Les travailleurs et les jeunes de l'Ontario s'opposent
à l'offensive du gouvernement Ford

Projet de loi 66 anti-travailleurs en deuxième lecture

Le projet de loi 66 du gouvernement Ford de l'Ontario, la Loi de 2019 visant à rétablir la compétitivité de l'Ontario, est maintenant en deuxième lecture à l'Assemblée législative. Il sera ensuite renvoyé à un comité pour étude et amendements, article par article. Le projet de loi 66 est un projet de loi omnibus qui modifie 18 lois concernant le travail, l'environnement, les garderies, l'agriculture, l'éducation, etc. Son objectif déclaré est d'éliminer les formalités administratives pour les entreprises afin de « rétablir la compétitivité » de l'Ontario. [1]

Au cours de la deuxième lecture, les députés du Parti progressiste-conservateur au pouvoir répètent à l'unisson le mantra néolibéral du gouvernement Ford en faisant abstraction du vécu des travailleurs de l'Ontario. Ils affirment que les formalités administratives obligent les « propriétaires d'entreprises à remplir des tâches administratives au lieu de développer leurs activités ».

Il est clair que ces députés n'ont pas lu le projet de loi omnibus de 14 000 mots et ont reçu un argumentaire de vente conçu pour supprimer toute discussion, en particulier sur le coût humain de la campagne du gouvernement Ford contre « la bureaucratie qui fait perdre des emplois ». Un des arguments répétés à l'infini est que le secteur de la fabrication en Ontario a perdu 300 000 emplois depuis 2002 et que cela est dû au fait que les entreprises ontariennes sont trop occupées à remplir des formulaires pour développer leurs activités. Ils répètent également que l'Ontario compte 380 000 règlements, de loin le nombre le plus élevé au pays, ce qui correspond à peu près au nombre d'emplois perdus dans le secteur de la fabrication. Les faits et la logique importent peu dans ce discours dénué d'analyse et d'arguments scientifiques.

Il y a eu plusieurs fermetures d'usines majeures et réductions de personnel d'usines en Ontario au cours des dernières années et dans aucun de ces cas ceux qui possèdent et contrôlent ces usines n'ont pu attribuer cela à la paperasserie administrative -- pas Heinz, ni Kellogg, ni Caterpillar, ni US Steel, ni GM qui vient d'annoncer la fermeture de son usine d'Oshawa.

La destruction du secteur manufacturier en Ontario est essentiellement attribuable à la contradiction inhérente entre le caractère socialisé de l'économie et le caractère privé du contrôle et de la propriété par des intérêts rivaux. Ces intérêts privés rivaux empêchent l'économie socialisée de réaliser son potentiel de reproduction élargie pour garantir les droits et voir au bien-être de tous les Canadiens.

Le contrôle étranger, principalement américain, exacerbe cette contradiction non résolue de l'économie ontarienne. Les oligarques rivaux ont le pouvoir politique de faire tout ce qu'ils veulent, quel que soit le tort fait au facteur humain et à l'économie. Leurs intérêts et leurs opérations mondiales sont tout ce qui compte et la seule chose qui vaille d'être discutée.

L'argument absurde que l'existence de 380 000 règlements a causé la perte de quelque 300 000 emplois dans le secteur manufacturier est présenté avec hyperbole à l'Assemblée législative pour éliminer la discussion et le développement d'une opinion publique sur les véritables problèmes de l'économie de l'Ontario et sur les mesures dangereuses incluses dans le projet de loi 66.

Des députés conservateurs ont cité comme exemple les dispositions du projet de loi 66 qui abrogeront la Loi sur la réduction des toxiques d'ici la fin de 2021. Voici ce qu'un député conservateur a déclaré :

« Je voudrais passer à l'annexe 5 du projet de loi, qui indique l'intention du gouvernement d'abolir la Loi sur la réduction des toxiques d'ici la fin de 2021. Dans sa formule actuelle, cette loi oblige les entreprises à signaler l'utilisation de ces substances et à trouver des moyens de réduire leurs émissions. C'est l'un des plus gros tigres en papier du gouvernement et il faut beaucoup de papier, monsieur le Président.

« Le seul accomplissement de la loi au cours de ses neuf années d'existence a été de générer plus de papier et d'augmenter le nombre de personnes qui font du travail de papier. Tout ce travail est déjà effectué dans le cadre du Plan fédéral de gestion des produits chimiques. La seule différence est que le plan du gouvernement fédéral exige que les entreprises fassent quelque chose concernant l'utilisation de produits dangereux. Le plan fédéral est robuste, fondé sur des données scientifiques, et toutes les provinces sauf l'Ontario y ont recours. Créer des dédoublements inutiles ne protège en rien la santé ou la sécurité de l'Ontario, ni l'économie. »

Ceux qui connaissent la Loi sur la réduction des toxiques notent qu'elle ne couvre pas le même éventail de problèmes que le programme fédéral. Le député conservateur soulève l'affaire comme une simple diversion et donne l'impression que l'élimination de cette loi n'aurait pas de conséquences importantes, qu'il importe peu que les entreprises n'aient même pas à signaler leur utilisation de substances toxiques à une autorité publique ontarienne. Beaucoup contestent cette affirmation et croient que cela est fait pour laisser les entreprises s'autoréglementer dans un secteur si préoccupant pour la population.

