25 janvier 2018
Les travailleurs luttent pour que
Postes Canada
reconnaisse leurs droits
Les négociations à la
Société des Postes et la destruction du principe
d'universalité
- Louis Lang -
Les travailleurs luttent pour que
Postes Canada reconnaisse leurs droits
• Les négociations à la
Société des Postes et la destruction du principe
d'universalité - Louis Lang
Hamilton Specialty Bar
sous liquidation judiciaire
• Un autre vol de grand chemin dans l'industrie
de l'acier
Un projet de loi au
Québec qui accroît la criminalisation des travailleurs de
la construction
• Le renforcement des pouvoirs de police ne va
pas résoudre les
problèmes des travailleurs ou du secteur
• Entrevue avec Richard Goyette, ancien
directeur général de la FTQ-Construction
• Changements à la Loi de la
construction
Dérive du
mouvement syndical canadien
• Comment la scission d'Unifor du CTC
va-t-elle aider les travailleurs à défendre leurs droits?
Les travailleurs luttent pour que Postes
Canada reconnaisse leurs droits
Les négociations à la
Société des Postes et la destruction du principe
d'universalité
- Louis Lang -
Les travailleurs des postes manifestent à la défense de
leurs droits le 8 août 2016 à Montréal
Des négociations sont en cours entre Postes
Canada et le Syndicat
des travailleurs et travailleuses des postes. La convention collective
des factrices et facteurs ruraux et suburbains (FFRS) a pris fin
le 31
décembre 2017 et celle des membres de l'unité
urbaine prend fin le 31
janvier 2018.
En défendant le service postal public, les
travailleurs des postes défendent l'édification nationale
et les droits de tous. Entre autres choses, leur lutte défend le
principe de l'universalité. Au Canada, un des principes de
l'édification nationale depuis sa fondation a été
le principe de l'universalité. C'est une des raisons pour
laquelle on a dit que chaque dominion britannique devrait se joindre au
Canada. On a dit qu'en s'unissant, chacun allait jouir du même
niveau de vie et de la même protection sans égard à
ses conditions spécifiques. Il n'y aurait pas de provinces
« mieux nanties » et de provinces « moins nanties
». Les régions situées loin des grands centres ne
seraient pas privées du standard universel de services de
santé ou d'autres services en raison de leur éloignement,
de leur petite population, d'un climat plus froid, de la topographie ou
des circonstances économiques. C'est dans ce contexte qu'un
système postal national a été établi afin
de livrer le service à un prix uniforme pour tous les Canadiens
peu importe où ils vivent et ceci a joué un rôle
essentiel dans le développement du Canada dès le
début.
Bien sûr, une des raisons pour laquelle des prix
uniformes ont été établis était le besoin
de faire circuler l'information nécessaire aux entreprises
commerciales. Un monopole postal public détenu par le
gouvernement
était le moyen le plus efficace d'amasser suffisamment de
capitaux pour
créer un système de communication suffisamment vaste pour
relier les
adresses commerciales dans tout le pays et envoyer leurs catalogues et
leurs factures.
Appliquer le principe de l'universalité signifie
que le prix qu'il en coûte
pour envoyer une
lettre à deux coins de rue à Toronto est le même
que pour l'envoyer à
Chicoutimi. Pour garantir l'universalité, Postes Canada
détourne une
partie de la valeur ajoutée que les travailleurs des postes
produisent
en livrant une lettre à deux coins de rue à
Toronto, pour que cette lettre soit livrée à Chicoutimi.
Un prix et un
service
universels pour tous les Canadiens, peu importe où ils vivent,
influent
sur le taux de profit global. Dans le cas du courrier, la valeur
ajoutée produite par les travailleurs par rapport à la
valeur totale
diminue à mesure que la distance augmente. Cela réduit le
taux de profit
global
de
l'entreprise.
Postes Canada est toujours une société
d'État et non une entreprise
privée. Mais elle est en train de privatiser les sections les
plus
rentables de l'entreprise et cela va à l'encontre de
l'édification
nationale. Par la privatisation et la déréglementation
des services
postaux, la classe dirigeante cherche à éliminer le
principe de
l'universalité en paroles
et en actes. Cela signifie que la valeur ajoutée que les
travailleurs
produisent en livrant le courrier à des distances plus courtes
ne
servira pas à subventionner le transport du courrier sur de plus
grandes distances. Les entreprises privées livreraient le
courrier, y
compris les colis, dans les grands centres urbains et cette production
serait séparée de la
distribution du courrier, encore publique, dans les zones rurales et
suburbaines du pays. Pour bâtir leurs empires, les entreprises
privées
s'emparent de toute la valeur ajoutée produite par les
travailleurs
postaux urbains plutôt que de consacrer cette valeur à
l'édification
nationale pour laquelle, au Canada, il est nécessaire de
garantir le
principe
d'universalité.
À Postes Canada, la privatisation et la
déréglementation se
poursuivent depuis de nombreuses années. À la suite de la
déréglementation de la livraison des colis par le
gouvernement libéral
de Pierre-Elliott Trudeau au début des années 1980,
Postes Canada a
perdu son monopole d'État sur la distribution des colis aux
monopoles mondiaux FedEx, UPS et DHL. Cela prive Postes Canada et les
Canadiens d'une valeur ajoutée dont ils ont grandement besoin et
qui
pourrait être utilisée pour renouveler le système
postal et les
recettes générales de l'État pour que des
investissements soient faits
dans les programmes sociaux.
Les nominations faites par les
gouvernements
libéraux et conservateurs à la présidence de
Postes Canada, Moya Greene
par les libéraux et Deepak Chopra (l'ancien président de
Pitney Bowes Canada) par les conservateurs l'ont été pour
superviser le
démantèlement du service postal universel.
