26 janvier 2017
Les métallos discutent de la
voie vers l'avant
pour le mouvement ouvrier
Les déficiences de notre
système
de gouvernement actuel
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Les métallos discutent de la
voie vers l'avant pour le mouvement ouvrier
• Les déficiences de notre
système de gouvernement actuel
• Le chef du NPD à la
réunion du jeudi des métallos de Hamilton
Entrevue
• La lutte des travailleurs maritimes
contre les accords néolibéraux
de libre-échange - Jim Given
Les métallos discutent de la voie
vers l'avant pour le mouvement ouvrier
Les déficiences de notre système
de gouvernement actuel
Les travailleurs ont tenté pendant des
années de faire pression sur
les politiciens pour qu'ils défendent leurs droits. Il y a
toujours des
excuses et en conséquence ils sont privés de leurs
droits. Ils ont même
réussi à faire adopter des lois pour protéger
leurs pensions mais ces
lois ne sont pas respectées. Ils se sont battus pour des
conventions
collectives mais ensuite l'État intervient avec des instruments
comme
la Loi sur les arrangements avec les créanciers des
compagnies (LACC) qui les privent de la protection et des avantages
compris dans les conventions collectives.
Cela montre que les travailleurs doivent s'attaquer aux
insuffisances de notre système de gouvernement actuel avec un
esprit
ouvert.
Les métallos sont engagés dans une
bataille pour défendre leurs
droits. S'ils acceptent que les droits dépendent de
l'élection de tel
ou tel politicien ou qu'il s'agit maintenant de dénoncer les
politiciens et les partis qui ne respectent pas leurs engagements,
comment cela va-t-il faire avancer les choses ? Les droits des
métallos
existent
objectivement, que les politiciens et les partis les défendent
ou pas.
La défense et l'affirmation des droits ne peut s'appuyer que sur
les
travailleurs et leurs efforts pour organiser les leurs et bâtir
leurs
propres institutions et médias. La défense des droits,
des pensions,
des avantages postérieurs à l'emploi, des emplois et du
niveau de vie
ne peut pas
s'appuyer sur des politiciens autres que les travailleurs
eux-mêmes et
ne peut pas compter sur le processus politique actuel puisqu'il
s'avère
complètement dysfonctionnel et qu'il agit contre les
intérêts des
travailleurs.
Les métallos ont d'abord et avant tout le droit
de
conscience. Ce droit
de conscience existe dans notre processus de pensée et dans
notre façon
de nous exprimer. C'est dépassé de dire que les
métallos doivent être
représentés par ceux qui les gouvernent et qu'ils doivent
compter sur
eux pour défendre leurs droits. Dire que la seule façon
de défendre
leurs droits est de mobiliser les gens pour voter pour des politiciens
et s'appuyer sur leur volonté de prendre les bonnes
décisions, c'est ne
pas affirmer leur droit de conscience ni leur droit de se gouverner. Le
programme de la section locale 1005 du Syndicat des
métallos est de
défendre les droits de ses membres, de ses retraités et
des
travailleurs de Hamilton et de trouver une voie vers l'avant pour
l'industrie de l'acier et l'économie. Aujourd'hui les syndicats
ne sont
plus des appendices des partis de cartel qui rivalisent pour le pouvoir
politique. Comme la section locale 1005, ils doivent être
des
instruments pour défendre les droits de leurs membres et de leur
communauté, défendre leur économie et
défendre les droits de tous et
toutes.
Le chef du NPD à la réunion du jeudi
des métallos de Hamilton
Le jeudi 19 janvier, la section locale 1005
du Syndicat des Métallos a invité le chef du NPD Thomas
Mulcair à
s'adresser à son
assemblée hebdomadaire et à répondre aux questions
des travailleurs. Le
président du syndicat Gary Howe a remercié M. Mulcair
d'être venu à
Hamilton pour entendre ce que les travailleurs ont à dire
directement. Il a remercié le député de la
région Scott Duvall d'avoir
organisé cette rencontre. Au nom du syndicat il a aussi
remercié le
député provincial de Hamilton Paul Miller et la
députée provinciale de
Hamilton Mountain Monique Taylor d'être venus.
