Des stratagèmes pour payer les
riches hors de contrôle
L'arrogance du droit de monopole
- K.C. Adams -
Les oligarques mondiaux qui contrôlent l'économie
et les gouvernements se sont distribué des
milliards de dollars de fonds publics en utilisant
comme excuse la pandémie. Au lieu d'augmenter les
investissements dans les programmes sociaux et de
mobiliser le peuple pour lutter contre la
COVID-19, ils ont détourné les ressources
publiques vers leurs propres coffres pour
accroître leur fortune et renforcer leurs
privilèges de classe et leur contrôle de
l'économie.
L'arrogance du droit de monopole est telle que
les oligarques proclament ouvertement leur « droit
» d'accaparer les richesses produites par les
travailleurs et les fonds publics recueillis par
l'État.
Alain Bédard, président et chef de la direction
du cartel du secteur du transport en Amérique du
Nord TFI International, a utilisé la Subvention
salariale d'urgence du Canada (SSUC) pour que le
gouvernement fédéral verse 63 millions de dollars
à son entreprise. C'est la somme que l'entreprise
avait reçue à la fin septembre et elle continuera
d'empocher des fonds publics puisque le
gouvernement a prolongé le programme de subvention
salariale dans la nouvelle année.
Les 63 millions de
dollars de fonds publics reçus par la société de
Bédard ont rapidement disparu dans les comptes de
son cartel, indiscernables dans la masse de
revenus bruts annuels de plus d'un milliard de
dollars. Malgré la pandémie et l'urgence déclarée
par l'État, et avec les fonds publics dans ses
coffres, TFI International a versé à ses
actionnaires et directeurs quelque 45 millions de
dollars en dividendes, racheté des actions pour 9
millions de dollars, distribué 20 millions de
dollars en options d'achat aux dirigeants de
l'entreprise et, comme insulte à la classe
ouvrière, licencié 1 600 travailleurs.
La nouvelle de la continuation des paiements
de la SSUC, du versement de dividendes aux
actionnaires, du rachat d'actions, de l'offre
d'options d'achat d'actions aux administrateurs,
de l'augmentation des revenus et bénéfices bruts
et du licenciement de 1 600 travailleurs a fait
monter en flèche le cours des actions de TFI à la
Bourse de New York, augmentant ainsi la richesse
virtuelle de ses propriétaires. Contrairement aux
travailleurs licenciés, les cadres dirigeants de
l'entreprise et les actionnaires ont tellement
profité de la subvention qu'à l'automne le PDG a
décidé d'augmenter le versement de dividendes de
12 %.
Des grondements d'insatisfaction ont commencé à se
faire entendre dans les médias sociaux quand on a
appris que des fonds publics allaient à des
entreprises rentables ou que l'argent versé par le
gouvernement était tout simplement remis aux
propriétaires et aux dirigeants ou utilisé pour
racheter des actions afin d'augmenter la valeur
des actions. Des reportages ont été publiés
indiquant que les fonds publics distribués à des
intérêts privés étaient utilisés pour grossir les
poches des riches.
Parmi ces derniers, il y a les exploitants de
foyers de soins de longue durée Extendicare et
Sienna Senior Living. Ces entreprises ont versé à
leurs actionnaires 74 millions de dollars sur les
157 millions de dollars de fonds publics qu'elles
ont reçus du gouvernement. Pendant ce temps, les
travailleurs et les résidents de leurs
établissements ont continué de souffrir de la
situation horrible dans ces résidences, et le
nombre de décès dus à la COVID-19 a atteint 480 au
début de l'automne.
Le Financial Post a découvert que 68
grandes entreprises ont reçu 1,03 milliard de
dollars de la SSUC au cours des deuxième et
troisième trimestres de 2020, mais qu'elles ont
versé à la même période plus de 5 milliards de
dollars en dividendes à leurs investisseurs.
Nombre de ces sociétés, comme TFI International,
ont mis en place des programmes de rachat
d'actions pour racheter des millions de dollars en
actions au cours de ces deux trimestres, ont
distribué des options d'achat d'actions à leurs
dirigeants et ont versé des dividendes importants
à leurs actionnaires.
Certains médias et
certains économistes ont critiqué le stratagème
pour payer les riches qui porte le nom de SSUC,
disant qu'il est mal conçu et mal présenté, ce qui
le laisse ouvert à la critique. Certains ont fait
remarquer que dans d'autres pays, les plans des
gouvernements pour payer les salaires des
travailleurs à la place des entreprises privées
étaient mieux déguisés et moins évidents à travers
la corruption. L'économie est maintenant vue
ouvertement comme une économie corrompue qui paie
les riches, sous le contrôle de l'oligarchie
mondiale et en mal d'une nouvelle direction.
Au sujet du stratagème pour payer les riches
appelé Subvention salariale d'urgence du Canada,
le Financial Post cite le professeur
Richard Leblanc de l'Université de York qui dit :
« Pensez à ce qui se passe : les contribuables
subventionnent indirectement les paiements versés
aux actionnaires. C'est tout à fait inacceptable.
