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8 février 2018  

Défendons le service postal public!

L'hypocrisie des libéraux sur la livraison à domicile et un service postal universel

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Manifestation des travailleurs et travailleuses des postes le 6 avril 2017 à Laval contre les changements unilatéraux à leurs conditions de travail

Défendons le service postal public!
L'hypocrisie des libéraux sur la livraison à domicile et un service postal universel - Louis Lang

Discussion sur la criminalisation des travailleurs de la construction du Québec
Défendons la dignité et les droits des travailleurs!

À qui l'économie? Qui décide?
Sobeys s'en prend aux travailleurs et à l'économie de l'Ouest canadien


Défendons le service postal public!

L'hypocrisie des libéraux sur la livraison à domicile
et un service postal universel

Le 24 janvier, la ministre des Services publics et de l'Approvisionnement Carla Qualtrough a annoncé ce qu'elle appelle « la vision du gouvernement pour le renouvellement de Postes Canada ». Au nom du gouvernement, la ministre dit que cette nouvelle vision consiste dans « le renouvellement de Postes Canada, qui permettra à cette dernière d'offrir un service de grande qualité à prix raisonnable aux Canadiens, peu importe leur lieu de résidence ». La ministre n'a pas expliqué ce que signifient cette « nouvelle vision » et ce « renouvellement de Postes Canada ». Elle n'a pas fait mention des rapports et des milliers d'opinions soumises par les Canadiens sur ce qu'ils veulent comme renouvellement de Postes Canada. Elle n'a pas non plus mentionné les problèmes que les travailleurs des postes ont soulevés par leur lutte pour défendre leurs conditions de travail contre les demandes de coupures de la Société des postes, contre l'élimination de services et les attaques contre leurs salaires et leurs avantages sociaux.

La ministre a annoncé qu'elle met fin au programme de Postes Canada d'éliminer la livraison du courrier à domicile et de la remplacer par des boîtes postales communautaires, « et ce, avec une entrée en vigueur immédiate ». Cependant, la livraison à domicile qui a déjà été éliminée ne sera pas restaurée. En d'autres termes, le programme visant à éliminer la livraison à domicile est en pause. Cela signifie que près d'un million de ménages ont maintenant définitivement perdu la livraison à domicile. Est-ce que quelqu'un peut croire que les libéraux ne travaillent pas avec Postes Canada pour résoudre comment en finir avec la livraison à domicile ? Le gouvernement demande aussi à Postes Canada de mettre sur pied un groupe d'experts et de défenseurs d'aînés et de personnes handicapées. Ce groupe donnera des conseils sur l' « élaboration, la mise en oeuvre et la promotion d'un programme d'accessibilité améliorée ».

En plus, la ministre a annoncé qu'elle va demander des changements à la Loi sur la gestion des finances publiques afin que Postes Canada soit reclassée. Elle écrit : « Actuellement, en vertu de son inscription à la Loi sur la gestion des finances publiques, Postes Canada a l'obligation légale de verser un dividende au gouvernement fédéral. J'ai l'intention de demander l'approbation du gouverneur en conseil pour que la Société canadienne des postes soit régie par l'Annexe III de la partie II de la Loi sur la gestion des finances publiques à l'Annexe III de la partie I afin de supprimer cette obligation. De plus, ce changement signifie que Postes Canada est maintenant tenue légalement de présenter un budget d'exploitation aux fins d'approbation par le gouvernement, au même titre que son plan d'entreprise annuel et son budget de dépenses en immobilisations. »

Le gouvernement demande aussi à Postes Canada d'assurer « une meilleure promotion » de ses services de remise et de fournir plus d'informations sur ses services de mandats-poste et ses services de remise numérique qu'elle offre par le biais de MoneyGram.

Mépris pour l'examen de Postes Canada et les consultations

En mai 2016, le gouvernement libéral fraîchement élu a annoncé un examen de Postes Canada pour lequel il a créé le groupe de travail de l'examen de Postes Canada. Dans le cadre de cet examen, la ministre responsable a demandé au Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires de consulter les Canadiens sur l'avenir de Postes Canada.

