8 février 2018
Défendons le service postal
public!
L'hypocrisie des libéraux sur la
livraison à domicile et un service postal universel
- Louis Lang -
Manifestation des travailleurs et
travailleuses des postes le 6 avril 2017 à Laval contre les
changements unilatéraux à leurs conditions de travail
Défendons le service postal
public!
• L'hypocrisie des libéraux sur la
livraison à domicile et un service postal universel -
Louis Lang
Discussion sur la
criminalisation des travailleurs de la construction du Québec
• Défendons la dignité et les
droits des travailleurs!
À qui
l'économie? Qui décide?
• Sobeys s'en prend aux travailleurs et
à l'économie de l'Ouest canadien
Défendons le service postal public!
L'hypocrisie des libéraux sur la livraison
à domicile
et un service postal universel
- Louis Lang -
Le 24 janvier, la ministre des Services publics et
de
l'Approvisionnement Carla Qualtrough a annoncé ce qu'elle
appelle « la
vision du gouvernement pour le renouvellement de Postes
Canada ». Au
nom du gouvernement, la ministre dit que cette nouvelle
vision consiste dans « le renouvellement de Postes Canada,
qui permettra à cette dernière d'offrir un service de
grande qualité à
prix raisonnable aux Canadiens, peu importe leur lieu de
résidence ».
La ministre n'a pas expliqué ce que signifient cette «
nouvelle
vision » et ce « renouvellement de Postes
Canada ». Elle n'a pas fait
mention des rapports et des milliers d'opinions soumises
par les Canadiens sur ce qu'ils veulent comme renouvellement de Postes
Canada. Elle n'a pas non plus mentionné les problèmes que
les
travailleurs des postes ont soulevés par leur lutte pour
défendre leurs
conditions de travail contre les demandes de coupures de la
Société des
postes, contre l'élimination de services et les attaques
contre leurs
salaires et leurs avantages sociaux.
La ministre a annoncé qu'elle met fin au
programme de Postes Canada
d'éliminer la livraison du courrier à domicile et de la
remplacer par
des boîtes postales communautaires, « et ce, avec une
entrée en vigueur
immédiate ». Cependant, la livraison à
domicile qui a déjà été
éliminée
ne sera pas restaurée. En d'autres termes, le
programme visant à éliminer la livraison à
domicile est en pause. Cela
signifie que près d'un million de ménages ont maintenant
définitivement
perdu la livraison à domicile. Est-ce que quelqu'un peut croire
que les
libéraux ne travaillent pas avec Postes Canada pour
résoudre comment en
finir avec la livraison à domicile ? Le gouvernement
demande aussi à Postes Canada de mettre sur pied un groupe
d'experts et
de défenseurs d'aînés et de personnes
handicapées. Ce groupe donnera
des conseils sur l' « élaboration, la mise en oeuvre et la
promotion
d'un programme d'accessibilité
améliorée ».
En plus, la ministre a annoncé
qu'elle va demander des changements à la Loi sur la gestion
des finances publiques afin que Postes Canada soit
reclassée. Elle écrit : « Actuellement, en
vertu de son inscription à la Loi sur la gestion des
finances publiques, Postes Canada a l'obligation légale de
verser un
dividende au gouvernement fédéral. J'ai l'intention de
demander
l'approbation du gouverneur en conseil pour que la
Société canadienne
des postes soit régie par l'Annexe III de la partie II de la Loi
sur
la
gestion
des finances publiques
à l'Annexe III de la partie I afin de supprimer cette
obligation. De
plus, ce changement signifie que
Postes Canada est maintenant tenue légalement de
présenter un budget
d'exploitation aux fins d'approbation par le gouvernement, au
même
titre que son plan d'entreprise annuel et son budget de dépenses
en
immobilisations. »
Le gouvernement demande aussi à Postes Canada
d'assurer « une
meilleure promotion » de ses services de remise et de
fournir plus
d'informations sur ses services de mandats-poste et ses services de
remise numérique qu'elle offre par le biais de
MoneyGram.