En 2005, quand Moya Greene a été
nommée PDG de Postes Canada par
les libéraux de Paul Martin, elle a clairement indiqué
dans son premier
discours que le privilège exclusif et l'obligation du service
universel
étaient des « restrictions léguées par le
passé » qui devaient être
éliminées par la déréglementation. Elle a
dit : «
Pour que la déréglementation réussisse, elle doit
se faire
graduellement. Là où elle a été
couronnée de succès, elle a donné aux
administrations postales plus de liberté pour concurrencer et
s'adapter
à l'environnement économique. »
Avec la nomination de Deepak Chopra par les
conservateurs de
Stephen Harper, Postes Canada a intensifié ses ventes
systématiques de
franchises postales à Shopper's Drug Mart et à d'autres
détaillants
situés près des points de vente au détail des
bureaux de poste.
Avec la Loi C-9, une loi liée
au budget fédéral
de 2010, le gouvernement Harper a réussi à retirer
le courrier international du privilège exclusif de Postes
Canada. Avec cette loi, le
gouvernement a légalisé les activités
illégales déjà existantes des
entreprises appelées « entreprises de repostage »
qui
traitaient les lettres
envoyées à des destinations internationales. En
introduisant en
catimini la déréglementation dans une loi sur le
budget afin
d'éviter le débat, Harper a permis aux gros
expéditeurs privés de
percevoir chaque année des millions de dollars de revenus de
Postes
Canada.
La direction que suit le gouvernement Trudeau
aujourd'hui n'est pas
différente. Dans sa soi-disant nouvelle vision de Postes
Canada, au lieu d'affirmer la nécessité d'un bureau de
poste
public et d'un service
postal universel, il a fait de vagues promesses selon lesquelles tous
les
Canadiens ont droit à « un service postal de grande
qualité à prix
raisonnable ». Il a gardé la mainmise sur la
décision finale de ce
qui est « de grande qualité » et de ce qui est
un
« prix raisonnable ».
La tendance régressive à la privatisation
et à la déréglementation
s'accompagne d'une pression à la baisse constante sur les
réclamations
des travailleurs des postes à la valeur qu'ils produisent sous
forme de
salaires, d'avantages sociaux et de pensions. L'arme principale dans
l'attaque contre les postiers est l'utilisation de la loi par le
gouvernement pour criminaliser la lutte de classe de la classe
ouvrière
à la défense de ses droits et pour l'amélioration
de ses conditions
d'emploi, la réclamation directe à la valeur qu'elle
produit, qui représente une grande partie de son niveau de vie.
À cet
égard, les
travailleurs sont confrontés au problème du
détournement des
négociations
qui deviennent une façon de soutirer des concessions qui ne sont
pas
viables. En fait, les employeurs et les gouvernements imposent souvent
des limites qui dictent les paramètres à
l'intérieur desquels les
travailleurs sont autorisés à négocier. Les
paramètres sont basés sur
la réalisation d'objectifs néolibéraux qui nuisent
aux intérêts des
travailleurs
mais sur lesquels les travailleurs n'ont pas voix au chapitre.
L'autre revendication de la classe ouvrière
à la valeur qu'elle
produit se fait par la défense des programmes sociaux qui sont
eux aussi attaqués
et
réduits plutôt que d'être améliorés
par les investissements nécessaires.
Tout ceci montre que la lutte des travailleurs et
travailleuses des
postes pour leurs droits concerne tous les Canadiens et pas seulement
les travailleurs des postes. Lorsque les postiers se battent pour
défendre leurs droits et un service postal public, ils prennent
part à l'édification nationale qui, au Canada, comprend
l'affirmation du principe de
l'universalité.
Hamilton Specialty Bar sous liquidation
judiciaire
Un autre vol de grand chemin dans
l'industrie de l'acier
La faillite de Hamilton Specialty Bar a mis sens dessus
dessous la
vie de 220 métallos et employés salariés et
de 400 retraités. La
destruction de l'industrie canadienne de l'acier et l'impact de cette
destruction sur les travailleurs, leur économie et les
communautés est
un sujet de grande préoccupation pour tous. Les travailleurs
de Hamilton et du pays prennent en main leur responsabilité
sociale de
discuter de cette crise et des façons de transformer la
situation d'une manière qui leur est favorable et de donner une
nouvelle direction
à
l'économie dont l'objectif moderne est de garantir le
bien-être et les
droits de tous. Ceci requiert un front de la classe ouvrière
suffisamment fort pour
priver l'élite impérialiste dirigeante du pouvoir de
causer constamment
des désastres du genre au peuple.
Hamilton Specialty Bar, qui a été dans le
passé une unité de Slater
Steel, s'est placé sous la protection de la faillite il y
a 14 ans
sous les auspices de la Loi sur les arrangements des
créanciers avec les compagnies
(LACC). Une société de portefeuille américaine
appelée Delaware Street
Capital a acheté l'unité de Hamilton et
l'a revendue en 2007 à une autre société de
portefeuille américaine
dirigée par Woodside Capital. Pour maintenir l'usine en
fonction,
les nouveaux propriétaires ont demandé des concessions
salariales et
autres aux métallos, dont la destruction de leur régime
de retraite à
prestations déterminées. Cela ne laisse aux
retraités aujourd'hui
rien d'autre que les montants qu'ils ont accumulés dans un fonds
d'épargne et qui s'ajoutent aux maigres montants qu'ils
reçoivent du
Régime de pensions du Canada. Dans le cadre de la protection de
la
faillite actuelle, le mandataire chargé des procédures a
aussi informé
les retraités que leurs autres avantages postérieurs
à l'emploi,
principalement
des prestations médicales, ont été suspendus.
Hamilton Specialty Bar,
qui a débuté en 1919 comme Canada Steel Company et
est devenu plus
tard Slater Steel, s'ajoute aux autres compagnies canadiennes qui sont
tombées sous les coups de la destruction nationale commise par
les escrocs financiers qui rivalisent en ce moment pour la domination
à l'échelle mondiale.