Gary a rappelé que la section locale 1005
tient ces réunions du
jeudi sans faute depuis 2003, lorsque Stelco a entrepris de se
placer
sous la protection de la faillite en vertu de la Loi sur les
arrangements avec les créanciers des compagnies
(LACC). Le syndicat avait tout de suite reconnu que la LACC
représentait un vol
légalisé de ce qui appartient de droit aux
métallos, aux retraités et à
d'autres et cette position n'a pas changé aujourd'hui
en 2017 alors que
Stelco fait encore une fois appel à cette loi. C'est le
problème
central que les travailleurs veulent discuter avec Tom Mulcair, a dit
Gary.
Avant de répondre aux quatre questions
préparées par la section
locale, M. Mulcair a brièvement exprimé l'appui de son
parti aux
métallos et aux retraités dans leur lutte actuelle contre
la LACC. Il a
dit que très peu de pays développés ont une loi
semblable qui «
abandonne les travailleurs à leur sort et qui permet aux
tribunaux
d'invalider ce
qui est produit par le travail » et que « la
priorité doit être donnée
aux travailleurs, à leurs pensions et avantages sociaux dans la
LACC.
Les travailleurs doivent venir en premier. »
En 2005, le
gouvernement libéral minoritaire de Paul Martin a fait
adopter la Loi C-55 qui était censée mettre les
intérêts des
travailleurs d'abord dans les cas de protection de faillite d'une
entreprise. Or, cette loi n'a pas changé la LACC pour qu'elle
donne la
priorité aux travailleurs, à leurs pensions et à
leurs avantages
sociaux ou pour
qu'ils viennent en premier dans le processus de faillite. Le NPD l'a
quand même appuyé en invoquant des idéaux
supérieurs. Comme le
soulignait la section locale 1005 à l'époque, la Loi
C-55 a donné aux
tribunaux de faillite des pouvoirs encore plus outranciers et a fait
de la LACC une arme encore plus puissante pour légaliser le vol
de ce qui appartient de
droit
aux travailleurs. Elle a été adoptée au parlement
pour retirer
l'initiative aux travailleurs. Elle était spécifiquement
conçue pour
contourner la ferme résistance des métallos de Hamilton
à toute
tentative de rouvrir la convention collective sous prétexte de
procédure de faillite. Les oligarques voulaient plus de pouvoir
légal
pour voler aux travailleurs ce
qui leur appartient de droit. En fait, la Loi C-55 a permis à un
juge
du tribunal de la LACC de forcer un syndical local à rouvrir sa
convention collective.
Le NPD a voté pour l'inclusion de la cause
suivante : « 65.12 (1)
Si la personne [la société débitrice est
considérée comme une personne
dans le droit commercial] est partie à une convention collective
à
titre d'employeur et qu'elle ne peut s'entendre librement avec l'agent
négociateur sur la révision de tout ou partie de la
convention collective, elle peut, sur préavis de cinq jours
à l'agent
négociateur, demander au tribunal de l'autoriser, par
ordonnance, à
transmettre à l'agent négociateur un avis de
négociations collectives
en vue de la révision de la convention collective
conformément aux
règles de droit applicables aux négociations entre les
parties. » Cette
menace additionnelle de l'instrument d'État qu'est la LACC
plane
maintenant au-dessus de la tête de tous les syndicats.
Le processus de faillite ne prévoit pas de
propositions alternatives pour
une entreprise placée sous la protection de la LACC. Il
s'intéresse
uniquement à la restructuration des avoirs existants, laquelle
fait
l'objet de conflits entre les groupes les plus puissants pour le
contrôle de la situation. La santé de l'économie
dont l'entreprise fait
partie et son
rapport avec l'économie et la communauté et avec les
droits des
travailleurs n'intéressent pas la LACC. Cela veut dire
inévitablement
qu'une autre direction n'est pas discutée, permise ou
tentée, que les
travailleurs perdent ce qui leur appartient de droit et que les
problèmes de base de l'entreprise et du secteur perdurent et
soient
enterrés.
