Rétablissez le moratoire sur les
expulsions!
Les défenseurs des demandeurs d'asile dénoncent la décision du gouvernement fédéral de reprendre les expulsions
- Diane Johnston -
Piquetage à Montréal pour demander un statut
permanent pour tous, le 21 novembre 2020
Les défenseurs des demandeurs d'asile déboutés et
des autres travailleurs sans statut condamnent la
décision du gouvernement libéral de Justin Trudeau
de reprendre l'expulsion de ceux qui travaillent
pendant la pandémie de la COVID-19 dans le système
de santé et dans les autres services essentiels
pendant la pandémie de la COVID-19. L'Agence des
services frontaliers du Canada (ASFC) a informé
par courriel les avocats en droit de l'immigration
que l'agence reprendrait les expulsions à compter
du 30 novembre sur lesquelles il y avait un
moratoire depuis le 17 mars.
Le programme spécial
pancanadien très restreint, annoncé le 14
août par les gouvernements fédéral et québécois,
qui doit « fournir une voie vers la résidence
permanente pour les demandeurs d'asile », n'a
pas encore été mis sur pied. Il ne couvrirait que
les aides-infirmières et les préposés aux soins
prodiguant des soins directs aux personnes
infectées par la COVID-19, en autant que toutes
les exigences du programme soient respectées. Même
si le programme a été annoncé par les
gouvernements fédéral et Legault en réponse à
l'immense appréciation de ces travailleurs par le
public, c'est le gouvernement Legault qui aura le
dernier mot sur qui, au Québec, sera accepté dans
le programme de résidence permanente.
Dans un récent courriel aux médias, un
porte-parole du ministère de l'Immigration du
Québec a informé que le programme devrait entrer
en vigueur au cours de l'hiver et que les détails
de son application au Québec seront annoncés «
sous peu ».
Selon Frantz André, du Comité d'action des
personnes sans statut (CAPSS), la décision n'a
fait qu'exacerber la vulnérabilité des
travailleurs essentiels surnommés « anges
gardiens » par le premier ministre du Québec,
François Legault. « Donc, nous commençons [les
expulsions] trois semaines avant Noël, alors que
le programme et les détails du programme spécial
pour les préposés qui sont des demandeurs d'asile
n'ont pas encore été annoncés, a-t-il déclaré en
ajoutant, « j'appelle cela criminel. Ce n'est pas
correct ! »
Frantz André a également indiqué que l'annonce de
la reprise des renvois a laissé de nombreuses
personnes craintives et incertaines quant à leur
admissibilité au programme spécial. Il a ajouté
que certains de ces travailleurs qui auraient pu
être admissibles ont abandonné et décidé de
quitter le Québec et que d'autres ont envisagé de
se suicider.
Il dit que les ordres d'expulsion devraient être
suspendus jusqu'à ce qu'il soit clair qui est
admissible au programme. À son avis, tous les
demandeurs d'asile dans le pays depuis le début de
la pandémie méritent de rester. « Je pense qu'ils
ont tous contribué, économiquement, à sauver des
vies, et si le Canada est mieux c'est grâce à ces
personnes », a-t-il dit, ajoutant que leur
contribution a montré que loin d'être un fardeau
pour le Canada, ils sont un cadeau.
Wilner Cayo, le président de Debout pour la
dignité, a poursuivi dans la même veine, notant
que l'incertitude fait que ceux qui continuent à
travailler pour assurer leur survie sont aux
prises avec une « énorme angoisse ».
Il a également souligné que le programme
totalement hors d'atteinte ne résout pas la
situation à laquelle font face d'autres
travailleurs essentiels, y compris les gardiens de
sécurité et le personnel de nettoyage dans les
maisons de retraite, les chauffeurs de camion
travaillant dans la production alimentaire, etc.
Le président de l'Association québécoise des
avocats et avocates en droit de l'immigration
(AQAADI), Guillaume Cliche-Rivard, a déclaré que
l'annonce par l'Agence des services frontaliers du
Canada était une « très mauvaise nouvelle »
et ne fera qu'ajouter à l'anxiété des demandeurs
d'asile. « Cela veut dire que les gens qui étaient
en attente et dans l'espoir de régulariser leur
statut, certains avec le programme qui vise les
anges gardiens, pourront être renvoyés avant,
a-t-il dit. Ces personnes jouent un rôle important
dans tous les secteurs de notre société. Cela
inclut les personnes comme les agents de sécurité
qui veillent sur nos établissements de santé ou
ceux qui nettoient nos CHSLD qui ne sont inclus
dans aucun programme [de régularisation], mais
qu'on ne peut pas se permettre de perdre. »
Selon lui, à
quelques semaines des vacances des Fêtes et en
plein milieu de cette deuxième vague de pandémie,
le moment choisi pour reprendre les expulsions
n'aurait pas pu être pire. « On est en pleine
recrudescence avec 1400 cas par jour. Qu'on
soit en mesure de laisser partir certaines
personnes me semble complètement illogique, a-t-il
souligné. Ce même gouvernement qui nous dit de ne
pas sortir et d'éviter de prendre l'avion nous dit
qu'il va renvoyer des gens dans leur pays en ce
moment. »
Guillaume Cliche-Rivard fait également remarquer
que l'Agence des services frontaliers du Canada
(ASFC), qui est sous la responsabilité de Sécurité
publique Canada, ne dispose d'aucune information
précise sur une personne visée par l'expulsion,
sur l'emploi qu'elle occupe par exemple. «
L'Agence ne sait pas quel travail font ces
personnes. Même si ces procédures étaient
suspendues pour certaines personnes qui
travaillent dans les services essentiels, rien
n'empêche légalement l'expulsion d'un préposé aux
bénéficiaires. »
Il a demandé à l'ASFC de rétablir immédiatement
son moratoire sur les expulsions.
« Compte tenu de la pandémie, nous mettons la
santé de ces personnes en danger en les renvoyant,
a déclaré l'avocat québécois en immigration
Stéphane Handfield. C'est une pandémie mondiale.
Pourquoi l'ASFC fait-elle cela maintenant ?
Cela n'a pas de sens. »
Pour Marjorie Villefranche, directrice générale
de la Maison d'Haïti et coporte-parole de la
Coalition pour la régularisation des statuts,
cette annonce n'est pas une surprise. « Ils
choisissent un moment où on ne va pas faire trop
attention à ça, a-t-elle déclaré. C'est dans leur
habitude. On est un peu avant Noël, et tout le
monde est occupé à autre chose, a-t-elle ajouté.
Ça veut dire que les personnes qui sont des
demandeurs d'asile déboutés, et qui justement
pourraient bientôt voir leur statut se
régulariser, sont à risque d'être
expulsées. ».
Marjorie Villefranche craint également que les
personnes qui prodiguaient des soins directs aux
patients ne soient expulsées avant que le
programme de régularisation ne voie le jour, de
même que quelque 5 000 demandeurs
d'asile déboutés déjà dans le pays, qui auraient
pu être inclus dans le même programme s'il avait
été élargi pour couvrir tous les travailleurs des
services essentiels.
(Sources : Presse
canadienne, CBC News, CTV News, Le Devoir.
Photos : LML, J4MW, OFL)
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 82 - 9 décembre 2020
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Rétablissez le moratoire sur les
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