La politique étrangère du Canada

Les agissements du Canada aux Nations unies

Rien de bon ne ressort de l'action du Canada aux Nations unies où il fait activement la promotion des définitions impérialistes des droits et cajole les pays pour qu'ils adoptent ces définitions sous peine de représailles des institutions financières, militaires et politiques impérialistes. Il participe à l'imposition d'une restructuration des relations internationales pour servir les intérêts de l'impérialisme américain.

Le but de la nomination de l'apologiste aguerri de l'État anglo-canadien, Bob Rae, au poste d'ambassadeur du Canada auprès des Nations unies est de réaliser ces objectifs néfastes. Aucunement découragé par son échec à obtenir un siège au Conseil de sécurité, le Canada a annoncé la nomination de Rae en faisant les louanges de son rôle de champion du multilatéralisme, des droits humains et de la paix. Un communiqué du cabinet du premier ministre présente Bob Rae comme un excellent choix pour continuer « de mobiliser nos partenaires internationaux et de promouvoir les valeurs canadiennes de paix, de liberté, de démocratie et de droits de la personne, alors que nous avançons dans cette période d'incertitude mondiale ».

Les actes, cependant, éclairent ce que sont « les valeurs canadiennes de paix, de liberté, de démocratie et de droits de la personne » que le Canada représente. La politique étrangère du Canada est fondée sur la domination du monde par le système impérialiste d'États occidentaux dirigé par l'impérialisme anglo-américain, qui s'appuie sur l'OTAN, son bras armé. Cette politique n'est pas nouvelle puisqu'elle est basée sur une réactivation narcissique de la doctrine intéressée de « moyenne puissance » élaborée dans les années 1940 et qui a guidé la diplomatie canadienne au service de l'impérialisme américain pendant la guerre froide[1].

Bob Rae est un homme de confiance de l'impérialisme anglo-américain. Son activité passée sur des questions qui continuent à être préoccupantes montrent très bien que le Canada ne vise rien de progressiste avec cette nomination.

En 2004, Bob Rae a appuyé la participation du Canada et de la France au coup d'État dirigé par les États-Unis en Haïti et au renversement du gouvernement de Jean-Bertrand Aristide élu démocratiquement par le peuple. Avec une vraie logique de bandit, Bob Rae a déclaré que c'était « l'inefficacité et la corruption grossière » d'Aristide qui ont conduit au coup d'État qui a renversé son gouvernement et non l'intervention criminelle des États-Unis, du Canada et de la France.

Bob Rae est un ardent sioniste et un partisan inconditionnel des abus de pouvoir d'Israël en tant que puissance occupante de la Palestine. Ennemi des droits du peuple palestinien, il a été membre du comité directeur de la « Coalition parlementaire canadienne de lutte contre l'antisémitisme » formée en 2009 avec pour objectif de saper les droits du peuple palestinien en criminalisant et en réduisant au silence ceux qui s'opposent aux crimes d'Israël contre les Palestiniens en les traitant d'antisémites.

Soulignons qu'au sujet de Gaza et des territoires occupés, qui ont été transformés en la plus grande prison à ciel ouvert du monde, où des crimes contre la paix et des crimes contre l'humanité sont commis chaque jour par l'État sioniste d'Israël, le Canada et son ambassadeur auprès des Nations unies sont totalement silencieux ! Qui plus est, cette année le Canada s'oppose activement à l'enquête sur les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité commis par Israël ouverte par la Cour pénale internationale. Voilà le programme « droits de la personne » du Canada en action !

En 2010, Bob Rae s'est rallié au gouvernement Harper et a prôné le maintien d'une présence militaire canadienne importante en Afghanistan. Il s'est opposé au retrait prévu des forces canadiennes d'Afghanistan et a appelé Stephen Harper « à aller jusqu'au bout ».

En 2011, Bob Rae était porte-parole du Parti libéral en matière d'affaires étrangères au Parlement. Il a exigé un changement de régime en Libye et a soutenu la participation du Canada aux bombardements sauvages de l'OTAN qui ont détruit ce pays et ont déclenché la violence, l'instabilité et l'insécurité qui se sont depuis propagées vers le sud, au Mali et dans tout le Sahel.

Lorsque le président du Venezuela, Hugo Chavez, est décédé en mars 2013, Bob Rae a tweeté : « Nos condoléances et espoirs d'un avenir démocratique. » Lorsque le président Nicolas Maduro a été élu par le peuple vénézuélien en 2013, Bob Rae a demandé à Stephen Harper d'imposer des sanctions plus sévères au Venezuela. En janvier 2020, il a déclaré : « Chavez et Maduro ont terriblement abusé de leur pouvoir, appauvri leur peuple et créé la plus grande crise humanitaire et de réfugiés de l'histoire moderne de l'Amérique latine. L'idéalisation de leur régime et de leur idéologie est une honte. »

Le Canada utilise la « moyenne puissance » et une politique étrangère de longue date en faveur du multilatéralisme pour protéger les intérêts de l'impérialisme anglo-américain, sous la direction des États-Unis et avec le soutien de la « puissance dure » de l'OTAN et en créant au besoin des « coalitions de volontaires[2] ». 

