Forum ouvrier

15 novembre 2018

La nécessité d'une nouvelle perspective prosociale et
d'une nouvelle direction de l'économie

Tourmente chez Bombardier


La nécessité d'une nouvelle perspective prosociale et
d'une nouvelle direction de l'économie

Tourmente chez Bombardier - K.C. Adams


Les travailleurs défendent leurs droits et les droits de tous

28 novembre: manifestation à Montréal en appui aux lockoutés d'ABI
L'urgent besoin d'assurer la sécurité des camionneurs et du public - Normand Chouinard
Revaloriser la formation dans l'industrie de la construction - Simon Lévesque, responsable de la santé et de la sécurité à la FTQ-Construction


La nécessité d'une nouvelle perspective prosociale et
d'une nouvelle direction de l'économie

Tourmente chez Bombardier

Pour une deuxième fois en deux ans, Bombardier a annoncé une réduction massive de sa main-d'oeuvre. En 2016, l'oligopole mondial a licencié 7 000 travailleurs. Cette fois-ci, ce sont 5 000 travailleurs qui perdront leur emploi : 2 500 au Québec, 500 en Ontario et 2 000 ailleurs dans le monde, fort probablement à l'usine de Belfast dans le nord de l'Irlande.

Une réduction de main-d'oeuvre à la hauteur de milliers de travailleurs signifie qu'un segment important de l'économie de Bombardier sera liquidé.[1] La compagnie abandonne complètement sa production d'avions commerciaux bien qu'elle ait reçu des milliards de dollars en subventions d'État pour payer les riches. Les tractations secrètes et la concurrence féroce entre des sections de l'oligarchie financière mondiale dans la production d'avions commerciaux, en particulier entre Boeing et Airbus, ont exacerbé la crise chez Bombardier.

En 2017, Boeing a eu recours au pouvoir de l'État américain pour bloquer la vente aux États-Unis des avions de ligne de taille moyenne C Series de Bombardier.[2] Battant en retraite, Bombardier a offert gratuitement 51 % de l'opération du C Series à Airbus. Rien n'est dit, dans le communiqué de presse de Bombardier, ou dans ses déclarations qui ont suivi l'annonce, de ce qui adviendra des installations de production restantes au Canada lorsque la C Series sera entièrement entre les mains d'Airbus. Dans le communiqué du 8 novembre de Bombardier qui annonce les coupures et la cession d'actifs, le PDG de la compagnie Alain Bellemare écrit: « Je suis très enthousiaste face à notre avenir... Avec les annonces d'aujourd'hui, nous mettons en oeuvre les prochaines mesures nécessaires pour concrétiser la pleine valeur du portefeuille de Bombardier. » Le salaire annuel d'Alain Bellemare est de 13 millions $ avant bonis. Pour sa part, le  vice-président aux relations extérieures de Bombardier, Olivier Marcil, déclare que cette liquidation est une « initiative de productivité »

Bombardier vend aussi son programme d'avions à turbopropulseur Q Series (connu dans le passé comme le Dash 8), ce qui lui laissera comme seule production d'avions celle d'avions de luxe privés et d'affaires. Il a aussi annoncé la vente de son programme de formation des pilotes et techniciens d'avions d'affaires à un autre monopole mondial, CAE, sans dire ce qui adviendra des travailleurs qui oeuvrent présentement dans ce segment.

À part la production d'avions d'affaires, Bombardier maintiendra sa division d'entretiens d'avions et la fabrication de trains. Le secteur ferroviaire est cependant sérieusement menacé par d'autres oligopoles mondiaux et leurs puissants représentants d'État et par la baisse du taux de profit en raison de la productivité accrue, résultant du recours à la technique scientifique avancée et à ses systèmes de production automatisés.

La situation montre que les milliards de dollars de subsides pour payer les riches versés récemment par Québec et le fédéral ne visaient pas à maintenir la production d'avions de ligne commerciaux sous le contrôle de Bombardier et au Canada, mais à garantir le service de sa dette de 9 milliards $ à l'oligarchie financière. Les détenteurs de la dette de Bombardier exproprient annuellement près d'un milliard de dollars en profit d'intérêt des différents secteurs de la compagnie. Les recettes de la liquidation des avoirs de Bombardier vont elles aussi bénéficier aux grands prêteurs d'argent.

