14 septembre 2017
Notre sécurité est dans
notre lutte pour les droits de tous
Les travailleurs en action à la
défense de leurs droits et de leur santé et
sécurité
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Notre
sécurité
est
dans
notre
lutte
pour
les droits de tous
• Les travailleurs accidentés lancent
une campagne à l'échelle de l'Ontario pour
l'indemnisation universelle
• Action militante à Leamington contre
la criminalisation des travailleurs migrants
• La primauté du facteur humain à
l'endroit de travail - Pierre Chénier
Entrevues
• Les Métallos du Québec exigent
que les minières prennent leurs responsabilités en
matiére de sécurité au travail -
André Racicot, président de la section locale 9291 du
Syndicat des Métallos
• Les travailleurs de raffinerie de Terre-Neuve
rejettent le diktat de la compagnie et réclament voix au
chapitre sur leur sécurité - Glenn
Nolan, président de la section locale 9316 du Syndicat des
Métallos
Notre sécurité est dans la
lutte pour les droits de tous
Les travailleurs accidentés lancent une
campagne à l'échelle de l'Ontario pour
l'indemnisation universelle
Conférence de presse des travailleurs accidentés à
Queen's Park le 12 septembre 2017
Le 11 septembre, le Réseau ontarien des
groupes de travailleurs
accidentés (ONIWG) a lancé sa campagne d'organisation
à l'échelle de la
province sous la bannière « L'indemnisation des
travailleurs est un
droit ! » L'action a coïncidé avec la
reprise des travaux au parlement ontarien. Le lendemain,
ONIWG a tenu une conférence de presse à Queen's Park pour
présenter sa
campagne aux médias.
Karl Crevar lors du lancement de la campagne le 11 septembre 2017
|
Le lancement de la campagne a eu lieu aux bureaux du
Centre d'action des travailleurs. De nombreux travailleurs
accidentés
de
Toronto, des organisations membres de l'ONIWG de même que des
alliés et amis ont assisté au lancement. Les participants
ont discuté
des trois demandes que l'ONIWG met de l'avant et de la raison pour
laquelle elles sont considérées essentielles au travail
d'organisation et à l'information des activistes pour qu'ils
puissent mobiliser d'autres personnes.
Les trois demandes d'ONIWG sont:
1. Aucune réduction de l'indemnisation
fondée sur des emplois fantômes
2. Que les professionnels de la santé qui
traitent les travailleurs accidentés soient
écoutés
3. L'arrêt des coupures de prestations en
fonction de conditions préexistantes [1]
Des réunions locales auront lieu partout en
province pour amorcer le travail d'organisation. À Toronto, la
réunion a lieu
le 19 septembre. Pour des informations sur cette réunion et
les autres à venir, cliquer ici.
Karl Crevar, un ancien président de l'ONIWG qui
se bat depuis 27 ans pour les préoccupations des travailleurs
accidentés, dirige la
campagne d'organisation provinciale. Karl et le président de
l'ONIWG,
Willie Noiles, et Heidi McFarland, une travailleuse accidentée
de
Mississauga, ont mené la discussion.
Lancement de la campagne provinciale le 11 septembre 2017
Karl a passé en revue l'histoire de la
législation ontarienne
depuis 1990 sur l'indemnisation des accidentés du travail
et les
coupures faites par les gouvernements successifs de toutes les
couleurs politiques. Depuis ce temps, il y a eu trois lois importantes
touchant l'indemnisation des travailleurs et aucune n'a soutenu les
droits des
travailleurs. Karl a présenté certains aspects de
l'histoire
des
travailleurs blessés au travail qui se sont organisés
pour
défendre leurs
droits face à ces coupures. Il a aussi fourni de
l'information de base sur
les trois demandes mises de l'avant par la campagne provinciale.
Il a dit qu'il appartient aux
travailleurs accidentés de
défendre leurs droits; ils ne peuvent pas compter sur les
politiciens
ou toute autre force pour le faire pour eux. Parmi les outils qui
seront utilisés dans cette campagne d'organisation, on compte
des
réunions
qui rassembleront les travailleurs des différentes
régions, la collecte
de
signatures sur des pétitions et la demande auprès des
députés locaux
des travailleurs qu'ils les présentent à la
législature. Il a dit
que les élections
provinciales se tiendront en 2018 et que les travailleurs
accidentés
doivent s'organiser pour que leurs demandes soient des enjeux
électoraux. Tous ceux qui vont se présenter comme
candidats doivent
être forcés
de tenir compte des demandes des travailleurs accidentés. Il ne
s'agit
pas pour les travailleurs accidentés de déclarer qu'ils
appuient tel ou
tel parti politique, mais de mettre de l'avant leurs propres
revendications à la défense de leurs droits, a-t-il dit.
