Un discours de guerre civile sur la sécession et la trahison

La Guerre civile américaine s'est terminée officiellement il y a 155 ans. Pourtant, un discours de guerre civile mentionnant la sécession et la trahison est devenu chose commune. La poursuite du Texas qui a demandé à la Cour suprême d'annuler les votes présidentiels en Géorgie, au Michigan, en Pennsylvanie et au Wisconsin a dressé des groupes d'États les uns contre les autres, 17 en faveur et 20 contre, et les deux côtés disent défendre la Constitution.

Lorsqu'il a entendu le jugement de la Cour suprême contre la poursuite du Texas, le chef des républicains du Texas a dit : « Peut-être que les États respectueux des lois devraient s'allier et former une Union d'États qui respecteraient la Constitution. » Opposé à la poursuite, le procureur général de l'État a dit qu'elle « risque de détruire l'union » et qu'elle constituait un « abus séditieux du processus judiciaire ».

Le représentant du New Jersey Bill Pascrell a envoyé une lettre à la présidente de la Chambre Nancy Pelosi le 11 décembre dans laquelle il traite de traîtres les 126 représentants républicains de la Chambre qui ont appuyé la requête du Texas. Il a gazouillé : « « Je demande aujourd'hui aux leaders de la Chambre de refuser que siège tout membre qui essaie de renverser l'élection et de faire de Donald Trump un dictateur non élu. » Citant un amendement de la Guerre civile (section 3 du 14e amendement), il a dit que « le texte du 14e amendement interdit expressément aux membres du Congrès de s'engager dans une rébellion contre les États-Unis ». Cet amendement a été écrit « pour empêcher la destruction des États-Unis de l'extérieur et de l'intérieur », a-t-il dit[1], ajoutant que le fait de refuser un siège à ces 126 membres « nettoierait notre gouvernement de tous les traîtres et de tous les autres qui cherchent à détruire l'union ». Une pétition circule largement en ce moment qui appelle les gens à demander à Nancy Pelosi de ne pas laisser siéger ces représentants.

Pelosi n'a pas répondu directement. Cependant, dans une lettre à ses collègues du 11 décembre, elle a parlé des 126 républicains de la Chambre et dit que la poursuite du Texas « viole les principes qui sont enchâssés dans notre démocratie américaine ». Elle a évoqué la déclaration de la Pennsylvanie au sujet d'un « abus séditieux du processus judiciaire » et a conclu sa lettre en disant : « En tant que membres du Congrès, nous faisons le serment solennel d'appuyer et de défendre la Constitution. Les républicains subvertissent la Constitution par leur assaut irresponsable et vain contre notre démocratie qui menace d'éroder sérieusement la confiance du public dans nos institutions démocratiques les plus sacrées. »

Ce même discours des deux côtés de la dispute montre en fait que la Constitution n'a que peu d'autorité en ce qui concerne la résolution des disputes. Les deux côtés prétendent s'appuyer sur la Constitution. La facilité avec laquelle ils se lancent des accusations de sécession et de trahison ou affirment « défendre les institutions sacrées » montre qu'ils perdent la tête et le sens des réalités.

Si les « institutions démocratiques sacrées », notamment le Congrès et les élections, permettaient de résoudre les disputes comme c'était prévu quand elles ont été conçues, personne ne lancerait des appels aux milices armées de voyous ou ne demanderait à la Cour suprême d'intervenir dans les affaires des États ou ne lancerait des appels à la sécession ou à former une nouvelle union pour « nettoyer le Congrès des traîtres ».

Ces institutions ne s'accordent pas aux conditions d'aujourd'hui où les conflits entre les intérêts privés cherchant à tirer profit des stratagèmes pour payer les riches sont infinis et ne répondent pas aux besoins de notre époque d'investir le peuple du pouvoir souverain.

