La politique étrangère du Canada
Les agissements du Canada aux Nations unies
- Steve Rutchinski et Philip
Fernandez -
Rien de bon ne ressort de l'action du Canada aux
Nations unies où il fait activement la promotion
des définitions impérialistes des droits et cajole
les pays pour qu'ils adoptent ces définitions sous
peine de représailles des institutions
financières, militaires et politiques
impérialistes. Il participe à l'imposition d'une
restructuration des relations internationales pour
servir les intérêts de l'impérialisme américain.
Le but de la nomination de l'apologiste aguerri
de l'État anglo-canadien, Bob Rae, au poste
d'ambassadeur du Canada auprès des Nations unies
est de réaliser ces objectifs néfastes. Aucunement
découragé par son échec à obtenir un siège au
Conseil de sécurité, le Canada a annoncé la
nomination de Rae en faisant les louanges de son
rôle de champion du multilatéralisme, des droits
humains et de la paix. Un communiqué du cabinet du
premier ministre présente Bob Rae comme un
excellent choix pour continuer « de mobiliser nos
partenaires internationaux et de promouvoir les
valeurs canadiennes de paix, de liberté, de
démocratie et de droits de la personne, alors que
nous avançons dans cette période d'incertitude
mondiale ».
Les actes, cependant, éclairent ce que sont « les
valeurs canadiennes de paix, de liberté, de
démocratie et de droits de la personne » que
le Canada représente. La politique étrangère du
Canada est fondée sur la domination du monde par
le système impérialiste d'États occidentaux dirigé
par l'impérialisme anglo-américain, qui s'appuie
sur l'OTAN, son bras armé. Cette politique n'est
pas nouvelle puisqu'elle est basée sur une
réactivation narcissique de la doctrine intéressée
de « moyenne puissance » élaborée dans les
années 1940 et qui a guidé la diplomatie
canadienne au service de l'impérialisme américain
pendant la guerre froide[1].
Bob Rae est un
homme de confiance de l'impérialisme
anglo-américain. Son activité passée sur des
questions qui continuent à être préoccupantes
montrent très bien que le Canada ne vise rien de
progressiste avec cette nomination.
En 2004, Bob Rae a appuyé la participation
du Canada et de la France au coup d'État dirigé
par les États-Unis en Haïti et au renversement du
gouvernement de Jean-Bertrand Aristide élu
démocratiquement par le peuple. Avec une vraie
logique de bandit, Bob Rae a déclaré que c'était «
l'inefficacité et la corruption grossière »
d'Aristide qui ont conduit au coup d'État qui a
renversé son gouvernement et non l'intervention
criminelle des États-Unis, du Canada et de la
France.
Bob Rae est un ardent sioniste et un partisan
inconditionnel des abus de pouvoir d'Israël en
tant que puissance occupante de la Palestine.
Ennemi des droits du peuple palestinien, il a été
membre du comité directeur de la « Coalition
parlementaire canadienne de lutte contre
l'antisémitisme » formée en 2009 avec
pour objectif de saper les droits du peuple
palestinien en criminalisant et en réduisant au
silence ceux qui s'opposent aux crimes d'Israël
contre les Palestiniens en les traitant
d'antisémites.
Soulignons qu'au sujet de Gaza et des territoires
occupés, qui ont été transformés en la plus grande
prison à ciel ouvert du monde, où des crimes
contre la paix et des crimes contre l'humanité
sont commis chaque jour par l'État sioniste
d'Israël, le Canada et son ambassadeur auprès des
Nations unies sont totalement silencieux !
Qui plus est, cette année le Canada s'oppose
activement à l'enquête sur les crimes de guerre et
les crimes contre l'humanité commis par Israël
ouverte par la Cour pénale internationale. Voilà
le programme « droits de la personne » du
Canada en action !
En 2010, Bob Rae s'est rallié au
gouvernement Harper et a prôné le maintien d'une
présence militaire canadienne importante en
Afghanistan. Il s'est opposé au retrait prévu des
forces canadiennes d'Afghanistan et a appelé
Stephen Harper « à aller jusqu'au bout ».
En 2011, Bob Rae était porte-parole du Parti
libéral en matière d'affaires étrangères au
Parlement. Il a exigé un changement de régime en
Libye et a soutenu la participation du Canada aux
bombardements sauvages de l'OTAN qui ont détruit
ce pays et ont déclenché la violence,
l'instabilité et l'insécurité qui se sont depuis
propagées vers le sud, au Mali et dans tout le
Sahel.
Lorsque le président du Venezuela, Hugo Chavez,
est décédé en mars 2013, Bob Rae a
tweeté : « Nos condoléances et espoirs d'un
avenir démocratique. » Lorsque le président
Nicolas Maduro a été élu par le peuple vénézuélien
en 2013, Bob Rae a demandé à Stephen Harper
d'imposer des sanctions plus sévères au Venezuela.
En janvier 2020, il a déclaré : « Chavez
et Maduro ont terriblement abusé de leur pouvoir,
appauvri leur peuple et créé la plus grande crise
humanitaire et de réfugiés de l'histoire moderne
de l'Amérique latine. L'idéalisation de leur
régime et de leur idéologie est une honte. »
Le Canada utilise la « moyenne puissance »
et une politique étrangère de longue date en
faveur du multilatéralisme pour protéger les
intérêts de l'impérialisme anglo-américain, sous
la direction des États-Unis et avec le soutien de
la « puissance dure » de l'OTAN et en créant
au besoin des « coalitions de volontaires[2] ».