Au début de janvier,
la société de portefeuille a dit aux 170
métallos qui étaient en chômage durant la fermeture
saisonnière de
l'usine que leur retour au travail ne durerait que quatre semaines
avant la fermeture définitive de l'usine, à moins qu'un
nouvel acheteur
puisse être trouvé. La plupart des employés
salariés ont
été licenciés sans
préavis.
La société a une dette de 27,5
millions $ envers Wells Fargo
Capital Finance Corporation, qui est depuis 2008 un important
propriétaire de la dette de Specialty Bar et a engrangé
depuis lors des
profits sous forme d'intérêts à même la
valeur ajoutée que les
métallos produisent. Les documents du tribunal de la faillite
qu'on retrouve sur le site Web du syndic Ernst & Young ne
contiennent que de vagues explications comme celle-ci: « Sa
performance
financière (Specialty Bar) a récemment
empiré. »
Le président de la section locale 4752 du
Syndicat des Métallos à
l'usine, Mickey Mercanti, a dit aux médias locaux qu'il
était «
réellement furieux », et a ajouté que «
rien ne peut justifier que nous
soyons présentement dans cette situation compte tenu de la
performance
actuelle de l'économie ». Mercanti a dit que les
travailleurs ont commencé à se douter que quelque chose
ne tournait pas
rond quand ils ont entendu dire que des entrepreneurs n'avaient pas
été
payés. Leurs questions sont restées sans réponse.
Ils ont été laissés
dans le flou, comme cela arrive si souvent aux travailleurs qui font le
travail et en dépendent pour gagner leur vie, mais n'ont aucun
contrôle ni voix au chapitre sur les questions qui les concernent
et
les affectent le plus.
Un « vol de grand
chemin à la Sears », comme certains l'appellent,
est peut-être bien ce qui se trame avec cette destruction de
Hamilton
Specialty Bar. Les travailleurs n'ont aucun contrôle sur ce qui
est
fait de la valeur ajoutée qu'ils produisent. Dans le cas de
Sears, la
plus grande partie du profit avait été soutirée
à la compagnie et
envoyée aux États-Unis pendant des années
plutôt que d'être réinvestie
dans le renouvellement et le renforcement de la compagnie et de
l'économie au Canada. Plusieurs se demandent pourquoi ceux qui
sont en
position de contrôle déclarent faillite au moment
où l'économie de
l'acier connaît une de ses périodes cycliques d'essor.
Qu'est-ce qui
est
arrivé de toute la valeur que les travailleurs ont produite
pendant
cette période où les ventes d'automobiles ont atteint un
niveau record
au Canada ? Lorsqu'elle a informé le syndicat de la
fermeture au début
janvier et a rappelé les travailleurs pour compléter les
commandes de
trois gros clients, la compagnie a simplement dit qu'elle
connaissait un problème de «
liquidités ».
Le consensus qui existe parmi les travailleurs de
Hamilton est que
de telles choses ne devraient pas se produire. Ceux qui sont en
position de contrôle dans l'économie se sont
avérés inaptes à continuer
à occuper leurs positions importantes. Les travailleurs de
Hamilton discutent de ce phénomène qui mène
à leur dépossession de ce qui leur appartient de droit et
cherchent comment ils peuvent apporter eux-mêmes des solutions
qui entraînent l'économie dans une nouvelle direction afin
qu'elle devienne stable et à secteurs multiples et subvienne
à leurs
besoins, une
économie capable de garantir le bien-être et les droits de
tous.
Un
projet de loi au Québec qui accroît la criminalisation
des travailleurs de la construction
Le renforcement des pouvoirs de police ne va pas
résoudre les problèmes des
travailleurs ou du secteur!
Ligne de piquetage massive durant la grève de mai 2017 dans le
secteur de la construction.
Une loi adoptée le 30 mai a forcé les travailleurs
à reprendre le travail.
Le 15 novembre dernier, quelques semaines avant la
fin de la
session d'automne de l'Assemblée nationale, le gouvernement du
Québec a
présenté le projet de loi 152 qui intensifie la
criminalisation des travailleurs de la construction.
Selon le gouvernement, ce projet de loi est
nécessaire pour combattre la corruption dans l'industrie sur la
base des recommandations de la Commission Charbonneau (la Commission
d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats
publics
dans l'industrie de la construction). Ceci est un prétexte mais
cela explique pourquoi le gouvernement a donné au projet de loi
le
titre de Loi
modifiant diverses dispositions législatives concernant le
domaine du
travail afin principalement de donner suite à certaines
recommandations
de la Commission Charbonneau. Le projet de loi propose des
modifications à la Loi sur les relations du travail, la
formation
professionnelle et la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de
la construction (la loi R-20) de même qu'à la Loi
sur la santé et la sécurité du travail.
On fait face à une imposture antiouvrière
de premier ordre. Le projet
de loi intervient directement dans les rapports de production entre les
employeurs de la construction et les travailleurs du secteur au nom des
employeurs. Le plein poids de l'État,
de ses
pouvoirs de police et de son autorité de punir les individus et
les
collectifs s'abat sur les travailleurs de la construction pour le
«
crime » de se défendre pendant qu'ils produisent de
la valeur à leur
endroit de travail. Le projet de loi 152 nie aux travailleurs de
la
construction leur droit fondamental de parole en tant que travailleurs,
leur droit de s'organiser en collectifs de travailleurs, de se
réunir
et de
discuter des problèmes qu'ils confrontent,
particulièrement dans le feu
du moment à leur endroit de travail. Il leur nie le droit de
mener des
actions pour défendre leurs droits en retirant leur
capacité de travail
jusqu'à ce qu'une entente soit conclue avec l'employeur pour
résoudre
le ou les problèmes, une entente qui est satisfaisante pour les
travailleurs.
Autrement dit, le projet de loi 152, tout comme
d'autres moyens aux
mains de l'État, établit un équilibre sur les
chantiers de construction
non par les négociations et le respect des droits des
travailleurs, mais
par la criminalisation des travailleurs et la suppression de leurs
droits par le recours aux pouvoirs de police. Cela ne doit pas
passer. Les travailleurs de la construction et leurs alliés sont
déterminés à Briser
le
silence sur cette
conspiration de l'État pour les priver de leurs droits.