Même si Trump quitte ses fonctions, ce qu'il n'a pas encore accepté de faire, les conflits entre les factions dominantes tendent vers une guerre civile violente ouverte. L'élection de Joe Biden n'éliminera pas ces conflits. Son ordre du jour est tout aussi dicté par l'oligarchie financière dirigeante qui cherche à dominer, et non à tolérer, les limitations à son pouvoir qui sont posées par différents niveaux d'autorité, les niveaux fédéral, étatique, municipal et autres. Cela comprend aussi les expressions de souveraineté nationale de pays qui refusent de se soumettre aux intérêts privés étrangers, particulièrement à ceux des États-Unis. Bien que Biden et ceux qui s'alignent derrière lui s'expriment d'une manière différente que Trump en ce qui concerne la mise en oeuvre de l'ordre du jour de l'impérialisme américain, leur façon de faire se heurtera avec encore plus de force aux revendications de la classe ouvrière et du peuple des États-Unis et des peuples du monde. La subordination des besoins sociaux aux demandes de l'économie de guerre parasitaire est déjà évidente dans le fait que le Congrès a adopté à une écrasante majorité le financement du Pentagone de 740 milliards de dollars pour la guerre et les armes, alors qu'il n'a pas adopté les mesures d'aide relatives à la COVID-19 et persiste à menacer de fermer le gouvernement le 21 décembre.

Le déshonneur que cette élection a apporté aux « institutions démocratiques des États-Unis », comme les appelle Nancy Pelosi, donnera certainement lieu à des appels à des réformes électorales pourvu qu'elles ne servent pas à investir le peuple du pouvoir et servent au contraire à renforcer le pouvoir des riches en établissant un plus grand contrôle fédéral sur le processus électoral. Les réformes pourraient comprendre un vote direct pour la position de président et l'élimination du Collège électoral. La plupart des poursuites de Donald Trump s'attaquent au système électoral actuel qui repose sur les États, notamment la façon dont les électeurs du Collège électoral sont choisis et qui a le pouvoir de décider dans le cas de disputes. Des représentants de la Géorgie, de la Pennsylvanie, de l'Arizona et d'ailleurs réclament eux aussi des changements aux lois électorales. Tous ces changements sont proposés au nom de la préservation de nos « institutions démocratiques sacrées », de la « démocratie » et du « rétablissement de la confiance du public ».

Seul le peuple, en s'organisant politiquement sur la base de son propre ordre du jour, peut donner naissance aux changements qui lui confèrent le pouvoir décisionnel du début à la fin. Cela comprend des assemblées populaires pour décider des politiques et présenter les réclamations que les gens sont en droit de faire en tant qu'êtres humains et la sélection des représentants parmi nos pairs afin que tous soient sur un pied d'égalité et aient la même information sur les problèmes et les solutions.

Il y a longtemps que le public a perdu confiance dans les élections parce qu'il considère que ce sont les élections des riches, par les riches et pour les riches. La solution n'est pas de restaurer la confiance dans les institutions dysfonctionnelles, mais d'en bâtir de nouvelles. L'avenir se bâtit en développant les collectifs et les organisations dans lesquels les membres sont égaux et prennent les décisions ensemble, les mettent en oeuvre et assument ensemble la responsabilité des résultats.

Partout aux États-Unis, les travailleurs, les femmes et les jeunes de toutes les origines nationales et de tous les milieux poursuivent leurs efforts à s'unir dans l'intérêt du peuple. Les luttes pour les droits sont des luttes pour le pouvoir, ce qui est le problème principal posé et à résoudre, lequel comprend la demande de pouvoir décisionnel et d'un contrôle sur la police, les budgets et les services de santé.

Note

1. Amendement 14, section 3 :

« Nul ne sera sénateur ou représentant au Congrès, ou électeur des président et vice-président, ni n'occupera aucune charge civile ou militaire du gouvernement des États-Unis ou de l'un quelconque des États, qui après avoir prêté serment, comme membre du Congrès, ou fonctionnaire des États-Unis, ou membre d'une législature d'État, ou fonctionnaire exécutif ou judiciaire d'un État, de défendre la Constitution des États-Unis, aura pris part à une insurrection ou à une rébellion contre eux, ou donné aide ou secours à leurs ennemis. Mais le Congrès pourra, par un vote des deux tiers de chaque Chambre, lever cette incapacité. »


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 86 - 19 décembre 2020

Lien de l'article:
Un discours de guerre civile sur la sécession et la trahison - Kathleen Chandler


    

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