L'exécutif du syndicat avait
préparé les quatre questions suivantes pour le chef du
NPD :
1. La loi permet à la compagnie de rester
sous la protection de
la faillite même si son encaisse déborde. C'est pourquoi
nous
disons que
la LACC est un vol légalisé. Comment un juge peut-il
enlever des
avantages sociaux aux retraités quand la compagnie a plus
de 200
millions $ en argent liquide dans ses coffres ?
Thomas Mulcair : Les avantages sociaux sont
des salaires
auxquels les travailleurs renoncent. Ce sont des salaires mis de
côté
pour plus tard. Les gens comme vous ne peuvent pas être
laissés pour
compte. Demandez des comptes à Bratina. [Bob Bratina est le
député
libéral de Hamilton Est-Stoney Creek et ancien maire de
Hamilton. Notons qu'en tant que maire ou député il n'a
jamais
publiquement attaqué les métallos ou la section
locale 1005 et qu'en
fait il a participé à beaucoup de ses rassemblements et
manifestations.]
2. Les fonds spéculatifs ont
empoché 1,2 milliard $ avec la
première entente secrète [référence
à la vente de Stelco à US Steel
en 2007 telle qu'approuvée aux termes de la Loi sur
Investissement Canada]. US Steel s'est engagé à
maintenir un certain niveau de production, d'emplois et de financement
de la
caisse de retraite. Un directeur financier de US Steel s'est
engagé par écrit à protéger les
régimes de retraite. La Loi sur Investissement Canada
ne nous protège pas. Où est l'avantage net que promet la
loi pour les
travailleurs, la ville et l'environnement ? Le représentant
provincial
de la Commission des services financiers de
l'Ontario nous a dit à plusieurs reprises que nos pensions
étaient en
sécurité. Maintenant les avocats de la province nous
disent que ça ne
les concerne pas que les régimes de retraite soient
sous-financés
de 800 millions $. C'est 20 000 retraités
qui ont besoin de leur
pension et maintenant Bedrock [le nouvel acquisiteur] a
l'intention de les rayer du bilan financier. Que faut-il faire ?
Thomas Mulcair :
Les travailleurs doivent être protégés d'abord et
avant tout. Vous êtes
confrontés à la nouvelle façon de faire des
affaires. Vale a acheté
Inco et a mis les travailleurs en lockout. Elle a refusé de
respecter
le contrat en vigueur. Le gouvernement n'a
rien fait. Nous lui demandons pourquoi les pensions, les salaires et
les avantages sociaux ne sont-ils pas respectés.
Scott Duvall :
J'ai essayé d'obtenir des réponses au sujet de l'entente
secrète [conclue aux termes de la Loi sur Investissement
Canada]. Je suis allé voir M. McQuade [président de
US Steel Canada] et lui
ai demandé de voir la lettre secrète. Il a dit qu'il n'y
aurait pas de
problème quant à lui mais qu'il fallait la
permission du gouvernement fédéral. Quand je l'ai
demandé au
gouvernement on m'a dit qu'il fallait la permission de US Steel Canada.
Nous devons trouver quels critères le gouvernement utilise pour
déterminer ce qui est un avantage net. Nous devons rallier du
monde à
notre cause, nous assurer que les travailleurs viennent en premier. Je
ne
peux même pas en parler avec le comité du parlement sur
l'industrie de
l'acier qui se penche sur le commerce. Rien n'a changé depuis la
première ronde sous la LACC [de Stelco en juin 2004].
3. Nous avons lancé l'appel à une
enquête publique sur la LACC. Les
travailleurs n'ont aucun droit avec cette loi. Tous les griefs pour
atteintes aux droits humains sont en suspens. Le gouvernement canadien
critique les gouvernements d'autres pays pour violation des droits
humains mais il nous enlève les nôtres. C'est légal
de nous
enlever nos salaires différés. La compagnie a l'argent
mais elle ne
veut pas rétablir nos avantages sociaux parce que Bedrock ne
veut pas
en assumer la responsabilité.
