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26 janvier 2017

Les métallos discutent de la voie vers l'avant
pour le mouvement ouvrier

Les déficiences de notre système de gouvernement actuel

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Les métallos discutent de la voie vers l'avant pour le mouvement ouvrier
Les déficiences de notre système de gouvernement actuel
Le chef du NPD à la réunion du jeudi des métallos de Hamilton

Entrevue
La lutte des travailleurs maritimes contre les accords néolibéraux
de libre-échange
- Jim Given
 


Les métallos discutent de la voie vers l'avant pour le mouvement ouvrier

Les déficiences de notre système
de gouvernement actuel

Les travailleurs ont tenté pendant des années de faire pression sur les politiciens pour qu'ils défendent leurs droits. Il y a toujours des excuses et en conséquence ils sont privés de leurs droits. Ils ont même réussi à faire adopter des lois pour protéger leurs pensions mais ces lois ne sont pas respectées. Ils se sont battus pour des conventions collectives mais ensuite l'État intervient avec des instruments comme la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) qui les privent de la protection et des avantages compris dans les conventions collectives.

Cela montre que les travailleurs doivent s'attaquer aux insuffisances de notre système de gouvernement actuel avec un esprit ouvert.

Les métallos sont engagés dans une bataille pour défendre leurs droits. S'ils acceptent que les droits dépendent de l'élection de tel ou tel politicien ou qu'il s'agit maintenant de dénoncer les politiciens et les partis qui ne respectent pas leurs engagements, comment cela va-t-il faire avancer les choses ? Les droits des métallos existent objectivement, que les politiciens et les partis les défendent ou pas. La défense et l'affirmation des droits ne peut s'appuyer que sur les travailleurs et leurs efforts pour organiser les leurs et bâtir leurs propres institutions et médias. La défense des droits, des pensions, des avantages postérieurs à l'emploi, des emplois et du niveau de vie ne peut pas s'appuyer sur des politiciens autres que les travailleurs eux-mêmes et ne peut pas compter sur le processus politique actuel puisqu'il s'avère complètement dysfonctionnel et qu'il agit contre les intérêts des travailleurs.

Les métallos ont d'abord et avant tout le droit de conscience. Ce droit de conscience existe dans notre processus de pensée et dans notre façon de nous exprimer. C'est dépassé de dire que les métallos doivent être représentés par ceux qui les gouvernent et qu'ils doivent compter sur eux pour défendre leurs droits. Dire que la seule façon de défendre leurs droits est de mobiliser les gens pour voter pour des politiciens et s'appuyer sur leur volonté de prendre les bonnes décisions, c'est ne pas affirmer leur droit de conscience ni leur droit de se gouverner. Le programme de la section locale 1005 du Syndicat des métallos est de défendre les droits de ses membres, de ses retraités et des travailleurs de Hamilton et de trouver une voie vers l'avant pour l'industrie de l'acier et l'économie. Aujourd'hui les syndicats ne sont plus des appendices des partis de cartel qui rivalisent pour le pouvoir politique. Comme la section locale 1005, ils doivent être des instruments pour défendre les droits de leurs membres et de leur communauté, défendre leur économie et défendre les droits de tous et toutes.

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Le chef du NPD à la réunion du jeudi
des métallos de Hamilton

Le jeudi 19 janvier, la section locale 1005 du Syndicat des Métallos a invité le chef du NPD Thomas Mulcair à s'adresser à son assemblée hebdomadaire et à répondre aux questions des travailleurs. Le président du syndicat Gary Howe a remercié M. Mulcair d'être venu à Hamilton pour entendre ce que les travailleurs ont à dire directement. Il a remercié le député de la région Scott Duvall d'avoir organisé cette rencontre. Au nom du syndicat il a aussi remercié le député provincial de Hamilton Paul Miller et la députée provinciale de Hamilton Mountain Monique Taylor d'être venus.

Gary a rappelé que la section locale 1005 tient ces réunions du jeudi sans faute depuis 2003, lorsque Stelco a entrepris de se placer sous la protection de la faillite en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC). Le syndicat avait tout de suite reconnu que la LACC représentait un vol légalisé de ce qui appartient de droit aux métallos, aux retraités et à d'autres et cette position n'a pas changé aujourd'hui en 2017 alors que Stelco fait encore une fois appel à cette loi. C'est le problème central que les travailleurs veulent discuter avec Tom Mulcair, a dit Gary.

