afin de respecter ses garanties de sécurité et de défense envers le Japon, la Corée du sud et Taïwan. [...] Même si le fabricant géant de l'industrie des semi-conducteurs TSMC et son compétiteur Samsung ont promis d'investir dans de nouvelles usines de fabrication à l'étranger, ils vont vraisemblablement maintenir la production de semi-conducteurs bon marché et haut de gamme à domicile. Puisque les usines de fabrication sont spécialisées, elles sont incapables de simplement passer de la production de semi-conducteurs à bon marché à des puces haut de gamme suite à une crise ailleurs. Ainsi, la déclaration commune annonçant que les trois travailleront ensemble 'pour lancer des projets de système d'alerte précoce pour élargir le partage de l'information et améliorer la politique de coordination en prévision de bris possibles aux chaînes d'approvisionnement mondiales' sera un important pas de l'avant pour garantir l'accès aux semi-conducteurs haut de gamme en cas de crise. Mais les trois États, y compris Taïwan, devront travailler ensemble pour favoriser la flexibilité de la chaîne d'approvisionnement. »
Un chercheur qui est aussi avec le Conseil de l'Atlantique nord sur la question de la Chine ajoute : « La coopération tripartite grandissante entre les États-Unis, le Japon et la Corée du sud pour l'Asie du Sud-Est et les îles du Pacifique, les deux étant devenus d'incontournables arènes de concurrence géopolitique entre la République populaire de Chine, les États-Unis et les alliés et partenaires de ces derniers – le Japon, la Corée du sud, l'Inde, l'Australie et d'autres [...] contribuera à ce que les États-Unis, leurs alliés et partenaires puissent faire des avancées dans leurs objectifs stratégiques et ainsi faire progresser le développement et la prospérité en Asie du Sud-Est et les îles du Pacifique. »
Manifestation à Séoul, Corée, à l'occasion du 70e anniversaire
de la signature de l'armistice qui a mis fin à la guerre de
Corée, 23 juillet 2023
Le peuple coréen et les peuples du monde exigent que les États-Unis signent un traité de paix permanent avec la RPDC, qu'ils cessent de la menacer d'holocauste nucléaire, qu'ils cessent tout exercice militaire agressif qui menace la RPDC et les peuples de toute la région, qu'ils cessent leurs préparatifs de guerre qui considèrent que les Taïwanais, les Japonais, les Coréens et les autres peuples sont jetables et que les troupes, les navires de guerre, les sous-marins et les avions de guerre américains retournent chez eux. Le temps est venu pour les peuples du monde de s'unir dans l'action et de s'imposer comme force décisive pour réaliser leur désir de paix, de liberté et de démocratie.
Cet article est paru dans
Volume 53 Numéro 9 - Septembre 2023
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