Scott Duvall :
Même Dave Sweet [député conservateur de
Flamborough-Glanbrook] a appuyé la demande d'une enquête
publique. Un
juge peut enlever à des retraités leurs avantages sociaux
et en même
temps permettre à la compagnie de donner des primes à ses
cadres. Et le
juge permet à la compagnie de ne pas payer ses
taxes municipales. Il faut trouver comment obtenir une enquête
publique. Il faut demander aux libéraux s'ils sont d'accord.
Paul Miller :
Je demande des comptes depuis des années aux
deux paliers de gouvernement concernant la LACC. Nous devons amener des
milliers de personnes sur la colline du parlement à Ottawa et
devant
l'assemblée législative de l'Ontario. Il faut prendre
position en
masse. Mobilisons nos confrères et nos consoeurs partout
au pays et exigeons que les libéraux répondent à
nos questions. Il faut
changer le gouvernement.
4. La LACC a été adoptée
en 1933 pour aider les entreprises à se
restructurer pour qu'elles restent en affaires. Maintenant elle sert
à
extorquer les travailleurs. Comment la changer pour qu'elle revienne
à
son objectif initial ?
Scott Duvall : C'est un vol de grand
chemin. On vole de
l'argent du Canada pour le transférer dans un autre pays. La Loi
doit
être revue pour que l'argent ne puisse pas sortir du pays. Merci
de
nous avons invités, nous devons quitter.
Thomas Mulcair : J'aime l'idée
d'avoir une grande
manifestation sur la colline du parlement. Ce serait un message fort
concernant la LACC. C'est le bon moment de le faire. Il y a des
alliés
partout au pays. Les travailleurs du Québec font face à
la même
situation.
Après cet échange, la discussion avec les
invités a
été interrompue subitement à 16
h 30 parce que Mulcair et Duvall, qui sont arrivés
à 15 h 50,
ont dit avoir un autre engagement.
Commentaires du plancher
Rolf Gerstenberger, président à la
retraite de la section
locale 1005, a dit que les travailleurs reconnaissent
depuis 2004 que
la LACC est un vol légalisé. Aucun des partis politiques
avec des élus
au parlement n'a défendu cette cause. Certains disent qu'il faut
changer la loi. Quand la proposition de changer la loi pour mettre les
travailleurs en premier a été abordée au
Sénat, des sénateurs et des
lobbyistes des grandes entreprises s'y sont opposés en disant
que si
les travailleurs viennent en premier dans un processus de faillite, les
entreprises mondiales vont refuser d'investir au Canada et
l'économie
va en souffrir.
Pour ces gens, ce sont les travailleurs qui doivent
souffrir, pas
les entreprises. La logique qui dit que les oligarques financiers comme
Bedrock vont investir au Canada si l'on fait souffrir les travailleurs
est inacceptable, a dit Rolf. Il a ajouté qu'il aurait voulu
demander à
l'orateur invité comment nous allons répondre à
cet argument au
parlement. Ce problème ne concerne pas seulement les
métallos de
Hamilton. Les travailleurs sont victimes de ce vol
légalisé partout au
Canada. Que devraient-ils faire à la Chambre des communes et au
pays ?
Cela aurait été bien si les députés qui
sont venus donnent aux
travailleurs une direction dans cette affaire puisqu'ils siègent
au
parlement.
La section locale 1005 et d'autres syndicats ont
soulevé la
nécessité d'une enquête publique sur ce vol
légalisé par la LACC, a
expliqué Rolf. Rien n'indique l'existence d'un mouvement au
parlement
pour en faire une priorité ou pour que les députés
se servent de leur
position pour avancer cette cause. Pour qu'il y ait enquête, il
faut le
plein poids de l'élite politique, mais en ce moment même
les députés qui
disent que c'est nécessaire n'y mettent pas le poids qu'il faut.