Avant de répondre aux quatre questions préparées par la section locale, M. Mulcair a brièvement exprimé l'appui de son parti aux métallos et aux retraités dans leur lutte actuelle contre la LACC. Il a dit que très peu de pays développés ont une loi semblable qui « abandonne les travailleurs à leur sort et qui permet aux tribunaux d'invalider ce qui est produit par le travail » et que « la priorité doit être donnée aux travailleurs, à leurs pensions et avantages sociaux dans la LACC. Les travailleurs doivent venir en premier. »

En 2005, le gouvernement libéral minoritaire de Paul Martin a fait adopter la Loi C-55 qui était censée mettre les intérêts des travailleurs d'abord dans les cas de protection de faillite d'une entreprise. Or, cette loi n'a pas changé la LACC pour qu'elle donne la priorité aux travailleurs, à leurs pensions et à leurs avantages sociaux ou pour qu'ils viennent en premier dans le processus de faillite. Le NPD l'a quand même appuyé en invoquant des idéaux supérieurs. Comme le soulignait la section locale 1005 à l'époque, la Loi C-55 a donné aux tribunaux de faillite des pouvoirs encore plus outranciers et a fait de la LACC une arme encore plus puissante pour légaliser le vol de ce qui appartient de droit aux travailleurs. Elle a été adoptée au parlement pour retirer l'initiative aux travailleurs. Elle était spécifiquement conçue pour contourner la ferme résistance des métallos de Hamilton à toute tentative de rouvrir la convention collective sous prétexte de procédure de faillite. Les oligarques voulaient plus de pouvoir légal pour voler aux travailleurs ce qui leur appartient de droit. En fait, la Loi C-55 a permis à un juge du tribunal de la LACC de forcer un syndical local à rouvrir sa convention collective.

Le NPD a voté pour l'inclusion de la cause suivante : « 65.12 (1) Si la personne [la société débitrice est considérée comme une personne dans le droit commercial] est partie à une convention collective à titre d'employeur et qu'elle ne peut s'entendre librement avec l'agent négociateur sur la révision de tout ou partie de la convention collective, elle peut, sur préavis de cinq jours à l'agent négociateur, demander au tribunal de l'autoriser, par ordonnance, à transmettre à l'agent négociateur un avis de négociations collectives en vue de la révision de la convention collective conformément aux règles de droit applicables aux négociations entre les parties. » Cette menace additionnelle de l'instrument d'État qu'est la LACC plane maintenant au-dessus de la tête de tous les syndicats.

Le processus de faillite ne prévoit pas de propositions alternatives pour une entreprise placée sous la protection de la LACC. Il s'intéresse uniquement à la restructuration des avoirs existants, laquelle fait l'objet de conflits entre les groupes les plus puissants pour le contrôle de la situation. La santé de l'économie dont l'entreprise fait partie et son rapport avec l'économie et la communauté et avec les droits des travailleurs n'intéressent pas la LACC. Cela veut dire inévitablement qu'une autre direction n'est pas discutée, permise ou tentée, que les travailleurs perdent ce qui leur appartient de droit et que les problèmes de base de l'entreprise et du secteur perdurent et soient enterrés.

L'exécutif du syndicat avait préparé les quatre questions suivantes pour le chef du NPD :

 1. La loi permet à la compagnie de rester sous la protection de la faillite même si son encaisse déborde. C'est pourquoi nous disons que la LACC est un vol légalisé. Comment un juge peut-il enlever des avantages sociaux aux retraités quand la compagnie a plus de 200 millions $ en argent liquide dans ses coffres ?

Thomas Mulcair : Les avantages sociaux sont des salaires auxquels les travailleurs renoncent. Ce sont des salaires mis de côté pour plus tard. Les gens comme vous ne peuvent pas être laissés pour compte. Demandez des comptes à Bratina. [Bob Bratina est le député libéral de Hamilton Est-Stoney Creek et ancien maire de Hamilton. Notons qu'en tant que maire ou député il n'a jamais publiquement attaqué les métallos ou la section locale 1005 et qu'en fait il a participé à beaucoup de ses rassemblements et manifestations.]

