Entrevue avec les dirigeants du Parti marxiste-léniniste du Québec

Sur la démocratie et la constitution

– Alliance pour une constituante citoyenne du Québec –

Dans le texte qui suit, Christine Dandenault, cheffe du PMLQ, et Geneviève Royer, dirigeante, répondent aux questions de l'Alliance pour une constituante citoyenne du Québec (ACCQ).

Alliance pour une constituante citoyenne du Québec : Quelle est votre définition de la démocratie ?

Réponse : Tout d'abord, je veux remercier l'ACCQ pour cette initiative de faire des entrevues sur la démocratie et la constitution, et pour le travail que vous faites. Créer l'espace pour en discuter, recueillir des points de vue et mener cette discussion sur la place publique, c'est très précieux.

Pour notre Parti, l'établissement d'une démocratie moderne passe par l'abolition de la monarchie. Et une démocratie moderne est celle qui investit le peuple lui-même du pouvoir souverain de gouverner et de décider de toutes les questions qui le concernent, dont la direction de l'économie, et non les représentants des riches.

La démocratie aujourd'hui est en crise et la constitution est totalement désuète. Cela a été clairement exposé avec le décès de la reine Élizabeth II et plus encore lors de l'assermentation du roi Charles III. Personne n'a pu fermer les yeux sur le fait que le Canada est une monarchie constitutionnelle, que Trudeau a applaudi le nouveau monarque, son souverain, et que ce n'est pas qu'un simple symbole !

C'est « le peuple » qui doit définir « le peuple », et non l'État, établi par l'empire britannique d'autrefois, perpétué par ceux qui bénéficient des structures de pouvoir et de privilèges qu'il a établies.

À l'automne dernier, le refus du Parti québécois de prêter allégeance à la monarchie britannique a été largement appuyé par la population. Cela a été un pas en avant. Cette monarchie britannique est non seulement une relique archaïque, désuète et rétrograde d'une autre époque, elle est aussi l'expression concrète du fait que la souveraineté de la nation québécoise, des Premières Nations et du peuple canadien est niée par l'Acte de l'Amérique du Nord britannique.

ACCQ : Selon vous, quelles sont les causes de la perte de confiance de la population face aux instances politiques ?

Réponse : La cause principale est que les gens ont l'expérience que tous les partis à l'Assemblée nationale défendent les mêmes arrangements qui les excluent du pouvoir. Même si les partis ont des différences ici et là dans leur programme respectif, ils sont unanimes à refuser un renouvellement du processus de prise de décision pour qu'il soit entre les mains du peuple.

On entend chaque jour ces partis clamer qu'ils représentent le peuple du Québec, alors que son point de vue et ses demandes de changement sont totalement absents.

Pensons juste à ce que représente le droit de vote aujourd'hui. Il ne veut plus dire grand-chose, car il ne donne aucun pouvoir sur les prises de décision. Il ne change pas la direction de l'économie. Il ne change pas l'application par les gouvernements de l'agenda néolibéral et antisocial de payer les riches. Il permet uniquement de voter une fois tous les quatre ans pour remettre à d'autres le pouvoir de décider, en notre nom, pour un programme qui attaque les individus et les collectifs et sert une petite minorité. Alors bien sûr, il y a perte de confiance.

ACCQ : Dans les discussions sur une nouvelle constitution, un questionnement revient souvent quant à l'imputabilité des politiciens élus par rapport à leurs engagements électoraux. Quelle est votre position ?

Réponse : Cette année est le 32e anniversaire des derniers rapports officiels sur la désaffection politique générale et le mécontentement des Canadiens à l'égard du processus électoral qui les prive de leurs moyens d'action. La Commission Spicer sur l'avenir du Canada a présenté ses conclusions au cabinet conservateur Mulroney en juin 1991. La Commission royale sur la réforme électorale et le financement des partis a suivi, présentant son rapport et ses recommandations en novembre 1991. Les deux commissions ont fait état du mécontentement des citoyens à l'égard des politiciens, des partis politiques et du Parlement. Les citoyens ont demandé qu'il soit mis fin à la concentration du pouvoir de décision entre les mains de quelques-uns. De nombreuses personnes ont présenté aux commissions des propositions en faveur d'une assemblée constituante qui permettrait au peuple de rédiger et d'approuver sa propre constitution et sa propre loi électorale.

