Développements au Guatemala
Au milieu d'appels à la démission, le président sollicite le soutien de l'Organisation des États américains
- Gerardo Villagran del Corral -
21 novembre 2020 - Manifestation sur la place de
la Constitution
Des milliers de Guatémaltèques sont toujours dans
les rues pour exiger la démission du président
conservateur Alejandro Giammattei, qu'ils accusent
de ne pas allouer suffisamment de ressources pour
lutter contre la pauvreté et les inégalités,
tandis que ce dernier poursuit sa répression
brutale et invoque la Charte démocratique
interaméricaine.
Approuvée en 2001, cette charte contient une
série de mesures visant à rétablir l'ordre
démocratique dans les nations qui l'invoquent et à
garantir le respect des droits humains
fondamentaux. Alejandro Giammattei a ajouté qu'il
avait communiqué avec le Secrétaire général de
l'Organisation des États américains (OÉA), Luis
Almagro, pour assurer un dialogue, et a exprimé
son ouverture à une négociation inclusive qui
conduirait à une entente entre les secteurs de la
société.
La situation de grande instabilité politique a
éclaté après qu'une énorme manifestation populaire
qui s'est tenue le 21 novembre dans la partie
historique de Guatemala, la capitale, s'est
terminée par de nombreux incidents et l'incendie
d'une partie du bâtiment où se trouve le
Parlement.
21 novembre 2020 - Incendie de l'Assemblée
législative au Guatemala
On soupçonne qu'il s'agissait d'une opération
planifiée par le gouvernement pour saper la
légitimité des manifestations. Ceux qui ont
attaqué le bâtiment législatif étaient vêtus de
noir et portaient des bâtons pour briser les
fenêtres du bâtiment, mais à aucun moment ils
n'ont été arrêtés par la police présente sur les
lieux, selon le journal guatémaltèque Le
Periódico.
Un soupçon
supplémentaire est né du fait que la session de
samedi du Congrès n'était pas clôturée, car le
budget n'a été approuvé que des heures après. Des
personnalités politiques et sociales du pays
disent que le saccage de l'édifice parlementaire
visait à discréditer la légitimité de l'immense
manifestation, qui s'est déroulée dans un climat
général de tranquillité jusqu'à l'attaque violente
de la police.
Selon les chiffres officiels, un enfant sur deux
de moins de cinq ans souffre de malnutrition
chronique dans le pays et près de 60 %
de la population guatémaltèque vit en dessous du
seuil de pauvreté.
Le président a déclaré que les manifestations
sont un moyen que les groupes minoritaires tentent
d'utiliser pour mener un véritable coup d'État.
Dans une déclaration antérieure, l'OÉA a reconnu
le droit de manifestation, mais a condamné le
vandalisme dénoncé par les autorités. Les
porte-paroles des manifestants ont rejeté ces
accusations.
L'Alliance pour les réformes, qui
regroupe 40 organisations sociales, a exigé
la démission du ministre de l'Intérieur, Gendri
Reyes, à la suite de la répression de samedi. Le
vice-président, Guillermo Castillo, qui s'était
distancié de Giammattei, a exigé sa démission et a
demandé au parquet d'enquêter sur l'incendie des
bureaux du Congrès ainsi que sur la répression
policière.
28 novembre 2020
Le budget approuvé laisse une large place à la
corruption – un mal profondément enraciné dans le
pays – car il ne prévoit pas de mécanismes de
contrôle pour garantir une utilisation appropriée
des ressources, accordant plus de ressources aux
ministères qui ont fait l'objet d'énormes
irrégularités au cours des dernières années, comme
ceux des communications, des infrastructures et du
logement.
La manifestation du 21 novembre s'est soldée
par au moins 15 manifestants et 12
policiers blessés et plus de 30 arrestations.
La répression policière s'est étendue à plusieurs
départements du pays.
Le Congrès a approuvé des prêts de plus
de 3,8 milliards de dollars pour lutter
contre la pandémie, mais à peine 15 % de
ces ressources sont parvenues aux Guatémaltèques.
La COVID-19 a contaminé près de 120 000
personnes et plus de 4 000 personnes
sont décédées dans ce pays de 17 millions
d'habitants.
La raison des manifestations
Le Congrès, principalement composé du parti au
pouvoir et des partis apparentés, a approuvé un
budget de près de 12,8 milliards de dollars
pour 2021, soit une augmentation
de 25 % par rapport à cette année. La
plupart des fonds sont affectés aux
infrastructures du secteur privé et ne prévoient
pas d'augmentation pour la santé ou l'éducation,
ni pour la lutte contre la pauvreté et la
malnutrition infantile.
Le Congrès a également affecté
environ 65 000 $ pour les repas des
députés, ce qui a scandalisé la population car à
ce moment-là, la tempête Iota entrait dans le pays
et causait des destructions, laissant les
communautés pauvres isolées et sans nourriture –
communautés déjà touchées par le récent passage
d'un autre puissant ouragan, Eta, qui a
fait 59 morts et près de 100 disparus.
Tout cela se produit dans une situation où les
hôpitaux sont sans médicaments, les médecins sans
salaire et le nombre de personnes touchées par la
pandémie en augmentation. L'économie a souffert,
des dizaines de milliers de personnes ont perdu
leur emploi et les prix des denrées alimentaires
et d'autres biens ont augmenté.
Pour cette raison, des appels ont été lancés pour
manifester sur plusieurs places du pays, notamment
à la « Plaza de la Constitucion »
(anciennement Parc central), pour exiger la
démission du président et des membres du Congrès,
la fin de la corruption et l'annulation du
budget 2021. Des milliers de manifestants
portaient des pancartes exigeant la convocation
d'une assemblée constituante.
21 novembre 2020 - manifestation à Antigua
Les questions se répètent : sommes-nous au
bord d'un autre cycle de manifestations similaire
à celui de 2015, lorsque des manifestations
massives contre la corruption du gouvernement
d'Otto Pérez Molina et de Roxana Baldetti ont eu
lieu ? Atteindra-t-il des niveaux de
confrontation violente ?
Ce qui est clair, c'est qu'il y a un sentiment de
colère et d'indignation contre le gouvernement,
qui s'est exprimé de diverses manières (pacifiques
et violentes), alors qu'il ne peut pas et ne veut
pas répondre aux revendications des citoyens et
tente d'utiliser l'OÉA pour réprimer «
démocratiquement » le peuple.
Gerardo Villagran del Corral est un
anthropologue et économiste mexicain, associé au
Centre latino-américain d'analyse stratégique
(CLAE).
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 81 - 7 décembre 2020
Lien de l'article:
Développements au Guatemala: Au milieu d'appels à la démission, le président sollicite le soutien de l'Organisation des États américains - Gerardo Villagran del Corral
Site Web: www.pccml.ca
Courriel: redaction@cpcml.ca
|