Le droit de conscience est une question de société nouvelle

Aujourd'hui, dans l'ensemble, les Canadiens s'inquiètent de ce qui arrive aux sociétés partout dans le monde, y compris la leur. On leur donne le droit de faire, de dire et d'agir comme ils l'entendent tant que cela est sans conséquence sur le pouvoir qui est au-dessus d'eux. Ils peuvent acheter ce qu'ils veulent et ils peuvent voter pour qui ils veulent. La liberté est décrite tantôt comme un choix du consommateur, tantôt comme un choix politique. Personne n'est obligé d'obéir à personne, mais si vous faites quelque chose qui est contraire aux intérêts privés étroits dictés par la classe dominante, vous aurez affaire au « plein poids de la loi ».

En d'autres mots, une caractéristique frappante de la situation actuelle est que les gouvernements, qui n'ont aucun argument pour justifier les terribles choses qu'ils font, parlent des droits de la même façon : comme s'il s'agissait d'abstractions sans conséquences.

Comment peut-on avoir une vie de dignité dans un tel état de choses ?

Une bataille acharnée se mène entre ce qui est progressiste, positif et sain et ce qui est régressif, négatif et malsain. Et dans ces circonstances, les Canadiens doivent trouver comment s'orienter dans la vie. Ils vivent dans un monde où les classes existent et, par conséquent, il y a nécessairement un conflit entre les deux façons et les deux perspectives qui donnent lieu à des opinions contradictoires sur pratiquement tout.

De plus, dans notre société, l'anarchie règne dans différents domaines, notamment dans l'économie où, outre la politique consistant à payer les riches quoi qu'il arrive, tout est laissé au hasard. Cela comprend le soin et l'éducation des jeunes générations, le soin et la protection des personnes âgées et de ceux et celles qui ont besoin d'une aide sociale et la prise en charge de tous les autres aspects de la vie. Tout cela montre que les personnes en position de pouvoir ne peuvent pas justifier leurs positions par une logique solide et des faits tirés de la vie.

Par conséquent, c'est dans l'abstrait qu'elles trouvent les justifications pour ce qu'elles font. « Au Canada, tout individu peut faire ce qu'il veut », disent-elles. Comme si c'était le seul et dernier mot sur le sujet, comme si cela pouvait se substituer à une discussion de fond sur ce qui constitue une démocratie adaptée à son époque et sur la façon dont les droits sont définis.

Il n'y a rien qui soutienne cette affirmation. Il ne peut jamais y avoir de société où un individu peut faire ce qu'il veut parce que l'existence même de la société impose des limites à ses membres. Nous créons notre société, mais pas selon tous nos souhaits et désirs. Nous ne pouvons pas dire non plus que nous ne décidons de rien. Ainsi, l'idée que l'individu peut faire ce qu'il veut est soit une simple abstraction, un profond détachement par rapport à la vie, une opinion négative et malsaine, soit une impossibilité.

B. Paul, le rédacteur en chef du Nouveau Magazine, écrivait en octobre 1987, à une époque où la conscience de la société était basée sur la supplantation des arrangements de l'État-providence par l'apparition du néolibéralisme, appelé néoconservatisme à l'époque[1] :

« Le droit de conscience, le droit d'avoir des opinions, de les prêcher et de les pratiquer, est un droit fondamental. Et ce droit n'est pas uniquement une idée, un exercice intellectuel. Prenez le cas de l'ouvrier conscient de ses conditions de vie qui préconise l'abolition du régime capitaliste. Pourquoi préconiserait-il une chose pareille ? Parce qu'il ne voit pas d'autre façon de défendre ses intérêts et d'assumer son avenir. Cet ouvrier gravite instinctivement vers le socialisme, alors que pour le capitaliste l'idée même de l'abolition du système capitaliste est un péché mortel. »

Il est écrit dans la loi que tous les futurs citoyens doivent prêter le serment d'allégeance aux institutions canadiennes, c'est-à-dire à la société qui est construite sur la base d'une économie qui paie les riches et qui est membre de l'alliance militaire impérialiste américaine agressive qu'est l'OTAN. Cette disposition de la Loi sur la citoyenneté s'applique uniquement aux résidents permanents qui veulent obtenir la citoyenneté ; elle ne s'applique pas aux Canadiens de naissance.