Un autre travailleur a fait remarquer que la LACC a
été utilisée
très peu après son adoption en 1933 et qu'elle a
recommencé à être
utilisée dans les années 1980 pour attaquer les
travailleurs et leur
enlever tout ce pour quoi ils ont travaillé. Le NPD a
appuyé la Loi
C-55 et selon lui c'était criminel de sa part. Cette
modification
de la LACC a permis à un juge de forcer les syndicats à
rouvrir leur
convention collective avant échéance pour soutirer des
concessions aux
travailleurs.
Depuis 1992, les gouvernements de l'Ontario
(néo-démocrates,
progressistes conservateurs et libéraux) ont tous joué un
rôle dans la
dévaluation de nos régimes de retraite à Stelco, a
dit un autre
intervenant. La province est légalement responsable si les
régimes de
retraite sont sous-financés et ne suffisent pas à verser
les
prestations
déterminées, a-t-il dit.
Un autre travailleur a fait remarquer que Bedrock, la
compagnie
américaine qui veut acquérir Stelco, dit qu'elle va
enregistrer Stelco
comme société de portefeuille canadienne pour la
séparer de ses avoirs
américains. L'enregistrement se ferait au Delaware à
cause d'avantages
fiscaux dans cet État. US Steel a inscrit Stelco comme
société
canadienne séparée et s'est servi de cette manoeuvre pour
prétendre que
ses investissements dans Stelco étaient des prêts qu'il
fallait
maintenant rembourser aux termes de la LACC. « Je voulais
demander à
nos invités ce qu'ils proposaient de faire à propos de
cette manoeuvre,
cette farce par laquelle on piétine notre souveraineté
comme pays
indépendant », a-t-il ajouté.
Un autre travailleur a dit qu'il aurait voulu demander
aux invités
ce qu'ils pouvaient faire au sujet de l'intention de Bedrock de ne pas
payer pour le nettoyage environnemental des terrains de Stelco.
Les 80
millions $ prévus par l'entreprise à cet effet sont
bien loin des 300
millions $ prévus dans l'entente précédente
qui, selon le gouvernement de l'Ontario, n'étaient pas
suffisants pour
les travaux de nettoyage. Nos invités devraient aussi
dénoncer
l'attaque du gouvernement Trudeau contre les pensions à
prestations
déterminées des employés de la fonction publique
avec le projet de loi
C-27, qui force les travailleurs à accepter un régime
à contributions
déterminées « cibles ». Il faut
arrêter ces attaques contre le droit
des travailleurs à des pensions à prestations
déterminées !
Entrevue
La lutte des travailleurs maritimes contre
les accords néolibéraux de libre-échange
« Les travailleurs du transport doivent
travailler ensemble et
formuler un plan et des solutions »
- Jim Given -
Manifestation des travailleurs maritimes contre l'AÉCG à
Montréal le 21 octobre 2016
Jim Given à la manifestation contre l'AÉCG devant le
parlement le 27 septembre 2014
|
Voici le texte d'une entrevue avec Jim Given, le
président du
Syndicat international des marins canadiens (SIU). Les travailleurs
maritimes sont très engagés dans la lutte contre les
accords
néolibéraux de libre-échange tel l'Accord
économique et commercial
global (AÉCG) entre le Canada et l'Union européenne et
contre la
déréglementation et
la privatisation des industries du transport, dont l'industrie
maritime, au profit d'intérêts privés mondiaux. Un
exemple en est le
Rapport Emerson, le rapport d'examen de la Loi sur les transports
au Canada
qui a été commandé par le gouvernement Harper en
juin 2014. Le comité
chargé de procéder à l'examen était
présidé par
David Emerson, un ancien membre du cabinet Harper.
Le rapport a été
déposé au Parlement le 25 février 2016
par le ministre des Transports
du gouvernement Trudeau, Marc Garneau. Le gouvernement Trudeau est en
train de décider de la mise en oeuvre en partie ou en tout du
Rapport
Emerson qui préconise la pleine
déréglementation et privatisation de tout le
système de transport du
Canada et l'annexion encore plus poussée du Canada aux aventures
d'édification d'empire et de domination des oligopoles mondiaux
par le
biais des portes d'entrée et corridors de commerce et
énergétiques.