Plus récemment au Québec, la perte de confiance des électeurs dans les institutions a été soulevée entre autres à la suite des révélations de la Commission Gomery sur le scandale des commandites en 2004 et des révélations de la Commission Charbonneau en 2015. Des lois ont été adoptées depuis entre autres sur le financement politique. Elles n'ont pas donné plus de crédibilité aux institutions démocratiques. Au contraire. Plus les changements proposés resserrent la vis de l'État sur les partis politiques, plus ceux-ci deviennent des appendices de l'État, portant atteinte au droit d'association, de conscience, au droit à un vote informé, au droit d'élire et d'être élu et à celui de participer à la gouvernance des citoyens.

Alors nous disons que ce processus doit être modernisé pour que ce soient les citoyens qui choisissent les candidats, définissent eux-mêmes le programme du gouvernement sur la base de la défense des droits de toutes et tous, que le financement de la vie politique soit assuré par les fonds publics – financer le processus, pas les partis, etc.

ACCQ : Reconnaissez-vous l'influence des lobbies sur les politiques ?

Réponse : Les lobbies et les politiques qui l'entourent sont un aveu que l'orientation de l'économie est entre les mains des grands intérêts privés. C'est déjà une corruption à la base et, au nom de la transparence, les lois et règlements encadrant le lobbyisme rendent tout simplement légale cette corruption.

Aujourd'hui, nous sommes témoins des instances supranationales qui décident des politiques que les gouvernements doivent suivre pour payer les riches. Cela signifie la privatisation du domaine politique. Il s'agit de la prise en charge directe des fonctions du gouvernement et de l'État par des intérêts privés étroits.

Pratiquement, les gouvernements du Canada et des provinces, dont le Québec, intègrent les ressources du pays à la machine de guerre américaine et à son économie. Par exemple, c'est l'OTAN qui dicte l'augmentation du budget canadien des dépenses militaires.

Pendant ce temps, le Canada crée toute une hystérie anti-Chine sur les prétendues activités d'espionnage et d'ingérence chinoises, mais n'a aucun problème avec cette domination du Canada par l'économie de guerre contre les intérêts des peuples. Cela montre qu'il y a de grandes contradictions au sein de ces instances et c'est très dangereux pour le peuple au Québec et au Canada.

ACCQ : Que pensez-vous de l'influence des réseaux supra gouvernementaux (ONU, OMS, UNESCO, etc.) sur nos politiques ?

Réponse : L'ONU a été fondée à San Francisco le 24 octobre 1945 dans le but de prévenir un autre conflit comme celui de la Deuxième Guerre mondiale. À sa création, elle comptait 51 États membres; il y en a maintenant 193. Aujourd'hui, l'ONU a besoin de réformes majeures pour que son mandat de paix puisse être respecté. Au lieu de cela, le Conseil de sécurité est soumis à l'intimidation et au chantage des grandes puissances et il ne défend pas les droits des pays et des peuples du monde, grands ou petits. C'est pourquoi elle doit être réformée pour réaliser les principes de sa Charte qui s'opposent à l'agression et à l'ingérence dans les affaires des États membres et à l'affirmation des droits de toutes les nations.

ACCQ : Quelles sont vos propositions pour diminuer l'impact des lobbies ?

Réponse : On mettra fin à la corruption en prenant des mesures pour affirmer, et non pas nier, la liberté d'association, le droit de conscience, le droit à un vote informé, le droit d'élire et d'être élu, le droit de participer directement à la gouvernance.

ACCQ : Est-ce que des comités citoyens tirés au sort pourraient faire en sorte de diminuer les conflits d'intérêts des gouvernants ?

Réponse : À prime abord, tout nouveau processus politique est positif dans le sens de donner une nouvelle expérience au peuple à exercer la démocratie. Votre préoccupation de former des comités citoyens est intéressante parce qu'il faut trouver de nouvelles manières de faire aujourd'hui, de nouvelles formes qui changeront la situation. Il faut des réformes qui vont habiliter le corps politique à participer à la vie politique. Le système politique est organisé pour maintenir les citoyens en marge des décisions, en spectateurs et masse votante. La marginalisation des électeurs, du corps politique et de leurs préoccupations lors d'une élection et dans la vie de tous les jours est un problème crucial à résoudre.