 2. Les fonds spéculatifs ont empoché 1,2 milliard $ avec la première entente secrète [référence à la vente de Stelco à US Steel en 2007 telle qu'approuvée aux termes de la Loi sur Investissement Canada]. US Steel s'est engagé à maintenir un certain niveau de production, d'emplois et de financement de la caisse de retraite. Un directeur financier de US Steel s'est engagé par écrit à protéger les régimes de retraite. La Loi sur Investissement Canada ne nous protège pas. Où est l'avantage net que promet la loi pour les travailleurs, la ville et l'environnement ? Le représentant provincial de la Commission des services financiers de l'Ontario nous a dit à plusieurs reprises que nos pensions étaient en sécurité. Maintenant les avocats de la province nous disent que ça ne les concerne pas que les régimes de retraite soient sous-financés de 800 millions $. C'est 20 000 retraités qui ont besoin de leur pension et maintenant Bedrock [le nouvel acquisiteur] a l'intention de les rayer du bilan financier. Que faut-il faire ?

Thomas Mulcair : Les travailleurs doivent être protégés d'abord et avant tout. Vous êtes confrontés à la nouvelle façon de faire des affaires. Vale a acheté Inco et a mis les travailleurs en lockout. Elle a refusé de respecter le contrat en vigueur. Le gouvernement n'a rien fait. Nous lui demandons pourquoi les pensions, les salaires et les avantages sociaux ne sont-ils pas respectés.

Scott Duvall : J'ai essayé d'obtenir des réponses au sujet de l'entente secrète [conclue aux termes de la Loi sur Investissement Canada]. Je suis allé voir M. McQuade [président de US Steel Canada] et lui ai demandé de voir la lettre secrète. Il a dit qu'il n'y aurait pas de problème quant à lui mais qu'il fallait la permission du gouvernement fédéral. Quand je l'ai demandé au gouvernement on m'a dit qu'il fallait la permission de US Steel Canada. Nous devons trouver quels critères le gouvernement utilise pour déterminer ce qui est un avantage net. Nous devons rallier du monde à notre cause, nous assurer que les travailleurs viennent en premier. Je ne peux même pas en parler avec le comité du parlement sur l'industrie de l'acier qui se penche sur le commerce. Rien n'a changé depuis la première ronde sous la LACC [de Stelco en juin 2004].

 3. Nous avons lancé l'appel à une enquête publique sur la LACC. Les travailleurs n'ont aucun droit avec cette loi. Tous les griefs pour atteintes aux droits humains sont en suspens. Le gouvernement canadien critique les gouvernements d'autres pays pour violation des droits humains mais il nous enlève les nôtres. C'est légal de nous enlever nos salaires différés. La compagnie a l'argent mais elle ne veut pas rétablir nos avantages sociaux parce que Bedrock ne veut pas en assumer la responsabilité.

Scott Duvall : Même Dave Sweet [député conservateur de Flamborough-Glanbrook] a appuyé la demande d'une enquête publique. Un juge peut enlever à des retraités leurs avantages sociaux et en même temps permettre à la compagnie de donner des primes à ses cadres. Et le juge permet à la compagnie de ne pas payer ses taxes municipales. Il faut trouver comment obtenir une enquête publique. Il faut demander aux libéraux s'ils sont d'accord.

Paul Miller : Je demande des comptes depuis des années aux deux paliers de gouvernement concernant la LACC. Nous devons amener des milliers de personnes sur la colline du parlement à Ottawa et devant l'assemblée législative de l'Ontario. Il faut prendre position en masse. Mobilisons nos confrères et nos consoeurs partout au pays et exigeons que les libéraux répondent à nos questions. Il faut changer le gouvernement.

 4. La LACC a été adoptée en 1933 pour aider les entreprises à se restructurer pour qu'elles restent en affaires. Maintenant elle sert à extorquer les travailleurs. Comment la changer pour qu'elle revienne à son objectif initial ?

Scott Duvall : C'est un vol de grand chemin. On vole de l'argent du Canada pour le transférer dans un autre pays. La Loi doit être revue pour que l'argent ne puisse pas sortir du pays. Merci de nous avons invités, nous devons quitter.

Thomas Mulcair : J'aime l'idée d'avoir une grande manifestation sur la colline du parlement. Ce serait un message fort concernant la LACC. C'est le bon moment de le faire. Il y a des alliés partout au pays. Les travailleurs du Québec font face à la même situation.