Les participants ont discuté de
différents aspects des luttes des
travailleurs blessés au travail dans l'esprit de donner plus d'
impact
à leur voix et leur organisation. La réunion
reflète la détermination
des travailleurs accidentés à affirmer leur force
collective et
à poursuivre leur lutte pour que justice soit faite.
Note
1. Les demandes de la campagne
d'organisation à l'échelle provinciale du Réseau
ontarien des groupes de travailleurs accidentés
1. Aucune
réduction de la rémunération fondée sur des
emplois fantômes
Les travailleurs
blessés exigent de mettre fin à la pratique du «
deeming » (présomption). Il s'agit de la pratique de
la Commission de
la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les
accidents du
travail (CSPAAT) qui consiste à évaluer qu'un travailleur
blessé est
capable de faire un certain travail à un certain salaire,
même si
aucun emploi n'est disponible ou que le travailleur n'est pas en mesure
de faire le travail. Le montant de la rémunération que
les travailleurs
sont « présumés » obtenir est
déduite de leurs prestations. Avec
l'augmentation du salaire minimum en Ontario, bon nombre de ces
travailleurs accidentés seront «
présumément » rémunérés
davantage, ce qui entraînera de nouvelles réductions de
leurs
prestations. « La présomption » ou « la
détermination » sont parmi les
moyens principaux par lesquels la CSPAAT réduit les prestations
des
travailleurs accidentés.
2.
Écoutez les professionnels de la santé qui traitent les
travailleurs blessés
Les rapports publiés
en 2016 et 2017 par l'ONIWG, la Fédération des
travailleurs de l'Ontario et l'IAVGO (Industrial Accident Victim's
Group of Ontario) ont mis en lumière l'utilisation par la CSPAAT
de
leurs propres médecins - ou médecins sur papier - pour
annuler les
recommandations des véritables médecins traitant les
travailleurs accidentés. Les médecins à l'emploi
de la CSPAAT décident
alors que les travailleurs sont aptes à retourner au travail
avant de
terminer leur traitement et avant d'avoir eu le temps requis pour
guérir.
3.
Arrêter de réduire les prestations en fonction des
conditions préexistantes
En particulier
depuis 2010, la CSPAAT a entamé une pratique
consistant à réduire ou éliminer de manière
agressive les prestations
des travailleurs accidentés qui, selon elle, souffrent d'une
incapacité
qui n'est pas causée par une blessure au travail mais par des
«
conditions préexistantes ». Ces conditions - par
opposition à une «
déficience préexistante » - n'affectaient pas
le rendement du
travailleur avant leur blessure à l'endroit de travail et sont
définies
de manière tellement large qu'elles incluent des facteurs qui
sont une
partie normale du vieillissement. Un travailleur embauché pour
faire un
travail en fonction de ses années d'expérience est alors
pénalisé, s'il
est
blessé, en raison de son âge. Les travailleurs
accidentés exigent la
fin de cette pratique.
Les détails de leurs demandes sont disponibles
dans le document intitulé « Workers'
Comp
Is
a
Right »
Pour en apprendre davantage sur la campagne cliquer ici
et lire la trousse d'information pour recevoir les documents dont vous
avez besoin. Inscrivez-vous à la liste d'ONIWG en envoyant un
courriel à workerscompisaright@gmail.com et suivez les
activités d'ONIWG à
Twitter: @ONIWG
Facebook: facebook.com/OntarioNetworkIWG/
Pour trouver les groupes de traveilleurs accidentés en Ontario
et recueillir de l'appui cliquer
ici.
Action militante à Leamington contre la
criminalisation des travailleurs migrants
Des activistes du Syndicat des employés et
employées de la Fonction
publique de l'Ontario et de Justice pour les travailleurs migrants ont
manifesté devant les bureaux municipaux de Leamington le 10
septembre.
Ils ont audacieusement pris position contre toute tentative du conseil
municipal de Leamington ou de l'Association pour
l'amélioration des entreprises de faire adopter un
règlement municipal
contre le flânage. Ce règlement cible clairement les
travailleurs
migrants qui se rassemblent dans le secteur du centre-ville
après le
travail et les fins de semaine.
On a commencé à parler d'adopter ce
règlement le 19 juillet lors
d'une réunion spéciale pour discuter de la revitalisation
du secteur du
centre-ville de Leamington. Selon certaines sources, l'idée d'un
tel
règlement a été appuyée par le
président de l'Association pour
l'amélioration des entreprises qui a parlé de cette
concentration de
travailleurs au centre-ville comme d'une menace.