Une des mesures à prendre est que l'État finance le processus électoral à 100 % plutôt que de financer les partis. La réalité d'aujourd'hui est que l'État finance à 90 % les partis politiques avec les fonds publics. Le prétexte donné est que c'est pour combattre la corruption et offrir de la transparence. Mais en fait, c'est un mécanisme de corruption, car les partis politiques sont des entités privées qui devraient se financer par leurs membres et non l'État.

Les fonds publics devraient servir à encourager l'électorat à participer à la vie politique, à lui fournir les noms de tous les candidats et l'information sur leur programme et toutes sortes d'autres initiatives pour que les gens puissent décider par eux-mêmes.

ACCQ : À quel point la polarisation est-elle un problème dans notre société ?

Réponse : La division est la base même de l'Acte d'union de l'Amérique du Nord, qui est appelé Constitution du Canada : divisions entre peuples fondateurs et autochtones, entre le Québec et le reste du Canada, entre les travailleurs et les nouveaux arrivants, etc. Ces divisions ont entre autres pour but d'étouffer l'opinion publique qui considère que tous ont des droits égaux et que cela doit se refléter dans la Constitution d'un pays et dans ses arrangements politiques.

Elle sert à maintenir le peuple hors du pouvoir, alors qu'aujourd'hui la solution est dans la création de nouvelles formes et d'un nouveau contenu qui habilitent le peuple à gouverner et à décider. C'est la société, avec son ensemble de relations humaines, qui est la base de l'État, et non l'inverse. La Constitution ne définit pas la démocratie et l'appareil d'État qu'elle met en place ne la définit pas lui non plus. Au contraire, ce sont la société et ses relations qui le font. Changer ces relations de pouvoir est une partie intégrante de la réalisation du changement qui avantage le peuple.

Les Québécois ont besoin de pouvoir développer entre eux et avec l'ensemble de l'humanité des rapports sociaux modernes et centrés sur l'être humain.

ACCQ : Selon vous, quels enjeux pourraient être retirés de la partisannerie ?

Réponse : Le Larousse donne la définition suivante de la partisannerie : « Au Québec, attitude d'une personne qui témoigne d'un attachement exclusif à un parti politique et d'un point de vue partial en sa faveur. »

Partisan ne veut pas nécessairement dire partisan pour un parti politique. Partisan veut dire défendre les causes qui nous semblent importantes. Par exemple, on vient de connaître une période de la pandémie où les gouvernements notamment ont procédé par arrêtés ministériels dans le domaine de la santé. Cela a eu un impact énorme sur la démission de milliers d'infirmières. Lorsque sont arrivés les élections, le seul moyen de faire entendre leurs réclamations a été de s'associer à un parti politique ou un candidat. On leur dit : vous devez vous constituer en tiers partie, obtenir l'autorisation d'Élections Québec avec beaucoup de limitation. Une élection devrait être l'occasion pour tous de participer à la discussion à partir des réclamations qu'ils sont en droit de faire. L'élection ne le permet pas. Seuls les partis ont le haut du pavé. À notre avis, il faut plutôt encourager une grande participation des citoyens et, même à l'intérieur de la Loi électorale, trouver toutes les possibilités pour que les gens parlent eux-mêmes et pour eux-mêmes. Cela va aider la démocratie.

ACCQ : Comment améliorer la transparence des gouvernements ?

Réponse : La transparence est une fraude si elle n'est pas associée à une reddition de compte envers la population ou les collectifs touchés par les décisions prises.

Aujourd'hui, plus les gouvernements parlent de transparence, plus il faut s'en méfier, car cela signifie que plus les décisions sont prises derrière des portes closes.

Au nom de la transparence, Élections Québec exige le nom des donateurs des partis et toute l'information à leur sujet afin de déterminer si c'est vraiment eux qui ont donné l'argent ou quelqu'un d'autre. La liberté d'association, qui est une question de conscience individuelle, est devenue une affaire contrôlée par l'État.

Au nom de la transparence, lors de son premier mandat, le gouvernement Legault s'était vanté de publier son agenda quotidien et ceux de ses ministres. Ça ne change rien de savoir où et à quelle heure sont les ministres si on n'a pas de contrôle sur les marchandages qu'ils vont faire avec des intérêts privés ou sur les décisions qu'ils vont prendre en toute impunité !