Après cet échange, la discussion avec les invités a été interrompue subitement à 16 h 30 parce que Mulcair et Duvall, qui sont arrivés à 15 h 50, ont dit avoir un autre engagement.

Commentaires du plancher

Rolf Gerstenberger, président à la retraite de la section locale 1005, a dit que les travailleurs reconnaissent depuis 2004 que la LACC est un vol légalisé. Aucun des partis politiques avec des élus au parlement n'a défendu cette cause. Certains disent qu'il faut changer la loi. Quand la proposition de changer la loi pour mettre les travailleurs en premier a été abordée au Sénat, des sénateurs et des lobbyistes des grandes entreprises s'y sont opposés en disant que si les travailleurs viennent en premier dans un processus de faillite, les entreprises mondiales vont refuser d'investir au Canada et l'économie va en souffrir.

Pour ces gens, ce sont les travailleurs qui doivent souffrir, pas les entreprises. La logique qui dit que les oligarques financiers comme Bedrock vont investir au Canada si l'on fait souffrir les travailleurs est inacceptable, a dit Rolf. Il a ajouté qu'il aurait voulu demander à l'orateur invité comment nous allons répondre à cet argument au parlement. Ce problème ne concerne pas seulement les métallos de Hamilton. Les travailleurs sont victimes de ce vol légalisé partout au Canada. Que devraient-ils faire à la Chambre des communes et au pays ? Cela aurait été bien si les députés qui sont venus donnent aux travailleurs une direction dans cette affaire puisqu'ils siègent au parlement.

La section locale 1005 et d'autres syndicats ont soulevé la nécessité d'une enquête publique sur ce vol légalisé par la LACC, a expliqué Rolf. Rien n'indique l'existence d'un mouvement au parlement pour en faire une priorité ou pour que les députés se servent de leur position pour avancer cette cause. Pour qu'il y ait enquête, il faut le plein poids de l'élite politique, mais en ce moment même les députés qui disent que c'est nécessaire n'y mettent pas le poids qu'il faut.

Un autre travailleur a fait remarquer que la LACC a été utilisée très peu après son adoption en 1933 et qu'elle a recommencé à être utilisée dans les années 1980 pour attaquer les travailleurs et leur enlever tout ce pour quoi ils ont travaillé. Le NPD a appuyé la Loi C-55 et selon lui c'était criminel de sa part. Cette modification de la LACC a permis à un juge de forcer les syndicats à rouvrir leur convention collective avant échéance pour soutirer des concessions aux travailleurs.

Depuis 1992, les gouvernements de l'Ontario (néo-démocrates, progressistes conservateurs et libéraux) ont tous joué un rôle dans la dévaluation de nos régimes de retraite à Stelco, a dit un autre intervenant. La province est légalement responsable si les régimes de retraite sont sous-financés et ne suffisent pas à verser les prestations déterminées, a-t-il dit.

Un autre travailleur a fait remarquer que Bedrock, la compagnie américaine qui veut acquérir Stelco, dit qu'elle va enregistrer Stelco comme société de portefeuille canadienne pour la séparer de ses avoirs américains. L'enregistrement se ferait au Delaware à cause d'avantages fiscaux dans cet État. US Steel a inscrit Stelco comme société canadienne séparée et s'est servi de cette manoeuvre pour prétendre que ses investissements dans Stelco étaient des prêts qu'il fallait maintenant rembourser aux termes de la LACC. « Je voulais demander à nos invités ce qu'ils proposaient de faire à propos de cette manoeuvre, cette farce par laquelle on piétine notre souveraineté comme pays indépendant », a-t-il ajouté.

Un autre travailleur a dit qu'il aurait voulu demander aux invités ce qu'ils pouvaient faire au sujet de l'intention de Bedrock de ne pas payer pour le nettoyage environnemental des terrains de Stelco. Les 80 millions $ prévus par l'entreprise à cet effet sont bien loin des 300 millions $ prévus dans l'entente précédente qui, selon le gouvernement de l'Ontario, n'étaient pas suffisants pour les travaux de nettoyage. Nos invités devraient aussi dénoncer l'attaque du gouvernement Trudeau contre les pensions à prestations déterminées des employés de la fonction publique avec le projet de loi C-27, qui force les travailleurs à accepter un régime à contributions déterminées « cibles ». Il faut arrêter ces attaques contre le droit des travailleurs à des pensions à prestations déterminées !