Cependant, les Canadiens de naissance sont traités comme des êtres légitimes ou illégitimes selon qu'ils défendent ou non ce qu'on appelle les valeurs canadiennes telles que représentées par les institutions démocratiques dites libérales. Cela montre que le gouvernement veut préserver le système qui consiste à payer les riches et faire respecter le statu quo tout en prétendant qu'une personne peut croire ce qu'elle veut à condition de jurer allégeance à « notre mode de vie ». B. Paul écrit :

« La conscience est d'abord une affaire de science et de civilisation, de bien-être du peuple, de liberté et de progrès, d'avancement de la société. Il n'est donc pas surprenant que seules les personnes progressistes abordent la question de la conscience d'une manière sincère, franche et honnête. Il est généralement reconnu que la liberté est la reconnaissance de la nécessité. Notre conscience peut-elle être détachée de cette nécessité ? »

Sur la question des droits, en particuliers les droits humains, le gouvernement du Canada défend une position qui laisse clairement entendre que les droits sont effectivement une abstraction. Notre conscience de ce que constitue un droit doit être encadrée par les institutions démocratiques libérales anachroniques. Elle consiste à reprendre la version qui nous est donnée par ces institutions. Si nous n'acceptons pas ce diktat, nous sommes des extrémistes d'une espèce ou d'une autre et nous méritons l'exclusion, la diffamation et la mort civile. Bref, nous sommes criminalisés.

B. Paul soumet la considération suivante : « Ce qui est nécessaire aujourd'hui, c'est de créer une société nouvelle qui sera débarrassée des maux du capitalisme. Que dire de la conscience qui ne reconnaît pas cette réalité ? »

Autrement dit, non seulement les contradictions qui existent aujourd'hui sur la conscience, la conception du monde et la conduite de chacun sont-elles très vives, mais elles ont aussi un caractère urgent. Chacun doit se faire une opinion sur la direction que doit prendre la société et chacun doit prendre des mesures concrètes qui la mènent dans cette direction.

Cela s'applique aussi à la jeune génération. Les jeunes ressentent un besoin profond de décider de leur orientation. Cette préoccupation en pousse certains au nihilisme, au fatalisme et à des conséquences tragiques. Elle en pousse d'autres à adopter des positions révolutionnaires. Il en va de même pour les travailleurs, en particulier les jeunes travailleurs, d'un océan à l'autre. Tout cela montre l'importance de la conscience.

Alors que les gouvernements et les forces de l'establishment, y compris les médias, les universités, les groupes de réflexion et les porte-paroles de toutes sortes d'intérêts commerciaux et d'organisations sociales et caritatives, affirment que le droit de s'exprimer librement est protégé au Canada, la question plus importante ici est la négation du droit de conscience. Il n'est pas possible d'avoir le droit de conscience quand les ennemis de ce droit ont un tel pouvoir.

Personne ne peut accuser des gens comme Joe Biden, Justin Trudeau, Chrystia Freeland, Irwin Cotler et Jason Kenney d'être des hommes et des femmes de conscience. Non pas parce qu'ils sont politiquement réactionnaires, mais parce que leur conception même du monde actuel laisse la question de la conscience au Moyen-Âge. La question de la conscience ne peut jamais être réduite au droit de contre-révolution et de réaction.

« La conscience et la science, la conscience et le progrès, la conscience et la révolution sont des choses qui ont beaucoup en commun, écrit B. Paul. Il est impossible de concevoir l'un sans l'autre. [...] Ceux qui essaient de justifier des attitudes égocentriques et autodestructrices doivent le faire aux dépens de la conscience. Être sans conscience équivaut à rejeter délibérément les valeurs humaines et la civilisation, à favoriser un comportement aveugle et animal. »

B. Paul souligne qu'il y a une différence entre préjugé et conscience. « Puisque tous les individus sont un produit de la société, ils ont tendance à penser que leurs points de vue et leur conscience sont quelque chose de fini, de réglé d'avance. Mais la conscience exige une attitude tout à fait consciente et entièrement justifiée par la science, et entièrement dans l'intérêt de la liberté et du progrès. Nous ne sommes pas des hommes et des femmes de conscience du simple fait de ramasser spontanément des choses ici et là. Peu importe combien de fois on le répétera, ça ne passe pas. Nous sommes en faveur d'une conscience bien précise, celle conférée par les préoccupations et les besoins du peuple. Cette conscience n'est ni vague ni passagère. Elle puise sa force dans le progrès de l'humanité vers la création d'une société où tout ce qui est aveugle et rétrograde sera chose du passé. »

B. Paul résume cette pensée de façon succincte : « Le droit de conscience se rapporte en définitive à la création d'une société nouvelle. »

Note

1. « À propos de la conscience », B. Paul, Le Nouveau Magazine hebdomadaire, 14 octobre 1987


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 82 - 9 décembre 2020

Lien de l'article:
Le droit de conscience est une question de société nouvelle - Pauline Easton


    

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