Entrevues

Cette offre ne fait rien pour rattraper ce qu'on a perdu depuis environ 20 ans

Forum ouvrier : Le 12 décembre dernier, le gouvernement du Québec a présenté ses offres aux représentants syndicaux dans le cadre des négociations des conventions collectives des travailleurs et travailleuses du secteur public. Quelle est l'opinion de la FSSS sur ces offres ?

Jeff Begley : Il est clair que l'offre est déconnectée des besoins du terrain. Nous avons des problèmes de rétention et d'attraction d'employés/es, et cela dans toutes les catégories de travail dans le secteur. Le gouvernement vise les préposés aux bénéficiaires, les gens qui donnent les soins à domicile et les enseignants/es qui commencent leur carrière. Pourtant on a entendu les ordres professionnels il y a quelque temps parler des problèmes qu'ils ont à attirer des professionnels dans le secteur public. Les grands oubliés là-dedans, ce sont les personnes qui travaillent du côté administratif, les employés de bureaux et les agents administratifs. On n'en parle jamais mais là aussi il y a un sérieux problème de rétention et d'attraction.

Cette offre-là ne fait rien pour rattraper ce qu'on a perdu depuis environ 20 ans, et surtout depuis la négociation de 2006, la première négociation avec le Parti libéral, qui avait commencé par une offre de deux ans sans aucune augmentation. Selon notre évaluation, le secteur a perdu environ 20 % par rapport à l'inflation depuis environ 20 ans. Juste en ce qui concerne l'inflation, le secteur public a perdu beaucoup et pour ces personnes-là, dans l'administration, on parle ici de bas salariés. Mais on ne parle jamais d'eux et, encore une fois, l'offre est inférieure à l'inflation, alors ils vont encore essuyer une perte pendant encore cinq ans s'il n'y a pas une négociation sérieuse qui a lieu.

L'autre chose qui est surprenante c'est la division qui est à l'oeuvre avec cette offre. On savait qu'ils allaient diviser les préposés et les enseignants d'avec les autres employés du secteur public, mais l'autre chose qu'ils ont fait c'est offrir un montant forfaitaire de 1000 dollars pour ceux qui sont au niveau maximum de l'échelle salariale. Selon le président du Conseil du trésor, il y a environ 54 % des gens qui sont au maximum de l'échelle. Il y a donc 46 % des gens qui ne recevront pas le 1000 $ forfaitaire. En plus, il y a des gens qui ont une échelle salariale unique. Ils pourraient être embauchés le 30 mars et le 31 mars ils recevront le 1000 $. Alors qu'il y en a d'autres qui peuvent être là depuis 15 ans et ne sont pas encore au maximum de l'échelle et n'auront pas droit au 1000 $. Cela va semer la bisbille. Le président du Conseil du trésor n'a pas expliqué pourquoi il propose cela, il y a peut-être un enjeu que l'on ne voit pas, mais chose certaine, que cela soit un geste intentionnel ou non, le résultat va être de diviser notre monde. Il y en a qui vont être très mécontents, c'est certain, et je les comprends.

FO : Le président du Conseil du trésor dit avoir adopté une approche novatrice dans cette négociation, avec notamment des forums de discussion sur les priorités gouvernementales pour lesquels des montants additionnels sont prévus. Que peux-tu nous dire là-dessus ?

JB : Sur la question des forums, nous n'avons pas fini notre analyse mais notre première réaction c'est qu'il faut tester ce qu'ils nous proposent. Il faut y participer. Il existe des solutions qui n'auront pas pour effet de diviser et il faut voir s'il y aura une ouverture. Mais s'il a déjà son idée toute faite, et que c'est juste pour faire passer son idée, cela va mal aller. Mais s'il y a une ouverture pour discuter, alors il y a peut-être des pistes pour régler quelques problèmes mais on ne veut pas que le but soit de diviser pour mieux régner, comme diviser les préposés et les enseignants d'avec les autres. Ça ne passera pas si c'est l'objectif du gouvernement.

FO : Tu veux dire quelque chose en conclusion ?

JB : À la FSSS, nous avons privilégié un même montant d'augmentation pour tout le monde pour la première année, 3 $ d'augmentation de l'heure pour tout le monde. Cela accorde à tout le monde ce montant de 3 dollars pour satisfaire leurs besoins de base sauf que pour l'employé au bas de l'échelle c'est une augmentation substantielle tandis que pour le professionnel en haut de l'échelle cela représente un pourcentage d'augmentation beaucoup moindre. En même temps, pour ce professionnel, ce montant est important pour abaisser un peu l'écart salarial entre les salaires des professionnels du secteur public et ceux du secteur privé.

Je pense qu'en présentant cette offre, le gouvernement n'a pas pris la mesure de la situation qui est vraiment grave dans le secteur public. S'il n'y a pas de négociation à la hausse de façon significative, les problèmes du secteur public vont encore s'aggraver et ce sont les services publics dans leur ensemble qui vont en souffrir.

(Photo: CSN)


Cet article est paru dans

Numéro 30 - 19 décembre 2019

Lien de l'article:
: Cette offre ne fait rien pour rattraper ce qu'on A perdu depuis environ 20 ans - Jeff Begley, président de la Fédération de la santé et des services sociaux (FSSS-CSN)


    

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