Bien que la municipalité ait nié vouloir
adopter ce règlement qui
criminalise et marginalise les travailleurs migrants, les manifestants
ont dit très clairement que toute tentative de cibler les
travailleurs
pour leur style de vie et leurs conditions était inacceptable.
Des
représentants de syndicats, des Conseils du travail de Windsor
et de
London et
des groupes d'activistes de Windsor, de Leamington, de Chatham, de
London et de Toronto, dont un contingent du Parti communiste du Canada
(marxiste-léniniste) ont participé à l'action et
lui ont prêté leur
voix.
Les orateurs ont déclaré qu'ils rejettent
tout ciblage de migrants
ou de quelque travailleur que ce soit. Les manifestants ont dit que ce
sont les travailleurs migrants principalement qui ont bâti
l'industrie
de serriculture et d'agriculture à Leamington et dans les
environs.
Leur contribution doit être célébrée et non
dénigrée. On devrait
apprécier
leur dur labeur en leur offrant les meilleures conditions culturelles
et de vie. Il faut défendre leurs droits dans le contexte de la
défense
des droits de tous et non s'en prendre à eux comme un
problème de loi
et d'ordre.
D'autres orateurs ont mis en lumière le fondement
raciste
et diversionnaire des propos officiels et des mesures proposées
qui ciblent les
travailleurs
migrants. Ils ont aussi mis en lumière l'hypocrisie qui pourrait
bien être criminelle du gouvernement Trudeau. Dans les
négociations de l'ALÉNA, le gouvernement dit
défendre les travailleurs mexicains alors qu'ici-même au
Canada il sanctionne la négation des droits et un régime
de sur-exploitation qui fait de ces travailleurs une main-d'oeuvre
à bon marché et jetable après usage.
« Défendons-nous et luttons avec
solidarité ! »
Extraits du discours de
Gabriel Allahdua
Gabriel Allahdua, un travailleur migrant de
Sainte-Lucie des
Caraïbes, a travaillé pendant quatre ans dans les serres
dans le cadre
du Programme des travailleurs étrangers temporaires (PTET) du
gouvernement fédéral. Il a parlé de la demande des
travailleurs pour l'affirmation de leurs droits et identifié
clairement le caractère politique de cette violation des
droits.
« On dit de cette région que c'est la
capitale de la tomate.
Qui sont les gens qui ont fait de cette capitale de la tomate une
réalité et continuent de le faire ? »
« ...Depuis 51 ans les travailleurs migrants
se
rendent dans cette
communauté et au Canada pour récolter les fruits et les
légumes dans le
cadre du Programme des travailleurs agricoles saisonniers. »
Une branche d'arbre à la main, Gabriel a
comparé l'arbre à la
situation à laquelle font face les travailleurs migrants.
« Voici un
arbre vieux de 51 ans. Je veux vous parler de l'arbre, du tronc,
des
branches, des feuilles et des racines. »
« Le tronc. Pourquoi suis-je venu au
Canada ? Je suis venu ici pour occuper les emplois sales et
dangereux...Mais le gouvernement fédéral
dit que je n'ai
pas de droits au Canada. Ce gouvernement qui veut que nous fassions les
jobs sales nous lient à nos employeurs par le biais des
permis de travail. Le gouvernement fédéral a conçu
ce programme et
c'est ce que nous combattons aujourd'hui. Les droits ? Je n'ai pas
de
droits au Canada !», a dit Gabriel. Est-ce qu'on peut
appeler cela de la liberté ? »,
a-t-il demandé.
« Chaque fruit que vous mangez a le goût
de 20 injustices. Si je me
fais entendre, on me renvoie chez moi. Peut-on parler de
liberté,
de
justice, d'équité ? D'égalité ?
Les efforts des travailleurs agricoles
migrants pour se syndiquer sont illégaux... Aucun gouvernement
canadien
n'a signé, ratifié ni même reconnu la
Convention internationale sur les droits des travailleurs
migrants. »
« Jusqu'aux racines mêmes de cet arbre, les
travailleurs ont été
usés, abusés et refusés. C'est cela le Canada, la
terre de la liberté
et de l'équité », a dit Gabriel.
« Et que dire des pensionnats pour les
autochtones ? La Commission
de vérité et réconciliation ? C'est le
système qui déshumanise et
exploite à tous les niveaux. Voilà contre quoi nous
luttons, pourquoi
nous sommes là aujourd'hui. C'est ce qui se passe à tous
les niveaux de
gouvernement, même aux niveaux les plus locaux avec
des règlements municipaux», a-t-il ajouté.