Mépris pour l'examen de Postes Canada et les
consultations
En mai 2016, le gouvernement libéral
fraîchement élu a annoncé un
examen de Postes Canada pour lequel il a créé le groupe
de travail de
l'examen de Postes Canada. Dans le cadre de cet examen, la ministre
responsable a demandé au Comité permanent des
opérations
gouvernementales et des prévisions budgétaires de
consulter les
Canadiens sur l'avenir de Postes Canada.
L'examen devait être complété avant
la fin de 2016 et
comprendre une « consultation exhaustive auprès des
Canadiens ». Près
de deux ans plus tard, il semble que le gouvernement libéral ait
décidé
de ne tenir aucun compte du rapport de son propre groupe de travail et
des centaines
de soumissions qu'il a reçues, de même que du
résultat de la
consultation publique et du rapport du Comité permanent
intitulé « La
voie à suivre pour Postes Canada ».
Ces formules de la ministre sur une « nouvelle
vision » et un «
renouvellement de Postes Canada » sont problématiques
et difficiles à
comprendre si l'on tient compte de la réglementation actuelle
qui
existe dans le Protocole du service postal canadien. Cette
réglementation gouverne le fonctionnement de la
Société canadienne des
postes et détermine le type de service que Postes Canada doit
fournir
aux Canadiens. L'article premier de la Charte est intitulé
« Service
universel » et se lit ainsi :
Service universel
Postes Canada
maintient un service postal qui permet aux particuliers et aux
entreprises du Canada d'envoyer et de recevoir du courrier au pays et
entre le Canada et l'étranger. Postes Canada assure un service
de
collecte, de transmission et de livraison de lettres, de colis et de
publications.
La prestation de services postaux aux
régions rurales du pays fait partie intégrante du service
universel
qu'offre Postes Canada.
Tarifs abordables
Postes Canada
applique le même tarif aux lettres de taille et de poids
semblables, de
telle sorte que les frais d'affranchissement d'une lettre
envoyée à un
Canadien sont les mêmes, quelle que soit la distance jusqu'au
destinataire.
Comme l'exige la Loi sur la
Société canadienne des postes, Postes Canada
applique des tarifs de port justes et réalistes et permettant
d'assurer
des recettes qui, jointes à celles d'autres sources, suffisent
à
équilibrer les dépenses engagées pour
l'exécution de sa mission.
Postes
Canada donne un préavis et fait une
annonce publique pour proposer une modification tarifaire pour les
produits de poste-lettre réglementés et elle consulte les
consommateurs
pendant le processus d'établissement des tarifs.
Doit-on comprendre de l'annonce de la ministre que le gouvernement
libéral entend changer ou violer la Charte d'une façon ou
d'une autre
pour mettre en oeuvre sa « nouvelle vision » de Postes
Canada ?
L'annonce faiblarde de la
ministre Qualtrough nous indique que les
libéraux de Justin Trudeau ont décidé d'ignorer le
travail effectué par
le Groupe de travail et le Comité permanent de même que
les opinions
soumises par les Canadiens, dont les travailleurs des postes, au sujet
de la direction du service postal. Le gouvernement refuse
d'expliquer quels sont ses plans pour une « nouvelle
vision » du «
renouvellement de Postes Canada ». Il contrevient ainsi
à la
demande que les Canadiens ont mise de l'avant massivement lors des
dernières élections et depuis d'un service postal public
renforcé. Les
consultations, sondages en ligne, réunions et audiences
publiques ont mis de l'avant la demande d'un service postal public
renouvelé et de l'annulation d'années de privatisation et
de coupures
de services.
Le gouvernement libéral ne reprend pas à
son compte ce que les
Canadiens ont revendiqué et il garde
délibérément le silence sur ses
propres plans unilatéraux. Le 24 janvier, en plus de faire
son annonce
publique, la ministre Qualtrough a aussi envoyé une lettre
à la
nouvelle présidente du conseil de la Société
canadienne des postes dans
laquelle elle parle de manière ronflante des « innovations
et
meilleures pratiques pour la mise en oeuvre du
renouvellement ». Le
Cabinet fédéral réclame ces « meilleures
pratiques » alors que
s'amorcent les négociations avec le Syndicat des travailleurs et
travailleuses des postes en vue d'une nouvelle convention collective.