L'examen devait être complété avant la fin de 2016 et comprendre une « consultation exhaustive auprès des Canadiens ». Près de deux ans plus tard, il semble que le gouvernement libéral ait décidé de ne tenir aucun compte du rapport de son propre groupe de travail et des centaines de soumissions qu'il a reçues, de même que du résultat de la consultation publique et du rapport du Comité permanent intitulé « La voie à suivre pour Postes Canada ».

Ces formules de la ministre sur une « nouvelle vision » et un « renouvellement de Postes Canada » sont problématiques et difficiles à comprendre si l'on tient compte de la réglementation actuelle qui existe dans le Protocole du service postal canadien. Cette réglementation gouverne le fonctionnement de la Société canadienne des postes et détermine le type de service que Postes Canada doit fournir aux Canadiens. L'article premier de la Charte est intitulé « Service universel » et se lit ainsi :

Service universel

Postes Canada maintient un service postal qui permet aux particuliers et aux entreprises du Canada d'envoyer et de recevoir du courrier au pays et entre le Canada et l'étranger. Postes Canada assure un service de collecte, de transmission et de livraison de lettres, de colis et de publications.
La prestation de services postaux aux régions rurales du pays fait partie intégrante du service universel qu'offre Postes Canada.

Tarifs abordables

Postes Canada applique le même tarif aux lettres de taille et de poids semblables, de telle sorte que les frais d'affranchissement d'une lettre envoyée à un Canadien sont les mêmes, quelle que soit la distance jusqu'au destinataire.
Comme l'exige la Loi sur la Société canadienne des postes, Postes Canada applique des tarifs de port justes et réalistes et permettant d'assurer des recettes qui, jointes à celles d'autres sources, suffisent à équilibrer les dépenses engagées pour l'exécution de sa mission.
Postes Canada donne un préavis et fait une annonce publique pour proposer une modification tarifaire pour les produits de poste-lettre réglementés et elle consulte les consommateurs pendant le processus d'établissement des tarifs.
Doit-on comprendre de l'annonce de la ministre que le gouvernement libéral entend changer ou violer la Charte d'une façon ou d'une autre pour mettre en oeuvre sa « nouvelle vision » de Postes Canada ?

L'annonce faiblarde de la ministre Qualtrough nous indique que les libéraux de Justin Trudeau ont décidé d'ignorer le travail effectué par le Groupe de travail et le Comité permanent de même que les opinions soumises par les Canadiens, dont les travailleurs des postes, au sujet de la direction du service postal. Le gouvernement refuse d'expliquer quels sont ses plans pour une « nouvelle vision » du « renouvellement de Postes Canada ». Il contrevient ainsi à la demande que les Canadiens ont mise de l'avant massivement lors des dernières élections et depuis d'un service postal public renforcé. Les consultations, sondages en ligne, réunions et audiences publiques ont mis de l'avant la demande d'un service postal public renouvelé et de l'annulation d'années de privatisation et de coupures de services.

Le gouvernement libéral ne reprend pas à son compte ce que les Canadiens ont revendiqué et il garde délibérément le silence sur ses propres plans unilatéraux. Le 24 janvier, en plus de faire son annonce publique, la ministre Qualtrough a aussi envoyé une lettre à la nouvelle présidente du conseil de la Société canadienne des postes dans laquelle elle parle de manière ronflante des « innovations et meilleures pratiques pour la mise en oeuvre du renouvellement ». Le Cabinet fédéral réclame ces « meilleures pratiques » alors que s'amorcent les négociations avec le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes en vue d'une nouvelle convention collective. Dans ces négociations, les travailleurs des postes, avec l'appui des Canadiens, veulent que les coupures dans les services postaux cessent et que la tendance soit renversée. Le gouvernement Trudeau cependant suit son propre ordre du jour néolibéral. La ministre dans sa lettre donne le mandat suivant à la Société des postes :