En entrevue à CTV en juillet dernier, Bob Rae a dit : « Les bases fondamentales de notre approche de la vie, de notre approche de la politique, de notre approche des relations internationales sont solides... Et je ne veux pas nous voir jeter le bébé avec l'eau du bain. »

Le Forum international sur la sécurité de Halifax qui s'est tenu dernièrement, que le Canada a financé en partie et dont il a été l'hôte, a tenu une session spéciale sur le rôle des « moyennes puissances » dont le thème était « Go Canada ! » Le forum a publié le « Guide pour les démocraties » dont le titre est : « Chine contre démocratie - Le plus Grand Jeu ». Le « Guide » déclare : « Alors que les États-Unis restent le leader naturel du monde libre, les alliances et les partenariats entre démocraties seront différents de ceux du XXe siècle. Le plus urgent actuellement est de réinventer des alliances démocratiques dignes du XXIe siècle. »

Le secrétaire d'État américain Mike Pompeo, dans son allocution à la Bibliothèque présidentielle et au Musée Richard Nixon, l'a formulé ainsi au début de l'été : « Le défi que pose la Chine exige des efforts, de l'énergie de la part des démocraties – celles d'Europe, celles d'Afrique, celles d'Amérique du Sud, et en particulier celles de la région indo-pacifique. [...] Nous ne pouvons donc pas faire face seuls à ce défi. Les Nations unies, l'OTAN, les pays du G7, le G20, nos capacités économiques, diplomatiques et militaires combinées sont sûrement suffisantes pour relever ce défi si nous les utilisons avec clarté et avec beaucoup de courage. »

Le Canada est clairement un instrument de cette politique réactionnaire à l'ONU : « réinventer des alliances démocratiques dignes du XXIe siècle » aux dépens de l'ONU elle-même si nécessaire, conspirer avec des « partenariats internationaux » qui partagent les mêmes objectifs pour empêcher les nations de poursuivre leurs propres projets d'édification nationale et transformer les forums de l'ONU en champs de bataille contre ceux qui sont considérés comme des rivaux, tout cela étant considéré comme normal.

Dans une entrevue accordée au Globe and Mail le 23 octobre, Bob Rae explique ce que « réinventer » veut dire pour le Canada : « La souveraineté n'est pas le seul principe reconnu dans la Charte [des Nations unies], et au cours des 70 dernières années, nous avons créé, non seulement la Déclaration universelle, mais aussi un certain nombre d'institutions axées sur les droits de la personne. » Il a accusé la Russie et la Chine de « faire une interprétation stricte de la Charte des Nations unies » pour opposer la « souveraineté » aux « droits de la personne ». Bob Rae a sans doute à l'esprit la doctrine impérialiste de la responsabilité de protéger que le Canada a élaborée et que les États-Unis et l'OTAN utilisent pour contourner la Charte des Nations unies. Ainsi, la responsabilité de protéger a été utilisée par le Canada pour justifier la destruction de la Yougoslavie et de la Libye.

Peu avant le Forum d'Halifax sur la sécurité internationale de cette année, le Canada s'est joint à un groupe de 39 pays organisés par les États-Unis qui a accusé la Chine de « violations des droits de la personne » et de « génocide » contre la minorité ouïghoure du Xinjiang. La Grande-Bretagne a présenté une déclaration commune à cet effet. À titre d'ambassadeur du Canada auprès des Nations unies, Bob Rae a déclaré qu'il ne pouvait pas prouver ces accusations, mais a cependant demandé au Conseil des droits de l'homme des Nations unies de faire enquête pour voir si quelque chose pouvait être trouvé.

L'ONU a déjà démontré avec preuves à l'appui que le Canada opprime les nations autochtones. Rae soutiendrait-il une « révolution de couleur » pour provoquer un « changement de régime » au Canada et instiguer des opérations secrètes de terrorisme au Canada comme cela se fait contre la Chine ? La discussion sur les principes des Nations unies qui reconnaît tous les pays comme égaux, grands ou petits, sur la base de la souveraineté, n'est tout simplement pas permise. L'ajout de doctrines comme la responsabilité de protéger au nom de la protection des droits humains est une démarche pragmatique et injustifiable qui détruit la base de principe des relations internationales pour permettre des crimes contre la paix.

Quant à la paix et au respect des principes de la Charte des Nations unies, lors d'une réunion du Conseil de sécurité le 24 octobre portant sur la situation en Syrie, Bob Rae a totalement déformé la vérité et accusé la Russie de prolonger le conflit en Syrie en utilisant son veto contre toute nouvelle intervention des États-Unis. La guerre en Syrie a été déclenchée en violation de la Charte des Nations unies par l'impérialisme américain, le Canada et leurs alliés de l'OTAN. Les bandes terroristes, protégées par l'occupation américaine et l'OTAN, ont infligé d'énormes dommages au peuple syrien. Cela inclut les « casques blancs », des mercenaires militaires privés que le Canada paie, protège et présente comme étant une organisation humanitaire. Les États-Unis se sont même emparés des réserves de pétrole syriennes, mais le Canada considère que toute discussion sur des questions de fond est taboue. Il est passé maître dans l'art de créer des mécanismes qui garantissent qu'aucune discussion n'ait lieu.

