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25 janvier 2018 

Les travailleurs luttent pour que Postes Canada
reconnaisse leurs droits

Les négociations à la Société des Postes et la destruction du principe d'universalité

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Les travailleurs luttent pour que Postes Canada reconnaisse leurs droits
Les négociations à la Société des Postes et la destruction du principe d'universalité - Louis Lang

Hamilton Specialty Bar sous liquidation judiciaire
Un autre vol de grand chemin dans l'industrie de l'acier

Un projet de loi au Québec qui accroît la criminalisation des travailleurs de la construction
Le renforcement des pouvoirs de police ne va pas résoudre les problèmes des travailleurs ou du secteur
Entrevue avec Richard Goyette, ancien directeur général de la FTQ-Construction
Changements à la Loi de la construction

Dérive du mouvement syndical canadien
Comment la scission d'Unifor du CTC va-t-elle aider les travailleurs à défendre leurs droits?



Les travailleurs luttent pour que Postes Canada reconnaisse leurs droits

Les négociations à la Société des Postes et la destruction du principe d'universalité


Les travailleurs des postes manifestent à la défense de leurs droits le 8 août 2016 à Montréal

Des négociations sont en cours entre Postes Canada et le Syndicat des travailleurs et travailleuses des postes. La convention collective des factrices et facteurs ruraux et suburbains (FFRS) a pris fin le 31 décembre 2017 et celle des membres de l'unité urbaine prend fin le 31 janvier 2018.

En défendant le service postal public, les travailleurs des postes défendent l'édification nationale et les droits de tous. Entre autres choses, leur lutte défend le principe de l'universalité. Au Canada, un des principes de l'édification nationale depuis sa fondation a été le principe de l'universalité. C'est une des raisons pour laquelle on a dit que chaque dominion britannique devrait se joindre au Canada. On a dit qu'en s'unissant, chacun allait jouir du même niveau de vie et de la même protection sans égard à ses conditions spécifiques. Il n'y aurait pas de provinces « mieux nanties » et de provinces « moins nanties ». Les régions situées loin des grands centres ne seraient pas privées du standard universel de services de santé ou d'autres services en raison de leur éloignement, de leur petite population, d'un climat plus froid, de la topographie ou des circonstances économiques. C'est dans ce contexte qu'un système postal national a été établi afin de livrer le service à un prix uniforme pour tous les Canadiens peu importe où ils vivent et ceci a joué un rôle essentiel dans le développement du Canada dès le début.

Bien sûr, une des raisons pour laquelle des prix uniformes ont été établis était le besoin de faire circuler l'information nécessaire aux entreprises commerciales. Un monopole postal public détenu par le gouvernement était le moyen le plus efficace d'amasser suffisamment de capitaux pour créer un système de communication suffisamment vaste pour relier les adresses commerciales dans tout le pays et envoyer leurs catalogues et leurs factures.

Appliquer le principe de l'universalité signifie que le prix qu'il en coûte pour envoyer une lettre à deux coins de rue à Toronto est le même que pour l'envoyer à Chicoutimi. Pour garantir l'universalité, Postes Canada détourne une partie de la valeur ajoutée que les travailleurs des postes produisent en livrant une lettre à deux coins de rue à Toronto, pour que cette lettre soit livrée à Chicoutimi. Un prix et un service universels pour tous les Canadiens, peu importe où ils vivent, influent sur le taux de profit global. Dans le cas du courrier, la valeur ajoutée produite par les travailleurs par rapport à la valeur totale diminue à mesure que la distance augmente. Cela réduit le taux de profit global de l'entreprise.

Postes Canada est toujours une société d'État et non une entreprise privée. Mais elle est en train de privatiser les sections les plus rentables de l'entreprise et cela va à l'encontre de l'édification nationale. Par la privatisation et la déréglementation des services postaux, la classe dirigeante cherche à éliminer le principe de l'universalité en paroles et en actes. Cela signifie que la valeur ajoutée que les travailleurs produisent en livrant le courrier à des distances plus courtes ne servira pas à subventionner le transport du courrier sur de plus grandes distances. Les entreprises privées livreraient le courrier, y compris les colis, dans les grands centres urbains et cette production serait séparée de la distribution du courrier, encore publique, dans les zones rurales et suburbaines du pays. Pour bâtir leurs empires, les entreprises privées s'emparent de toute la valeur ajoutée produite par les travailleurs postaux urbains plutôt que de consacrer cette valeur à l'édification nationale pour laquelle, au Canada, il est nécessaire de garantir le principe d'universalité.

À Postes Canada, la privatisation et la déréglementation se poursuivent depuis de nombreuses années. À la suite de la déréglementation de la livraison des colis par le gouvernement libéral de Pierre-Elliott Trudeau au début des années 1980, Postes Canada a perdu son monopole d'État sur la distribution des colis aux monopoles mondiaux FedEx, UPS et DHL. Cela prive Postes Canada et les Canadiens d'une valeur ajoutée dont ils ont grandement besoin et qui pourrait être utilisée pour renouveler le système postal et les recettes générales de l'État pour que des investissements soient faits dans les programmes sociaux.

Les nominations faites par les gouvernements libéraux et conservateurs à la présidence de Postes Canada, Moya Greene par les libéraux et Deepak Chopra (l'ancien président de Pitney Bowes Canada) par les conservateurs l'ont été pour superviser le démantèlement du service postal universel.