Une commission parlementaire sur ce projet de loi
antiouvrier va se tenir les 6 et 7 février. Il
est important d'examiner le projet de loi 152 et d'en discuter les
ramifications parce qu'il affecte comment les gouvernements de tous
niveaux traitent les droits des travailleurs partout. De plus, cet
examen
va fournir aux travailleurs de tous les secteurs de l'économie
les réflexions dont ils ont besoin pour mener leurs propres
luttes. C'est important aussi parce que tous les efforts sont faits
pour isoler les travailleurs de la construction, pas seulement au
Québec mais ailleurs aussi. Ces mêmes efforts sont
à l'oeuvre en ce qui concerne les travailleurs portuaires qui
sont caractérisés comme une couche sociale criminelle,
une « catégorie », autrement dit, par laquelle ils
sont considérés comme une cible légitime de
l'action policière.
Forum ouvrier va fournir de l'information et
des opinions
de façon régulière sur le projet de loi et sur le
contexte dans lequel
il est présenté. Nous commençons dans ce
numéro par une entrevue menée
avec Richard Goyette, avocat en droit social et ancien directeur
général de la FTQ-Construction. Nous incluons aussi un
article
d'information qui présente certains des changements qu'apporte
le
projet de loi 152 à la Loi R-20.
Forum ouvrier examinera dans de prochains
numéros comment
une commission d'enquête, qui a été appelée
pour examiner les activités
de collusion et de corruption dans l'octroi et la gestion de contrats
publics dans la construction, leur lien possible avec le financement
des partis politiques et la possible infiltration de l'industrie par le
crime organisé, est maintenant utilisée pour modifier une
loi qui est
censée gouverner les relations de production entre les
travailleurs de
la construction et leurs employeurs, d'une façon qui s'attaque
aux
travailleurs et bénéficie au pouvoir arbitraire et
dictatorial des
employeurs de la construction.
D'emblée, Forum ouvrier tient à
souligner que le
renforcement du régime de pouvoirs policiers dans le secteur de
la
construction n'est pas du tout la chose à faire. Les
travailleurs, premièrement, ne sont pas des criminels et ils ne
sont pas la cause de la corruption qui existe dans l'industrie. Les
responsables, ce sont les entreprises corrompues de la construction de
même que les financiers et les gens qui sont à leur
service à cause du système politique corrompu. Le projet
de loi pourtant rejette le blâme sur toutes les activités
que mènent les
travailleurs de la
construction pour faire
entendre leur voix, défendre leurs droits en tant que
producteurs d'une
valeur immense pour la société, notamment leur droit de
travailler dans
des conditions salubres et sécuritaires. Le projet de loi
dépeint ces activités comme de l'intimidation, et une
menace à
l'activité
économique dans le secteur et à la réclamation
faite par ceux qui possèdent et
contrôlent la valeur ajoutée que les travailleurs
produisent. Et toute cette intervention qui est unilatéralement
en faveur des employeurs
se produit
dans l'industrie la plus dangereuse au Québec qui tue, blesse et
rend
malades plus de travailleurs que n'importe quel secteur !
Deuxièmement, les mesures qui sont comprises dans
ce projet de loi vont exacerber non seulement les problèmes des
travailleurs et du secteur, mais les problèmes auxquels la
société elle-même fait face lorsque la construction
devient non sécuritaire parce que les entreprises ne respectent
pas les standards de sécurité.
Le déploiement des pouvoirs de police et la
désinformation visent à empêcher les travailleurs
de s'unir pour
délibérer sur leurs problèmes et les
problèmes de la société et leur
trouver des solutions qui bénéficient au peuple. Cela
débute par la tentative d'isoler des sections de travailleurs
pour qu'ils soient criminalisés avec succès et que
personne ne prenne leur défense. Il est important que les
travailleurs de tous les secteurs trouvent les moyens d'exprimer leur
appui à la lutte que mènent les travailleurs de la
construction pour défendre leurs droits et les droits de tous.
Entrevue avec Richard Goyette, ancien directeur
général de la FTQ-Construction
Forum ouvrier : Quels
sont les principaux traits du projet de loi 152 du gouvernement du
Québec ?
Richard Goyette : Le
trait principal,
c'est l'objectif du gouvernement d'imposer plus de silence aux
appareils syndicaux et aux travailleurs de la construction. Compte tenu
que nous avons un secteur industriel très instable, non
seulement
d'insécurité physique mais d'insécurité
financière et d'insécurité
d'emploi, cela crée
des chaos. Nous avons des travailleurs de la construction dans les
régions qui luttent pour s'assurer le peu d'emplois qu'ils ont,
aussi
il y a la question des conditions très insalubres sur les
chantiers. Ce
qu'on fait avec ce projet de loi, c'est que si vous brassez les choses
pour vous défendre, pour défendre votre main-d'oeuvre ou
parce qu'on
vous
vole votre salaire, si vous levez le ton quand vous rencontrez votre
patron, plutôt que de régler ces problèmes, le
projet de loi
vous impose des
pénalités, allant jusqu'à la perte pour le
représentant syndical de sa
capacité d'exercer ses fonctions pendant cinq
ans.
Le projet de loi utilise des mots comme «
réunion », réunion illégale sur
les chantiers. Qu'est-ce que c'est une réunion
illégale ? Des
travailleurs qui se rassemblent pour demander à l'employeur
d'adopter
des mesures de sécurité ? C'est déjà
arrivé d'ailleurs que la
Commission de la construction du Québec a essayé
d'intimider des
travailleurs qui avaient exercé un droit de refus sur un
chantier en
prétextant que l'arrêt de travail était
illégal.