Dans ces
négociations, les travailleurs des postes, avec l'appui des
Canadiens,
veulent que les coupures dans les services postaux cessent et que la
tendance soit renversée. Le gouvernement Trudeau cependant suit
son
propre ordre du jour néolibéral. La ministre dans sa
lettre donne le
mandat suivant à la Société des postes :
« L'examen a
déterminé divers domaines d'occasion pour Postes
Canada. Dans ce contexte, le gouvernement demande à Postes
Canada
d'entreprendre ce qui suit dans le cadre de l'élaboration de son
programme de mise en oeuvre du renouvellement : examiner
l'applicabilité au Canada des pratiques exemplaires et des
innovations
réussies dans d'autres pays, en particulier les divers
modèles de
prestation de services d'un jour sur deux. »
Le gouvernement libéral fait preuve
d'une grande
hypocrisie. Au nom du maintien de la livraison à domicile pour
les
foyers qui l'ont encore, il recommande à la
Société des
postes de réduire la livraison à domicile de cinq
jours/semaine à un
jour sur deux et peut-être même moins. Cette demande de
réduire les
services
afin d'éliminer plus d'emplois ne va pas préserver le
service postal
public comme le prétend le gouvernement parce qu'elle
contrevient
directement à la charte fondatrice et aux obligations envers les
Canadiens. Ces mesures de réduction des services vont miner et
affaiblir encore plus la capacité de Postes Canada d'offrir le
service
postal universel
auquel tous les Canadiens ont droit. Cela n'a rien à voir avec
un
renouvellement et l'édification nationale ; c'est en fait la
continuation de la destruction d'une institution publique et d'un avoir
précieux dont les Canadiens ont besoin et qu'ils veulent
renforcer sur une base nouvelle. Le gouvernement Trudeau doit rendre
des comptes
et être
dénoncé
pour sa position hypocrite.
Les Canadiens doivent juger de la situation par
eux-mêmes. Les
postiers défendent leurs conditions de travail et le service
postal
public. Les gens sont très préoccupés par les
attaques contre le
service postal et il y a une demande générale que le
service postal
public soit non seulement maintenu mais élargi. Cela a
été amplement
démontré par
le large appui accordé aux justes positions des travailleurs des
postes
durant la grève et le lockout de 2011. La discussion
actuelle sur
l'état du service postal et tout examen de Postes Canada
devraient à
tout le moins prendre ces positions comme point de départ. Les
travailleurs des postes et tous les travailleurs doivent discuter de ce
qui se
passe, déterminer comment défendre le service postal
public et
l'intérêt public, et évaluer sur cette base les
remarques de la ministre
Qualtrough et les plans du gouvernement libéral.
Discussion sur la criminalisation des
travailleurs de la construction du Québec
Défendons la dignité et les droits des
travailleurs!
Une discussion vigoureuse se mène au
Québec sur la façon de
défendre la dignité et les droits des travailleurs de la
construction
qui font face aux attaques organisées de l'État. Forum
ouvrier a reçu
plusieurs opinions et commentaires suite à la parution dans le
numéro
du 25 janvier d'articles dénonçant le projet de
loi 152 du
gouvernement du Québec qui pousse encore plus loin la
criminalisation
des travailleurs de la construction. Nous publions dans ce
numéro deux
de ces contributions que nous avons reçues.
Le projet de loi 152 antiouvrier s'efforce de
criminaliser l'activité syndicale en assimilant faussement les
actions
organisées des travailleurs de la construction à la
défense de leurs
droits à de l'intimidation criminelle. Par exemple, le projet de
loi associe la défense par les travailleurs de leur santé
et de leur sécurité à une interférence
criminelle à la liberté du commerce.