Que devons-nous faire ? Observer les choses
passivement ? Ou nous défendre et lutter avec
solidarité ! », a-t-il ajouté.
Il a parlé de la caravane organisée par
Justicia où les activistes
sont allés l'an dernier de Leamington à Windsor et
jusqu'à Ottawa pour
faire connaître la lutte des travailleurs migrants et leur
demande de
justice. « La lutte est pour le changement social, un changement
qui est
long à
venir mais que nous pouvons créer par la
solidarité», a conclu Gabriel.
Les orateurs défendent les droits des
travailleurs migrants
Chris Ramsaroop, un représentant de Justice pour
les
travailleurs migrants a expliqué que Leamington est l'endroit
où il y a
la plus grande concentration de travailleurs migrants au Canada. Il a
dit que les travailleurs migrants ont bâti la communauté
et fourni par
leur travail des milliards de dollars à la communauté. Il
a déclaré que
toute
tentative par la ville de Leamington d'adopter des règlements
anti-migrants va donner lieu à une résistance farouche.
Il a appelé
tout le monde à se mobiliser pour dire NON ! à la
haine, à la
discrimination, au racisme et aux attaques contre les travailleurs
migrants. Il a invité tout le monde à participer à
une action le 23
septembre à
St.Catherines où Justice pour les travailleurs migrants
étrangers va organiser une marche lors du festival du raisin et
du vin de Niagara pour affirmer
les droits des travailleurs migrants qui travaillent dans cette
région.
Il a aussi dit qu'une autre action va avoir lieu à Leamington
le 24
septembre.
Elizabeth Ha, une activiste du SEPFO et un membre du
Conseil exécutif du Conseil du travail de Windsor a dit que
lorsqu'elle a eu vent qu'un
règlement municipal contre le flânage pourrait être
adopté à
Leamington, elle a décidé qu'il fallait prendre position.
Si Leamington
est la capitale canadienne de la tomate, c'est grâce aux
travailleurs
migrants. Ils
travaillent toute la journée au grand soleil avec peu ou pas
d'équipement de santé et de sécurité. Ils
contribuent à l'économie et
pourtant la ville et l'Association pour l'amélioration des
entreprises
veulent adopter un règlement raciste contre eux et les traiter
comme
s'ils constituaient une menace. Ils vivent et travaillent ici et ils
contribuent à notre
économie. On devrait les remercier à chaque jour pour ce
qu'ils font,
a-t-elle dit.
D'autres participants sont
intervenus, des représentants des
Conseils du travail de Windsor et de London, du Syndicat canadien de la
Fonction publique de l'Ontario, de la Fédération des
enseignants et
enseignantes des écoles secondaires de l'Ontario, des
Travailleurs
industriels du monde et du Centre de l'Éducation des
travailleurs de
Windsor.
Suite aux discours, les participants ont entrepris une marche impromptu
dans le centre-ville de Leamington de l'hôtel de ville au kiosque
d'information touristique de la « grosse tomate »
Dans leurs discussions informelles, les participants
ont dit que
l'action avait un caractère large en ce qu'elle mettait en
lumière
l'hypocrisie criminelle du gouvernement Trudeau. Alors que se tiennent
les négociations de l'ALÉNA, le gouvernement
libéral clame haut et fort
qu'il défend les travailleurs mexicains tandis qu'ici même
au Canada il
sanctionne la négation des droits des travailleurs migrants et
leur
exploitation en comme main-d'oeuvre à bon marché et
jetable après
usage. Un grand nombre de travailleurs migrants sont originaires du
Mexique.
D'autres ont exprimé leur grand respect pour la
classe
ouvrière canadienne et
son refus de se laisser endormir par le premier ministre Justin Trudeau
et la ministre des
Affaires étrangères Chrystia Freeland qui aiment parler
des droits
des
travailleurs à l'étranger, que ce soit au Mexique, aux
États-Unis et
ailleurs, mais ne disent rien de la violation qui est faite avec
impunité des droits des
travailleurs ici même au Canada. Pour la classe ouvrière,
la
responsabilité commence ici même au Canada !
La primauté du facteur humain à l'endroit
de travail
- Pierre Chénier -
Les deux entrevues publiées dans ce
numéro de Forum ouvrier
sur la lutte des travailleurs pour le droit à des conditions de
travail
salubres et sécuritaires illustrent bien les problèmes
auxquels les
travailleurs font face sur ce front. L'édification d'empire des
intérêts privés mondiaux comprend la demande
dangereuse que le facteur
humain soit éliminé quand il est question de
déterminer les
conditions de travail des travailleurs. Les impérialistes
veulent
éliminer la voix des être humains qui font le travail, les
travailleurs
qui produisent les biens et dispensent les services dont la
société
dépend pour son existence.
