Qui décide ce qui constitue une menace à la sécurité nationale

C'est aux Canadiens et non à la police à décider ce qui constitue une menace à la «sécurité nationale»

Les évaluations des menaces émises par les services de renseignement canadiens sont remplies de messages qui ciblent la parole et les associations jugées menaçantes pour la sécurité nationale. Le Parti marxiste-léniniste du Canada a déclaré qu'il s'oppose au recours à la menace d'une ingérence étrangère dans les élections et/ou de « nos institutions démocratiques » et/ou de notre « mode de vie », pour justifier la violation des droits de parole et d'association des Canadiens. Selon toute définition moderne qui mérite d'être qualifiée de démocratique, le peuple a le droit de s'opposer à l'ingérence de l'État lorsqu'il est question de son droit de pouvoir s'exprimer et s'associer librement.

Une motion contre la Chine est actuellement devant la Chambre des communes et les « évaluations » actuelles par les agences de renseignement des « menaces à la sécurité nationale » montrent que l'approche du gouvernement libéral et du Parti conservateur, qui se considère comme le gouvernement en attente, est d'autoriser les pouvoirs de police à surveiller de près les discours et les activités politiques pour y rechercher une « ingérence étrangère ». Nous sommes censés croire que l'opposition à « l'ingérence étrangère » résoudra la rivalité interimpérialiste féroce pour les marchés, les sources de matières premières et de main-d'oeuvre bon marché et les zones d'exportation de capitaux et d'influence en faveur du Canada. Donner à la machine de guerre des impérialistes américains et à leur alliance militaire agressive de l'OTAN un contrôle absolu sur les technologies 5G et 6G résoudra-t-il les problèmes auxquels l'humanité est confrontée ou, d'autant, les problèmes fondamentaux qui affectent notre système électoral totalement non représentatif ? La réponse est non !

Selon le gouvernement libéral et les partis cartellisés à la Chambre des communes, le seul problème auquel sont confrontés notre système électoral et nos institutions démocratiques est l'ingérence d'États étrangers hostiles et d'acteurs non étatiques hostiles. Cela est considéré comme une question de sécurité nationale et, vraisemblablement, d'unité nationale également. Le problème, identifié à maintes reprises par les Canadiens, selon lequel notre système électoral – appelé démocratie représentative – et nos « institutions démocratiques » ne représentent pas les opinions de la majorité de la population, n'est pas abordé. Il n'en reste pas moins que ce système électoral est conçu pour priver le peuple du pouvoir et pour perpétuer une caste dirigeante qui paie les riches.

Les préoccupations des agences de renseignement et des forces de sécurité dominent le discours pour masquer le fait que l'État a été mis au service de la rivalité impérialiste américaine avec la Chine et que l'économie de guerre américaine convoite les grands progrès que la Chine a réalisés dans la mise en oeuvre de l'intelligence artificielle (IA) à des fins pratiques. Cela aggrave la crise dans laquelle les processus électoraux et politiques s'enlisent et ne fait rien pour créer la confiance qu'ils peuvent réaliser un mandat qui est le résultat de la participation politique des Canadiens.

La surveillance policière du discours politique à la recherche d'acteurs étrangers malveillants ne résoudra pas le problème des « fausses nouvelles » que ces acteurs étrangers sont censés générer. Impliquer la population civile et les partis politiques à collaborer à leurs activités d'espionnage ne mettra pas fin au discours et à la désinformation qui se font massivement par le biais des réseaux de communication qui se sont déjà constitués et ceux qui se mettent en place aujourd'hui.

Loin de là, pour faire croire que les « États étrangers hostiles » et les acteurs non étatiques sont le problème, les agences de renseignement elles-mêmes diffusent de « fausses nouvelles » et mènent un grand nombre d'activités perturbatrices par le biais de leurs réseaux de communication. L'exemple récent de ce que l'Inde a fait à l'échelle mondiale, y compris au Canada, en est un bon exemple. Les activités déjà révélées et celles non encore dévoilées des services de renseignement auxquelles le Canada a été intégré, qui font exactement les mêmes choses, en est un autre.

L'affirmation des agences de sécurité selon laquelle leur surveillance du discours politique ne vise pas « la défense d'une cause et la manifestation d'un désaccord légitimes » est ridicule.

On nous dit que « la défense d'une cause et la manifestation d'un désaccord légitimes font partie intégrante de la démocratie », par opposition à « l'ingérence étrangère clandestine ou trompeuse ». Mais les critères pour décider qui et quoi peut faire l'objet d'une enquête et être ciblé par les opérations de surveillance et ce qui sera considéré comme « légitime » sont tous gardés cachés au nom de la sécurité nationale ! Les enquêtes et la surveillance visent à découvrir « des menaces qui peuvent, pour des motifs raisonnables, être soupçonnées de constituer une menace pour la sécurité du Canada », nous dit-on.

En d'autres termes, les opinions et le discours politiques seront ciblés dans les opérations de surveillance pour sauvegarder la sécurité nationale. La prétention est que ce n'est pas en faisant respecter les droits que nous défendons la sécurité nationale, mais en les violant.

L'une des menaces à la sécurité nationale que les agences de renseignement ont citée dans le passé est de « discréditer les institutions libérales-démocratiques afin de faire progresser des modèles de gouvernance alternatifs ». Qu'y a-t-il de mal à faire progresser des modèles de gouvernance alternatifs ? Selon quelle définition peut-on dire que « faire progresser des modèles de gouvernance alternatifs » est une menace pour la sécurité du Canada ? Qui détermine la définition ? Par quel processus ?

Certes, la définition même de la démocratie donne au peuple le droit de décider quels modèles de gouvernance répondent à ses besoins. Comment ce droit peut-il être enlevé au peuple au nom de la sécurité nationale, en prétextant que c'est la police, et non le peuple, qui est responsable de la préservation des institutions démocratiques ? Si les agences de sécurité s'inquiètent de savoir qui constitue une menace pour nos institutions démocratiques, nous leur suggérons de tourner les yeux vers le gouvernement du parti au pouvoir et les partis cartellisés dont les actions quotidiennes changent de facto le modèle de gouvernance démocratique issu de la rébellion contre le gouvernement par décret. Ce sont leurs manigances intéressées qui ont jeté le discrédit sur les institutions démocratiques, les partis cartellisés, le gouvernement et la Chambre des communes.

Il est inacceptable, par quelque définition ou norme que ce soit à l'exception de celles d'un État policier, que, sur la base de rapports de renseignement et de discussions avec des « représentants élus », le SCRS puisse être autorisé à prendre des « mesures raisonnables et proportionnées » pour porter atteinte au droit de s'exprimer et de s'associer. Une telle activité policière est indéfendable dans un pays qui se dit démocratique et qui prétend que c'est le peuple, et non les agences policières de l'État, qui détermine quelles opinions sont dans l'intérêt du progrès et de l'avancement du Canada, et lesquelles ne le sont pas. Accuser d'autres pays de tyrannie et de régime dictatorial, alors que ces termes ne sont pas définis d'une manière qui signifie quelque chose de rationnel dans les conditions actuelles, ne peut cacher le fait qu'on blâme les autres de ses propres fautes.


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 87 - 21 décembre 2020

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Qui décide ce qui constitue une menace à la sécurité nationale: C'est aux Canadiens et non à la police à décider ce qui constitue une menace à la «sécurité nationale» - Anna Di Carlo


    

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