En 2005, quand Moya Greene a été nommée PDG de Postes Canada par les libéraux de Paul Martin, elle a clairement indiqué dans son premier discours que le privilège exclusif et l'obligation du service universel étaient des « restrictions léguées par le passé » qui devaient être éliminées par la déréglementation. Elle a dit : « Pour que la déréglementation réussisse, elle doit se faire graduellement. Là où elle a été couronnée de succès, elle a donné aux administrations postales plus de liberté pour concurrencer et s'adapter à l'environnement économique. »

Avec la nomination de Deepak Chopra par les conservateurs de Stephen Harper, Postes Canada a intensifié ses ventes systématiques de franchises postales à Shopper's Drug Mart et à d'autres détaillants situés près des points de vente au détail des bureaux de poste.

Avec la Loi C-9, une loi liée au budget fédéral de 2010, le gouvernement Harper a réussi à retirer le courrier international du privilège exclusif de Postes Canada. Avec cette loi, le gouvernement a légalisé les activités illégales déjà existantes des entreprises appelées « entreprises de repostage » qui traitaient les lettres envoyées à des destinations internationales. En introduisant en catimini la déréglementation dans une loi sur le budget afin d'éviter le débat, Harper a permis aux gros expéditeurs privés de percevoir chaque année des millions de dollars de revenus de Postes Canada.

La direction que suit le gouvernement Trudeau aujourd'hui n'est pas différente. Dans sa soi-disant nouvelle vision de Postes Canada, au lieu d'affirmer la nécessité d'un bureau de poste public et d'un service postal universel, il a fait de vagues promesses selon lesquelles tous les Canadiens ont droit à « un service postal de grande qualité à prix raisonnable ». Il a gardé la mainmise sur la décision finale de ce qui est « de grande qualité » et de ce qui est un « prix raisonnable ».

La tendance régressive à la privatisation et à la déréglementation s'accompagne d'une pression à la baisse constante sur les réclamations des travailleurs des postes à la valeur qu'ils produisent sous forme de salaires, d'avantages sociaux et de pensions. L'arme principale dans l'attaque contre les postiers est l'utilisation de la loi par le gouvernement pour criminaliser la lutte de classe de la classe ouvrière à la défense de ses droits et pour l'amélioration de ses conditions d'emploi, la réclamation directe à la valeur qu'elle produit, qui représente une grande partie de son niveau de vie. À cet égard, les travailleurs sont confrontés au problème du détournement des négociations qui deviennent une façon de soutirer des concessions qui ne sont pas viables. En fait, les employeurs et les gouvernements imposent souvent des limites qui dictent les paramètres à l'intérieur desquels les travailleurs sont autorisés à négocier. Les paramètres sont basés sur la réalisation d'objectifs néolibéraux qui nuisent aux intérêts des travailleurs mais sur lesquels les travailleurs n'ont pas voix au chapitre.

L'autre revendication de la classe ouvrière à la valeur qu'elle produit se fait par la défense des programmes sociaux qui sont eux aussi attaqués et réduits plutôt que d'être améliorés par les investissements nécessaires.

Tout ceci montre que la lutte des travailleurs et travailleuses des postes pour leurs droits concerne tous les Canadiens et pas seulement les travailleurs des postes. Lorsque les postiers se battent pour défendre leurs droits et un service postal public, ils prennent part à l'édification nationale qui, au Canada, comprend l'affirmation du principe de l'universalité.

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Hamilton Specialty Bar sous liquidation judiciaire

Un autre vol de grand chemin dans
l'industrie de l'acier

La faillite de Hamilton Specialty Bar a mis sens dessus dessous la vie de 220 métallos et employés salariés et de 400 retraités. La destruction de l'industrie canadienne de l'acier et l'impact de cette destruction sur les travailleurs, leur économie et les communautés est un sujet de grande préoccupation pour tous. Les travailleurs de Hamilton et du pays prennent en main leur responsabilité sociale de discuter de cette crise et des façons de transformer la situation d'une manière qui leur est favorable et de donner une nouvelle direction à l'économie dont l'objectif moderne est de garantir le bien-être et les droits de tous. Ceci requiert un front de la classe ouvrière suffisamment fort pour priver l'élite impérialiste dirigeante du pouvoir de causer constamment des désastres du genre au peuple.

Hamilton Specialty Bar, qui a été dans le passé une unité de Slater Steel, s'est placé sous la protection de la faillite il y a 14 ans sous les auspices de la Loi sur les arrangements des créanciers avec les compagnies (LACC). Une société de portefeuille américaine appelée Delaware Street Capital a acheté l'unité de Hamilton et l'a revendue en 2007 à une autre société de portefeuille américaine dirigée par Woodside Capital. Pour maintenir l'usine en fonction, les nouveaux propriétaires ont demandé des concessions salariales et autres aux métallos, dont la destruction de leur régime de retraite à prestations déterminées. Cela ne laisse aux retraités aujourd'hui rien d'autre que les montants qu'ils ont accumulés dans un fonds d'épargne et qui s'ajoutent aux maigres montants qu'ils reçoivent du Régime de pensions du Canada. Dans le cadre de la protection de la faillite actuelle, le mandataire chargé des procédures a aussi informé les retraités que leurs autres avantages postérieurs à l'emploi, principalement des prestations médicales, ont été suspendus. Hamilton Specialty Bar, qui a débuté en 1919 comme Canada Steel Company et est devenu plus tard Slater Steel, s'ajoute aux autres compagnies canadiennes qui sont tombées sous les coups de la destruction nationale commise par les escrocs financiers qui rivalisent en ce moment pour la domination à l'échelle mondiale.