Il y a toujours des façons d'interpréter
les choses et le meilleur
moyen pour cela c'est de faire croire que l'industrie de la
construction est très violente, une industrie où le crime
organisé
circule librement. Au nom de cela, on peut prendre toutes sortes de
mesures législatives possibles pour faire de la
répression. En réalité,
dans la construction,
avec 5 % de la main-d'oeuvre on a 25 % des
décès, le plus haut taux
d'accidents. Ces gens-là ne sont pas morts aux mains du crime
organisé,
ils sont morts dans des modes de production, et là-dessus il
n'y a pas
d'enquête criminelle, il y a très peu de mesures
répressives contre
cela. Les travailleurs peuvent être tués,
leurs salaires volés, on parle de millions de dollars perdus au
travail
au noir, et si jamais pour obtenir notre paie réelle qui
correspond à
nos heures travaillées, on crie trop fort, il y aura des amendes
et des
pertes d'emplois. Des représentants syndicaux peuvent perdre
leur
emploi
syndical.
FO : Peux-tu nous
donner des exemples précis dans le projet de loi qui illustrent
l'objectif
d'imposer le silence aux travailleurs ?
RG : Il faut dire tout
d'abord que c'est
l'industrie qui impose le silence. Quand on n'a pas de
sécurité
d'emploi, pas de sécurité financière, tu n'a pas
le pouvoir de parler
parce qu'il y a plein de moyens de se débarrasser d'un
travailleur de la
construction. C'est dans les conditions mêmes de l'industrie que
le
silence est
imposé.
On voit par exemple qu'il y a un article qui dit que
quiconque use d'intimidation ou de menace susceptible de provoquer une
entrave, un ralentissement
ou un arrêt des activités sur un chantier commet une
infraction qui est passible d'amendes.
Qu'est-ce que c'est, faire de l'intimidation ? Faire de
gros
yeux à
quelqu'un, crier fort ? Si le patron se sent intimidé, il
va déposer
une plainte et le travailleur est passible d'une amende
de 1 120 $
à 11 202 $ par jour ou partie de jour que dure
cette infraction.
On se rappelle ce qui s'est passé en 2015
quand des autochtones
dans la région de La Romaine ont fait une manifestation sur la
route
qui mène au chantier. Est-ce que ces gens-la vont recevoir des
amendes,
des contraventions ? Est-ce que les travailleurs d'une
région qui se
battent pour l'emploi régional et demandent qu'on fasse
respecter le nombre de travailleurs hors région permis alors
qu'eux-mêmes n'ont pas d'emploi, est-ce que cela constitue de
l'intimidation ? Est-ce que c'est de l'intimidation de rassembler
des
gens sur la route qui mène au chantier, des travailleurs, leurs
familles y compris leurs enfants, voire même le
député de la région ?
Est-ce que
cela est « susceptible » de causer une entrave ?
Je compare cela avec l'article 237 de la Loi sur
la santé et la
sécurité du travail selon laquelle il faut que
quelqu'un
compromette «
directement et sérieusement » la santé, la
sécurité ou l'intégrité
physique d'un travailleur avant que cela soit considéré
comme une
infraction à la loi. Alors quand un travailleur est tué,
il faut que
quelqu'un soit responsable directement et sérieusement, mais
quand
c'est de l'économie, il suffit que l'action soit susceptible de
l'entraver pour que la loi sévisse. C'est une façon de
légiférer qui
dit que le matériel, l'économie, passe avant la personne.
Cela n'a a
aucun sens. Si un employeur veut se débarrasser d'un
représentant
syndical, de gens de
la région qui se battent pour le développement
économique régional, il
a juste à attendre qu'il y ait une action quelconque pour dire
qu'il
craint les menaces et fermer son chantier.
D'autres aspects du projet de loi sont construits de la
même façon.
On y lit par exemple qu'une association de salariés, son
représentant
ou un salarié ne peuvent pas tenir une réunion sur les
lieux de travail
sous peine de très lourdes amendes. Déjà la Loi
R-20 et le Code du
travail prévoient que tu n'as pas le droit de tenir une
réunion
syndicale
sur un lieu de travail sans l'autorisation de l'employeur. Pourquoi un
autre article alors ? Est-ce que si un problème survient
sur un
chantier de construction, que les travailleurs se rassemblent, le
représentant syndical arrive, est-ce que c'est une
réunion illégale ?
Les représentants syndicaux font des visites de chantier, on
parle aux
gens,
on n'arrête pas la production. Premièrement quand les
travailleurs sont
en train de travailler, ils ne sont très friands de descendre de
leurs
machines et de défaire leur harnais et leur ceinture pour venir
nous
parler. Par contre, s'il y a un sérieux problème de
santé et sécurité ou
de relations de travail, oui ils vont venir te voir et maintenant on va
se
faire dire que c'est une réunion illégale, tout le monde
a des amendes
et en plus le représentant syndical peut perdre son emploi
pendant 5
ans. Cela n'existe nulle part ailleurs dans le Code du travail ou la
législation ouvrière, nulle part, seulement dans la
construction.
Encore, si on avait affaire à un secteur
d'activité en bon ordre,
très salubre, avec une sécurité d'emploi, etc. on
pourrait dire que oui
mieux vaut se réunir dans notre local syndical. En fait, on est
dans un
secteur d'activités où même les règles de
base de la salubrité ne sont
pas respectées ; on n'a pas de toilette avec de l'eau pour
se laver
les mains, on doit se battre pour cela, pour qu'on ait accès
à des
conditions de salubrité de base. Cela devient une réunion
illégale de
faire appliquer des règles de base et les règles de
sécurité dans une
industrie qui pourtant tue et blesse les travailleurs.
FO: Très
brièvement, quel est le lien entre la Commission Charbonneau et
le projet de loi 152 ?
