Un discours de guerre civile sur la sécession et la trahison
- Kathleen Chandler -
La Guerre civile américaine s'est terminée
officiellement il y a 155 ans. Pourtant, un
discours de guerre civile mentionnant la sécession
et la trahison est devenu chose commune. La
poursuite du Texas qui a demandé à la Cour suprême
d'annuler les votes présidentiels en Géorgie, au
Michigan, en Pennsylvanie et au Wisconsin a dressé
des groupes d'États les uns contre les
autres, 17 en faveur et 20 contre, et
les deux côtés disent défendre la Constitution.
Lorsqu'il a entendu le jugement de la Cour
suprême contre la poursuite du Texas, le chef des
républicains du Texas a dit : « Peut-être que
les États respectueux des lois devraient s'allier
et former une Union d'États qui respecteraient la
Constitution. » Opposé à la poursuite, le
procureur général de l'État a dit qu'elle « risque
de détruire l'union » et qu'elle constituait
un « abus séditieux du processus
judiciaire ».
Le représentant du New Jersey Bill Pascrell a
envoyé une lettre à la présidente de la Chambre
Nancy Pelosi le 11 décembre dans laquelle il
traite de traîtres les 126 représentants
républicains de la Chambre qui ont appuyé la
requête du Texas. Il a gazouillé : « « Je demande
aujourd'hui aux leaders de la Chambre de refuser
que siège tout membre qui essaie de renverser
l'élection et de faire de Donald Trump un
dictateur non élu. » Citant un amendement de
la Guerre civile (section 3 du 14e
amendement), il a dit que « le texte du 14e
amendement interdit expressément aux membres du
Congrès de s'engager dans une rébellion contre les
États-Unis ». Cet amendement a été écrit «
pour empêcher la destruction des États-Unis de
l'extérieur et de l'intérieur », a-t-il dit[1], ajoutant que
le fait de refuser un siège à ces 126 membres
« nettoierait notre gouvernement de tous les
traîtres et de tous les autres qui cherchent à
détruire l'union ». Une pétition circule
largement en ce moment qui appelle les gens à
demander à Nancy Pelosi de ne pas laisser siéger
ces représentants.
Pelosi n'a pas répondu directement. Cependant,
dans une lettre à ses collègues du 11
décembre, elle a parlé des 126 républicains
de la Chambre et dit que la poursuite du Texas «
viole les principes qui sont enchâssés dans notre
démocratie américaine ». Elle a évoqué la
déclaration de la Pennsylvanie au sujet d'un «
abus séditieux du processus judiciaire » et a
conclu sa lettre en disant : « En tant que
membres du Congrès, nous faisons le serment
solennel d'appuyer et de défendre la Constitution.
Les républicains subvertissent la Constitution par
leur assaut irresponsable et vain contre notre
démocratie qui menace d'éroder sérieusement la
confiance du public dans nos institutions
démocratiques les plus sacrées. »
Ce même discours des deux côtés de la dispute
montre en fait que la Constitution n'a que peu
d'autorité en ce qui concerne la résolution des
disputes. Les deux côtés prétendent s'appuyer sur
la Constitution. La facilité avec laquelle ils se
lancent des accusations de sécession et de
trahison ou affirment « défendre les institutions
sacrées » montre qu'ils perdent la tête et le
sens des réalités.
Si les « institutions démocratiques
sacrées », notamment le Congrès et les
élections, permettaient de résoudre les disputes
comme c'était prévu quand elles ont été conçues,
personne ne lancerait des appels aux milices
armées de voyous ou ne demanderait à la Cour
suprême d'intervenir dans les affaires des États
ou ne lancerait des appels à la sécession ou à
former une nouvelle union pour « nettoyer le
Congrès des traîtres ».
Ces institutions ne s'accordent pas aux
conditions d'aujourd'hui où les conflits entre les
intérêts privés cherchant à tirer profit des
stratagèmes pour payer les riches sont infinis et
ne répondent pas aux besoins de notre époque
d'investir le peuple du pouvoir souverain.
Même si Trump quitte ses fonctions, ce qu'il n'a
pas encore accepté de faire, les conflits entre
les factions dominantes tendent vers une guerre
civile violente ouverte. L'élection de Joe Biden
n'éliminera pas ces conflits. Son ordre du jour
est tout aussi dicté par l'oligarchie financière
dirigeante qui cherche à dominer, et non à
tolérer, les limitations à son pouvoir qui sont
posées par différents niveaux d'autorité, les
niveaux fédéral, étatique, municipal et autres.