Au début de janvier, la société de portefeuille a dit aux 170 métallos qui étaient en chômage durant la fermeture saisonnière de l'usine que leur retour au travail ne durerait que quatre semaines avant la fermeture définitive de l'usine, à moins qu'un nouvel acheteur puisse être trouvé. La plupart des employés salariés ont été licenciés sans préavis. La société a une dette de 27,5 millions $ envers Wells Fargo Capital Finance Corporation, qui est depuis 2008 un important propriétaire de la dette de Specialty Bar et a engrangé depuis lors des profits sous forme d'intérêts à même la valeur ajoutée que les métallos produisent. Les documents du tribunal de la faillite qu'on retrouve sur le site Web du syndic Ernst & Young ne contiennent que de vagues explications comme celle-ci: « Sa performance financière (Specialty Bar) a récemment empiré. »

Le président de la section locale 4752 du Syndicat des Métallos à l'usine, Mickey Mercanti, a dit aux médias locaux qu'il était « réellement furieux », et a ajouté que « rien ne peut justifier que nous soyons présentement dans cette situation compte tenu de la performance actuelle de l'économie ». Mercanti a dit que les travailleurs ont commencé à se douter que quelque chose ne tournait pas rond quand ils ont entendu dire que des entrepreneurs n'avaient pas été payés. Leurs questions sont restées sans réponse. Ils ont été laissés dans le flou, comme cela arrive si souvent aux travailleurs qui font le travail et en dépendent pour gagner leur vie, mais n'ont aucun contrôle ni voix au chapitre sur les questions qui les concernent et les affectent le plus.

Un « vol de grand chemin à la Sears », comme certains l'appellent, est peut-être bien ce qui se trame avec cette destruction de Hamilton Specialty Bar. Les travailleurs n'ont aucun contrôle sur ce qui est fait de la valeur ajoutée qu'ils produisent. Dans le cas de Sears, la plus grande partie du profit avait été soutirée à la compagnie et envoyée aux États-Unis pendant des années plutôt que d'être réinvestie dans le renouvellement et le renforcement de la compagnie et de l'économie au Canada. Plusieurs se demandent pourquoi ceux qui sont en position de contrôle déclarent faillite au moment où l'économie de l'acier connaît une de ses périodes cycliques d'essor. Qu'est-ce qui est arrivé de toute la valeur que les travailleurs ont produite pendant cette période où les ventes d'automobiles ont atteint un niveau record au Canada ? Lorsqu'elle a informé le syndicat de la fermeture au début janvier et a rappelé les travailleurs pour compléter les commandes de trois gros clients, la compagnie a simplement dit qu'elle connaissait un problème de « liquidités ».

Le consensus qui existe parmi les travailleurs de Hamilton est que de telles choses ne devraient pas se produire. Ceux qui sont en position de contrôle dans l'économie se sont avérés inaptes à continuer à occuper leurs positions importantes. Les travailleurs de Hamilton discutent de ce phénomène qui mène à leur dépossession de ce qui leur appartient de droit et cherchent comment ils peuvent apporter eux-mêmes des solutions qui entraînent l'économie dans une nouvelle direction afin qu'elle devienne stable et à secteurs multiples et subvienne à leurs besoins, une économie capable de garantir le bien-être et les droits de tous.

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Un projet de loi au Québec qui accroît la criminalisation des travailleurs de la construction

Le renforcement des pouvoirs de police ne va pas résoudre les problèmes des travailleurs ou du secteur!


Ligne de piquetage massive durant la grève de mai 2017 dans le secteur de la construction.
Une loi adoptée le 30 mai a forcé les travailleurs à reprendre le travail.

Le 15 novembre dernier, quelques semaines avant la fin de la session d'automne de l'Assemblée nationale, le gouvernement du Québec a présenté le projet de loi 152 qui intensifie la criminalisation des travailleurs de la construction.

Selon le gouvernement, ce projet de loi est nécessaire pour combattre la corruption dans l'industrie sur la base des recommandations de la Commission Charbonneau (la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction). Ceci est un prétexte mais cela explique pourquoi le gouvernement a donné au projet de loi le titre de Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant le domaine du travail afin principalement de donner suite à certaines recommandations de la Commission Charbonneau. Le projet de loi propose des modifications à la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction (la loi R-20) de même qu'à la Loi sur la santé et la sécurité du travail.

On fait face à une imposture antiouvrière de premier ordre. Le projet de loi intervient directement dans les rapports de production entre les employeurs de la construction et les travailleurs du secteur au nom des employeurs. Le plein poids de l'État, de ses pouvoirs de police et de son autorité de punir les individus et les collectifs s'abat sur les travailleurs de la construction pour le « crime » de se défendre pendant qu'ils produisent de la valeur à leur endroit de travail. Le projet de loi 152 nie aux travailleurs de la construction leur droit fondamental de parole en tant que travailleurs, leur droit de s'organiser en collectifs de travailleurs, de se réunir et de discuter des problèmes qu'ils confrontent, particulièrement dans le feu du moment à leur endroit de travail. Il leur nie le droit de mener des actions pour défendre leurs droits en retirant leur capacité de travail jusqu'à ce qu'une entente soit conclue avec l'employeur pour résoudre le ou les problèmes, une entente qui est satisfaisante pour les travailleurs.

Autrement dit, le projet de loi 152, tout comme d'autres moyens aux mains de l'État, établit un équilibre sur les chantiers de construction non par les négociations et le respect des droits des travailleurs, mais par la criminalisation des travailleurs et la suppression de leurs droits par le recours aux pouvoirs de police. Cela ne doit pas passer. Les travailleurs de la construction et leurs alliés sont déterminés à Briser le silence sur cette conspiration de l'État pour les priver de leurs droits.