RG: Un lien a
été établi de toutes pièces entre le mandat
de la Commission et les relations de travail. Le personnel de la
Commission n'avait aucune expertise dans le domaine des relations de
travail. L'équipe d'enquêteurs était faite de gens
qui avaient de l'expertise dans les enquêtes criminelles et dans
la lutte contre le crime organisé. Ils ont abordé les
relations de travail et les conflits de travail comme si cela
était un crime. Ils ont dit que d'exercer des droits envers la
propriété c'est un bris de propriété comme
au sens du code criminel, alors on va traiter ceux qui font ça
comme des bandits.
FO :
Selon toi, quelle
position les
travailleurs devraient-ils prendre face à ce projet de loi et
quelle
est la solution aux problèmes de l'industrie ?
RG : À mon
avis, le projet de loi doit être retiré totalement.
Il faut instaurer un système de
sécurité du revenu, de sécurité
d'emploi. Il faut une planification des travaux. Si on considère
que 68 % des chantiers au Québec sont gouvernementaux,
il pourrait y
avoir de la planification et de la stabilité. On ne devrait pas
avoir
des périodes de pointe et après cela rien ne se passe,
il y a des
variations très grandes de main-d'oeuvre, une grande variation
des
heures travaillées. Tant que les gens n'auront pas une
sécurité
relative d'emploi et de revenu, en plus de la sécurité
physique sur les
chantiers, la situation ne va pas changer pour le mieux. Ironiquement,
il y a plein de rapports qui ont été soumis au fil des
années, de la
part de
commissions d'enquête et de rapports d'experts commandés
par les
gouvernements Ils ont conclu que sans qu'on mette fin aux
instabilités et aux insécurités qui règnent
dans l'industrie de la
construction, on ne pourra pas apporter des solutions aux malaises de
l'industrie, et ce projet de loi vient contredire tout cela. Il faut
mettre fin à la tendance à vouloir briser les syndicats.
Cela maintient une économie sauvage sur les chantiers de
construction qui cause le chaos.
Chose certaine, on ne réglera pas les
problèmes en excluant un
secteur d'activité du droit de manifestation, du droit de parole
et du
droit de bâtir un rapport de force, en privant nos
représentants
syndicaux de pouvoir travailler pendant cinq ans.
Il ne faut pas oublier que les dispositions de la Loi
anti-scabs ne s'appliquent même pas dans la construction. Le
travail continue sur les chantiers pendant une grève de la
construction. Si on décide de faire une tournée des
chantiers pour les arrêter, cela va constituer de l'intimidation
et des menaces susceptibles de faire obstruction, de ralentir ou
d'arrêter le travail sur un chantier, toutes des activités
illégales selon le projet de loi 152. Un travail régulier
qui se poursuit pendant une grève est illégal dans les
autres secteurs. C'est seulement dans la construction que c'est
légal.
Une voie de solution serait la tenue d'une table de
travail
présidée par le ministère du Travail qui
regrouperait les parties
prenantes de l'industrie et aurait pour mandat de faire rapport au
ministre du Travail sur les solutions à apporter pour fournir
une
sécurité d'emploi et de revenu aux travailleurs du
secteur.
Une campagne publique est aussi de mise parce que cela
affecte non seulement les travailleurs de la construction, mais leurs
familles et la société dans son ensemble.
Changements à la Loi de la construction
Le projet de loi 152 apporte plusieurs
modifications à la Loi R-20, la Loi
sur les relations du travail, la formation professionnelle et la
gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction.
Le projet de loi modifie notamment l'article 113.1 de cette loi
qui traite de l'intimidation et de la menace menant
à l'obstruction, au ralentissement ou à l'arrêt des
activités sur un chantier.
L'article actuel de la Loi dit :
« 113.1. Quiconque use d'intimidation ou de
menace dans le but de (dans
cet article, les caractères gras dans les citations sont de
Forum ouvrier)
provoquer une entrave, un ralentissement ou un arrêt des
activités sur
un chantier commet une infraction et est passible d'une amende
de 1 120 $ à 11 202 $ pour chaque
jour ou partie de jour que dure
l'infraction. »
Le texte tel que modifié par le projet de loi se
lit ainsi :
« 113.1. Quiconque use d'intimidation ou de
menace susceptible de provoquer
une entrave, un ralentissement ou un arrêt des activités
sur un
chantier commet une infraction et est passible d'une amende
de 1 120 $
à 11 202 $ pour chaque jour ou partie de jour que
dure
l'infraction. »
Le mot « susceptible de » constitue
une base beaucoup plus large
pour la criminalisation des travailleurs (ou des gens de la
communauté)
que « dans le but de ».
Article sur la gérance des opérations sur
un chantier
Le projet de loi 152 modifie l'article 113.2
de la Loi de la construction qui se lit ainsi à l'heure
actuelle :
« 113.2. Commet une infraction et est
passible d'une amende de 1518 $
à 15 146 $ quiconque impose à un
employeur l'embauche de salariés déterminés ou
d'un nombre déterminé de salariés.
« En cas de récidive, les amendes sont
portées au double. »
Le texte modifié se lit ainsi :
« 113.2. Commet une infraction et est
passible d'une amende de 1 518 $
à 15 146 $ quiconque
use d'intimidation ou de menace susceptible de contraindre un employeur
à prendre une décision à l'égard de la
gestion de la main-d'oeuvre dans
l'industrie de la construction ou de l'empêcher de
prendre une telle décision ou autrement lui impose une telle
décision.
« En cas de récidive, les amendes sont
portées au double.
« Constitue notamment une décision
à l'égard de la gestion de la
main-d'oeuvre tout acte visé au deuxième alinéa de
l'article 101. »
Encore une fois l'expression « susceptible de
contraindre »
est beaucoup plus vaste que « impose à un
employeur » du point de vue
des possibilités de criminalisation des travailleurs qu'elle
permet. En
plus, l'accusation d' « intimidation » et de «
menace » s'applique
maintenant à tout effort des travailleurs
et de leurs syndicats pour intervenir sur toute question qui concerne
la gestion de la main-d'oeuvre dans l'industrie de la construction.