Le secteur manufacturier en Ontario et au Québec est affaibli et en déclin depuis plus de dix ans. Les compressions constantes de la production chez Bombardier, le lockout brutal de 1 030 travailleurs d'aluminium ABI de Bécancour et les vastes attaques de l'État américain contre la production canadienne d'aluminium et d'acier, par l'imposition de tarifs, ont mis en lumière une tendance persistante. Les oligarques mondiaux sont en train de marginaliser l'industrie manufacturière du Québec et de l'Ontario et de réduire le Canada, au sein de l'économie impérialiste mondiale, à une source de matières premières, à des services, à des formes diverses de parasitisme financier, de spéculation et de vente de détail dans les plus grandes métropoles, à des prêts d'argent et des versements subséquents d'intérêt pour les dettes privées et d'État.

Il en résulte une concentration toujours plus grande, dans un nombre de mains privées toujours plus petit, de la richesse sociale et du pouvoir sur les moyens de production et de circulation socialisés au Canada et partout dans le monde. Ce phénomène régressif intensifie la contradiction entre les forces productives socialisées et leur contrôle privé, engendrant de la destruction nationale et la destruction de ce que les oligarques ne sont pas capables de contrôler. Cela cause aussi une concurrence violente plus intense, des guerres et des préparatifs de guerre, des crises économiques plus grandes et la propagation de problèmes sociaux sur une vaste échelle. L'oligarchie financière mondiale a privé le peuple de pouvoir et réduit la quantité de richesse sociale qui demeure disponible à la vaste majorité des peuples et de leurs sociétés.

La crise de l'économie de Bombardier et l'insécurité qu'elle cause à ses milliers de travailleurs, à leurs communautés et leur économie locale mettent en lumière la nécessité d'une nouvelle direction de l'économie. C'est à la classe ouvrière que revient la responsabilité de clarifier et de donner vie à cette nouvelle direction, et elle va le faire en organisant ses propres initiatives, ses propres actions avec analyse et sa propre politique pratique.

Une nouvelle direction requiert une nouvelle vision du monde qui place, comme objectif de l'économie, non pas les intérêts privés étroits des oligarques financiers, mais les besoins et le bien-être du peuple. Le bien-être du peuple et de la Terre Mère peut être réalisé quand les travailleurs réorganisent l'économie socialisée conformément à son caractère interrelié et scientifique et à son produit social actuel et potentiel. Une perspective moderne requiert la fin de toute forme d'exploitation des humains par les humains, l'humanisation de l'environnement social et naturel, l'avancement constant des intérêts généraux de la société et des arrangements pacifiques et coopératifs à avantage réciproque entre les peuples du monde.

Une perspective prosociale considère la réalité telle qu'elle est et ce qui est nécessaire pour combler les attentes du peuple et sa volonté de s'investir du pouvoir, de connaître la paix et la sécurité et de s'assurer un avenir, pour lui, les familles, la société et ses semblables partout dans le monde. Le défi est d'organiser la conscience sociale avancée et la très grande force numérique des travailleurs dans des institutions modernes indépendantes et des formes sociales qu'ils bâtissent eux-mêmes et qu'ils contrôlent, afin de priver les oligarques mondiaux de leur pouvoir sur l'économie socialisée et sur la vie politique du pays.

Notes

1. En 2015, Bombardier a reçu 3,3 milliards $ de subsides en fonds publics appartenant aux Québécois. Il a reçu 1,3 milliard de dollars du gouvernement du Québec pour son programme d'avions de la C Series, pour lequel le gouvernement a reçu une participation de 49,5 % dans un partenariat limité comprenant les actifs, les passifs et les obligations du programme. Plus tard pendant l'année, la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui gère plusieurs régimes de retraite publics et parapublics et plusieurs programmes d'assurance au Québec, a investi 2 milliards $ dans la division du transport ferroviaire de Bombardier. En 2017, le gouvernement fédéral a accordé à Bombardier un « prêt remboursable » de 375 millions $.

Un scandale a éclaté en 2017 au sujet des salaires des dirigeants de Bombardier, qui ont augmenté de 50 % tandis que la compagnie mettait à pied des milliers de travailleurs et recevait ces subsides massifs. Pendant ce temps, les actions des dirigeants de Bombardier leur ont rapporté des profits de 78 millions S pendant cette seule année, selon les données fournies par Michel Girard dans le Journal de Montréal.

2. Pour de plus amples informations au sujet de Bombardier, lire « La tentative de Bombardier de pénétrer le marché américain des avions de ligne : Le monopole de l'aéronautique Boeing a recours à l'État américain pour écraser son concurrent Bombardier », Forum ouvrier, 5 octobre 2017

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Les travailleurs défendent leurs droits et les droits de tous

28 novembre: manifestation à Montréal en
appui aux lockoutés d'ABI

Le 28 novembre prochain, la section locale 9700 du Syndicat des Métallos, représentant les quelque 1030 travailleurs de l'aluminerie ABI à Bécancour, en lockout depuis le 11 janvier, lance l'appel à tous à participer à une manifestation devant les bureaux d'Hydro-Québec à Montréal. La manifestation débute à 11 h 30 et les lockoutés d'ABI vont s'y rendre en marchant à partir du siège social d'Alcoa situé à la Place Ville-Marie.