« L'examen a déterminé divers domaines d'occasion pour Postes Canada. Dans ce contexte, le gouvernement demande à Postes Canada d'entreprendre ce qui suit dans le cadre de l'élaboration de son programme de mise en oeuvre du renouvellement : examiner l'applicabilité au Canada des pratiques exemplaires et des innovations réussies dans d'autres pays, en particulier les divers modèles de prestation de services d'un jour sur deux. »

Le gouvernement libéral fait preuve d'une grande hypocrisie. Au nom du maintien de la livraison à domicile pour les foyers qui l'ont encore, il recommande à la Société des postes de réduire la livraison à domicile de cinq jours/semaine à un jour sur deux et peut-être même moins. Cette demande de réduire les services afin d'éliminer plus d'emplois ne va pas préserver le service postal public comme le prétend le gouvernement parce qu'elle contrevient directement à la charte fondatrice et aux obligations envers les Canadiens. Ces mesures de réduction des services vont miner et affaiblir encore plus la capacité de Postes Canada d'offrir le service postal universel auquel tous les Canadiens ont droit. Cela n'a rien à voir avec un renouvellement et l'édification nationale ; c'est en fait la continuation de la destruction d'une institution publique et d'un avoir précieux dont les Canadiens ont besoin et qu'ils veulent renforcer sur une base nouvelle. Le gouvernement Trudeau doit rendre des comptes et être dénoncé pour sa position hypocrite.

Les Canadiens doivent juger de la situation par eux-mêmes. Les postiers défendent leurs conditions de travail et le service postal public. Les gens sont très préoccupés par les attaques contre le service postal et il y a une demande générale que le service postal public soit non seulement maintenu mais élargi. Cela a été amplement démontré par le large appui accordé aux justes positions des travailleurs des postes durant la grève et le lockout de 2011. La discussion actuelle sur l'état du service postal et tout examen de Postes Canada devraient à tout le moins prendre ces positions comme point de départ. Les travailleurs des postes et tous les travailleurs doivent discuter de ce qui se passe, déterminer comment défendre le service postal public et l'intérêt public, et évaluer sur cette base les remarques de la ministre Qualtrough et les plans du gouvernement libéral.

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Discussion sur la criminalisation des travailleurs de la construction du Québec

Défendons la dignité et les droits des travailleurs!

Une discussion vigoureuse se mène au Québec sur la façon de défendre la dignité et les droits des travailleurs de la construction qui font face aux attaques organisées de l'État. Forum ouvrier a reçu plusieurs opinions et commentaires suite à la parution dans le numéro du 25 janvier d'articles dénonçant le projet de loi 152 du gouvernement du Québec qui pousse encore plus loin la criminalisation des travailleurs de la construction. Nous publions dans ce numéro deux de ces contributions que nous avons reçues.

Le projet de loi 152 antiouvrier s'efforce de criminaliser l'activité syndicale en assimilant faussement les actions organisées des travailleurs de la construction à la défense de leurs droits à de l'intimidation criminelle. Par exemple, le projet de loi associe la défense par les travailleurs de leur santé et de leur sécurité à une interférence criminelle à la liberté du commerce.

Le projet de loi 152 vise à empêcher que les problèmes du secteur de la construction soient résolus. En criminalisant les travailleurs, on s'assure que les véritables éléments corrompus du secteur peuvent poursuivre leurs activités sans entraves et que les problèmes auxquels l'économie et des centaines de projets de construction font face ne vont que s'envenimer. Le projet de loi nous rappelle les premières luttes pour organiser des syndicats légaux lorsque toute activité organisée de la classe ouvrière pour défendre ses droits était déclarée une atteinte illégale à « la liberté du commerce ». La différence, c'est qu'aujourd'hui, les travailleurs qui résistent aux pratiques de travail injustes et aux activités dangereuses et antisyndicales peuvent être accusés ou mêmes diffamés comme étant des terroristes qui s'attaquent à l'économie nationale. Cela fait plus de cent ans maintenant que les travailleurs défont systématiquement les tentatives qui sont faites de les priver de leurs droits et ils ont remporté une reconnaissance légale, quoique limitée, en vertu des lois du travail. Aujourd'hui, les gouvernements de tous les niveaux jettent ces lois par la fenêtre et agissent comme les requins de la finance d'alors, mais sur une échelle beaucoup plus large.