C'est la négation de la raison d'être d'un syndicat qui
défend ses
membres précisément en intervenant, entre autres choses,
sur la gestion
de la main-d'oeuvre pour assurer l'emploi, le caractère
adéquat des
effectifs
par rapport à la tâche et la sécurité des
travailleurs, etc.
Article sur la tentative de commettre une infraction ou
l'incitation à commettre une infraction
L'article 118 de la Loi qui traite de la tentative
de commettre une
infraction ou l'incitation à commettre une infraction est aussi
modifié
par l'ajout de l'article 118.1.
L'article 118 se lit ainsi à l'heure
actuelle :
« Quiconque tente de commettre une des
infractions prévues dans la
présente loi, ou aide, ou incite quelqu'un à commettre ou
tenter de
commettre une telle infraction commet une infraction et est passible de
la peine prévue pour une telle infraction. »
Le projet de loi 152 ajoute l'article 118.1
suivant :
« 118.1. L'association de salariés,
le représentant d'une telle
association ou le salarié qui tient une réunion de
salariés sur les
lieux du travail sans le consentement de l'employeur ou qui ordonne,
encourage ou appuie la tenue d'une telle réunion commet une
infraction
et est passible, pour chaque jour ou partie de jour que dure
l'infraction, d'une amende de 7 842 $
à 78 411 $ dans le cas d'une
association ou d'un représentant, et d'une amende
de 1 120 $ à 11 202 $
dans le cas d'un salarié. »
Cette clause criminalise de façon explicite la
tenue de réunions
par les travailleurs pour discuter de leurs conditions à
l'endroit de
travail. Cela renforce la criminalisation de la tenue de
réunions et de
discussions qui se trouve déjà dans la Loi.
L'article 99 de la Loi
interdit déjà aux travailleurs de tenir des
réunions sur le chantier de
construction. Cet article se lit ainsi :
« 99. Une association de salariés ne
doit tenir aucune réunion de
ses membres au lieu du travail sans le consentement de
l'employeur. »
On voit donc ici un élargissement très
prononcé de la
criminalisation des réunions de travailleurs de la construction
aux
endroits de travail, qui s'applique maintenant, avec des amendes
substantielles au syndicat, au représentant syndical et au
travailleur
lui-même. Le tout évidemment, de manière perverse
et indigne d'un
gouvernement, sans
traiter de la raison pour laquelle les travailleurs peuvent juger
nécessaire de se réunir et de discuter de la situation
sur le chantier
de construction, d'examiner les problèmes auxquels ils font face
et
leur solution. C'est l'employeur qui vraisemblablement cause les
problèmes auxquels les travailleurs font face ou à tout
le moins n'en
traite pas
adéquatement. Alors exiger sa permission pour se réunir
et discuter et
élaborer la situation des problèmes n'a pas de sens.
Article interdisant à un représentant
syndicat coupable d'infraction
à la loi d'exercer ses fonctions pendant 5 ans
Le projet de loi 152 élargit
l'étendue des infractions qu'elle couvre.
Le texte modifié se lit ainsi :
« 119.11. Toute personne physique
déclarée coupable, en vertu d'un
jugement définitif, d'une infraction visée à l'un
ou l'autre des
articles 113.1, 113.2, 115, 119, 119.0.1, 119.0.3, 119.0.5
et 119.8
à 119.10
est inhabile à diriger ou à
représenter, à
quelque titre que ce soit,
une
association visée par l'un des paragraphes a à c.2 du
premier alinéa de
l'article 1 ou une association de salariés affiliée
à une association
représentative durant les cinq années qui suivent le
prononcé de la
sentence. »
Dérive du mouvement syndical
canadien
Comment la scission d'Unifor du CTC va-t-elle
aider les travailleurs à défendre leurs droits?
Par un geste extrêmement destructeur, le plus
grand syndicat du
secteur privé au pays, Unifor, a décidé de se
désaffilier du Congrès du
travail du Canada (CTC). Un tel geste ne peut qu'aider le programme
antisocial néolibéral du gouvernement libéral en
créant des
diversions. Ces diversions deviennent des obstacles de plus au
développement de l'unité des travailleurs contre les
attaques à leurs
droits et d'un mouvement pour résoudre la crise en leur faveur.
À cet
égard, comment la décision d'Unifor permet-elle aux
travailleurs de
prendre des positions qui
les favorisent face aux projets de loi antitravailleurs sur les
pensions et d'autres questions que le gouvernement libéral est
en train
de faire adopter par le Parlement ?
Entre autres choses, le président d'Unifor vient
juste de se rendre
aux États-Unis pour parler au secrétaire au Commerce de
Trump, Wilbur
Ross. Celui-ci est bien connu des métallos comme
l'Américain
incroyablement riche qui a orchestré la destruction de la
sidérurgie
canadienne. Nous
espérons que les plaintes d'Unifor concernant les
« syndicats établis
aux États-Unis » qui s'immiscent dans les
élections canadiennes ne
visent pas le principal concurrent d'Unifor, les Métallurgistes
unis
mieux connus sous le nom du Syndicat des Métallos. Le Syndicat
des
Métallos est un syndicat international et non un syndicat
américain en
soi. Peu importe ce que le président d'Unifor a en tête,
il demeure que
le gouvernement libéral fédéral fait lui aussi la
promotion de lois sur
la sécurité qui ciblent l'ingérence
étrangère
dans les élections. Une réforme électorale qui
cible les cyberattaques
étrangères pendant les élections comme
étant le problème à résoudre
cherche de facto
à priver les Canadiens de leur droit de parole et de s'organiser
politiquement. Tout ce tapage sur
« l'ingérence étrangère dans les
élections » aux États-Unis et
au Canada est fait au nom de protéger la sécurité
nationale et la
démocratie, sans remettre en cause le statu quo et le processus
électoral qui prive le peuple de pouvoir et
l'empêche d'exercer son droit démocratique d'élire
et d'être élu.