Le projet de loi 152 vise à empêcher
que les problèmes du secteur
de la construction soient résolus. En criminalisant les
travailleurs,
on s'assure que les véritables éléments corrompus
du secteur peuvent
poursuivre leurs activités sans entraves et que les
problèmes auxquels
l'économie et des centaines de projets de construction font face
ne vont que s'envenimer. Le projet de loi nous rappelle les
premières
luttes pour organiser des syndicats légaux lorsque toute
activité
organisée de la classe ouvrière pour défendre ses
droits était déclarée
une atteinte illégale à « la liberté du
commerce ». La
différence, c'est
qu'aujourd'hui, les travailleurs qui
résistent aux
pratiques
de travail injustes et aux activités dangereuses et
antisyndicales
peuvent être accusés ou mêmes diffamés comme
étant des terroristes qui
s'attaquent à l'économie nationale. Cela fait plus de
cent ans
maintenant que les travailleurs défont systématiquement
les tentatives
qui sont faites de les priver de leurs droits et ils ont
remporté une
reconnaissance
légale, quoique limitée, en vertu des
lois du travail. Aujourd'hui, les gouvernements de tous les niveaux
jettent ces lois par la fenêtre et agissent comme les requins de
la
finance d'alors, mais sur une échelle beaucoup plus large.
Les autorités doivent s'attaquer aux
problèmes de la construction et non à ceux qui proposent
des solutions concrètes
Un travailleur de la construction de Montréal a
fait le commentaire suivant à Forum
ouvrier :
« La question que je me pose c'est comment se
fait-il qu'on
s'attaque au syndicat comme étant responsable
d'intimidation ? On nous
dit que le projet de loi 152 est une suite à la Commission
Charbonneau.
Moi, ce que j'ai entendu à la Commission Charbonneau, c'est que
c'était
les employeurs qui fraudaient, c'était les
entrepreneurs en construction qui étaient reliés au crime
organisé et
c'était les partis politiques qui s'engraissaient en haussant
les coûts
des contrats qu'ils accordaient pour les chantiers afin d'avoir une
ristourne de la part
de l'employeur. Comment se fait-il aujourd'hui, alors que personne n'a
été condamné, personne n'a été
arrêté en vertu de cette commission,
comment se fait-il qu'on s'attaque aux syndicats, en prétextant
qu'ils
font de l'intimidation ?
« Ce sont les employeurs qui font de
l'intimidation sur les
chantiers de construction. C'est eux qui nous obligent à
travailler
dans des conditions dangereuses et nous font des menaces en nous disant
que si nous ne sommes pas contents, ils vont simplement nous remplacer,
ne plus faire appel à nous pour travailler et même nous
congédier.
Quand on les dénonce, on se fait menacer de congédiement,
et on n'a pas
de moyen de se protéger autre que le syndicat. Pourquoi ce n'est
pas à
cela qu'on s'attaque, quand par exemple les employeurs nous menacent de
congédiement si on ne travaille pas au noir le samedi. Si je
veux
garder ma job je sais très bien que les fins de semaine, quand
je vais travailler, je ne dois pas demander les retenues, je dois
travailler au noir sinon je suis congédié.
C'est-à-dire être payé en dessous de la table. On
nous paie le salaire brut, mais sans les
retenues, les fonds de pension, les impôts, etc. C'est donc une
partie
de l'impôt qui ne va pas au gouvernement. Il n'y a pas personne
d'autre
que les
syndicats qui nous défendent face à cela. Si je fais une
plainte à la
Commission de la construction du Québec (CCQ), je ne suis pas
protégé
par la CCQ. Ma job n'est pas protégée. Par contre, le
syndicat réussit
à travailler d'une façon telle que je suis
protégé, que je ne suis pas
identifié. Parce que c'est le syndicat lui-même qui va
porter plainte à
la CCQ.
« Aujourd'hui, sous prétexte qu'il y a eu
une Commission
Charbonneau qui aurait démontré plein de
problématiques sur les
chantiers de construction, on s'attaque au syndicat, celui qui est
là
pour m'aider plutôt que de s'attaquer à toute la
corruption qu'il y a
eu dans la construction. C'est elle qui a fait augmenter les
coûts des
projets et non
les salaires des travailleurs.
« Déjà, quand ils ont adopté
la Loi 30 en décembre 2011 qui a aboli le placement
syndical, ils ont
inclus dans la loi des choses contre l'intimidation qui aurait
été
faite selon eux par le monde syndical. Pourquoi aujourd'hui, quand le
placement syndical n'existe plus, a-t-on renforcé les mesures
pour empêcher les travailleurs et leurs représentants de
faire leur
travail ? Comme travailleur j'ai besoin d'un syndicat qui est
capable
de dénoncer les problématiques. Les menaces, les
employeurs en
utilisent constamment. Leur droit de gérance ne leur donne pas
le droit
de faire des menaces pour toute chose qu'on revendique, qu'on
dénonce, et pour quoi, pour faire respecter les conventions
collectives
et les lois.