***
Forum ouvrier : Merci de
donner cette entrevue au Forum
ouvrier
pour informer les travailleurs du pays de la lutte que vous menez.
Peux-tu nous expliquer quelle est
la position du SIU sur le rapport d'examen de la Loi sur les
transports au Canada, communément appelé le Rapport
Emerson et sur les consultations qui ont été
organisées par Transports Canada en 2016 ?
Jim Given :
Le Rapport Emerson, en ce qui a trait à
l'industrie maritime, est entièrement erroné.
On y parle d'une pénurie de main-d'oeuvre alors
que le taux de
chômage dans notre syndicat est de 11,25 %.
Peut-être y aura-t-il
pénurie d'officiers dans l'avenir mais cela est dû
essentiellement au
fait que le Canada n'a pas de véritable programme de formation
des
officiers. Si vous voulez devenir un officier, vous devez être
prêt à vivre sans revenu pour un bon moment sinon vous ne
le deviendrez
pas. La pénurie de main-d'oeuvre en ce qui concerne les
officiers a été
créée de toutes pièces. Je pense que la notion
même d'une pénurie de
main-d'oeuvre fait partie du concept de commerce que le gouvernement
met de l'avant. Si vous examinez certains de ces accords de
libre-échange, vous verrez qu'il y a l'Accord sur le commerce
des
services (ACS) qui comprend un chapitre sur la mobilité du
travail et
les officiers maritimes sont inclus dans le programme de
mobilité du
travail.
L'élimination complète du cabotage
d'ici 7 ans et la libéralisation
du cabotage n'ont pas de sens et on n'en a absolument pas besoin. Cela
soulève entre autres choses toute la question de la
sécurité et de
l'environnement. L'élimination du cabotage signifie
l'élimination de
toute une série de compétences au pays.
Quant au processus de consultation, cela a
été une vraie farce.
J'ai été invité à la table ronde à
Vancouver qui a été animée par le
ministre Garneau. J'y étais, de même que le Canada
Steamship Lines
(CSL), et nous étions les deux seuls à représenter
le transport
maritime domestique. Tous les autres étaient du domaine de
l'importation-exportation et ils étaient entièrement en
faveur de la
libéralisation de l'industrie. Lorsque l'ébauche du
rapport de la table
ronde a été produite, elle ne comprenait aucun des
commentaires que le
SIU ou le CSL qui représentaient le transport maritime
intérieur,
avaient faits. Ils on dû modifier le rapport quand nous leur
avons
demandé
d'y inclure nos commentaires. Je respecte le fait qu'ils ont
rencontré
des gens mais à mon avis ce n'était pas une vraie
consultation.
En ce qui a trait à la privatisation des ports,
notre syndicat
collabore de façon étroite avec les syndicats de
débardeurs et de
manutentionnaires qui font partie de la coalition que nous avons mise
sur pied pour défendre nos acquis. J'examine ces choses dans
leur
contexte et ce contexte c'est celui du commerce. Si vous voulez
établir
le
libre-échange, plutôt qu'un échange
équitable, vous allez
obligatoirement faire de la dérèglementation. La
privatisation des
ports est une forme de dérèglementation. Celle-ci n'a
jamais été
favorable aux travailleurs dans tous les pays qui en ont fait
l'expérience et cela s'applique à la fois au cabotage et
à la
privatisation des ports.
Cela ne peut pas fonctionner dans notre industrie,
laquelle est
l'emblème même de la privatisation comme vous le savez.
Nous vivons du
commerce, parce que sans commerce il n'y a pas de transport maritime.
