Une invocation intéressée et dangereuse des victimes de l'Holocauste pour camoufler les crimes commis contre les Palestiniens

Le 25 novembre, le premier ministre Justin Trudeau a nommé Irwin Cotler envoyé spécial pour la préservation de la mémoire de l'Holocauste et la lutte contre l'antisémitisme. L'annonce de la nomination par le bureau du premier ministre mentionne que « M. Cotler a joué un rôle de leadership dans la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine pendant de nombreuses années. Il possède aussi une vaste expérience dans les domaines de la justice et des droits de la personne, notamment dans les affaires liées aux atrocités de masse. M. Cotler s'appuiera sur ces connaissances pour diriger la délégation du gouvernement du Canada auprès de l'Alliance internationale pour la mémoire de l'Holocauste (AIMH). »

Les Canadiens ne peuvent pas accepter la déclaration du cabinet du premier ministre car elle est pleine de contradictions et n'est pas fondée sur des faits. Les affirmations prétentieuses de « combattre la haine et l'intolérance » et de défendre les droits humains sont utilisées par le gouvernement canadien pour dissimuler le fait que sa principale priorité a été et continue d'être la défense du sionisme israélien. En ce qui concerne M. Cotler, les déclarations au sujet de sa « vaste expérience dans les domaines de la justice et des droits de la personne » ne résistent pas non plus à l'examen.

Loin de lutter contre le racisme et l'antisémitisme, la nomination de Cotler par Justin Trudeau sert à promouvoir davantage ses activités de promotion internationale de ce « nouveau » mouvement de « l'antisémitisme » qui cherche à qualifier la critique d'Israël d'antisémite. En tant que l'un des principaux soutiens du gouvernement canadien qui qualifie d'antisémite le mouvement Boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) pour les droits humains des Palestiniens, Cotler a également montré son mépris pour les droits humains.

En tant que chef de la délégation du Canada auprès de l'AIMH, Cotler a l'approbation du gouvernement pour poursuivre la campagne de mise en oeuvre de la redéfinition de l'antisémitisme de l'AIMH. L'AIMH a déjà une longue feuille de route de suppression des voix des défenseurs des droits humains des Palestiniens dans le monde et elle veut étendre cette définition pour réduire encore d'autres voix au silence.

La définition de l'antisémitisme de l'AIMH s'énonce ainsi :

« L'antisémitisme est une certaine perception des Juifs qui peut se manifester par une haine à leur égard. Les manifestations rhétoriques et physiques de l'antisémitisme visent des individus juifs ou non et/ou leurs biens, des institutions communautaires et des lieux de culte. »

Deux des activités que l'AIMH considère comme un comportement antisémite sont :

« en affirmant par exemple que l'existence de l'État d'Israël est le fruit d'une entreprise raciste »

« l'établissement de comparaisons entre la politique israélienne contemporaine et celle des Nazis »

Cotler tente de justifier la nécessité de cette nouvelle définition en affirmant qu'une nouvelle forme d'antisémitisme existe. Dans un article de 2010 paru dans le National Post, Cotler déclarait :

« En un mot, l'antisémitisme classique est la discrimination, le déni ou les atteintes aux droits des Juifs de vivre en tant que membres égaux de la société dans laquelle ils vivent. Le nouvel antisémitisme implique la discrimination, le déni ou l'attaque du droit du peuple juif à vivre en tant que membre à part égale de la famille des nations, qui ciblent Israël en tant que collectivité juive parmi les nations[1]. »

Le 25 novembre, Trudeau a déclaré que Cotler « soutiendra également les efforts de promotion et de sensibilisation déployés auprès des Canadiens, de la société civile et du milieu universitaire en vue de faire progresser l'adhésion à cette définition à travers le pays et son adoption à l'échelle internationale. »

Tout cet argument est intéressé et malhonnête parce que le sionisme, qui est une idéologie d'État, est attribué au peuple juif dans son ensemble. C'est doublement malhonnête parce que ces soi-disant défenseurs du droit à l'autodétermination n'ont pas un mot à dire sur la violation continue des droits humains du peuple palestinien sauf de qualifier leur juste lutte de terrorisme.