Cela fait des années que les Travailleurs
canadiens de l'automobile
(TCA) d'abord et maintenant leur successeur, Unifor, cherchent à
camoufler leur quête d'hégémonie dans le mouvement
syndical en disant
qu'ils ne font que défendre la démocratie. Cependant,
tout comme les
libéraux au pouvoir à Ottawa et ailleurs, ils n'engagent
jamais les
travailleurs dans la discussion de ce que la démocratie signifie
pour
eux et de comment ils pensent qu'elle peut être défendue
et renouvelée.
Unifor cherche depuis longtemps à contrôler l'ordre du
jour du CTC en
le
subordonnant aux politiques de pouvoir des libéraux plutôt
qu'à celles
du NPD dont les métallos se sont faits les champions. Les
travailleurs
de la base qui sont aux lignes de front de la lutte contre l'offensive
antisociale ont été pris en otage par cette guerre
sectaire.
Cette guerre sectaire pour le pouvoir au sein du CTC ne
renouvelle
absolument pas les syndicats, nationaux ou internationaux, afin de les
rendre plus effectifs et capables de faire face à l'offensive
antisociale néolibérale. L'offensive menée par
l'élite dirigeante a
ravagé les programmes sociaux,
abaissé le niveau de vie de la plupart des travailleurs et fait
éclater
le contrat social. Les syndicats de travailleurs sont maintenant
systématiquement empêchés par les lois, les
injonctions des tribunaux
et le pouvoir global des monopoles de même négocier de
bonne foi les
salaires, les conditions de
travail et les pensions. On leur impose un diktat ou encore une
« offre
finale » et on leur dit de l'accepter volontairement ou bien
de
faire face
à des pénalités incluant la prison, des pertes
d'emplois, etc.
Dans la plupart des cas, la guerre sectaire a affaibli
les
syndicats car ils sont censés prendre partie d'un bord ou de
l'autre. La
période actuelle exige des syndicats qu'ils mobilisent leurs
membres et
les autres travailleurs au pays pour s'unir dans l'action à la
défense
de leurs droits et des droits de tous au lieu de
s'engager dans ce genre de guerre sectaire diversionnaire.
Il semble qu'Unifor ait repris la propagande en
faillite des
libéraux selon laquelle le problème en ce qui concerne
les élections au
Canada c'est l'ingérence étrangère, et nous
devrions croire maintenant
qu'il en est de même pour les élections syndicales. Cela
fait fi de
l'expérience vécue des travailleurs sur tant de fronts.
Par contre, cela
illustre bien que les travailleurs ont besoin de se mobiliser pour se
doter eux-mêmes de pouvoir et bâtir leurs propres
organisations
indépendamment de l'influence de l'élite
impérialiste au pouvoir et de
sa façon de penser
qui est toujours intéressée. En ce qui concerne le
pouvoir
gouvernemental,
le système électoral actuel de représentation qui
est censé établir la
légitimité d'un mandat pour les gouvernements est
brisé. Les
travailleurs doivent discuter et analyser pourquoi il en est ainsi
s'ils
veulent apporter des solutions à ce problème. C'est
à eux à le faire
parce qu'il est évident que la classe dominante n'en est pas
capable.
Organiser une scission au sein du CTC ne fournit pas une
alternative d'édification nationale à un CTC clairement
embourbé dans
son propre refus de se rénover pour répondre aux
exigences de l'époque.
Quelles solutions le CTC ou Unifor offrent-ils au problème
constitué
par des
gouvernements ou des syndicats qui ne représentent plus ce que
veulent
les Canadiens ? Peut-être bien qu'Unifor est un
« syndicat national »,
mais quelles sont ses politiques ? Déclarer que le
problème c'est
l'« ingérence des syndicats établis aux
États-Unis », c'est éviter de poser la
question de ce que font
concrètement tant les syndicats
« nationaux »
qu'« internationaux »
pour soutenir les droits des travailleurs dans les conditions actuelles
et les mobiliser par millions pour défendre ces
droits.
Unifor semble blâmer les autres pour
détourner l'attention de ses
propres positions qui sont en appui aux libéraux dont les
intérêts
étroits ne sont pas servis quand les travailleurs s'unissent
pour
défendre les droits de tous indépendamment de leur
affiliation
syndicale. La
vérité, c'est qu'Unifor et les autres, y compris le CTC
et le Syndicat
des Métallos, ont été incapables d'unir le
mouvement ouvrier dans un
véritable projet d'édification nationale. S'ils en
étaient capables,
les travailleurs ne seraient pas dans une telle position de retraite
face à
l'offensive antisociale de l'élite dirigeante.
Confrontés à de grandes
difficultés, les travailleurs engagés dans
des luttes partout au pays développent leurs propres initiatives
pour
se défendre et font de leur mieux pour unir tout le monde afin
d'affirmer leurs droits et utiliser leur parole pour défendre ce
qui
leur appartient de droit. Ce
plus récent geste d'Unifor ne favorise pas les efforts des
travailleurs
pour s'unir à la défense de leurs droits. Il ressemble
à un geste de
plus de destruction néolibérale pour décourager,
et non renouveler, le
mouvement ouvrier.
Les travailleurs n'ont aucune raison d'être
découragés ou exaltés
par le geste d'Unifor. Il est ce qu'il est, et les travailleurs ont peu
de contrôle en ce moment sur ce geste. Ils peuvent
répondre à cette
destruction sectaire en s'en tenant à leur propre programme,
qu'ils
établissent
eux-mêmes, un programme qui répond à leurs besoins
tel qu'ils le
perçoivent à partir de leur point de vue qui est celui de
leur propre
front de lutte. C'est ainsi qu'ils peuvent défendre leur
mouvement pour
leurs droits et les droits de tous, et faire en sorte que leurs luttes
ne soient pas
détournées et anéanties.
Lire la déclaration complète d'Unifor
du CTC
et le reportage
de la
Presse
canadienne.
NUMÉROS
PRÉCÉDENTS | ACCUEIL
Site web: www.pccml.ca
Email: forumouvrier@cpcml.ca
|