Le gouvernement Ford use de sophismes pour conclure qu'il ferait aussi bien d'abroger la loi parce qu'elle n'est plus qu'un obstacle bureaucratique à cause de l'insouciance des gouvernements libéraux précédents qui l'ont réduite à une production de rapports. L'Ontario a connu de graves tragédies telles que l'empoisonnement massif au mercure de la Première Nation de Grassy Narrows, qui remonte aux années 1960 et se poursuit encore. Soustraire l'utilisation de produits toxiques à toute autorité publique et réduire cela à une affaire de bureaucratie qui freine l'élan des entreprises n'est rien de moins que criminel. Cela montre une fois de plus à quel point de puissants intérêts privés ont pris le contrôle des gouvernements à tous les niveaux. Les modifications à la Loi sur l'eau saine prévues dans le projet de loi 66 créeraient les conditions d'une autre tragédie comme celle de Walkerton en 2000.

L'annexe 10 est peut-être la partie la plus controversée du projet de loi 66. L'opposition était si rapide et massive que le gouvernement avait dit qu'elle serait retirée, mais cela n'a pas encore été fait. Le cabinet Ford dit maintenant que l'annexe 10 sera retirée au niveau des comités. Cela signifie qu'elle pourrait en fait être modifiée au lieu d'être retirée ou encore transférée dans d'autres parties du projet de loi.

C'est l'annexe 10 qui permet aux municipalités d'adopter des « règlements municipaux sur l'aménagement ouvert aux affaires ». Elles devront prouver que ces règlements vont conduire à la création de nombreux emplois, basés sur une formule arithmétique qui tient compte du nombre de résidents de la municipalité. Si le projet de la municipalité est approuvé par le ministre des Affaires municipales et du Logement, les dispositions de neuf lois environnementales cesseront de s'appliquer à la zone visée par le règlement. Les municipalités et leurs résidents s'opposent à cette annexe par principe, parce que cela soustrait le gouvernement à sa responsabilité sociale, et exigent son abrogation pure et simple.

La deuxième lecture a également abordé d'autres aspects du projet de loi, tels que l'annexe 9, qui modifie la Loi de 1995 sur les relations de travail afin de considérer les municipalités et certains conseils locaux, conseils scolaires, hôpitaux, collèges, universités et organismes publics comme des employeurs qui ne sont pas liés à la construction. Cela signifie que les syndicats qui représentent actuellement les employés de ces agences et institutions, qui sont ou pourraient être employés dans le secteur de la construction, ne les représenteront plus une fois le projet de loi adopté. Toute convention collective liant l'employeur et le syndicat cesse de s'appliquer dans la mesure où elle s'applique à l'industrie de la construction. Cela vise clairement à mettre fin à la syndicalisation dans les travaux de construction effectués par ces organismes publics et à faire obstacle au droit des travailleurs de négocier collectivement leurs salaires et leurs conditions. Les travaux de construction sont par définition limités dans le temps et vont d'un secteur à l'autre. Les travailleurs de la construction ont toujours eu de la difficulté à se défendre collectivement et cette atteinte à leur droit que contient l'annexe 9 leur rendra la tâche encore plus difficile. Les députés du gouvernement Ford disent que cette partie du projet de loi vise à limiter l'argent qui va dans les poches des travailleurs de la construction en contournant les conventions collectives qui garantissent les salaires et les conditions de travail. Cela arrive à un moment où les taux de mortalité et d'accidents dans le secteur de la construction en Ontario continuent d'augmenter et où les travailleurs se mobilisent contre cette dangereuse tendance.

La deuxième lecture du projet de loi 66 convainc encore plus les travailleurs ontariens que ce projet de loi doit être retiré. Les mesures normatives et la réglementation qui offrent une protection à la population ne doivent pas être abrogées. La tragédie de Lac-Mégantic au Québec a été causée en grande partie par la suppression de la réglementation suivant le faux argument que la réglementation est un obstacle au développement de l'activité des entreprises ferroviaires.

Note

1. Pour plus d'information sur ce que contient le projet de loi, lire « Le coût humain de la campagne du gouvernement Ford contre la 'papaparesserie tueuse d'emploi' » de Pierre Chénier dans Le Marxiste-Léniniste du 26 janvier 2019.


Cet article est paru dans

Numéro 8 - 7 mars, 2019

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