L'objectif de la manifestation est de dénoncer le soutien que le gouvernement du Québec et Hydro-Québec donnent au lockout en permettant au cartel Alcoa/Rio Tinto de se libérer de ses obligations de paiement envers Hydro-Québec. Alcoa/Rio Tinto et Hydro-Québec ont accepté que la compagnie n'ait pas à payer pour le bloc d'énergie qui lui est réservé, en vertu d'une clause qui considère le lockout comme une « force majeure ». Une « force majeure » est définie comme une circonstance imprévisible qui empêche le respect d'un contrat, quelque chose sur lequel la compagnie n'a aucun contrôle, un peu comme un tremblement de terre. Les travailleurs dénoncent à juste titre le fait que le gouvernement et Hydro-Québec financent le lockout du cartel sur le dos du peuple québécois, un lockout qui dure maintenant depuis 10 mois et dont on ne voit pas la fin.

« Nous invitons tous les syndicats à venir manifester avec nous », a dit Clément Masse, le président de la section locale 9700, à Chantier politique . Avec ce contrat que le gouvernement a signé avec l'entreprise, les Québécois vont perdre environ 200 millions $ en revenus. Ce n'est pas normal que ce soient les Québécois qui financent la compagnie. Le gouvernement aide les entreprises à financer leurs conflits de travail. C'est cela qu'on va dénoncer le 28 novembre et c'est la raison pour laquelle on le fait devant les bureaux d'Hydro-Québec et on lance l'appel aux autres syndicats à venir nous appuyer. Il y en a déjà qui ont annoncé leur participation et c'est très encourageant. On se voit le 28. »

Les travailleurs organisés dans la section locale 9700 du Syndicat des Métallos mènent une lutte très difficile contre un pouvoir mondial qui contrôle une grande partie de l'aluminium et de l'alumine produits dans le monde. Les oligarques utilisent leur contrôle des forces productives et de la richesse sociale pour forcer les travailleurs à se soumettre à leur diktat et ainsi mettre la main sur de plus grands profits privés à même la valeur produite par les travailleurs. C'est ce que ces derniers rejettent et ils persistent, avec l'appui des travailleurs du Québec, du reste du Canada, et de plusieurs pays, à revendiquer la signature d'une convention dûment négociée que leurs membres jugent satisfaisante.

Le 7 novembre, le Syndicat des Métallos a pris acte de l'annonce faite par le ministre du Travail du nouveau gouvernement du Québec de mettre sur pied un conseil de médiation dont le but serait de faciliter une reprise des négociations. Le gouvernement aurait donné aux parties jusqu'au 30 novembre pour conclure une entente, une entente, qui soit dit en passant, aurait pu être conclue il y a des mois si les propriétaires avaient accepté de s'asseoir avec le syndicat pour négocier une convention acceptable. Au lieu de cela, ils ont persisté à refuser de parler aux travailleurs, ajouté de nouvelles demandes de concessions et intenté des poursuites contre le syndicat sous des accusations forgées de vandalisme et de sabotage de la production.

En ce qui concerne cette annonce du ministre du Travail, le président de la section locale a dit ce qui suit dans un bref communiqué du Syndicat des Métallos :

« Depuis le début, nous avons toujours montré notre ouverture à négocier. Nous serons au rendez-vous avec bonne foi et sérieux. Pour la suite des relations de travail dans cette usine, il est important que ce conflit se règle sur une entente négociée. »

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L'urgent besoin d'assurer la sécurité des camionneurs et du public

Cérémonie de la Journée de commémoration organisée à Yamachiche en Mauricie, le 28 avril 2018, à la mémoire des camionneurs morts au travail

Les statistiques pour l'année 2017 révèlent que le nombre d'accidents impliquant des camions lourds est à la hausse partout au Canada et également aux États-Unis. Cette hausse des accidents survient dans un contexte de mini boom du transport de fret entre le Canada et les États-Unis, et d'une augmentation du volume du transport de marchandises entre les grandes villes canadiennes, particulièrement entre Montréal et Toronto.

