Les travailleurs continuent de se battre pour la santé et sécurité au travail

– Félix Lapan –


Le contingent de l'UTTAM lors de la manifestation à l'Assemblée nationale du Québec contre le projet de loi 27, 30 septembre 2021

Félix Lapan est organisateur communautaire avec l'Union des travailleuses et travailleurs accidentés ou malades (UTTAM). Cette intervention a été faite lors d'une manifestation à Montréal le 6 avril dernier contre la loi 27 du gouvernement du Québec, Loi modernisant le régime de santé et de sécurité du travail, adoptée le 6 octobre 2021.

Nous allons continuer de crier haut et fort que cette réforme qu'on nous a imposée n'est pas celle qu'on voulait. Ce qui entre en vigueur aujourd'hui, ce sont des dispositions qui chamboulent le système de contestation des décisions à la Commission des normes, de l'équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST). Ce sont des changements qui vont rendre les choses plus compliquées. Il sera plus difficile qu'avant de suivre les dossiers des accidentés du travail. Cela va créer de la confusion et cela risque d'entraîner des pertes de droits.

Ceci est totalement inacceptable et il faut le dénoncer. On n'est pas ici seulement à cause de ce qui change, on est ici aussi à cause de ce qui ne change pas. Il faut continuer de se battre et de dénoncer ce système. C'est un système ultra judiciarisé. Les employeurs au Québec, plus que n'importe où ailleurs au Canada, ont investi, non pas dans la prévention des lésions, mais dans la contestation des lésions. Chaque année, des milliers de victimes d'accidents au travail et de maladies du travail sont forcées d'aller au Tribunal administratif du travail pour défendre leur droit à des indemnités et à des traitements contre les contestations abusives des employeurs et les décisions injustes de la CNESST. Imposer un parcours du combattant à des gens qui sont atteints dans leur chair et dans leur santé à cause du travail, cela doit être fermement dénoncé. Il faut que ça change.

Le problème, c'est qu'on a créé un régime qui donne aux employeurs des pouvoirs illimités de contestation. C'est un régime qui les incite à contester chaque décision, à contester les lésions, les droits aux médicaments et au traitement médical. Ils contestent à répétition l'avis de nos médecins, nos droits à la réadaptation. C'est inacceptable qu'on soit constamment forcé de se défendre au tribunal pour des lésions évidentes et pour des droits qui sont inscrits noir sur blanc dans la loi.

Qui assume ces coûts-là qui sont causés par le refus de reconnaître les droits des travailleurs accidentés rendus malades par le travail ? Les travailleurs syndiqués ont la chance d'avoir d'excellents services de défense pour leurs droits. C'est une bonne chose que le mouvement syndical a construit des services pour défendre ses membres au tribunal. Les gens qui ne sont pas syndiqués doivent parfois hypothéquer leur maison, s'endetter ou alors renoncer à des droits à cause de la contestation par les employeurs.

Pour les employeurs, évidemment, contester à répétition les décisions est une façon de contrôler les coûts. Pour certains employeurs, c'est même une façon, dans plusieurs milieux de travail, d'intimider les travailleurs. C'est une façon de faire passer le message qu'il ne faut pas faire de réclamations, que si tu as un accident de travail, c'est mieux pour toi d'aller au chômage parce que si tu vas à la CNESST, c'est certain que tu vas te retrouver devant le tribunal. Cela n'a aucun sens. Pour plusieurs employeurs c'est la seule « prévention » de lésions qui va se faire. On va tout contester, il va y en avoir moins qui sont acceptées et on va intimider les autres.

Le Québec n'a même pas de services publics d'information et de représentation pour les victimes de lésions professionnelles, financés par les fonds des régimes d'indemnisation des lésions professionnelles, comme il en existe dans d'autres provinces et dans les territoires. Pourtant le Québec est la province où le régime de santé et sécurité au travail est le plus judiciarisé, l'endroit où il y a le plus de contestations, et de contestations patronales en particulier, devant le tribunal.

Il faut changer le système. Il faut moins de contestation et plus de prévention des lésions. Les employeurs ne le feront pas d'eux-mêmes. Cela prend une loi qui leur impose de faire plus de prévention et qui limite leur pouvoir de contestation. C'est pour toutes ces raisons-là entre autres qu'on va continuer de se mobiliser, de manifester, de dénoncer et de mettre la pression pour obliger les employeurs à prévenir non pas les coûts des dossiers mais prévenir les lésions elles- mêmes.

On va continuer de se battre pour qu'en cas d'accidents ou de maladies du travail, les travailleurs n'aient pas à vendre un bras pour être indemnisés pour une blessure à l'autre bras.

On continue de lutter jusqu'à ce que nos droits en santé et sécurité soient respectés.


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Volume 53 Numéro 5 - Mai 2023

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