Une commission parlementaire sur ce projet de loi antiouvrier va se tenir les 6 et 7 février. Il est important d'examiner le projet de loi 152 et d'en discuter les ramifications parce qu'il affecte comment les gouvernements de tous niveaux traitent les droits des travailleurs partout. De plus, cet examen va fournir aux travailleurs de tous les secteurs de l'économie les réflexions dont ils ont besoin pour mener leurs propres luttes. C'est important aussi parce que tous les efforts sont faits pour isoler les travailleurs de la construction, pas seulement au Québec mais ailleurs aussi. Ces mêmes efforts sont à l'oeuvre en ce qui concerne les travailleurs portuaires qui sont caractérisés comme une couche sociale criminelle, une « catégorie », autrement dit, par laquelle ils sont considérés comme une cible légitime de l'action policière.

Forum ouvrier va fournir de l'information et des opinions de façon régulière sur le projet de loi et sur le contexte dans lequel il est présenté. Nous commençons dans ce numéro par une entrevue menée avec Richard Goyette, avocat en droit social et ancien directeur général de la FTQ-Construction. Nous incluons aussi un article d'information qui présente certains des changements qu'apporte le projet de loi 152 à la Loi R-20.

Forum ouvrier examinera dans de prochains numéros comment une commission d'enquête, qui a été appelée pour examiner les activités de collusion et de corruption dans l'octroi et la gestion de contrats publics dans la construction, leur lien possible avec le financement des partis politiques et la possible infiltration de l'industrie par le crime organisé, est maintenant utilisée pour modifier une loi qui est censée gouverner les relations de production entre les travailleurs de la construction et leurs employeurs, d'une façon qui s'attaque aux travailleurs et bénéficie au pouvoir arbitraire et dictatorial des employeurs de la construction.

D'emblée, Forum ouvrier tient à souligner que le renforcement du régime de pouvoirs policiers dans le secteur de la construction n'est pas du tout la chose à faire. Les travailleurs, premièrement, ne sont pas des criminels et ils ne sont pas la cause de la corruption qui existe dans l'industrie. Les responsables, ce sont les entreprises corrompues de la construction de même que les financiers et les gens qui sont à leur service à cause du système politique corrompu. Le projet de loi pourtant rejette le blâme sur toutes les activités que mènent les travailleurs de la construction pour faire entendre leur voix, défendre leurs droits en tant que producteurs d'une valeur immense pour la société, notamment leur droit de travailler dans des conditions salubres et sécuritaires. Le projet de loi dépeint ces activités comme de l'intimidation, et une menace à l'activité économique dans le secteur et à la réclamation faite par ceux qui possèdent et contrôlent la valeur ajoutée que les travailleurs produisent. Et toute cette intervention qui est unilatéralement en faveur des employeurs se produit dans l'industrie la plus dangereuse au Québec qui tue, blesse et rend malades plus de travailleurs que n'importe quel secteur !

Deuxièmement, les mesures qui sont comprises dans ce projet de loi vont exacerber non seulement les problèmes des travailleurs et du secteur, mais les problèmes auxquels la société elle-même fait face lorsque la construction devient non sécuritaire parce que les entreprises ne respectent pas les standards de sécurité.

Le déploiement des pouvoirs de police et la désinformation visent à empêcher les travailleurs de s'unir pour délibérer sur leurs problèmes et les problèmes de la société et leur trouver des solutions qui bénéficient au peuple. Cela débute par la tentative d'isoler des sections de travailleurs pour qu'ils soient criminalisés avec succès et que personne ne prenne leur défense.  Il est important que les travailleurs de tous les secteurs trouvent les moyens d'exprimer leur appui à la lutte que mènent les travailleurs de la construction pour défendre leurs droits et les droits de tous.

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Entrevue avec Richard Goyette, ancien directeur général de la FTQ-Construction

Forum ouvrier : Quels sont les principaux traits du projet de loi 152 du gouvernement du Québec ?

Richard Goyette : Le trait principal, c'est l'objectif du gouvernement d'imposer plus de silence aux appareils syndicaux et aux travailleurs de la construction. Compte tenu que nous avons un secteur industriel très instable, non seulement d'insécurité physique mais d'insécurité financière et d'insécurité d'emploi, cela crée des chaos. Nous avons des travailleurs de la construction dans les régions qui luttent pour s'assurer le peu d'emplois qu'ils ont, aussi il y a la question des conditions très insalubres sur les chantiers. Ce qu'on fait avec ce projet de loi, c'est que si vous brassez les choses pour vous défendre, pour défendre votre main-d'oeuvre ou parce qu'on vous vole votre salaire, si vous levez le ton quand vous rencontrez votre patron, plutôt que de régler ces problèmes, le projet de loi vous impose des pénalités, allant jusqu'à la perte pour le représentant syndical de sa capacité d'exercer ses fonctions pendant cinq ans.

Le projet de loi utilise des mots comme « réunion », réunion illégale sur les chantiers. Qu'est-ce que c'est une réunion illégale ? Des travailleurs qui se rassemblent pour demander à l'employeur d'adopter des mesures de sécurité ? C'est déjà arrivé d'ailleurs que la Commission de la construction du Québec a essayé d'intimider des travailleurs qui avaient exercé un droit de refus sur un chantier en prétextant que l'arrêt de travail était illégal.