« Quand je dénonce que mes outils ne sont
pas adaptés au travail,
qu'on me demande de travailler avec ces outils-là, sinon je n'ai
qu'à
m'en aller chez nous, ce sont des menaces de la part de l'employeur. Si
tu travailles avec un outil qui n'est pas approprié, tu
travailles avec
un danger, cela c'est une menace. De cela, jamais on en parle. Il
n'y a jamais un gouvernement qui est intervenu là-dedans. Ils
n'interviennent pas là-dessus. Les mesures ne sont pas prises
pour
éliminer le danger. Au contraire, ce sont ceux qui sont
là pour
défendre les travailleurs qui sont attaqués.
« Un autre exemple. Disons que j'ai le droit
à une indemnisation
pour kilométrage pour aller travailler parce que je dois faire
tant de
kilomètres à partir de chez nous pour aller travailler.
Cependant
l'employeur me
dit que s'il est obligé de me payer le kilométrage, il va
engager
quelqu'un d'autre parce que cela va lui coûter moins cher. En
plus, il
me
dit que s'il paie l'indemnisation du kilométrage, les autres
travailleurs de la région vont demander la même chose,
alors il menace
de ne plus engager personne de ma région. C'est illégal
parce que
l'indemnisation pour le kilométrage est inscrite dans la
convention
collective, et pourtant ces choses-là se produisent
régulièrement sur
les
chantiers.
« Comme on n'a pas de sécurité
d'emploi dans la construction, que
les employeurs peuvent prendre n'importe quel prétexte pour dire
qu'ils
n'ont plus besoin de nous, puisqu'on ne peut rien prouver, les seuls
qui peuvent faire quelque chose ce sont les syndicats.
« Le projet de loi est écrit pour nous
enlever
notre moyen de protection.
Sur papier, je le garde. Mais dans la réalité, avec les
mesures qui
sont prises pour empêcher un représentant de pouvoir faire
son travail,
c'est autre chose. On l'empêche de prendre les moyens
nécessaires pour
faire appliquer les conventions collectives, les lois et les
règlements.
« Si j'avais une sécurité d'emploi,
des protections, cela pourrait
m'aider à démontrer que si l'employeur me met dehors, il
m'a mis dehors
pour engager quelqu'un d'autre, il n'avait pas le droit donc cela me
donne de la protection. Dans la construction on n'a pas cette
sécurité-là , alors on a d'autant plus besoin d'un
représentant
syndical qui
puisse intervenir, démontrer que l'employeur est fautif. En
même temps
il y a une négociation qui se fait pour convaincre l'employeur
de
respecter sa parole parce qu'une convention collective c'est
signé par
les deux parties. On veut respecter notre part et on demande à
l'employeur de respecter la sienne. Je n'ai pas en fin de compte
l'exercice du
droit à l'activité syndicale. J'ai le droit de choisir
mon
syndicat,
mais le syndicat peut très peu intervenir pour changer les
choses dans
un contexte comme celui-là. On comprend que si on avait
l'ancienneté,
une forme de sécurité d'emploi et de revenu, une
protection, la
situation serait différente.
« Pour améliorer la situation, il faut des
mesures de sécurité
d'emploi et de revenu. Il faut aussi que lorsque nous votons la
grève,
les chantiers cessent de fonctionner normalement, il faut que tout le
monde soit en grève. Les mesures de la loi antiscab ne
s'appliquent
même pas dans la construction. Comment se fait-il que moi je fais
la
grève
pour obtenir une augmentation de salaire, mais les chantiers restent
ouverts et ce n'est pas illégal même si nous avons pris un
vote de
grève ? Si on intervient pour fermer les chantiers, on peut
se faire
accuser d'intimidation.