Voix juives indépendantes (VJI) documente des exemples dans plusieurs pays où la définition de l'AIMH a été utilisée – ou des tentatives ont été faites – pour annuler des événements ou faire taire les mouvements de solidarité palestiniens [2].

En tant que président du Centre Raoul Wallenberg pour les droits de la personne, Cotler s'est davantage révélé comme un apologiste des violations impérialistes de la souveraineté des nations dans leur quête pour la domination mondiale. Sous couvert de défense des droits humains et sous la présidence de Cotler, le Centre Wallenberg promeut activement la doctrine impérialiste de la « responsabilité de protéger » (R2P), qui est utilisée pour justifier le changement de régime et l'ingérence étrangère contre tout pays qui ne se soumet pas au diktat impérialiste.

Dans un article publié le 28 février 2011 dans le New York Times, intitulé « La Libye et la responsabilité de protéger », dont Cotler est un des auteurs, on peut lire :

« La situation en Libye est un cas type pour le Conseil de sécurité et sa mise en oeuvre de la doctrine de la responsabilité de protéger. Et pourtant un fait demeure. Comme l'a dit le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon : 'perdre du temps, c'est perdre des vies'. Le Conseil de sécurité doit en faire plus – et rapidement. Il relève de notre responsabilité collective de veiller à ce que la responsabilité de protéger soit une approche efficace dans la protection des peuples et des droits humains.' »

Il est maintenant bien connu que nombre des « atrocités de masse » attribuées au dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, que Cotler avait si ardemment condamnées, n'étaient que des fabrications entretenues pour justifier l'agression militaire qui a mené à l'anéantissement de la Libye par les États-Unis et les pays membres de l'OTAN, dont le Canada.

Maintenant, Cotler continue de jouer son rôle sinistre, tentant de justifier les ambitions des impérialistes américains au Venezuela. Le magazine Foreign Policy a publié un article cosigné par Irwin Cotler le 6 février 2019 portant le titre « Reconnaître Juan Guaido comme dirigeant du Venezuela n'est pas un coup, c'est embrasser la démocratie. » Une fois de plus, Cotler se présente comme le sauveur du peuple contre « l'assaut brutal et criminel de Maduro contre l'ordre démocratique libéral » et l'impérialisme américain est justifié dans son recours à tous les moyens nécessaires pour « accomplir la transition vers une gouvernance démocratique ».

La nomination de Cotler intervient alors que des crimes sont commis contre le peuple palestinien dans les territoires occupés, en particulier à Gaza, où, depuis 14 ans, le peuple a subi des bombardements continus et des attaques militaires contre des civils par l'armée israélienne. Israël a transformé Gaza en la plus grande prison à ciel ouvert du monde où plus de 2 millions de personnes sont attaquées et forcées de vivre dans des conditions inhumaines.

Ces actes barbares sont condamnés par les peuples du monde entier et Israël cherche désespérément à détourner l'attention de ses responsabilités en tant que puissance occupante et de sa construction continue de colonies illégales sur les terres palestiniennes. Une puissance occupante est tenue d'assurer la sécurité publique, des normes d'hygiène et de santé publique suffisantes, ainsi que l'alimentation et les soins médicaux de la population sous occupation. Les punitions collectives, régulièrement appliquées par Israël, sont interdites.

Avec l'adoption de la « Loi sur l'État-nation », Israël est devenu un État officiellement discriminatoire sur la base de la religion et de la politique israélienne qui consiste à détruire systématiquement les maisons palestiniennes à Jérusalem-Est tout en construisant des colonies illégales dans les territoires palestiniens occupés, l'une des méthodes de nettoyage ethnique. Elle a été utilisée depuis 1948 pour chasser les Palestiniens de leurs terres. [3] Ces actes et ces violations criminels du droit international sont ce qu'Irwin Cotler continuera d'essayer de dissimuler et il utilisera sa position d'envoyé spécial du Canada pour la préservation du souvenir de l'Holocauste pour renverser la vérité et suggérer que l'État sioniste est la victime d'antisémitisme.