Bien que les conditions de travail, en ce qui a trait
à leur
caractère salubre et à leur sécurité,
affectent directement la vie même
des travailleurs et dans plusieurs cas de communautés
entières, tous
les efforts sont faits pour exclure les travailleurs de la prise de
décisions et même pour déclarer que c'est le
facteur humain qui est la
cause des
problèmes. Cette considération impérialiste
mène à la criminalisation
des travailleurs qui défendent leur santé et leur
sécurité et aux
accusations que les travailleurs, par leurs luttes, font
obstacle à la productivité et au commerce.
Les travailleurs de la raffinerie de Come By Chance
à
Terre-Neuve-et-Labrador et les travailleurs miniers au Québec
sonnent
l'alarme sur les dangers et les tragédies qui sont
inévitables lorsque
le facteur humain n'est pas reconnu comme l'aspect essentiel et le plus
important de la production, lequel doit se faire entendre dans la prise
de
décision.
Les processus qui sont censés donner une voix dans le cadre des
institutions de la société civile sont en train
d'être liquidés par les
intérêts privés mondiaux entraînés
dans leur frénésie d'édification
d'empire.
Dans le secteur minier au Québec, les
impérialistes agissant par le
biais de l'Association minière du Québec bloquent
délibérément et
ouvertement le fonctionnement de deux comités de l'agence
gouvernementale la Commission des normes, de l'équité et
de la santé et
la sécurité du travail qui supervisent les pratiques de
travail dans
les mines.
Les mineurs se sont appuyés sur ces comités pour faire
entendre leur
voix. À la raffinerie de Come By Chance, les nouveaux
propriétaires
américains font fi du régime du Processus de gestion de
la sécurité et
du Comité conjoint de santé-sécurité,
marginalisant les travailleurs de
la raffinerie face à des problèmes et des changements
importants qui
surgissent à leur endroit de travail.
Les travailleurs ne sont pas
capables de jouer leur rôle essentiel
de producteurs de la richesse sociale sans avoir une voix
décisive dans
les conditions qui règnent à leur endroit de travail, ce
qui comprend
bien sûr la question de la santé et de la
sécurité. Ce droit à une voix
au chapitre n'est cependant pas reconnu. La
vision dépassée et fausse de propriété
privée
et du droit de propriété réduit les
travailleurs et leurs
demandes à un coût de production et les consédere
comme une
entrave à la compétitivité des
intérêts privés sur les marchés mondiaux.
Dans le cadre de la mondialisation impérialiste,
l'élite dominante
considère la voix des travailleurs et leurs droits tels que
définis par les normes établies de la
société civile comme un obstacle
à l'édification d'empire et tous les efforts sont faits
pour les
éliminer. Cela ne doit pas passer !
Entrevues
Les Métallos du Québec exigent que
les minières prennent leurs responsabilités
en matiére de sécurité au travail
« La prévention en prend un coup. On ne
veut pas retourner
dans les années 1980 où il y avait plusieurs accidents
mortels
dans les mines au Québec. »
- André Racicot, président
de la section locale 9291 du Syndicat des Métallos -
Forum ouvrier :
Mardi le 12
septembre, le Syndicat des Métallos a tenu un point de presse
à Québec
pour dénoncer la situation dans les mines du Québec en ce
qui a trait à
la santé et la sécurité des travailleurs. Peux-tu
nous en dire plus ?
André Racicot : Le point
de presse visait en
particulier à dénoncer le boycott par l'Association
minière du Québec
(AMQ) qui bloque de façon systématique les comités
de prévention et de
réglementation de la CNEEST (Commission des normes, de
l'équité et de
la santé et la sécurité du travail). À la
Commission, on a
mis sur pied deux comités fort importants, le Comité de
révision
réglementaire permanent et le Comité de plan d'action qui
sont des
comités tripartites employeurs-syndicats-gouvernement. Le
Comité de
plan d'action décide chaque année de l'orientation que
les inspecteurs
vont suivre pendant l'année. Par exemple, on a beaucoup
d'effondrements
dans les mines en ce moment, on veut que le plan d'action cette
année
comprenne un plan d'intervention concernant les effondrements.
En mars 2016, on s'est mis d'accord, les
enployeurs, les syndicats
et la CNEEST pour établir un plan d'action pour les
effondrements et en
octobre 2016 on a tenu une autre rencontre où on
était tous d'accord.