Nous sommes en faveur du commerce, du commerce équitable, pas du
libre-échange qui se fait par la dérèglementation
et la
libéralisation de l'industrie dans votre pays. Les gens en place
n'arrêtent pas de nous dire que c'est une question de
réciprocité. La
réciprocité n'existe pas en ce qui concerne la flotte
canadienne. On ne
peut pas prendre nos bateaux qui ont été construits en
fonction des
Grand Lacs, de la Voie maritime et de nos côtes et les faire
naviguer
en pleine
mer. Le Rapport Emerson parle aussi de l'établissement d'un
deuxième
registre maritime canadien ce qui veut dire en fait des navires battant
pavillon de complaisance. La Norvège, le Danemark, le
Royaume-Uni ont
tous un deuxième registre maritime et dans tous les cas ce sont
des
pavillons de complaisance. Prenez le cas de la Norvège, vous ne
trouverez pas de Norvégiens dans leur deuxième registre
mais seulement
des pavillons de complaisance.
On nous dit également que la
déréglementation va faire baisser les
coûts, que les coûts vont être moins
élevés si les transporteurs
étrangers ont accès au marché canadien. S'ils
cherchent tant à
s'emparer du marché canadien c'est parce que les taux de fret
sont
faibles à l'étranger en ce moment. S'ils chassent les
transporteurs
maritimes
canadiens, ils vont augmenter les prix. En plus, vous ne pouvez pas
faire reposer votre transport maritime domestique sur des transporteurs
étrangers parce qu'ils peuvent s'en aller n'importe quand tandis
que
les propriétaires de navires canadiens veulent faire des
affaires ici.
Leurs navires sont construits en fonction de nos besoins, pour servir
notre
marché.
Nous ne disons pas qu'il n'y ait rien à changer
dans l'industrie
canadienne du transport maritime ou dans la chaîne logistique. Il
y a
des choses à changer, à consolider, des frais qui
existent depuis
longtemps qui peuvent être examinés. Mais on n'a pas
besoin de toucher
au cabotage surtout qu'il y a déjà une politique en place
à l'effet que
dans
les cas où il n'y a pas de navire canadien de disponible on peut
faire
appel à un navire étranger pour faire le transport. Cela
existe déjà,
on n'a pas besoin d'ouvrir la porte encore plus. On nous dit que ce que
nous faisons, c'est du protectionnisme. Ce n'est pas du
protectionnisme, c'est simplement le droit de travailler dans son
propre pays.
L'AÉCG à lui seul va causer la perte de milliers
d'emplois. L'ACS va en
éliminer encore plus et si le Rapport Emerson devait être
adopté
c'est 13 000 marins qui perdraient leur emploi sans compter
les emplois
perdus à cause de la privatisation des ports. On parle d'une
perte
directe ou indirecte possible
d'environ 250 000 emplois.
Ce serait la fin du transport de fret maritime canadien.
Je ne crois pas que nous faisons face à une
coïncidence. Prenez
l'AÉCG, ou l'ACS, ou l'accord de commerce avec l'Ukraine. Leur
formulation n'est pas le fait du hasard. Ils sont écrits en
fonction de
la dérèglementation et de la libéralisation afin
de servir la
mondialisation des entreprises qui se produit dans le monde. Ces
accords sont
formulés de façon à donner plus de liberté
aux entreprises pour que ce
soient elles qui gèrent le pays, pas les gens ordinaires.
Comment
allez-vous faire fonctionner un pays si tout le monde
gagne 11 $ de
l'heure. On nous dit que ce sont les entreprises qui vont être la
base
de nos recettes fiscales. Prenez le cas de Hamilton où US Steel
a privé la ville de 18 millions $ en recettes fiscales. Qui
va
remplacer ce 18 millions $ ? Ceux qui travaillent chez Tim
Horton's ?
La dérèglementation de notre industrie ne
peut pas fonctionner.
Elle fait juste créer plus de pavillons de complaisance. Le
Canada a
besoin d'une marine marchande forte. Il en a besoin pour sa propre
sécurité et pour l'environnement, entre autres raisons.
Ce dont nous
avons besoin, c'est d'une politique.
FO : Peut-tu nous parler du travail que
fait le syndicat en ce moment contre cette
dérèglementation et cette privatisation ?
JG : Nous travaillons
à éduquer le public
sur l'importance de notre industrie. Cette industrie pourrait
être
créatrice d'emplois pour le Canada. Nous pourrions alors
continuer dans
la voie de l'amélioration de l'environnement, alors que la
flotte
canadienne a déjà fait des progrès dans cette voie
ou est en voie de le
faire.