Il y a toujours des façons d'interpréter les choses et le meilleur moyen pour cela c'est de faire croire que l'industrie de la construction est très violente, une industrie où le crime organisé circule librement. Au nom de cela, on peut prendre toutes sortes de mesures législatives possibles pour faire de la répression. En réalité, dans la construction, avec 5 % de la main-d'oeuvre on a 25 % des décès, le plus haut taux d'accidents. Ces gens-là ne sont pas morts aux mains du crime organisé, ils sont morts dans des modes de production, et là-dessus il n'y a pas d'enquête criminelle, il y a très peu de mesures répressives contre cela. Les travailleurs peuvent être tués, leurs salaires volés, on parle de millions de dollars perdus au travail au noir, et si jamais pour obtenir notre paie réelle qui correspond à nos heures travaillées, on crie trop fort, il y aura des amendes et des pertes d'emplois. Des représentants syndicaux peuvent perdre leur emploi syndical.

FO : Peux-tu nous donner des exemples précis dans le projet de loi qui illustrent l'objectif d'imposer le silence aux travailleurs ?

RG : Il faut dire tout d'abord que c'est l'industrie qui impose le silence. Quand on n'a pas de sécurité d'emploi, pas de sécurité financière, tu n'a pas le pouvoir de parler parce qu'il y a plein de moyens de se débarrasser d'un travailleur de la construction. C'est dans les conditions mêmes de l'industrie que le silence est imposé.

On voit par exemple qu'il y a un article qui dit que quiconque use d'intimidation ou de menace susceptible de provoquer une entrave, un ralentissement ou un arrêt des activités sur un chantier commet une infraction qui est passible d'amendes.

Qu'est-ce que c'est, faire de l'intimidation ? Faire de gros yeux à quelqu'un, crier fort ? Si le patron se sent intimidé, il va déposer une plainte et le travailleur est passible d'une amende de 1 120 $ à 11 202 $ par jour ou partie de jour que dure cette infraction.

On se rappelle ce qui s'est passé en 2015 quand des autochtones dans la région de La Romaine ont fait une manifestation sur la route qui mène au chantier. Est-ce que ces gens-la vont recevoir des amendes, des contraventions ? Est-ce que les travailleurs d'une région qui se battent pour l'emploi régional et demandent qu'on fasse respecter le nombre de travailleurs hors région permis alors qu'eux-mêmes n'ont pas d'emploi, est-ce que cela constitue de l'intimidation ? Est-ce que c'est de l'intimidation de rassembler des gens sur la route qui mène au chantier, des travailleurs, leurs familles y compris leurs enfants, voire même le député de la région ? Est-ce que cela est « susceptible » de causer une entrave ?

Je compare cela avec l'article 237 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail selon laquelle il faut que quelqu'un compromette « directement et sérieusement » la santé, la sécurité ou l'intégrité physique d'un travailleur avant que cela soit considéré comme une infraction à la loi. Alors quand un travailleur est tué, il faut que quelqu'un soit responsable directement et sérieusement, mais quand c'est de l'économie, il suffit que l'action soit susceptible de l'entraver pour que la loi sévisse. C'est une façon de légiférer qui dit que le matériel, l'économie, passe avant la personne. Cela n'a a aucun sens. Si un employeur veut se débarrasser d'un représentant syndical, de gens de la région qui se battent pour le développement économique régional, il a juste à attendre qu'il y ait une action quelconque pour dire qu'il craint les menaces et fermer son chantier.

D'autres aspects du projet de loi sont construits de la même façon. On y lit par exemple qu'une association de salariés, son représentant ou un salarié ne peuvent pas tenir une réunion sur les lieux de travail sous peine de très lourdes amendes. Déjà la Loi R-20 et le Code du travail prévoient que tu n'as pas le droit de tenir une réunion syndicale sur un lieu de travail sans l'autorisation de l'employeur. Pourquoi un autre article alors ? Est-ce que si un problème survient sur un chantier de construction, que les travailleurs se rassemblent, le représentant syndical arrive, est-ce que c'est une réunion illégale ? Les représentants syndicaux font des visites de chantier, on parle aux gens, on n'arrête pas la production. Premièrement quand les travailleurs sont en train de travailler, ils ne sont très friands de descendre de leurs machines et de défaire leur harnais et leur ceinture pour venir nous parler. Par contre, s'il y a un sérieux problème de santé et sécurité ou de relations de travail, oui ils vont venir te voir et maintenant on va se faire dire que c'est une réunion illégale, tout le monde a des amendes et en plus le représentant syndical peut perdre son emploi pendant 5 ans. Cela n'existe nulle part ailleurs dans le Code du travail ou la législation ouvrière, nulle part, seulement dans la construction.

Encore, si on avait affaire à un secteur d'activité en bon ordre, très salubre, avec une sécurité d'emploi, etc. on pourrait dire que oui mieux vaut se réunir dans notre local syndical. En fait, on est dans un secteur d'activités où même les règles de base de la salubrité ne sont pas respectées ; on n'a pas de toilette avec de l'eau pour se laver les mains, on doit se battre pour cela, pour qu'on ait accès à des conditions de salubrité de base. Cela devient une réunion illégale de faire appliquer des règles de base et les règles de sécurité dans une industrie qui pourtant tue et blesse les travailleurs.

FO: Très brièvement, quel est le lien entre la Commission Charbonneau et le projet de loi 152 ?