Tout le monde s'entendait pour dire qu'il y avait une augmentation des
effondrements sous terre, et de plus en plus de
blessés graves.
Cependant, depuis ce temps, la CNEEST a émis une
ordonnance pour
mettre fin à la méthode de travail consistant à
faire le soutirage du
minerai et les chargements d'explosifs de façon
simultanée, et les
employeurs ont contesté cette ordonnance devant les tribunaux et
ont déclaré par le biais de l'AMQ qu'ils n'étaient
plus disponibles
pour
les rencontres de ces comités.
Quant à la CNEEST, elle ne force pas les choses,
elle ne force pas
les employeurs à participer aux comités, cela fait
quasiment un an et
demi qu'on n'a pas bougé dans ces comités. La
prévention en prend un
coup. On ne veut pas retourner dans les années 1980
où il y avait
plusieurs accidents mortels dans les mines au Québec
On a sensibilisé la population, la CNEEST et le
gouvernement du
Québec, en disant que c'est grandement le temps d'agir parce
qu'on
n'acceptera pas de revenir dans le passé. On a la solution, la
solution
c'est de réglementer s'il y a des accidents. À chaque
fois qu'il se
produit un accident mortel, on regarde si la réglementation est
adéquate.
Si elle n'est pas adéquate, on l'ajuste, bien souvent c'est pour
la
rendre plus sévère. C'est nécessaire parce que
c'est pour la sécurité
des travailleurs.
FO : Peux-tu nous expliquer
en quoi consistait la
contestation en cour de l'ordonnance de la CNEEST ordonnant aux
employeurs de cesser de faire simultanément le soutirage du
minerai et
le chargement d'explosifs ?
AR : Ce sont plusieurs
employeurs miniers qui ont
contesté l'interdiction par la CNEEST de la méthode qu'on
appelle en
anglais le « fast mining ». C'est la méthode
selon laquelle on permet
un soutirage du minerai d'un chantier à un niveau
inférieur dans la
mine simultanément à un chargement d'explosifs à
un niveau supérieur. Autrement dit, il y a un travailleur qui
charge
des explosifs à un niveau supérieur pendant que la
chargeuse-navette
télécommandée soutire le minerai. C'est une
opération non sécuritaire.
Un incendie par exemple peut se déclarer dans la partie
inférieure de
la mine et se propager et le travailleur qui charge les explosifs
au-dessus ne s'en rendra même pas compte et il peut être
blessé
mortellement dans des explosions.
Pour revenir un peu en arrière, en 2003 je
crois, le Syndicat des
Métallos dont moi-même et ma section locale, sommes
allés devant le
tribunal et avons gagné un jugement qui interdisait d'utiliser
cette
méthode parce qu'elle était considérée
dangereuse. Cependant, les
minières ont commencé à faire cela en douce et il
est venu un
moment, à cause d'un accident je pense, où la CNEEST est
revenue sur ce
dossier et a elle-même interdit cette méthode. Elle a
envoyé des avis
de corrections à des minières qui utilisaient cette
méthode de travail
là.
À notre avis, c'est en représailles face
à cette ordonnance que les
minières boycottent les comités. Les employeurs disent
non mais on est
convaincu que c'est le cas parce qu'ils disent n'être plus
disponibles
pour prendre part à ces comités depuis l'adoption de
l'ordonnance de la
CNEEST.
En plus de la question de la santé et de la
sécurité, il n'y a pas
de raison d'utiliser cette méthode. Chez nous par exemple
à la mise
Westwood on a plus de 300 chantiers qui fonctionnent en même
temps.
Quand bien même ils ne feraient pas l'opération
simultanément, ils
peuvent faire le soutirage sur un autre chantier, il va quand
même
y avoir du minerai qui va se rendre au moulin. Cela ne mettra pas la
rentabilité de la mine en danger.
On a donc indentifié un risque, on a mis un
comité en place qui
devrait fonctionner avec un plan d'action pour faire de la
coordination, de la prévention sur cette problématique,
mais on ne le
met pas en application.
FO : Quelles sont les
demandes des Métallos dans ce contexte ?
AR : Notre demande est de
réactiver ces comités
dans les plus brefs délais. Deuxièmement c'est de mettre
en place des
mesures pour arrêter les blessures et les décès
sous terres. En ce
moment, on a des problèmes dans l'ensemble des mines à
l'échelle du
Québec avec les coups de terrain et les effondrements. C'est
une problématique qu'on a dénoncé via ces
comités là. La CNEEST en est
bien consciente mais elle hésite à prendre position et
nous, on les
pousse à agir.