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Entrevue

La lutte des travailleurs maritimes contre
les accords néolibéraux de libre-échange 
« Les travailleurs du transport doivent travailler ensemble et
formuler un plan et des solutions »


Manifestation des travailleurs maritimes contre l'AÉCG à Montréal le 21 octobre 2016


Jim Given à la manifestation contre l'AÉCG devant le parlement le 27 septembre 2014

Voici le texte d'une entrevue avec Jim Given, le président du Syndicat international des marins canadiens (SIU). Les travailleurs maritimes sont très engagés dans la lutte contre les accords néolibéraux de libre-échange tel l'Accord économique et commercial global (AÉCG) entre le Canada et l'Union européenne et contre la déréglementation et la privatisation des industries du transport, dont l'industrie maritime, au profit d'intérêts privés mondiaux. Un exemple en est le Rapport Emerson, le rapport d'examen de la Loi sur les transports au Canada qui a été commandé par le gouvernement Harper en juin 2014. Le comité chargé de procéder à l'examen était présidé par David Emerson, un ancien membre du cabinet Harper.

Le rapport a été déposé au Parlement le 25 février 2016 par le ministre des Transports du gouvernement Trudeau, Marc Garneau. Le gouvernement Trudeau est en train de décider de la mise en oeuvre en partie ou en tout du Rapport Emerson qui préconise la pleine déréglementation et privatisation de tout le système de transport du Canada et l'annexion encore plus poussée du Canada aux aventures d'édification d'empire et de domination des oligopoles mondiaux par le biais des portes d'entrée et corridors de commerce et énergétiques.

***

Forum ouvrier : Merci de donner cette entrevue au Forum ouvrier pour informer les travailleurs du pays de la lutte que vous menez. Peux-tu nous expliquer quelle est la position du SIU sur le rapport d'examen de la Loi sur les transports au Canada, communément appelé le Rapport Emerson et sur les consultations qui ont été organisées par Transports Canada en 2016 ?

Jim Given : Le Rapport Emerson, en ce qui a trait à l'industrie maritime, est entièrement erroné.

On y parle d'une pénurie de main-d'oeuvre alors que le taux de chômage dans notre syndicat est de 11,25 %. Peut-être y aura-t-il pénurie d'officiers dans l'avenir mais cela est dû essentiellement au fait que le Canada n'a pas de véritable programme de formation des officiers. Si vous voulez devenir un officier, vous devez être prêt à vivre sans revenu pour un bon moment sinon vous ne le deviendrez pas. La pénurie de main-d'oeuvre en ce qui concerne les officiers a été créée de toutes pièces. Je pense que la notion même d'une pénurie de main-d'oeuvre fait partie du concept de commerce que le gouvernement met de l'avant. Si vous examinez certains de ces accords de libre-échange, vous verrez qu'il y a l'Accord sur le commerce des services (ACS) qui comprend un chapitre sur la mobilité du travail et les officiers maritimes sont inclus dans le programme de mobilité du travail.

L'élimination complète du cabotage d'ici 7 ans et la libéralisation du cabotage n'ont pas de sens et on n'en a absolument pas besoin. Cela soulève entre autres choses toute la question de la sécurité et de l'environnement. L'élimination du cabotage signifie l'élimination de toute une série de compétences au pays.

Quant au processus de consultation, cela a été une vraie farce. J'ai été invité à la table ronde à Vancouver qui a été animée par le ministre Garneau. J'y étais, de même que le Canada Steamship Lines (CSL), et nous étions les deux seuls à représenter le transport maritime domestique. Tous les autres étaient du domaine de l'importation-exportation et ils étaient entièrement en faveur de la libéralisation de l'industrie. Lorsque l'ébauche du rapport de la table ronde a été produite, elle ne comprenait aucun des commentaires que le SIU ou le CSL qui représentaient le transport maritime intérieur, avaient faits. Ils on dû modifier le rapport quand nous leur avons demandé d'y inclure nos commentaires. Je respecte le fait qu'ils ont rencontré des gens mais à mon avis ce n'était pas une vraie consultation.