RG: Un lien a été établi de toutes pièces entre le mandat de la Commission et les relations de travail. Le personnel de la Commission n'avait aucune expertise dans le domaine des relations de travail. L'équipe d'enquêteurs était faite de gens qui avaient de l'expertise dans les enquêtes criminelles et dans la lutte contre le crime organisé. Ils ont abordé les relations de travail et les conflits de travail comme si cela était un crime. Ils ont dit que d'exercer des droits envers la propriété c'est un bris de propriété comme au sens du code criminel, alors on va traiter ceux qui font ça comme des bandits.

FO : Selon toi, quelle position les travailleurs devraient-ils prendre face à ce projet de loi et quelle est la solution aux problèmes de l'industrie ?

RG : À mon avis, le projet de loi doit être retiré totalement.

Il faut instaurer un système de sécurité du revenu, de sécurité d'emploi. Il faut une planification des travaux. Si on considère que 68 % des chantiers au Québec sont gouvernementaux, il pourrait y avoir de la planification et de la stabilité. On ne devrait pas avoir des périodes de pointe et après cela rien ne se passe, il y a des variations très grandes de main-d'oeuvre, une grande variation des heures travaillées. Tant que les gens n'auront pas une sécurité relative d'emploi et de revenu, en plus de la sécurité physique sur les chantiers, la situation ne va pas changer pour le mieux. Ironiquement, il y a plein de rapports qui ont été soumis au fil des années, de la part de commissions d'enquête et de rapports d'experts commandés par les gouvernements Ils ont conclu que sans qu'on mette fin aux instabilités et aux insécurités qui règnent dans l'industrie de la construction, on ne pourra pas apporter des solutions aux malaises de l'industrie, et ce projet de loi vient contredire tout cela. Il faut mettre fin à la tendance à vouloir briser les syndicats. Cela maintient une économie sauvage sur les chantiers de construction qui cause le chaos.

Chose certaine, on ne réglera pas les problèmes en excluant un secteur d'activité du droit de manifestation, du droit de parole et du droit de bâtir un rapport de force, en privant nos représentants syndicaux de pouvoir travailler pendant cinq ans.

Il ne faut pas oublier que les dispositions de la Loi anti-scabs ne s'appliquent même pas dans la construction. Le travail continue sur les chantiers pendant une grève de la construction. Si on décide de faire une tournée des chantiers pour les arrêter, cela va constituer de l'intimidation et des menaces susceptibles de faire obstruction, de ralentir ou d'arrêter le travail sur un chantier, toutes des activités illégales selon le projet de loi 152. Un travail régulier qui se poursuit pendant une grève est illégal dans les autres secteurs. C'est seulement dans la construction que c'est légal.

Une voie de solution serait la tenue d'une table de travail présidée par le ministère du Travail qui regrouperait les parties prenantes de l'industrie et aurait pour mandat de faire rapport au ministre du Travail sur les solutions à apporter pour fournir une sécurité d'emploi et de revenu aux travailleurs du secteur.

Une campagne publique est aussi de mise parce que cela affecte non seulement les travailleurs de la construction, mais leurs familles et la société dans son ensemble.

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Changements à la Loi de la construction 

Le projet de loi 152 apporte plusieurs modifications à la Loi R-20, la Loi sur les relations du travail, la formation professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. Le projet de loi modifie notamment l'article 113.1 de cette loi qui traite de l'intimidation et de la menace menant à l'obstruction, au ralentissement ou à l'arrêt des activités sur un chantier.

L'article actuel de la Loi dit :

« 113.1. Quiconque use d'intimidation ou de menace dans le but de (dans cet article, les caractères gras dans les citations sont de Forum ouvrier)  provoquer une entrave, un ralentissement ou un arrêt des activités sur un chantier commet une infraction et est passible d'une amende de 1 120 $ à 11 202 $ pour chaque jour ou partie de jour que dure l'infraction. »

Le texte tel que modifié par le projet de loi se lit ainsi :

« 113.1. Quiconque use d'intimidation ou de menace susceptible de provoquer une entrave, un ralentissement ou un arrêt des activités sur un chantier commet une infraction et est passible d'une amende de 1 120 $ à 11 202 $ pour chaque jour ou partie de jour que dure l'infraction. »

Le mot « susceptible de » constitue une base beaucoup plus large pour la criminalisation des travailleurs (ou des gens de la communauté) que « dans le but de ».

Article sur la gérance des opérations sur un chantier

Le projet de loi 152 modifie l'article 113.2 de la Loi de la construction qui se lit ainsi à l'heure actuelle :

« 113.2. Commet une infraction et est passible d'une amende de 1518 $ à 15 146 $ quiconque impose à un employeur l'embauche de salariés déterminés ou d'un nombre déterminé de salariés.

« En cas de récidive, les amendes sont portées au double. »

Le texte modifié se lit ainsi :

« 113.2. Commet une infraction et est passible d'une amende de 1 518 $ à 15 146 $ quiconque use d'intimidation ou de menace susceptible de contraindre un employeur à prendre une décision à l'égard de la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction ou de l'empêcher de prendre une telle décision ou autrement lui impose une telle décision.

« En cas de récidive, les amendes sont portées au double.

« Constitue notamment une décision à l'égard de la gestion de la main-d'oeuvre tout acte visé au deuxième alinéa de l'article 101. »

Encore une fois l'expression « susceptible de contraindre » est beaucoup plus vaste que « impose à un employeur » du point de vue des possibilités de criminalisation des travailleurs qu'elle permet. En plus, l'accusation d' « intimidation » et de « menace » s'applique maintenant à tout effort des travailleurs et de leurs syndicats pour intervenir sur toute question qui concerne la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction. C'est la négation de la raison d'être d'un syndicat qui défend ses membres précisément en intervenant, entre autres choses, sur la gestion de la main-d'oeuvre pour assurer l'emploi, le caractère adéquat des effectifs par rapport à la tâche et la sécurité des travailleurs, etc.