En 2017 on a eu deux décès dans le
secteur minier au Québec. Dans
le comité de révision réglementaire, on a
demandé d'avoir un comité
spécial sur les opérations
télé-opérées et
télécommandées. Drôle de
coïncidence, en février, on a eu un décès. On
avait identifié la
problématique avec les chargeuses-navettes
télécomandées et
téléopérées.
En plus les employeurs sont en train de mettre en place
la
télé-opération intégrale. Il n'y aurait
plus d'opérateurs. Le travail
est fait à partir de la surface. Il n'y a pas de
réglementation à
l'heure actuellement au Québec sur cela dans les mines. On veut
réglementer cela pour ne pas laisser les employeurs agir
à leur guise.
Les employeurs
veulent limiter les opérateurs. On a une mine à Val-d'Or
où l'employeur
a éliminé 20 postes d'opérateurs de
chargeuses-navettes en mettant une
sorte de convoyeur qui part de la surface et fait le soutirage. Le
transport du minerai à la surface est entièrement
géré à partir de la
surface. Ces machines peuvent travailler quasiment 24
heures sur 24 pendant que les exlosifs sont chargés.
C'est pour cela qu'on a dénoncé
auourd'hui l'AMQ qui bloque ces
dossiers-là alors que la CNEEST fait peu de pression. On veut
qu'elle
force les parties à se prendre en main au lieu de se fermer les
yeux.
Nous autres, les travailleurs, on n'acceptera pas cela.
On ne retournera pas en arrière.
Les travailleurs de raffinerie de Terre-Neuve
rejettent le diktat de la compagnie et réclament
un mot décisif sur leur sécurité
- Glenn Nolan, président de la
section locale 9316 du Syndicat des Métallos -
Glenn
Nolan entreprend son périple de 150 kilomètres.
|
Le soir de la Fête du travail, le
président de la section
locale 9316 du Syndicat des Métallos représentant
les travailleurs de
la raffinerie Come By Chance à Terre-Neuve-et-Labrador, Glenn
Nolan, a
entrepris un périple de 150 kilomètres à pied
et à bicyclette de la
raffinerie au Parlement de la province à St. John's. Le
président
de la section locale, qui souffre de fibrose kystique, était
accompagné
du vice-président de la section et responsable de la
santé/sécurité Perry Feltham. Ils sont
déterminés à sonner l'alarme au sujet des
sérieux problèmes auxquels les travailleurs font face en
ce qui
concerne leur santé et leur sécurité.
La raffinerie Come By Chance est exploitée par
North Atlantic
Refining et est la propriété des négociateurs de
marchandises de New
York, SilverPeak Strategic Partners. La raffinerie produit des produits
pétroliers comme de l'huile à chauffage, du propane, du
carburant
diesel et de l'essence.
***
Forum ouvrier : C'est
à l'occasion de la
Fête du travail que vous avez organisé cette action
à la défense du
droit des travailleurs de travailler dans des conditions salubres et
sécuritaires.
Glenn Nolan : En
effet, notre périple a
commencé à 20h le soir de la Fête du travail.
Cela fait des années que
les travailleurs se battent pour leurs droits et il nous a
semblé que
la Fête du travail était un jour approprié pour
cette action. En plus,
les routes sont plus sûres à 20h il y a moins de
circulation.
Nous avons pris la route à 20h et sommes arrivés
à destination à 14h le
lendemain. Nous avons marché et utilisé une petite
bicyclette à pédales
motorisée.
J'ai fait le voyage avec le vice-président de la
section locale et
responsable de la santé-sécurité , qui
m'accompagnait en voiture. Nous
avons reçu de l'appui tout le long du voyage. Des gens
s'arrêtaient
pour prendre un café avec nous et nous avons reçu un
grand nombre
de messages
courriels d'appui. Nous avons informé le public une semaine
à
l'avance que nous allions entreprendre cette action. Nous sommes
arrivés au Parlement de la province, le Confederation Building
à 14h où
nous avons été reçus par un groupe
d'environ 20 personnes. Ensuite nous
avons eu une réunion avec la ministre du Développement
social Sherry
Gambin-Walsh..
FO : Quel était
le but de l'action ?
GN :
À notre avis nous n'avions pas le
choix de la faire. Nous en sommes rendus au point où le
gouvernement et
la compagnie ne nous écoutent pas. Comme travailleurs nous avons
le
droit de savoir ce qui se passe et le droit de participer. C'est notre
santé et sécurité.