Les autorités doivent s'attaquer aux problèmes de la construction et non à ceux qui proposent des solutions concrètes

Un travailleur de la construction de Montréal a fait le commentaire suivant à Forum ouvrier :

« La question que je me pose c'est comment se fait-il qu'on s'attaque au syndicat comme étant responsable d'intimidation ? On nous dit que le projet de loi 152 est une suite à la Commission Charbonneau. Moi, ce que j'ai entendu à la Commission Charbonneau, c'est que c'était les employeurs qui fraudaient, c'était les entrepreneurs en construction qui étaient reliés au crime organisé et c'était les partis politiques qui s'engraissaient en haussant les coûts des contrats qu'ils accordaient pour les chantiers afin d'avoir une ristourne de la part de l'employeur. Comment se fait-il aujourd'hui, alors que personne n'a été condamné, personne n'a été arrêté en vertu de cette commission, comment se fait-il qu'on s'attaque aux syndicats, en prétextant qu'ils font de l'intimidation ?

« Ce sont les employeurs qui font de l'intimidation sur les chantiers de construction. C'est eux qui nous obligent à travailler dans des conditions dangereuses et nous font des menaces en nous disant que si nous ne sommes pas contents, ils vont simplement nous remplacer, ne plus faire appel à nous pour travailler et même nous congédier. Quand on les dénonce, on se fait menacer de congédiement, et on n'a pas de moyen de se protéger autre que le syndicat. Pourquoi ce n'est pas à cela qu'on s'attaque, quand par exemple les employeurs nous menacent de congédiement si on ne travaille pas au noir le samedi. Si je veux garder ma job je sais très bien que les fins de semaine, quand je vais travailler, je ne dois pas demander les retenues, je dois travailler au noir sinon je suis congédié. C'est-à-dire être payé en dessous de la table. On nous paie le salaire brut, mais sans les retenues, les fonds de pension, les impôts, etc. C'est donc une partie de l'impôt qui ne va pas au gouvernement. Il n'y a pas personne d'autre que les syndicats qui nous défendent face à cela. Si je fais une plainte à la Commission de la construction du Québec (CCQ), je ne suis pas protégé par la CCQ. Ma job n'est pas protégée. Par contre, le syndicat réussit à travailler d'une façon telle que je suis protégé, que je ne suis pas identifié. Parce que c'est le syndicat lui-même qui va porter plainte à la CCQ.

« Aujourd'hui, sous prétexte qu'il y a eu une Commission Charbonneau qui aurait démontré plein de problématiques sur les chantiers de construction, on s'attaque au syndicat, celui qui est là pour m'aider plutôt que de s'attaquer à toute la corruption qu'il y a eu dans la construction. C'est elle qui a fait augmenter les coûts des projets et non les salaires des travailleurs.

« Déjà, quand ils ont adopté la Loi 30 en décembre 2011 qui a aboli le placement syndical, ils ont inclus dans la loi des choses contre l'intimidation qui aurait été faite selon eux par le monde syndical. Pourquoi aujourd'hui, quand le placement syndical n'existe plus, a-t-on renforcé les mesures pour empêcher les travailleurs et leurs représentants de faire leur travail ? Comme travailleur j'ai besoin d'un syndicat qui est capable de dénoncer les problématiques. Les menaces, les employeurs en utilisent constamment. Leur droit de gérance ne leur donne pas le droit de faire des menaces pour toute chose qu'on revendique, qu'on dénonce, et pour quoi, pour faire respecter les conventions collectives et les lois.