Pas plus tard que la semaine dernière, le 27 novembre, plus de 70 pays ont demandé aux Nations unies de mettre immédiatement fin aux mesures coercitives unilatérales, c'est-à-dire aux sanctions et aux blocus que des pays, principalement les États-Unis, ont imposés à d'autres pays. Ces mesures sont condamnées comme une violation des droits humains et de la souveraineté des nations, notamment dans le contexte de la pandémie de la COVID-19. Le Canada n'a cependant pas participé à cette rencontre ni déclaré son opposition aux mesures coercitives unilatérales.

Voilà seulement quelques exemples parmi les plus récents de ce que le Canada fait et prépare aux Nations unies sous la direction de Bob Rae. Les tentatives de « réinventer » des alliances dignes de l'ordre du jour de l'impérialisme américain au XXIe siècle sont inacceptables. Elles existent dans la tête de ceux qui ne veulent pas accepter la réalité telle qu'elle est. Ils croient que les conditions qui ont depuis longtemps surpassé leurs jeux du XIXe siècle existent encore. Aujourd'hui, l'Afghanistan est tout aussi insaisissable qu'il l'était alors et charger dans la vallée de la Mort comme l'a fait à l'époque la Brigade légère est une voie tout aussi désastreuse aujourd'hui. Il est pitoyable que ni Justin Trudeau, ni Chrystia Freeland, ni Bob Rae n'ont appris qu'aujourd'hui le devoir n'est pas envers le Roi et le pays, il est envers les peuples du monde et envers l'environnement naturel et social. Il est envers la réalisation de la cause de paix, de liberté et de démocratie des peuples au XXIe siècle. Affronter une force de sept milliards d'humains est non seulement stupide, c'est aussi totalement irresponsable.

Notes

1. Moyenne puissance

Giovanni Botero, un maire de Milan au XVe siècle, a défini une « moyenne puissance » comme un acteur ayant suffisamment de force et d'autorité pour se suffire à lui-même sans avoir besoin de l'aide des autres. Depuis, le concept de moyenne puissance a été constamment mentionné dans le domaine des relations internationales. La « classification » des acteurs étatiques a fait l'objet de débats diplomatiques pour la première fois lors du règlement de paix des guerres napoléoniennes en 1815. C'est alors que la catégorie de moyennes puissances a été officiellement reconnue, parmi lesquelles figuraient les États allemands.

Le concept de moyenne puissance a été sérieusement examiné dans les dernières années de la Deuxième Guerre mondiale en ce qui concerne le Canada et l'Australie. Les deux pays ont essayé de trouver des moyens de renforcer leur influence en se basant sur leurs contributions aux alliés. Au début de la création des Nations unies, le premier ministre canadien Mackenzie King a insisté pour que les pays de moyenne puissance coopèrent entre eux afin d'assurer leur influence dans la société internationale et proposé le concept de « moyenne puissance » en 1944. En Australie, le ministre des Affaires extérieures Herbert Evatt a discuté du concept de moyenne puissance en vue de garantir l'intérêt national de son pays dans un nouvel ordre mondial après la Deuxième Guerre mondiale. Depuis lors, le concept de moyenne puissance est devenu une marque de commerce de la politique étrangère des deux pays.

(« A Critical Review of the Concept of Middle Power », Dong-min Shin, E-International Relations, 4 décembre 2015)

2. En 1942, le diplomate canadien Humpfrey Wrong a souligné que la société internationale devait respecter le rôle du Canada comme moyenne puissance selon trois principes fonctionnels : le degré d'implication, l'intérêt et la capacité.

Selon la perspective comportementale, un pays est une moyenne puissance s'il joue certains rôles considérés comme ceux d'une puissance moyenne ou s'il s'identifie comme tel. Le professeur Andrew F. Cooper et ses collègues ont proposé que la recherche de solutions multilatérales aux problèmes internationaux, la préférence pour des positions de compromis dans les différends internationaux et l'adoption des notions de bonne citoyenneté internationale constituent le comportement typique d'une moyenne puissance.

La troisième approche est la perspective hiérarchique qui classe et catégorise les États selon des normes relatives à leurs capacités. Elle tend à utiliser des indices statistiques pour catégoriser les pays, comme la taille du territoire, le PIB, le volume des échanges commerciaux et des réserves de devises étrangères, la population et le nombre de soldats. Les pays dotés de capacités moyennes sont regroupés en moyennes puissances; les grandes puissances et les puissances faibles peuvent être classées de la même manière.

(Ibid.)

(Archives du LML, Gouvernement du Canada, Globe and Mail, Canada-Haiti Information Project, Nations unies, E-International Relations. Photos : LML)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 81 - 7 décembre 2020

Lien de l'article:
La politique étrangère du Canada: Les agissements du Canada aux Nations unies - Steve Rutchinski et Philip Fernandez


    

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