Cela comprend aussi les expressions de
souveraineté nationale de pays qui refusent de se
soumettre aux intérêts privés étrangers,
particulièrement à ceux des États-Unis. Bien que
Biden et ceux qui s'alignent derrière lui
s'expriment d'une manière différente que Trump en
ce qui concerne la mise en oeuvre de l'ordre du
jour de l'impérialisme américain, leur façon de
faire se heurtera avec encore plus de force aux
revendications de la classe ouvrière et du peuple
des États-Unis et des peuples du monde. La
subordination des besoins sociaux aux demandes de
l'économie de guerre parasitaire est déjà évidente
dans le fait que le Congrès a adopté à une
écrasante majorité le financement du Pentagone
de 740 milliards de dollars pour la guerre et
les armes, alors qu'il n'a pas adopté les mesures
d'aide relatives à la COVID-19 et persiste à
menacer de fermer le gouvernement le 21
décembre.
Le déshonneur que cette élection a apporté aux «
institutions démocratiques des États-Unis »,
comme les appelle Nancy Pelosi, donnera
certainement lieu à des appels à des réformes
électorales pourvu qu'elles ne servent pas à
investir le peuple du pouvoir et servent au
contraire à renforcer le pouvoir des riches en
établissant un plus grand contrôle fédéral sur le
processus électoral. Les réformes pourraient
comprendre un vote direct pour la position de
président et l'élimination du Collège électoral.
La plupart des poursuites de Donald Trump
s'attaquent au système électoral actuel qui repose
sur les États, notamment la façon dont les
électeurs du Collège électoral sont choisis et qui
a le pouvoir de décider dans le cas de disputes.
Des représentants de la Géorgie, de la
Pennsylvanie, de l'Arizona et d'ailleurs réclament
eux aussi des changements aux lois électorales.
Tous ces changements sont proposés au nom de la
préservation de nos « institutions démocratiques
sacrées », de la « démocratie » et du «
rétablissement de la confiance du public ».
Seul le peuple, en
s'organisant politiquement sur la base de son
propre ordre du jour, peut donner naissance aux
changements qui lui confèrent le pouvoir
décisionnel du début à la fin. Cela comprend des
assemblées populaires pour décider des politiques
et présenter les réclamations que les gens sont en
droit de faire en tant qu'êtres humains et la
sélection des représentants parmi nos pairs afin
que tous soient sur un pied d'égalité et aient la
même information sur les problèmes et les
solutions.
Il y a longtemps que le public a perdu confiance
dans les élections parce qu'il considère que ce
sont les élections des riches, par les riches et
pour les riches. La solution n'est pas de
restaurer la confiance dans les institutions
dysfonctionnelles, mais d'en bâtir de nouvelles.
L'avenir se bâtit en développant les collectifs et
les organisations dans lesquels les membres sont
égaux et prennent les décisions ensemble, les
mettent en oeuvre et assument ensemble la
responsabilité des résultats.
Partout aux États-Unis, les travailleurs, les
femmes et les jeunes de toutes les origines
nationales et de tous les milieux poursuivent
leurs efforts à s'unir dans l'intérêt du peuple.
Les luttes pour les droits sont des luttes pour le
pouvoir, ce qui est le problème principal posé et
à résoudre, lequel comprend la demande de pouvoir
décisionnel et d'un contrôle sur la police, les
budgets et les services de santé.
Note
1.
Amendement 14, section 3 :
« Nul ne sera sénateur ou
représentant au Congrès, ou électeur des
président et vice-président, ni n'occupera
aucune charge civile ou militaire du
gouvernement des États-Unis ou de l'un
quelconque des États, qui après avoir prêté
serment, comme membre du Congrès, ou
fonctionnaire des États-Unis, ou membre d'une
législature d'État, ou fonctionnaire exécutif ou
judiciaire d'un État, de défendre la
Constitution des États-Unis, aura pris part à
une insurrection ou à une rébellion contre eux,
ou donné aide ou secours à leurs ennemis. Mais
le Congrès pourra, par un vote des deux tiers de
chaque Chambre, lever cette incapacité. »
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 86 - 19 décembre 2020
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Un discours de guerre civile sur la sécession et la trahison - Kathleen Chandler
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