« Quand je dénonce que mes outils ne sont pas adaptés au travail, qu'on me demande de travailler avec ces outils-là, sinon je n'ai qu'à m'en aller chez nous, ce sont des menaces de la part de l'employeur. Si tu travailles avec un outil qui n'est pas approprié, tu travailles avec un danger, cela c'est une menace. De cela, jamais on en parle. Il n'y a jamais un gouvernement qui est intervenu là-dedans. Ils n'interviennent pas là-dessus. Les mesures ne sont pas prises pour éliminer le danger. Au contraire, ce sont ceux qui sont là pour défendre les travailleurs qui sont attaqués.

« Un autre exemple. Disons que j'ai le droit à une indemnisation pour kilométrage pour aller travailler parce que je dois faire tant de kilomètres à partir de chez nous pour aller travailler. Cependant l'employeur me dit que s'il est obligé de me payer le kilométrage, il va engager quelqu'un d'autre parce que cela va lui coûter moins cher. En plus, il me dit que s'il paie l'indemnisation du kilométrage, les autres travailleurs de la région vont demander la même chose, alors il menace de ne plus engager personne de ma région. C'est illégal parce que l'indemnisation pour le kilométrage est inscrite dans la convention collective, et pourtant ces choses-là se produisent régulièrement sur les chantiers.

« Comme on n'a pas de sécurité d'emploi dans la construction, que les employeurs peuvent prendre n'importe quel prétexte pour dire qu'ils n'ont plus besoin de nous, puisqu'on ne peut rien prouver, les seuls qui peuvent faire quelque chose ce sont les syndicats.

« Le projet de loi est écrit pour nous enlever notre moyen de protection. Sur papier, je le garde. Mais dans la réalité, avec les mesures qui sont prises pour empêcher un représentant de pouvoir faire son travail, c'est autre chose. On l'empêche de prendre les moyens nécessaires pour faire appliquer les conventions collectives, les lois et les règlements.

« Si j'avais une sécurité d'emploi, des protections, cela pourrait m'aider à démontrer que si l'employeur me met dehors, il m'a mis dehors pour engager quelqu'un d'autre, il n'avait pas le droit donc cela me donne de la protection. Dans la construction on n'a pas cette sécurité-là , alors on a d'autant plus besoin d'un représentant syndical qui puisse intervenir, démontrer que l'employeur est fautif. En même temps il y a une négociation qui se fait pour convaincre l'employeur de respecter sa parole parce qu'une convention collective c'est signé par les deux parties. On veut respecter notre part et on demande à l'employeur de respecter la sienne. Je n'ai pas en fin de compte l'exercice du droit à l'activité syndicale. J'ai le droit de choisir mon syndicat, mais le syndicat peut très peu intervenir pour changer les choses dans un contexte comme celui-là. On comprend que si on avait l'ancienneté, une forme de sécurité d'emploi et de revenu, une protection, la situation serait différente.

« Pour améliorer la situation, il faut des mesures de sécurité d'emploi et de revenu. Il faut aussi que lorsque nous votons la grève, les chantiers cessent de fonctionner normalement, il faut que tout le monde soit en grève. Les mesures de la loi antiscab ne s'appliquent même pas dans la construction. Comment se fait-il que moi je fais la grève pour obtenir une augmentation de salaire, mais les chantiers restent ouverts et ce n'est pas illégal même si nous avons pris un vote de grève ? Si on intervient pour fermer les chantiers, on peut se faire accuser d'intimidation.