»
Un autre professeur, Michel Magnan, qui enseigne
la gouvernance d'entreprise à l'Université
Concordia, affirme à propos de ce stratagème
particulier pour payer les riches : « Si vous
rachetez vos actions, c'est parce que vous n'avez
pas besoin de liquidités. Alors si vous n'avez pas
besoin de liquidités, pourquoi en recevez-vous ? »
La théorie des riches du ruissellement
économique
Outré par les critiques, le PDG de TFI
International, Alain Bédard, a déclaré au Journal
de Montréal, parlant au nom de tous les
oligarques : « On n'est pas gênés » de prendre 63
millions de dollars des fonds publics et en même
temps de remettre 45 millions de dollars aux
actionnaires sous forme de dividendes, de donner
20 millions de dollars en options d'achat
d'actions aux dirigeants et d'utiliser 9 millions
de dollars pour racheter des actions afin de faire
monter le prix de l'action. « Ne pas la prendre
[la subvention], ç'aurait été comme de refuser une
exemption fiscale, de dire 'nous, on est plus
catholiques que le pape'. Il faut quand même être
honnête : nous, on est en business pour les
actionnaires à servir les clients. »
Beaucoup dans les
médias et certains économistes répugnent à
critiquer les stratagèmes pour payer les riches et
se portent plutôt à la défense de la corruption et
du droit de monopole parce qu'ils ne veulent pas
être vus comme discutant d'une alternative. On
pourrait penser qu'avec les crises économiques
récurrentes et les systèmes flagrants pour payer
les riches, certains économistes seraient portés à
examiner la situation un peu plus en profondeur et
à discuter d'une nouvelle direction et d'un
nouveau but pour l'économie, de manière à mettre
fin aux crises récurrentes et à la corruption.
Mais non, le plus souvent on trouve dans les
médias ceux qui reprennent sans vergogne la
théorie néolibérale du « ruissellement économique
», qui consiste à dire que payer les riches est un
moyen de sortir d'une crise. La richesse sociale
doit d'abord aller aux riches avant de « ruisseler
» en direction de ceux qui la produisent. C'est du
moins ce qu'on prétend. Et si les stratagèmes pour
payer les riches sous prétexte qu'il y aura des
ruissellements pour le peuple sont institués par
ceux qui détiennent le pouvoir, comment cela
peut-il être de la corruption ? D'ailleurs,
disent-ils, il n'y a pas d'autre façon possible.
Pourtant, les rapports dans les médias semblent
indiquer que la richesse ne « ruisselle » pas du
tout vers le peuple, elle remonte au contraire
vers les oligarques mondiaux qui se sont
massivement enrichis pendant la pandémie. Le cours
des actions des plus grands cartels sur la plupart
des marchés boursiers impérialistes a atteint des
sommets en 2020, alors que le chômage reste élevé,
que la pauvreté et l'insécurité alimentaire sont
d'une ampleur inquiétante et que de nombreuses
petites et moyennes entreprises luttent pour leur
survie.
La logique sans principe de la fin justifie les
moyens
Si on le prend au mot, l'économiste du monde du
travail de l'Université de Waterloo Mikal Skuterud
pourrait être considéré comme un apologiste du
droit de monopole et de la logique sans principe
que la fin justifie les moyens. Il a déclaré à CBC
News : « L'objectif numéro un [de la SSUC] était
de débloquer des fonds pour soutenir l'économie.
Dans la mesure où cela n'a pas sauvé d'emplois,
mais a aidé à maintenir certaines entreprises à
flot – je ne pense pas que ce soit quelque
chose qui devrait être critiqué. » En d'autres
termes, la fin, qui est que payer les riches
pourrait produire quelque chose de bon, justifie
la corruption endémique de la SSUC. Skuterud
semble admettre que peu d'emplois ont été « sauvés
», mais qu'en fin de compte le programme a aidé
l'économie, alors c'est un bon résultat qui
justifie les moyens corrompus.
S'organiser pour donner une nouvelle direction
et
un nouveau but à l'économie
Les Canadiens doivent prendre conscience de ce
qui se passe et exiger clairement de la classe
politique qu'elle arrête de payer les riches
et augmente les investissements dans les
programmes sociaux! Ceux qui contrôlent le
trésor public et l'utilisent pour augmenter leur
richesse ne doivent pas pouvoir s'en tirer à bon
compte. Cette pratique devrait être illégale, les
gouvernements doivent également rendre des comptes
pour cette corruption. Une nouvelle direction et
un nouveau but pour l'économie au service du
peuple et de la société sont non seulement
possibles, mais nécessaires et cela commence par
l'intensification de la lutte pour arrêter de
payer les riches !
La seule façon de sortir de ce gâchis est de
développer la mobilisation politique du peuple
pour une nouvelle orientation de l'économie et de
la politique qui défend les droits de tous et
toutes. Il est nécessaire de bâtir le Nouveau de
manière pratique pour combattre le monopole des
cercles dirigeants sur les prises de décision et
l'utilisation de la force.
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 86 - 19 décembre 2020
Lien de l'article:
Des stratagèmes pour payer les
riches hors de contrôle: L'arrogance du droit de monopole - K.C. Adams
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