« Il faut s'attaquer aux problématiques
réelles de la construction,
alors que le projet de loi s'attaque à ceux qui veulent
régler les
problématiques dans la construction. Il faut assurer la
liberté du
syndicat de faire son travail sur les chantiers. »
Une attaque du gouvernement qui demande une
réponse
collective du mouvement ouvrier
Un travailleur des postes de Montréal nous a
fait ce commentaire :
« Après avoir lu les articles du Forum
ouvrier, je suis allé
examiner la Loi R-20 et j'ai pu constater que les travailleurs de la
construction ont déjà énormément de
pression par la Loi R-20 qui les
soustrait aux normes du travail dans différents aspects. En
sachant
comment c'est déjà dangereux dans l'industrie de la
construction, en
sachant que
c'est déjà difficile d'obtenir une convention collective
parce qu'il
n'y a pas de rétroactivité, ce n'est rien pour promouvoir
des ententes
négociées de bonne foi. (Dans
la
construction,
les
augmentations
de
salaire
qui sont obtenues ne sont pas rétroactives à la
date d'échéance
de la convention collective et les employeurs prolongent
délibérément
les
négociations - Note de FO).
« En comprenant déjà le contexte de
la Loi R-20, on comprend mieux
le geste qu'ils mettent de l'avant avec le projet de loi 152.
C'est
encore pour tenter d'empêcher les travailleurs de faire valoir
leurs
droits.
« On voit dans les articles que le projet de loi
met beaucoup
d'emphase sur ce qu'un geste des travailleurs est «
susceptible » de
produire. C'est inquiétant parce qu'on n'est plus dans un mode
où on
doit démontrer les choses par des faits mais dans un mode
où on est
dans la zone des possibles. Est-ce que c'est possible que le
travailleur
ait eu l'intention d'intimider l'employeur ? Est-ce que c'est
possible
que le geste du travailleur soit « susceptible »
d'entraver l'activité
de l'employeur ? On est dans le domaine subjectif. La personne qui
est
à la tête de l'entreprise peut ressentir une tension parce
que le geste
du travailleur est susceptible de l'intimider. On est
rendu à s'éloigner des faits et à se
déplacer sur des états d'âme,
comment l'employeur s'est senti par rapport à tel ou tel geste.
Cela
mine la chance des travailleurs de faire valoir leurs droits. Un
travailleur qui va vouloir mettre son pied à terre et
défendre son
droit en termes de santé et sécurité, est-ce que
son geste va être
interprété comme étant
de l'intimidation ? En plus il y a de fortes amendes qui sont
imposées
pour l'infraction à la loi. Cela élargit beaucoup le
droit des
employeurs de contester les moyens de pression que prennent les
travailleurs.
« Cela accentue encore plus le
déséquilibre du rapport de force
dans un des secteurs qui est le plus à risque du point de vue
accidents
de travail. Cela touche directement le travailleur qui va vouloir
revendiquer ses droits sur le plancher de travail et cela touche aux
instances syndicales dans leur droit et leur devoir de défendre
les
droits des
travailleurs.
« Ce que je constate c'est que ce n'est pas une
attaque uniquement
spécifique aux travailleurs de la construction. C'est une
attaque large
contre les travailleurs, contre les droits fondamentaux des
travailleurs de négocier et de faire valoir leurs droits.
« Selon moi, c'est primordial que le mouvement
ouvrier soit au
courant de ce qui se passe parce que la réponse ne
doit pas être
seulement du secteur, mais elle doit être collective. On se doit
dans la
défense des travailleurs de répondre collectivement
à ce genre
d'attaques. À mon avis ce que le gouvernement fait avec ce
projet de
loi c'est un
essai pour voir si cela va fonctionner et si cela fonctionne, si le
secteur qui est directement visé subit une défaite, le
gouvernement va
aller plus loin. On ne doit pas permettre qu'un secteur soit
isolé. Il
faut une réponse collective du mouvement ouvrier. »
À qui l'économie? Qui
décide?
Sobeys s'en prend aux travailleurs et à
l'économie
de l'Ouest canadien
Depuis que Sobeys s'est emparé de Safeway dans
l'Ouest
canadien, il a fermé plus de cinquante magasins au sein de
son
empire, ce qui affecte des milliers de travailleurs et les gens qui
comptaient sur ces magasins pour leur épicerie et d'autres
emplettes. Sobeys dit que les fermetures « découlent
naturellement de l'acquisition de Canada Safeway ». Cela comprend
les magasins Sobeys, Safeway et IGA dans les Maritimes, au
Québec, en Ontario, au Manitoba, en Saskatchewean, en Alberta et
en Colombie-Britannique.