Selon la Police provinciale de l'Ontario (OPP), le nombre de collisions mortelles impliquant des camions lourds est en hausse de 33 % dans l'Est ontarien. Pour l'ensemble de la province, l'année 2018 est déjà marquée par 33 accidents de camion qui ont fait 41 morts, une hausse de 38 % selon l'OPP. Depuis le début de 2018, l'OPP a fait enquête sur plus de 3600 accidents de camions lourds, ce qui équivaut à 11 % de toutes les collisions (34 461) survenues dans la province.

Aux États-Unis, en 2016, 3986 personnes sont décédées à la suite d'un accident impliquant un camion lourd, une augmentation de plus de 27 % par rapport à 2009. Le département du transport américain estime que la proportion des décès lors d'un accident impliquant un camion est de 1 sur 10 ou plus précisément 11 %, ce qui équivaut à la moyenne canadienne.

Selon l'American Trucking Association (ATA), la valeur des marchandises transportées en 2017 a atteint plus de 700 milliards de dollars (US), une augmentation de 3,5 % par rapport à l'année 2016 pendant laquelle la valeur des marchandises a atteint 676,6 milliards de dollars. Toujours selon l'ATA, la valeur de biens transportés par camion représente 8 $ de chaque tranche de 10 $ touchés dans le transport de biens. Ce qui signifie que les 700 milliards en revenus provenant du transport de camion constituent près de 80 % de l'ensemble des revenus provenant de l'industrie du transport de biens sur l'ensemble du territoire américain. Les camionneurs canadiens et américains ont transporté 57,7 % des biens manufacturés qui transigent entre le Canada et les États-Unis.

Cette hausse du volume transporté par camions lourds signifie que les camionneurs qui ont effectué ce travail ont été soumis à une plus grande pression pour livrer leurs marchandises dans un temps plus court. Le niveau de stress et de fatigue causé par un accroissement de la cadence et de la journée de travail a un effet direct sur le nombre d'accidents de la route causés par les camions. Cette donnée est systématiquement ignorée lors des enquêtes policières ou du bureau du transport et des autorités en charge de la sécurité routière.

De plus en plus d'accidents impliquant des chauffeurs de camion donnent lieu maintenant à des accusations au criminel contre les camionneurs. Les chauffeurs trouvés coupables peuvent faire plusieurs années de prison. La criminalisation des chauffeurs prend aussi plusieurs autres formes dont une plus grande surveillance électronique, l'ajout de nouveaux règlements qui n'ont rien à voir avec la sécurité (mais tout à voir avec le contrôle des travailleurs de la route), les avis disciplinaires de toutes sortes ainsi que des amendes faramineuses en cas d'infractions de plusieurs centaines de dollars, parmi d'autres mesures.

De plus, une hausse significative du volume de fret signifie également une pression supplémentaire sur les entreprises de transport pour fournir des chauffeurs pouvant exécuter les tâches requises de transport le plus rapidement possible. Par conséquent, le niveau de formation, tant théorique que pratique, se trouve réduit au minimum.

L'épouvantable tragédie de Humbolt, en Saskatchewan le printemps dernier, dans laquelle l'autobus transportant une équipe complète de hockey a été totalement décimée à la suite d'une collision avec un camion lourd, a alerté l'opinion publique sur la nécessité d'accroître le niveau de formation tant des nouveaux chauffeurs que des anciens. Le rapport d'enquête du ministère du Transport de la Saskatchewan recommande une formation d'au moins 100 heures pour pouvoir permettre à quiconque de conduire des camions lourds. Ce qui équivaut en moyenne à ce qui existe en Ontario et ailleurs dans les autres provinces canadiennes à l'exception du Québec, qui offre des formations publiques subventionnées comprenant près de 615 heures de cours.

Cependant, ces formations ne sont pas obligatoires. D'autres formations dans des écoles privées non subventionnées peuvent offrir une formation contenant moins de 20 heures de cours ; certaines écoles offrent un service de quelques heures (cours rapide) conçu uniquement pour préparer les nouveaux chauffeurs à passer leurs examens pour l'obtention de la classe 1, nécessaire pour conduire les camions lourds.

L'exigence d'une formation complète pour conduire les camions lourds est une demande de longue date du mouvement des camionneurs, dans le cadre de sa lutte pour une reconnaissance du métier de camionneur de la part des autorités fédérales et provinciales. Les camionneurs discutent régulièrement de la provenance des fonds qui pourrait garantir le financement de la formation obligatoire. Les différents paliers de gouvernement doivent prendre leurs responsabilités de financer adéquatement une telle formation et voter des lois en conséquence. Les grandes entreprises de transport devraient également contribuer à la formation des chauffeurs en y consacrant une partie de leurs revenus et augmenter le nombre d'heures de formation dont disposent leurs employés. Les grandes industries manufacturières, minières et autres devraient également participer au financement car elles bénéficient directement du travail effectué par les camionneurs.