Cela ne doit pas passer ! Le gouvernement canadien se couvre de honte en invoquant la mémoire de l'Holocauste européen pour justifier que de telles souffrances soient infligées au peuple palestinien.

En outre, associer le nom de Cotler aux victimes de l'Holocauste est une insulte aux survivants de l'Holocauste et à leurs familles dont la souffrance est utilisée pour promouvoir le même racisme débridé et la même mentalité obscurantiste des sionistes qui ont causé tant d'oppression et de misère dans le passé.

Note

1. Selon le site Web, « L'AIMH (anciennement groupe de travail sur la coopération internationale sur l'éducation, le souvenir et la recherche sur l'Holocauste, ou ITF) a été lancé en 1998 par l'ancien premier ministre suédois Goran Persson. Aujourd'hui, les membres de l'AIMH se composent de 34 pays membres, dont chacun reconnaît que la coordination politique internationale est impérative pour renforcer l'engagement moral des sociétés et lutter contre la négation croissante de l'Holocauste et l'antisémitisme.

« Le réseau d'experts de confiance de l'AIMH partage leurs connaissances sur les signes avant-coureurs du génocide actuel et l'éducation sur l'Holocauste. Ces connaissances soutiennent les décideurs politiques et les multiplicateurs de l'éducation dans leurs efforts pour développer des programmes efficaces et informent les responsables gouvernementaux et les ONG actives dans les initiatives mondiales de prévention du génocide.

« La Déclaration du Forum International de Stockholm sur l'Holocauste (ou « Déclaration de Stockholm ») est le document fondateur de l'AIMH et continue de servir d'affirmation permanente de l'engagement de chaque pays membre de l'AIMH envers des principes partagés.

« Cette déclaration est le résultat du Forum international organisé à Stockholm du 27 au 29 janvier 2000 par l'ancien premier ministre suédois Goran Persson. Le Forum a réuni les représentants de 46 gouvernements, dont 23 chefs d'État ou premiers ministres et 14 vice-premiers ministres ou ministres.

« Leur vision est restée intacte, inchangée au cours des années suivantes, démontrant sa valeur universelle et durable. » [LINK to : www.holocaustremembrance.com/about-us]

2. Le document VJI peut être trouvé ici.

3. La loi nationale de l'État est la principale législation qui fonde les droits sur la religion. Voici les trois points principaux de la loi :

i) Le « droit d'exercer l'autodétermination nationale » en Israël est « propre au peuple juif ».

ii) L'hébreu est la langue officielle d'Israël. L'arabe – la langue largement parlée par les Arabes israéliens – est réduit à un « statut spécial ».

iii) Elle reconnaît la « colonie juive » comme une « valeur nationale » et exige que l'État « s'efforce d'encourager et de promouvoir son établissement et son développement ».

La plus récente mise en oeuvre de la loi de l'État-nation d'Israël a eu lieu à Karmiel. Le quotidien Haaretz publiait l'article suivant le 1 décembre 2020 :

« En novembre 2020, se servant de la loi comme justification, les tribunaux de première instance d'Israël ont décidé que Karmiel est une ‘ville juive' et que les écoles de langue arabe ou le transport scolaire pour les enfants arabes étaient susceptibles d'en modifier l'équilibre démographique et seraient préjudiciables à son identité, empêchant à toutes fins pratiques l'accès aux écoles par les enfants arabes dans la ville du district nord d'Israël, Karmiel. Les tribunaux ont laissé entendre que toute facilitation de l'accès pourrait inciter les citoyens arabes palestiniens d'Israël à s'installer en ville, nuisant ainsi à l'‘identité juive'. »

Dans un éditorial de Haaretz au sujet de cette décision, on affirme : « La loi de l'État-nation a légalisé le racisme et la suprématie juive, et autorise l'État à discriminer contre les citoyens arabes en les empêchant de vivre dans l'endroit de leur choix dans des conditions équitables, aggravant ainsi la ségrégation ethnique en Israël. »

(Photos : LML, Ralph RH)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 81 - 7 décembre 2020

Lien de l'article:
Une invocation intéressée et dangereuse des victimes de l'Holocauste pour camoufler les crimes commis contre les Palestiniens - Louis Lang


    

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