« Il faut s'attaquer aux problématiques réelles de la construction, alors que le projet de loi s'attaque à ceux qui veulent régler les problématiques dans la construction. Il faut assurer la liberté du syndicat de faire son travail sur les chantiers. »

Une attaque du gouvernement qui demande une réponse
collective du mouvement ouvrier

Un travailleur des postes de Montréal nous a fait ce commentaire :

« Après avoir lu les articles du Forum ouvrier, je suis allé examiner la Loi R-20 et j'ai pu constater que les travailleurs de la construction ont déjà énormément de pression par la Loi R-20 qui les soustrait aux normes du travail dans différents aspects. En sachant comment c'est déjà dangereux dans l'industrie de la construction, en sachant que c'est déjà difficile d'obtenir une convention collective parce qu'il n'y a pas de rétroactivité, ce n'est rien pour promouvoir des ententes négociées de bonne foi. (Dans la construction, les augmentations de salaire qui sont obtenues ne sont pas rétroactives à la date d'échéance de la convention collective et les employeurs prolongent délibérément les négociations - Note de FO).

« En comprenant déjà le contexte de la Loi R-20, on comprend mieux le geste qu'ils mettent de l'avant avec le projet de loi 152. C'est encore pour tenter d'empêcher les travailleurs de faire valoir leurs droits.

« On voit dans les articles que le projet de loi met beaucoup d'emphase sur ce qu'un geste des travailleurs est « susceptible » de produire. C'est inquiétant parce qu'on n'est plus dans un mode où on doit démontrer les choses par des faits mais dans un mode où on est dans la zone des possibles. Est-ce que c'est possible que le travailleur ait eu l'intention d'intimider l'employeur ? Est-ce que c'est possible que le geste du travailleur soit « susceptible » d'entraver l'activité de l'employeur ? On est dans le domaine subjectif. La personne qui est à la tête de l'entreprise peut ressentir une tension parce que le geste du travailleur est susceptible de l'intimider. On est rendu à s'éloigner des faits et à se déplacer sur des états d'âme, comment l'employeur s'est senti par rapport à tel ou tel geste. Cela mine la chance des travailleurs de faire valoir leurs droits. Un travailleur qui va vouloir mettre son pied à terre et défendre son droit en termes de santé et sécurité, est-ce que son geste va être interprété comme étant de l'intimidation ? En plus il y a de fortes amendes qui sont imposées pour l'infraction à la loi. Cela élargit beaucoup le droit des employeurs de contester les moyens de pression que prennent les travailleurs.

« Cela accentue encore plus le déséquilibre du rapport de force dans un des secteurs qui est le plus à risque du point de vue accidents de travail. Cela touche directement le travailleur qui va vouloir revendiquer ses droits sur le plancher de travail et cela touche aux instances syndicales dans leur droit et leur devoir de défendre les droits des travailleurs.

« Ce que je constate c'est que ce n'est pas une attaque uniquement spécifique aux travailleurs de la construction. C'est une attaque large contre les travailleurs, contre les droits fondamentaux des travailleurs de négocier et de faire valoir leurs droits.

« Selon moi, c'est primordial que le mouvement ouvrier soit au courant de ce qui se passe parce que la réponse ne doit pas être seulement du secteur, mais elle doit être collective. On se doit dans la défense des travailleurs de répondre collectivement à ce genre d'attaques. À mon avis ce que le gouvernement fait avec ce projet de loi c'est un essai pour voir si cela va fonctionner et si cela fonctionne, si le secteur qui est directement visé subit une défaite, le gouvernement va aller plus loin. On ne doit pas permettre qu'un secteur soit isolé. Il faut une réponse collective du mouvement ouvrier. »

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À qui l'économie? Qui décide?

Sobeys s'en prend aux travailleurs et à l'économie
de l'Ouest canadien

Depuis que Sobeys s'est emparé de Safeway dans l'Ouest canadien, il a fermé plus de cinquante magasins au sein de son empire, ce qui affecte des milliers de travailleurs et les gens qui comptaient sur ces magasins pour leur épicerie et d'autres emplettes. Sobeys dit que les fermetures « découlent naturellement de l'acquisition de Canada Safeway ». Cela comprend les magasins Sobeys, Safeway et IGA dans les Maritimes, au Québec, en Ontario, au Manitoba, en Saskatchewean, en Alberta et en Colombie-Britannique.