Nous devons éduquer le public, éduquer les politiciens,
nous asseoir
ensemble et tenir des discussions sérieuses avec les
décideurs
politiques sur comment faire progresser notre industrie afin qu'elle
joue son rôle et soit viable.
À l'heure actuelle nous sommes aux
premières lignes pour faire
avancer les choses. Nous passons beaucoup de temps au syndicat à
nous
éduquer sur la signification de ces politiques et sur leur
impact. Nous
travaillons avec les propriétaires des navires et avec les
syndicats
pour développer des politiques. Nous sommes à la
croisée des chemins.
Nous allons réussir ou bien notre industrie va mourir. Nous ne
sommes
pas des prophètes de malheur. Selon nous, il s'agit d'une
occasion de
travailler ensemble et de créer une politique qui va
préserver notre
industrie pour des décennies à venir.
Lorsque nous rencontrons les gens en place au
gouvernement, il est
clair que bon nombre d'entre eux ne connaissent pas notre industrie.
Nous pouvons dire que notre industrie est une industrie fantôme
parce
qu'elle n'a jamais demandé de subsides ou d'aide du
gouvernement.
L'industrie a essentiellement compté sur elle-même.
Beaucoup de
gens en place ne savent pas que 90 % de ce qu'ils touchent
est livré
par navire. Et ce sont ces gens-là qui sont en charge de notre
avenir !
Nous sommes vraiment une industrie fantôme au sein de ce
gouvernement.
Pas question pour nous de tomber dans l'oubli. Nous nous
considérons comme des gens raisonnables quand il est question de
l'industrie mais si on nous ignore nous allons descendre dans la rue.
Nous l'avons fait savoir clairement au gouvernement, que s'ils
cherchent à nous ignorer ils vont faire face à tout un
conflit. Nos
membres croient
dans ce qu'ils font et ils sont fiers de leur industrie.
J'ai participé récemment à une
réunion avec le Congrès du travail
du Canada (CTC). Pour une des premières fois depuis longtemps,
tous les
syndicats du transport étaient rassemblés dans une
même salle : le
secteur aérien, ferroviaire, maritime, du transport par camion.
Tout le
monde était là et le Rapport Emerson a été
au centre de la
discussion. Nous sommes tombés d'accord sur le fait que le
secteur du
transport au sein du CTC doit aller de l'avant, que nous devons
partager nos idées, ce que nous n'avons pas fait depuis
longtemps, et
formuler des plans. Nous sommes pris pour cible en ce moment dans le
secteur du transport, nos syndicats doivent travailler ensemble,
élaborer
un plan et des solutions que nous allons présenter au
gouvernement en
espérant qu'il va nous écouter et je pense qu'il va nous
écouter.
Je préside aussi le Groupe de travail sur le
cabotage de la
Fédération internationale des ouvriers du transport
(ITF). Nous
appuyons les pays qui veulent renforcer et développer leur
secteur du
cabotage. Notre groupe de travail examine des documents comme le
Rapport Emerson parce que faisant partie d'une industrie mondiale
j'amène ce
rapport au groupe de travail pour examiner dans quels pays on a eu
à
combattre une législation semblable. Il y a beaucoup de
similarités.
Nous travaillons toujours sur la question de l'AÉCG et notre
objectif
est toujours de le défaire en Europe. Avec les autres syndicats
du
cabotage, nous examinons quels pays nous sommes capables d'influencer
pour défaire cet accord. Nous espérons toujours qu'il
peut être défait
en Europe. Même au Canada, avec le projet de loi C-30 (le
projet de loi à l'étude au Parlement sur la mise en
oeuvre de l'AÉCG - Note de Forum ouvrier), il y a des
sénateurs qui connaissent notre travail dans les médias,
veulent savoir comment l'accord va affecter le
transport maritime canadien parce que le projet de loi va être
envoyé au Sénat. La lutte contre l'AÉCG est loin
d'être finie.
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