ACCQ : En quoi les partis politiques sont-ils plus compétents que le peuple pour organiser sa destinée ?

Réponse : La sagesse populaire dit le contraire ! Les gens ont un mépris pour les gros partis qui parlent en leur nom pour un autre ordre du jour. La vieille politique de promesses et de privilèges n'est pas du tout populaire !

En temps d'élections par exemple, les partis politiques financés par l'État, les entreprises de relations publiques et de marketing, les groupes de réflexion néolibéraux et les plus grands monopoles et cartels contrôlent le choix des candidats et décident des questions qui doivent dominer dans l'élection et les médias de masse. Dans le processus électoral lui-même et les médias de masse, le corps politique et ses collectifs ne jouent aucun rôle dans la décision des enjeux officiels et de ce qu'un gouvernement élu doit faire pour assumer ses responsabilités sociales envers le peuple et la société, et rendre des comptes s'il ne le fait pas.

Un parti politique, comme n'importe quelle institution, doit répondre aux exigences du XXIe siècle, où le peuple doit exercer sa souveraineté en tout chose. Parce qu'il organise les travailleurs et le peuple à exercer le pouvoir et y dédie ses ressources, la population reconnaitra son utilité et sa pertinence. C'est notre opinion.

Notre parti existe depuis 34 ans. Nous ne nous considérons pas plus compétents que le peuple. Nous sommes une force organisée dont le travail consiste à jouer notre rôle dans cette bataille pour que la classe ouvrière se constitue en la nation et investisse le peuple du pouvoir souverain. C'est aux travailleurs et aux jeunes de trouver une voie pour le Québec et le Canada, de trouver où se trouve leur avenir dans le monde d'aujourd'hui et de demain, et notre parti se dédie à jouer son rôle dans cette direction.

ACCQ : Quelles solutions proposez-vous pour une gouvernance juste et démocratique ?

Réponse : Tout d'abord, le processus électoral doit être changé pour que les personnes désirant se porter candidates soient sélectionnées par leurs pairs, là où elles se présentent. Les partis politiques peuvent présenter des candidats, mais ce seraient les électeurs d'une circonscription, lors d'assemblée électorale, qui choisiraient les candidats dont les noms apparaîtront sur le bulletin de vote. Les ressources du Directeur général des élections du Québec devraient servir par exemple à l'organisation de ces assemblées et à faire connaitre les candidats et le programme qu'ils comptent défendre.

Alors, pour notre part, nous organisons des rencontres et discussions pour déterminer comment les choses se présentent alors que l'offensive antisociale continue d'imposer un énorme fardeau au peuple et à la société. C'est un des fronts d'organisation les plus importants dans la période à venir.

Votre travail de mettre sur la place publique la discussion sur la démocratie et la constitution est très pertinente pour informer tout le monde, pour trouver des solutions en ce sens.

ACCQ : Quelle est votre opinion sur une assemblée constituante citoyenne non partisane ?

Réponse : Le PMLQ accorde une attention particulière à la nécessité de renoncer à l'ordre constitutionnel actuel et d'élire une assemblée constituante sur une base démocratique qui crée une structure où tous les citoyens sont égaux et qui peut confier la souveraineté au peuple sur une base moderne.

C'est l'occasion de reconnaître la nécessité d'établir une assemblée constituante sur une base démocratique chargée de rédiger une Constitution moderne pour remplacer celle qui a servi à fonder le Canada dans les conditions de 1867 et de sa prétendue modernisation en 1982. L'incorporation d'une Charte des droits et libertés en 1982 a tout simplement rappelé qu'un pouvoir supérieur au peuple définit les limites auxquelles les droits sont soumis. Ces limites profitent à des intérêts privés étroits et maintiennent le peuple dans l'incapacité d'agir.

Oui, et l'assemblée constituante doit être chargée de rédiger une constitution moderne qui reconnait les droits et devoirs de tous et toutes et d'éliminer toute trace de la monarchie. Cela inclut également la nécessité de faire du Québec une zone de paix et de soutenir ceux qui luttent pour la défense des droits de toutes et tous.


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Volume 53 Numéro 8 - Août 2023

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