Officiellement nous faisons partie de ce qu'on appelle
le Process
Safety Management ou PSM ( Processus de gestion de la
sécurité), qui
traite des meilleures pratiques en fait de sécurité
à la raffinerie. Le
syndicat a signé un document appelé «
Code de bonnes pratiques »,
qui fait partie du PSM et comprend plusieurs
éléments qui prévoient la mobilisation des
travailleurs dans le
processus. Le gouvernement et la compagnie ont eux aussi signé
le
document mais ils ne l'ont jamais utilisé. Nous avons
été les premiers
au Canada à signer un document de la sorte. Le PSM est surtout
en
vigueur aux États-Unis où il fait partie des lois du
travail.
Le PSM comprend une section intitulée «
Gestion du changement »
(MOC) mais elle n'est pas respectée elle non plus. Nous sommes
pris
dans une situation où un incident peut se produire et on va agir
sans
nous.
Par exemple, la compagnie a entrepris de faire des
coupures de
personnel dans différentes unités, réduisant le
nombre d'opérateurs de
deux à un. Le PSM prévoit que dans ces cas-là, le
MOC doit entrer en
jeu, tous les dangers qui peuvent résulter de cette coupure
doivent
être identifiés. Un processus est censé
s'enclencher par lequel tous
les
obstacles qui vont se présenter en matière de
santé et de sécurité sont
identifiés, les nouvelles procédures qui seront
nécessaires si c'est le
cas sont identifiées, les interventions d'urgence sont
mentionnées , et
ainsi de suite. Il est censé y avoir un processus par lequel
nous
tirons les conclusions qui s'imposent afin que les travailleurs soient
en
sécurité et nous sommes censés faire partie du
processus. Les
travailleurs ont le droit de savoir ce que ces nouvelles
procédures
vont comporter.
Comme nous ne sommes pas consultés, nous devons
en appeler au
gouvernement. Lorsque j'ai rencontré la ministre, elle a dit que
son
ministère a émis 163 directives à l'intention
de la compagnie et que
celle-ci respecte les normes. Nous avons dit à la ministre que
l'existence même de ces 163 directives prouve que le travail
à la
raffinerie n'est pas sécuritaire, que c'est pour cela que ces
directives ont été émises. Si le processus
était respecté, il n'y
aurait pas besoin de directives gouvernementales, nous ferions partie
du processus, lequel est censé résoudre les
problèmes sans directives.
Nous avons fraîchement en mémoire
l'explosion de 1998 à la
raffinerie dans laquelle deux de nos travailleurs sont morts. Dans ce
cas là également, la gestion du changement n'avait pas
été faite. Toute
la situation en était revenue à une question de relations
de travail,
de fonctionnement du Comité conjoint de
santé-sécurité, les
travailleurs contre la compagnie, au lieu de résoudre le
problème.
C'est ce scénario qui se répète aujourd'hui.
Il y a un an de cela, nous avons demandé
à
la compagnie et au
gouvernement de s'asseoir avec nous, afin de résoudre ce
problème et
d'établir un PSM qui fonctionne. Ils ne nous ont même
jamais répondu.
FO : Quand vous avez
rencontré la ministre, vous lui avez présenté des
demandes.
GN : Nous en avons
présenté deux. D'une
part, nous voulons faire partie du Programme de gestion de la
sécurité,
comme c'est censé être le cas. D'autre part, notre
comité conjoint de
santé-sécurité est disfonctionnel et il ne devrait
pas l'être. Le
responsable de la compagnie en matière de santé et
sécurité dicte ce
qui
va se passer au comité. Le comité ne fonctionne pas. La
partie
syndiquée du comité ne peut pas faire son travail si
l'autre partie ne
veut rien savoir.
Nous allons continuer à lutter pour
représenter les travailleurs
quoi que ce soit qui arrive. Cette lutte ne sera pas finie tant que les
travailleurs ne travailleront pas dans des conditions
sécuritaires. La
situation était différente avant que les nouveaux
propriétaires
n'entrent en scène et commencent leurs manoeuvres
d'intimidation. Avoir
notre mot
à dire est essentiel. C'est notre sécurité. On ne
peut pas nous dicter
ces choses.
Je ne peux pas croire qu'on en soit rendu à
devoir faire des
actions comme celle là mais on est prêt
à la
recommencer si c'est nécessaire. Nous avons reçu encore
plus d'appui que
prévu. Les gens tout au long du parcours nous exprimaient leur
appui et
nous avons été vraiment inspirés par tous ces
messages courriels. Les
gens
nous écrivaient : « Nous sommes avec
vous », « Nous allons vous donner
tout l'appui nécessaire », « Comment
pouvons-nous vous aider ? ». Nous
avons obtenu la même réponse à l'usine.
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