Article sur la tentative de commettre une infraction ou l'incitation à commettre une infraction

L'article 118 de la Loi qui traite de la tentative de commettre une infraction ou l'incitation à commettre une infraction est aussi modifié par l'ajout de l'article 118.1.

L'article 118 se lit ainsi à l'heure actuelle :

« Quiconque tente de commettre une des infractions prévues dans la présente loi, ou aide, ou incite quelqu'un à commettre ou tenter de commettre une telle infraction commet une infraction et est passible de la peine prévue pour une telle infraction. »

Le projet de loi 152 ajoute l'article 118.1 suivant :

« 118.1. L'association de salariés, le représentant d'une telle association ou le salarié qui tient une réunion de salariés sur les lieux du travail sans le consentement de l'employeur ou qui ordonne, encourage ou appuie la tenue d'une telle réunion commet une infraction et est passible, pour chaque jour ou partie de jour que dure l'infraction, d'une amende de 7 842 $ à 78 411 $ dans le cas d'une association ou d'un représentant, et d'une amende de 1 120 $ à 11 202 $ dans le cas d'un salarié. »

Cette clause criminalise de façon explicite la tenue de réunions par les travailleurs pour discuter de leurs conditions à l'endroit de travail. Cela renforce la criminalisation de la tenue de réunions et de discussions qui se trouve déjà dans la Loi. L'article 99 de la Loi interdit déjà aux travailleurs de tenir des réunions sur le chantier de construction. Cet article se lit ainsi :

« 99. Une association de salariés ne doit tenir aucune réunion de ses membres au lieu du travail sans le consentement de l'employeur. »

On voit donc ici un élargissement très prononcé de la criminalisation des réunions de travailleurs de la construction aux endroits de travail, qui s'applique maintenant, avec des amendes substantielles au syndicat, au représentant syndical et au travailleur lui-même. Le tout évidemment, de manière perverse et indigne d'un gouvernement, sans traiter de la raison pour laquelle les travailleurs peuvent juger nécessaire de se réunir et de discuter de la situation sur le chantier de construction, d'examiner les problèmes auxquels ils font face et leur solution. C'est l'employeur qui vraisemblablement cause les problèmes auxquels les travailleurs font face ou à tout le moins n'en traite pas adéquatement. Alors exiger sa permission pour se réunir et discuter et élaborer la situation des problèmes n'a pas de sens.

Article interdisant à un représentant syndicat coupable d'infraction
à la loi d'exercer ses fonctions pendant 5 ans

Le projet de loi 152 élargit l'étendue des infractions qu'elle couvre.

Le texte modifié se lit ainsi :

« 119.11. Toute personne physique déclarée coupable, en vertu d'un jugement définitif, d'une infraction visée à l'un ou l'autre des articles 113.1, 113.2, 115, 119, 119.0.1, 119.0.3, 119.0.5 et 119.8 à 119.10 est inhabile à diriger ou à représenter, à quelque titre que ce soit, une association visée par l'un des paragraphes a à c.2 du premier alinéa de l'article 1 ou une association de salariés affiliée à une association représentative durant les cinq années qui suivent le prononcé de la sentence. »

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Dérive du mouvement syndical canadien

Comment la scission d'Unifor du CTC va-t-elle aider les travailleurs à défendre leurs droits?

Par un geste extrêmement destructeur, le plus grand syndicat du secteur privé au pays, Unifor, a décidé de se désaffilier du Congrès du travail du Canada (CTC). Un tel geste ne peut qu'aider le programme antisocial néolibéral du gouvernement libéral en créant des diversions. Ces diversions deviennent des obstacles de plus au développement de l'unité des travailleurs contre les attaques à leurs droits et d'un mouvement pour résoudre la crise en leur faveur. À cet égard, comment la décision d'Unifor permet-elle aux travailleurs de prendre des positions qui les favorisent face aux projets de loi antitravailleurs sur les pensions et d'autres questions que le gouvernement libéral est en train de faire adopter par le Parlement ?

Entre autres choses, le président d'Unifor vient juste de se rendre aux États-Unis pour parler au secrétaire au Commerce de Trump, Wilbur Ross. Celui-ci est bien connu des métallos comme l'Américain incroyablement riche qui a orchestré la destruction de la sidérurgie canadienne. Nous espérons que les plaintes d'Unifor concernant les « syndicats établis aux États-Unis » qui s'immiscent dans les élections canadiennes ne visent pas le principal concurrent d'Unifor, les Métallurgistes unis mieux connus sous le nom du Syndicat des Métallos. Le Syndicat des Métallos est un syndicat international et non un syndicat américain en soi. Peu importe ce que le président d'Unifor a en tête, il demeure que le gouvernement libéral fédéral fait lui aussi la promotion de lois sur la sécurité qui ciblent l'ingérence étrangère dans les élections. Une réforme électorale qui cible les cyberattaques étrangères pendant les élections comme étant le problème à résoudre cherche de facto à priver les Canadiens de leur droit de parole et de s'organiser politiquement. Tout ce tapage sur « l'ingérence étrangère dans les élections » aux États-Unis et au Canada est fait au nom de protéger la sécurité nationale et la démocratie, sans remettre en cause le statu quo et le processus électoral qui prive le peuple de pouvoir et l'empêche d'exercer son droit démocratique d'élire et d'être élu.