C'est ce genre de pistes de solutions que les chauffeurs recherchent et discutent en vue d'assurer leur sécurité et leur avenir. Que ce soit au Québec, au Canada ou aux États-Unis, les camionneurs résistent et luttent vaillamment pour garantir leur droit de travailler en sécurité à tous les jours et affrontent avec courage la pression quotidienne que leurs imposent les monopoles. Les camionneurs continuent de rendre imputables les autorités des tragédies qui surviennent de plus en plus souvent.

(Sources : US Department of Transportation, ATA, CTV, Radio-Canada, Truck News)

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Revaloriser la formation dans
l'industrie de la construction


Manifestation des grutiers le 5 mai 2018 à Montréal contre les changements qui abaissent les exigences de formation des grutiers, compromettant la sécurité

Un des principaux problèmes en ce moment, c'est celui de la formation. L'industrie de la construction tourne présentement à plein régime. Pour faire entrer les travailleurs dans l'industrie, la méthode des employeurs est de passer par l'ouverture des bassins. Lorsqu'on a une pénurie de main-d'oeuvre et qu'il n'y a pas suffisamment de gens pour combler le manque de main-d'oeuvre, on ouvre les bassins, sans passer par les écoles. Les gens qui arrivent dans l'industrie ne sont pas formés. On leur garantit des heures et ils apprennent leur métier sur le terrain directement, au lieu de suivre une formation dans les écoles. Il y a plusieurs écoles des métiers de l'industrie de la construction, et pourtant, on envoie les travailleurs directement sur le terrain. Sur le terrain, on sait comment cela se passe. La pression est énorme, les délais de livraison sont très rapides. On n'encadre pas les travailleurs, on ne les supervise pas. C'est un danger potentiel. On a encore un jeune de 18 ans qui est décédé la semaine passée quand il s'est fait écraser par une pelle mécanique.

On entend dire que les jeunes sont téméraires, qu'ils prennent des risques. La réalité, c'est qu'ils ne sont pas encadrés. Les jeunes ont le souci de production, ils sentent la pression de la production. Ils n'ont pas l'expérience, ils doivent démontrer qu'ils sont capables d'en faire plus, pour satisfaire leur employeur. Les conditions sont réunies pour que se créent des situations dangereuses.

Il y a des métiers pour lesquels cela fait longtemps que les bassins n'ont pas été ouverts et ceux-ci viennent d'ouvrir maintenant, les ferblantiers par exemple. En ce qui concerne les manoeuvres, cela se produit régulièrement. Il y a plusieurs types de travaux qu'on fait faire par les manoeuvres. Il y en a qui comportent des risques, ce n'est pas pour rien qu'on parle de manoeuvres spécialisés. Ils peuvent faire des travaux comme du dynamitage ou du forage. En ce moment, les charpentiers-menuisiers sont en situation de pénurie dans le centre-ville de Montréal, où les immeubles poussent comme des champignons. On manque de coffreurs, on ouvre les bassins, on fait entrer des jeunes et des moins jeunes sans formation. C'est pour combler le manque de main d'oeuvre.

Cette situation ne date pas d'hier. Avec les écoles de métiers de la construction, on avait réussi à diminuer les ouvertures de bassins. Les écoles de métiers de la construction permettent de contrôler la situation. Les jeunes qui sortent de l'école ont déjà une base. On sait bien cependant que le seul métier où l'école est obligatoire c'est celui de grutier et on vient d'abolir le caractère obligatoire de la formation. On nous dit que là encore, c'est pour combler les manques de main-d'oeuvre. Un tel besoin de satisfaire l'industrie à tout prix, c'est vraiment très dangereux.

Aussi, c'est difficile de garder une main-d'oeuvre spécialisée dans notre industrie. On a des problèmes de rétention. On n'est pas capable de retenir les travailleurs dans l'industrie à cause de l'insécurité d'emploi. En ce moment, ça va bien, tout le monde travaille, mais quand les heures baissent, les jeunes vont se diriger vers autre chose, même payé moins cher, qui leur offre un revenu stable et garanti.

Il faut revaloriser la formation au niveau de l'industrie, et dire aux employeurs qu'ouvrir les bassins, ce n'est pas la solution. Il faut encadrer les travailleurs dans l'industrie et aussi encadrer la supervision dans l'industrie. Il faut créer de la formation pour les gens qui supervisent les travailleurs. Il n'existe pas de formation pour les contremaîtres et les surintendants. La seule chose à laquelle on les forme, c'est la production. Ils n'ont pas de formation en santé et sécurité.

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