En ce qui a trait à la privatisation des ports, notre syndicat collabore de façon étroite avec les syndicats de débardeurs et de manutentionnaires qui font partie de la coalition que nous avons mise sur pied pour défendre nos acquis. J'examine ces choses dans leur contexte et ce contexte c'est celui du commerce. Si vous voulez établir le libre-échange, plutôt qu'un échange équitable, vous allez obligatoirement faire de la dérèglementation. La privatisation des ports est une forme de dérèglementation. Celle-ci n'a jamais été favorable aux travailleurs dans tous les pays qui en ont fait l'expérience et cela s'applique à la fois au cabotage et à la privatisation des ports.

Cela ne peut pas fonctionner dans notre industrie, laquelle est l'emblème même de la privatisation comme vous le savez. Nous vivons du commerce, parce que sans commerce il n'y a pas de transport maritime. Nous sommes en faveur du commerce, du commerce équitable, pas du libre-échange qui se fait par la dérèglementation et la libéralisation de l'industrie dans votre pays. Les gens en place n'arrêtent pas de nous dire que c'est une question de réciprocité. La réciprocité n'existe pas en ce qui concerne la flotte canadienne. On ne peut pas prendre nos bateaux qui ont été construits en fonction des Grand Lacs, de la Voie maritime et de nos côtes et les faire naviguer en pleine mer. Le Rapport Emerson parle aussi de l'établissement d'un deuxième registre maritime canadien ce qui veut dire en fait des navires battant pavillon de complaisance. La Norvège, le Danemark, le Royaume-Uni ont tous un deuxième registre maritime et dans tous les cas ce sont des pavillons de complaisance. Prenez le cas de la Norvège, vous ne trouverez pas de Norvégiens dans leur deuxième registre mais seulement des pavillons de complaisance.

On nous dit également que la déréglementation va faire baisser les coûts, que les coûts vont être moins élevés si les transporteurs étrangers ont accès au marché canadien. S'ils cherchent tant à s'emparer du marché canadien c'est parce que les taux de fret sont faibles à l'étranger en ce moment. S'ils chassent les transporteurs maritimes canadiens, ils vont augmenter les prix. En plus, vous ne pouvez pas faire reposer votre transport maritime domestique sur des transporteurs étrangers parce qu'ils peuvent s'en aller n'importe quand tandis que les propriétaires de navires canadiens veulent faire des affaires ici. Leurs navires sont construits en fonction de nos besoins, pour servir notre marché.

Nous ne disons pas qu'il n'y ait rien à changer dans l'industrie canadienne du transport maritime ou dans la chaîne logistique. Il y a des choses à changer, à consolider, des frais qui existent depuis longtemps qui peuvent être examinés. Mais on n'a pas besoin de toucher au cabotage surtout qu'il y a déjà une politique en place à l'effet que dans les cas où il n'y a pas de navire canadien de disponible on peut faire appel à un navire étranger pour faire le transport. Cela existe déjà, on n'a pas besoin d'ouvrir la porte encore plus. On nous dit que ce que nous faisons, c'est du protectionnisme. Ce n'est pas du protectionnisme, c'est simplement le droit de travailler dans son propre pays. L'AÉCG à lui seul va causer la perte de milliers d'emplois. L'ACS va en éliminer encore plus et si le Rapport Emerson devait être adopté c'est 13 000 marins qui perdraient leur emploi sans compter les emplois perdus à cause de la privatisation des ports. On parle d'une perte directe ou indirecte possible d'environ 250 000 emplois.

Ce serait la fin du transport de fret maritime canadien.

Je ne crois pas que nous faisons face à une coïncidence. Prenez l'AÉCG, ou l'ACS, ou l'accord de commerce avec l'Ukraine. Leur formulation n'est pas le fait du hasard. Ils sont écrits en fonction de la dérèglementation et de la libéralisation afin de servir la mondialisation des entreprises qui se produit dans le monde. Ces accords sont formulés de façon à donner plus de liberté aux entreprises pour que ce soient elles qui gèrent le pays, pas les gens ordinaires. Comment allez-vous faire fonctionner un pays si tout le monde gagne 11 $ de l'heure. On nous dit que ce sont les entreprises qui vont être la base de nos recettes fiscales. Prenez le cas de Hamilton où US Steel a privé la ville de 18 millions $ en recettes fiscales. Qui va remplacer ce 18 millions $ ? Ceux qui travaillent chez Tim Horton's ?