Les fermetures et les atteintes aux droits des travailleurs se poursuivent. Prenez le cas des opérations Sobeys à Vancouver. L'an dernier, Sobeys a démoli le Safeway de la rue Davie dans le West End de Vancouver. Les 102 travailleurs du Safeway de la rue Davie se sont fait offrir un emploi dans les autres magasins de la ville, mais ces emplois se sont révélés éphémères car Sobeys a annoncé la fermeture de dix autres magasins en janvier dernier.

Le 23 janvier, Sobeys a remis une lettre de licenciement aux 660 travailleurs de Safeway qui sont membres de la section locale 1518 des Travailleurs unis de l'alimentation et du commerce (TUAC).

Les licenciements ont été faits alors que 4 500 membres de la section locale 1518 de Safeway en Colombie-Britannique s'apprêtaient à entamer des négociations avec Sobeys pour la signature d'une nouvelle convention collective. Le président de la section locale 1518, Ivan Limpright, a dit que Sobeys a annulé la réunion du 18 janvier qui devait fixer l'échéancier des négociations. Et voilà que cinq jours plus tard, la compagnie annonce la fermeture de dix magasins et fait parvenir des lettres de licenciement aux 660 membres de la section locale. L'entreprise a même eu le culot d'annoncer publiquement que si elle obtenait des concessions antiouvrières dans la nouvelle convention collective, elle pourrait rouvrir cinq des sites Safeway fermés, mais, cette fois, sous sa bannière de magasins d'escompte FreshCo.

Le président de la section locale 1518 a immédiatement dénoncé le moment choisi pour les licenciements et les mises à pied comme étant suspects. Il a dit : « La semaine dernière, le premier jour des négociations avec la section locale 832 des TUAC au Manitoba, Sobeys a exigé des concessions de misère pour ensuite quitter la table. Maintenant, alors que les négociations se préparent en Colombie-Britannique, ils annoncent la fermeture de dix magasins ? C'est une tactique d'intimidation classique. Mais nos membres ne vont pas mordre à l'hameçon. »

Sobeys a décidé de faire de l'année 2018 une année d'attaques contre ses employés de l'Ouest canadien. La lutte ne se limite pas à la Colombie-Britannique, c'est une guerre que Sobeys a décidé de déclencher dans tout l'Ouest canadien, a dit la section locale.

La section locale 1518 a immédiatement déposé une plainte auprès de la Commission des relations de travail de la Colombie-Britannique selon laquelle les lettres de licenciement aux 660 membres constituent  un lockout illégal. Le président Limpright a dit que le moment choisi de l'annonce, la politique de la carotte et du bâton exprimée par les annonces de FreshCo et le maintien en activité des pharmacies qui sont situées dans des magasins FreshCo sont des raisons suffisantes pour le dépôt de cette plainte de lockout illégal.

« Écoutez », a-t-il dit, « nous nous apprêtons à entamer les négociations avec la compagnie et voilà que Sobeys choisit ce moment précis pour annoncer la fermeture de dix magasins ? Le message de l'entreprise est on ne peut plus clair : elle rouvrira au moins cinq magasins si le syndicat et ses membres acceptent une convention qui est inférieure aux normes établies. C'est ce qu'on appelle un lockout illégal. Il s'agit d'une menace pour intimider nos membres, affaiblir la position du syndicat et faire avancer la cause de Sobeys à la table de négociation.

« Selon le Code des relations du travail de la Colombie-Britannique, il y a lockout illégal du moment qu'il y a fermeture d'un endroit de travail, suspension du travail ou refus de la part de l'employeur de continuer d'embaucher un certain nombre d'employés dans le but de forcer ces employés à accepter des conditions d'emploi... Ce lockout illégal est effronté et lâche. Il vise à priver nos membres de leur emploi et de leurs droits reconnus dans une convention collective négociée légalement — c'est honteux. »

Sobeys est une filiale d'Empire Co. Ltd (ECL) qui contrôle Genstar Development Company (GDC) et Crombie REIT, des spéculateurs fonciers, domiciliaires et financiers.