Les fermetures et les atteintes aux droits des
travailleurs se poursuivent. Prenez le cas des opérations Sobeys
à Vancouver. L'an dernier, Sobeys a démoli le Safeway de
la rue Davie dans le
West
End de Vancouver. Les 102 travailleurs du Safeway de la rue Davie
se
sont fait offrir un emploi dans les autres magasins de la ville, mais
ces emplois se sont révélés
éphémères car Sobeys a annoncé la fermeture
de dix autres magasins en janvier dernier.
Le 23 janvier, Sobeys a remis une lettre de
licenciement aux 660
travailleurs de Safeway qui sont membres de la section locale 1518
des
Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce (TUAC).
Les licenciements ont été faits alors
que 4 500
membres de la section
locale 1518 de Safeway en
Colombie-Britannique s'apprêtaient à entamer des
négociations avec
Sobeys pour la signature d'une nouvelle convention collective. Le
président de la section locale 1518, Ivan Limpright, a dit
que Sobeys a
annulé la réunion du 18 janvier qui devait fixer
l'échéancier des
négociations. Et voilà que cinq jours plus tard, la
compagnie
annonce la fermeture de dix magasins et fait parvenir des lettres de
licenciement aux 660 membres de la section locale. L'entreprise a
même
eu le culot d'annoncer publiquement que si elle obtenait des
concessions antiouvrières dans la nouvelle convention
collective, elle
pourrait rouvrir cinq des sites Safeway fermés, mais, cette
fois, sous
sa
bannière de magasins d'escompte FreshCo.
Le président de la section locale 1518 a
immédiatement dénoncé le
moment choisi pour les licenciements et les mises à pied comme
étant
suspects. Il a dit : « La semaine dernière, le
premier jour des
négociations avec la section locale 832 des TUAC au
Manitoba, Sobeys a
exigé des concessions de misère pour
ensuite quitter la table. Maintenant, alors que les négociations
se
préparent en Colombie-Britannique, ils annoncent la fermeture de
dix
magasins ? C'est une tactique d'intimidation classique. Mais nos
membres ne vont pas mordre à l'hameçon. »
Sobeys a décidé de faire de
l'année 2018 une année d'attaques
contre ses employés de l'Ouest canadien. La lutte ne se limite
pas à la
Colombie-Britannique, c'est une guerre que Sobeys a
décidé de
déclencher dans tout l'Ouest canadien, a dit la section locale.
La section locale 1518 a immédiatement
déposé une plainte auprès de
la Commission des relations de travail de la Colombie-Britannique selon
laquelle les lettres de licenciement aux 660 membres
constituent un lockout illégal. Le président
Limpright a dit que le
moment choisi
de l'annonce, la politique de la carotte
et du bâton exprimée par les annonces de FreshCo et le
maintien en activité des pharmacies qui sont situées dans
des
magasins FreshCo sont des raisons suffisantes
pour le
dépôt de cette plainte de lockout illégal.
« Écoutez », a-t-il dit,
« nous nous apprêtons à entamer les
négociations avec la compagnie et voilà que Sobeys
choisit ce moment
précis pour annoncer la fermeture de dix magasins ? Le
message de
l'entreprise est on ne peut plus clair : elle rouvrira au moins
cinq magasins si le syndicat et ses membres acceptent une
convention qui est inférieure aux normes établies. C'est
ce qu'on appelle un
lockout illégal. Il s'agit d'une menace pour intimider nos
membres,
affaiblir la position du syndicat et faire avancer la cause de Sobeys
à
la table de négociation.
« Selon le Code des relations du travail de la
Colombie-Britannique, il y a lockout illégal du moment qu'il y a
fermeture d'un endroit de travail, suspension du travail ou refus de la
part de l'employeur de continuer d'embaucher un certain nombre
d'employés dans le but de forcer ces employés à
accepter des conditions
d'emploi... Ce lockout
illégal est effronté et lâche. Il vise à
priver nos membres de leur
emploi et de leurs droits reconnus dans une convention collective
négociée légalement — c'est honteux. »
Sobeys est une filiale d'Empire Co. Ltd (ECL) qui
contrôle Genstar
Development Company (GDC) et Crombie REIT, des spéculateurs
fonciers,
domiciliaires et financiers.