La dérèglementation de notre industrie ne peut pas fonctionner. Elle fait juste créer plus de pavillons de complaisance. Le Canada a besoin d'une marine marchande forte. Il en a besoin pour sa propre sécurité et pour l'environnement, entre autres raisons. Ce dont nous avons besoin, c'est d'une politique.

FO : Peut-tu nous parler du travail que fait le syndicat en ce moment contre cette dérèglementation et cette privatisation ?

JG : Nous travaillons à éduquer le public sur l'importance de notre industrie. Cette industrie pourrait être créatrice d'emplois pour le Canada. Nous pourrions alors continuer dans la voie de l'amélioration de l'environnement, alors que la flotte canadienne a déjà fait des progrès dans cette voie ou est en voie de le faire. Nous devons éduquer le public, éduquer les politiciens, nous asseoir ensemble et tenir des discussions sérieuses avec les décideurs politiques sur comment faire progresser notre industrie afin qu'elle joue son rôle et soit viable.

À l'heure actuelle nous sommes aux premières lignes pour faire avancer les choses. Nous passons beaucoup de temps au syndicat à nous éduquer sur la signification de ces politiques et sur leur impact. Nous travaillons avec les propriétaires des navires et avec les syndicats pour développer des politiques. Nous sommes à la croisée des chemins. Nous allons réussir ou bien notre industrie va mourir. Nous ne sommes pas des prophètes de malheur. Selon nous, il s'agit d'une occasion de travailler ensemble et de créer une politique qui va préserver notre industrie pour des décennies à venir.

Lorsque nous rencontrons les gens en place au gouvernement, il est clair que bon nombre d'entre eux ne connaissent pas notre industrie. Nous pouvons dire que notre industrie est une industrie fantôme parce qu'elle n'a jamais demandé de subsides ou d'aide du gouvernement. L'industrie a essentiellement compté sur elle-même. Beaucoup de gens en place ne savent pas que 90 % de ce qu'ils touchent est livré par navire. Et ce sont ces gens-là qui sont en charge de notre avenir ! Nous sommes vraiment une industrie fantôme au sein de ce gouvernement.

Pas question pour nous de tomber dans l'oubli. Nous nous considérons comme des gens raisonnables quand il est question de l'industrie mais si on nous ignore nous allons descendre dans la rue. Nous l'avons fait savoir clairement au gouvernement, que s'ils cherchent à nous ignorer ils vont faire face à tout un conflit. Nos membres croient dans ce qu'ils font et ils sont fiers de leur industrie.

J'ai participé récemment à une réunion avec le Congrès du travail du Canada (CTC). Pour une des premières fois depuis longtemps, tous les syndicats du transport étaient rassemblés dans une même salle : le secteur aérien, ferroviaire, maritime, du transport par camion. Tout le monde était là et le Rapport Emerson a été au centre de la discussion. Nous sommes tombés d'accord sur le fait que le secteur du transport au sein du CTC doit aller de l'avant, que nous devons partager nos idées, ce que nous n'avons pas fait depuis longtemps, et formuler des plans. Nous sommes pris pour cible en ce moment dans le secteur du transport, nos syndicats doivent travailler ensemble, élaborer un plan et des solutions que nous allons présenter au gouvernement en espérant qu'il va nous écouter et je pense qu'il va nous écouter.

Je préside aussi le Groupe de travail sur le cabotage de la Fédération internationale des ouvriers du transport (ITF). Nous appuyons les pays qui veulent renforcer et développer leur secteur du cabotage. Notre groupe de travail examine des documents comme le Rapport Emerson parce que faisant partie d'une industrie mondiale j'amène ce rapport au groupe de travail pour examiner dans quels pays on a eu à combattre une législation semblable. Il y a beaucoup de similarités. Nous travaillons toujours sur la question de l'AÉCG et notre objectif est toujours de le défaire en Europe. Avec les autres syndicats du cabotage, nous examinons quels pays nous sommes capables d'influencer pour défaire cet accord. Nous espérons toujours qu'il peut être défait en Europe. Même au Canada, avec le projet de loi C-30 (le projet de loi à l'étude au Parlement sur la mise en oeuvre de l'AÉCG - Note de Forum ouvrier), il y a des sénateurs qui connaissent notre travail dans les médias, veulent savoir comment l'accord va affecter le transport maritime canadien parce que le projet de loi va être envoyé au Sénat. La lutte contre l'AÉCG est loin d'être finie.

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