Sur le site web de GDC, on peut lire : « GDC possède des opérations en Californie du Sud, à Atlanta et partout au Canada. GDC se spécialise en investissements, en terrains résidentiels et en financement par actions... GDC gère l'acquisition et le développement de communautés canadiennes viables. »

Crombie REIT est une société de fonds communs de placement immobilier inscrite à la Bourse de Toronto. Elle est devenue une filiale de Sobeys Stores Limited en 1976 et a rejoint plus tard l'empire ECL. Les supermarchés d'alimentation Sobeys sont les principaux locataires à loyer préférentiel de Crombie REIT.

L'acquisition par Sobeys de Safeway a grossi l'empire ECL de 213 magasins, 4 centres de distribution, 12 sites de production et diverses propriétés, surtout dans l'Ouest canadien. Ceux qui contrôlent ECL ont dit au Globe and Mail à ce moment-là que les près de 6 milliards $ de richesse sociale requis pour conclure l'achat de Safeway viendraient en partie de la « vente des biens immobiliers de Safeway qui seront ensuite offerts en location. La société de fonds communs de placement immobilier Crombie — qu'Empire a créée pour gérer son actif immobilier — a le droit de faire les premières offres sur les édifices, a dit Sobey. »

Spéculation foncière et autres actions de Sobeys à Vancouver

Les intérêts privés d'ECL s'étendent bien au-delà du secteur alimentaire et touchent à la spéculation foncière et à d'autres formes de spéculation. La fermeture d'un des supermarchés est un exemple de comment la prise de contrôle de Safeway a été avant tout une spéculation foncière et domiciliaire. Après avoir démoli le Safeway sur la rue Davie dans le West End de Vancouver, Sobeys a commencé la construction de deux tours résidentielles. Ce projet avait été précédé par un dézonage du quartier pour autoriser la construction en hauteur.

La construction des deux tours dans le quartier s'ajoute à la construction d'une tour adjacente et d'une autre de l'autre côté de la rue. La valeur des terrains, le prix des condos et les loyers ont monté en flèche depuis le dézonage. L'un des cas les plus notoires est celui de la vente du restaurant voisin de White Spot et de son terrain de stationnement pour la somme de 245 millions $. Les loyers dans les tours en construction vont atteindre les millions de dollars. Comme de petits lots de terrains leur rapportent des centaines de millions de dollars, les spéculateurs jugent que les opérations commerciales existantes sont inutiles, peu importe si elles ont du succès ou non, ou peu importe les besoins de la communauté.

La stature elle-même d'ECL place les travailleurs devant un défi de taille. Comment les travailleurs peuvent-ils défendre leurs droits lorsqu'un cartel colossal qui détient des biens d'une dizaine de milliards de dollars et un revenu brut annuel provenant de diverses sources organise une attaque planifiée alors que les travailleurs qui cherchent à le confronter sont réduits à l'impuissance par les restrictions qui leur sont imposées par les lois du travail ?

La situation doit être examinée de près. Les actions de Sobeys ne sont pas seulement néfastes pour les travailleurs de Safeway, mais ont des répercussions sur la sécurité alimentaire et domiciliaire, sur le prix des terrains, des aliments et du logement, sur la direction de l'économie et sur la question historique de qui doit contrôler les prises de décision touchant à la richesse sociale produite par les travailleurs et comment et où cette richesse doit être investie et dans quel but.

Quelles décisions les travailleurs peuvent-ils prendre qui seront à la hauteur de la situation, et qui affirmeront leurs droits et permettront de mettre en échec les tentatives de les criminaliser pour leur lutte ? Que peuvent faire les autres travailleurs pour défendre les droits de ceux qui sont directement sous le feu de ces attaques ?

(ufcw1518.com, Wikipédia, Globe and Mail)

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