Sur le site web de GDC, on peut lire : « GDC
possède des opérations
en Californie du Sud, à Atlanta et partout au Canada. GDC se
spécialise
en investissements, en terrains résidentiels et en financement
par
actions... GDC gère l'acquisition et le développement de
communautés
canadiennes viables. »
Crombie REIT est une société de fonds
communs de placement
immobilier inscrite à la Bourse de Toronto. Elle est devenue une
filiale de Sobeys Stores Limited en 1976 et a rejoint plus tard
l'empire ECL. Les supermarchés d'alimentation Sobeys sont les
principaux locataires à loyer préférentiel de
Crombie REIT.
L'acquisition par Sobeys de Safeway a grossi l'empire
ECL de 213
magasins, 4 centres de distribution, 12 sites de production
et diverses
propriétés, surtout dans l'Ouest canadien. Ceux qui
contrôlent ECL ont
dit au Globe and Mail à ce moment-là que les
près de 6
milliards $ de richesse sociale requis
pour conclure l'achat de Safeway viendraient en partie de la «
vente
des biens immobiliers de Safeway qui seront ensuite offerts en
location. La société de fonds communs de placement
immobilier Crombie —
qu'Empire a créée pour gérer son actif immobilier
— a le droit de faire
les premières offres sur les édifices, a dit
Sobey. »
Spéculation foncière et autres actions de
Sobeys à Vancouver
Les intérêts privés d'ECL
s'étendent bien au-delà du secteur
alimentaire et touchent à la spéculation foncière
et à d'autres formes
de spéculation. La fermeture d'un des supermarchés est un
exemple de
comment la prise de contrôle de Safeway a été avant
tout une
spéculation foncière et domiciliaire. Après avoir
démoli le Safeway sur
la rue
Davie dans le West End de Vancouver, Sobeys a commencé la
construction
de deux tours résidentielles. Ce projet avait été
précédé par un
dézonage du quartier pour autoriser la construction en hauteur.
La construction des deux tours dans le quartier
s'ajoute à la
construction d'une tour adjacente et d'une autre de l'autre
côté de la rue. La valeur des terrains, le prix des condos
et les
loyers ont monté en flèche depuis le dézonage.
L'un des cas les plus
notoires est celui de la vente du restaurant voisin de White Spot et de
son terrain
de stationnement pour la somme de 245 millions $. Les loyers
dans les
tours en construction vont atteindre les millions de dollars. Comme de
petits lots de terrains leur rapportent des centaines de millions de
dollars, les spéculateurs jugent que les opérations
commerciales
existantes sont inutiles, peu importe si elles ont du succès ou
non, ou peu importe les besoins de la communauté.
La stature elle-même d'ECL place les travailleurs
devant un défi de
taille. Comment les travailleurs peuvent-ils défendre leurs
droits
lorsqu'un cartel colossal qui détient des biens d'une dizaine de
milliards de dollars et un revenu brut annuel provenant de diverses
sources organise une attaque planifiée alors que les
travailleurs qui
cherchent à
le confronter sont réduits à l'impuissance par les
restrictions qui
leur sont imposées par les lois du travail ?
La situation doit être examinée de
près. Les actions de Sobeys ne
sont pas seulement néfastes pour les travailleurs de Safeway,
mais ont
des répercussions sur la sécurité alimentaire et
domiciliaire, sur le
prix des terrains, des aliments et du logement, sur la direction de
l'économie et sur la question historique de qui doit
contrôler les
prises de
décision touchant à la richesse sociale produite par les
travailleurs
et comment et où cette richesse doit être investie et dans
quel but.
Quelles décisions les travailleurs peuvent-ils
prendre qui seront à
la hauteur de la situation, et qui affirmeront leurs droits et
permettront de mettre en échec les tentatives de les
criminaliser pour
leur lutte ? Que peuvent faire les autres travailleurs pour
défendre
les droits de ceux qui sont directement sous le feu de ces
attaques ?
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