Cela fait des années que les Travailleurs canadiens de l'automobile (TCA) d'abord et maintenant leur successeur, Unifor, cherchent à camoufler leur quête d'hégémonie dans le mouvement syndical en disant qu'ils ne font que défendre la démocratie. Cependant, tout comme les libéraux au pouvoir à Ottawa et ailleurs, ils n'engagent jamais les travailleurs dans la discussion de ce que la démocratie signifie pour eux et de comment ils pensent qu'elle peut être défendue et renouvelée. Unifor cherche depuis longtemps à contrôler l'ordre du jour du CTC en le subordonnant aux politiques de pouvoir des libéraux plutôt qu'à celles du NPD dont les métallos se sont faits les champions. Les travailleurs de la base qui sont aux lignes de front de la lutte contre l'offensive antisociale ont été pris en otage par cette guerre sectaire.

Cette guerre sectaire pour le pouvoir au sein du CTC ne renouvelle absolument pas les syndicats, nationaux ou internationaux, afin de les rendre plus effectifs et capables de faire face à l'offensive antisociale néolibérale. L'offensive menée par l'élite dirigeante a ravagé les programmes sociaux, abaissé le niveau de vie de la plupart des travailleurs et fait éclater le contrat social. Les syndicats de travailleurs sont maintenant systématiquement empêchés par les lois, les injonctions des tribunaux et le pouvoir global des monopoles de même négocier de bonne foi les salaires, les conditions de travail et les pensions. On leur impose un diktat ou encore une « offre finale » et on leur dit de l'accepter volontairement ou bien de faire face à des pénalités incluant la prison, des pertes d'emplois, etc.

Dans la plupart des cas, la guerre sectaire a affaibli les syndicats car ils sont censés prendre partie d'un bord ou de l'autre. La période actuelle exige des syndicats qu'ils mobilisent leurs membres et les autres travailleurs au pays pour s'unir dans l'action à la défense de leurs droits et des droits de tous au lieu de s'engager dans ce genre de guerre sectaire diversionnaire.

Il semble qu'Unifor ait repris la propagande en faillite des libéraux selon laquelle le problème en ce qui concerne les élections au Canada c'est l'ingérence étrangère, et nous devrions croire maintenant qu'il en est de même pour les élections syndicales. Cela fait fi de l'expérience vécue des travailleurs sur tant de fronts. Par contre, cela illustre bien que les travailleurs ont besoin de se mobiliser pour se doter eux-mêmes de pouvoir et bâtir leurs propres organisations indépendamment de l'influence de l'élite impérialiste au pouvoir et de sa façon de penser qui est toujours intéressée. En ce qui concerne le pouvoir gouvernemental, le système électoral actuel de représentation qui est censé établir la légitimité d'un mandat pour les gouvernements est brisé. Les travailleurs doivent discuter et analyser pourquoi il en est ainsi s'ils veulent apporter des solutions à ce problème. C'est à eux à le faire parce qu'il est évident que la classe dominante n'en est pas capable.

Organiser une scission au sein du CTC ne fournit pas une alternative d'édification nationale à un CTC clairement embourbé dans son propre refus de se rénover pour répondre aux exigences de l'époque. Quelles solutions le CTC ou Unifor offrent-ils au problème constitué par des gouvernements ou des syndicats qui ne représentent plus ce que veulent les Canadiens ? Peut-être bien qu'Unifor est un « syndicat national », mais quelles sont ses politiques ? Déclarer que le problème c'est l'« ingérence des syndicats établis aux États-Unis », c'est éviter de poser la question de ce que font concrètement tant les syndicats « nationaux » qu'« internationaux » pour soutenir les droits des travailleurs dans les conditions actuelles et les mobiliser par millions pour défendre ces droits.

Unifor semble blâmer les autres pour détourner l'attention de ses propres positions qui sont en appui aux libéraux dont les intérêts étroits ne sont pas servis quand les travailleurs s'unissent pour défendre les droits de tous indépendamment de leur affiliation syndicale. La vérité, c'est qu'Unifor et les autres, y compris le CTC et le Syndicat des Métallos, ont été incapables d'unir le mouvement ouvrier dans un véritable projet d'édification nationale. S'ils en étaient capables, les travailleurs ne seraient pas dans une telle position de retraite face à l'offensive antisociale de l'élite dirigeante.

Confrontés à de grandes difficultés, les travailleurs engagés dans des luttes partout au pays développent leurs propres initiatives pour se défendre et font de leur mieux pour unir tout le monde afin d'affirmer leurs droits et utiliser leur parole pour défendre ce qui leur appartient de droit. Ce plus récent geste d'Unifor ne favorise pas les efforts des travailleurs pour s'unir à la défense de leurs droits. Il ressemble à un geste de plus de destruction néolibérale pour décourager, et non renouveler, le mouvement ouvrier.

Les travailleurs n'ont aucune raison d'être découragés ou exaltés par le geste d'Unifor. Il est ce qu'il est, et les travailleurs ont peu de contrôle en ce moment sur ce geste. Ils peuvent répondre à cette destruction sectaire en s'en tenant à leur propre programme, qu'ils établissent eux-mêmes, un programme qui répond à leurs besoins tel qu'ils le perçoivent à partir de leur point de vue qui est celui de leur propre front de lutte. C'est ainsi qu'ils peuvent défendre leur mouvement pour leurs droits et les droits de tous, et faire en sorte que leurs luttes ne soient pas détournées et anéanties.

Lire la déclaration complète d'Unifor du CTC et le reportage de la Presse canadienne.

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