En entrevue à CTV en juillet dernier, Bob Rae a
dit : « Les bases fondamentales de notre
approche de la vie, de notre approche de la
politique, de notre approche des relations
internationales sont solides... Et je ne veux pas
nous voir jeter le bébé avec l'eau du bain. »
Le Forum international sur la sécurité de Halifax
qui s'est tenu dernièrement, que le Canada a
financé en partie et dont il a été l'hôte, a tenu
une session spéciale sur le rôle des « moyennes
puissances » dont le thème était « Go
Canada ! » Le forum a publié le « Guide
pour les démocraties » dont le titre
est : « Chine contre démocratie - Le plus
Grand Jeu ». Le « Guide » déclare :
« Alors que les États-Unis restent le leader
naturel du monde libre, les alliances et les
partenariats entre démocraties seront différents
de ceux du XXe siècle. Le plus urgent actuellement
est de réinventer des alliances démocratiques
dignes du XXIe siècle. »
Le secrétaire d'État américain Mike Pompeo, dans
son allocution à la Bibliothèque présidentielle et
au Musée Richard Nixon, l'a formulé ainsi au début
de l'été : « Le défi que pose la Chine exige
des efforts, de l'énergie de la part des
démocraties – celles d'Europe, celles d'Afrique,
celles d'Amérique du Sud, et en particulier celles
de la région indo-pacifique. [...] Nous ne pouvons
donc pas faire face seuls à ce défi. Les
Nations unies, l'OTAN, les pays du G7, le G20, nos
capacités économiques, diplomatiques et militaires
combinées sont sûrement suffisantes pour relever
ce défi si nous les utilisons avec clarté et avec
beaucoup de courage. »
Le Canada est clairement un instrument de cette
politique réactionnaire à l'ONU : «
réinventer des alliances démocratiques dignes du
XXIe siècle » aux dépens de l'ONU elle-même
si nécessaire, conspirer avec des « partenariats
internationaux » qui partagent les mêmes
objectifs pour empêcher les nations de poursuivre
leurs propres projets d'édification nationale et
transformer les forums de l'ONU en champs de
bataille contre ceux qui sont considérés comme des
rivaux, tout cela étant considéré comme normal.
Dans une entrevue accordée au Globe and Mail
le 23 octobre, Bob Rae explique ce que «
réinventer » veut dire pour le Canada :
« La souveraineté n'est pas le seul principe
reconnu dans la Charte [des Nations unies], et au
cours des 70 dernières années, nous avons
créé, non seulement la Déclaration universelle,
mais aussi un certain nombre d'institutions axées
sur les droits de la personne. » Il a accusé
la Russie et la Chine de « faire une
interprétation stricte de la Charte des Nations
unies » pour opposer la « souveraineté »
aux « droits de la personne ». Bob Rae a sans
doute à l'esprit la doctrine impérialiste de la
responsabilité de protéger que le Canada a
élaborée et que les États-Unis et l'OTAN utilisent
pour contourner la Charte des Nations unies.
Ainsi, la responsabilité de protéger a été
utilisée par le Canada pour justifier la
destruction de la Yougoslavie et de la Libye.
Peu avant le Forum d'Halifax sur la sécurité
internationale de cette année, le Canada s'est
joint à un groupe de 39 pays organisés par
les États-Unis qui a accusé la Chine de «
violations des droits de la personne » et de
« génocide » contre la minorité ouïghoure du
Xinjiang. La Grande-Bretagne a présenté une
déclaration commune à cet effet. À titre
d'ambassadeur du Canada auprès des Nations unies,
Bob Rae a déclaré qu'il ne pouvait pas prouver ces
accusations, mais a cependant demandé au Conseil
des droits de l'homme des Nations unies de faire
enquête pour voir si quelque chose pouvait être
trouvé.
L'ONU a déjà
démontré avec preuves à l'appui que le Canada
opprime les nations autochtones. Rae
soutiendrait-il une « révolution de couleur »
pour provoquer un « changement de régime » au
Canada et instiguer des opérations secrètes de
terrorisme au Canada comme cela se fait contre la
Chine ? La discussion sur les principes des
Nations unies qui reconnaît tous les pays comme
égaux, grands ou petits, sur la base de la
souveraineté, n'est tout simplement pas permise.
L'ajout de doctrines comme la responsabilité de
protéger au nom de la protection des droits
humains est une démarche pragmatique et
injustifiable qui détruit la base de principe des
relations internationales pour permettre des
crimes contre la paix.
Quant à la paix et au respect des principes de la
Charte des Nations unies, lors d'une réunion du
Conseil de sécurité le 24 octobre portant sur
la situation en Syrie, Bob Rae a totalement
déformé la vérité et accusé la Russie de prolonger
le conflit en Syrie en utilisant son veto contre
toute nouvelle intervention des États-Unis. La
guerre en Syrie a été déclenchée en violation de
la Charte des Nations unies par l'impérialisme
américain, le Canada et leurs alliés de l'OTAN.
Les bandes terroristes, protégées par l'occupation
américaine et l'OTAN, ont infligé d'énormes
dommages au peuple syrien. Cela inclut les «
casques blancs », des mercenaires militaires
privés que le Canada paie, protège et présente
comme étant une organisation humanitaire. Les
États-Unis se sont même emparés des réserves de
pétrole syriennes, mais le Canada considère que
toute discussion sur des questions de fond est
taboue. Il est passé maître dans l'art de créer
des mécanismes qui garantissent qu'aucune
discussion n'ait lieu.
Pas plus tard que la semaine dernière, le 27
novembre, plus de 70 pays ont demandé aux
Nations unies de mettre immédiatement fin aux
mesures coercitives unilatérales, c'est-à-dire aux
sanctions et aux blocus que des pays,
principalement les États-Unis, ont imposés à
d'autres pays. Ces mesures sont condamnées comme
une violation des droits humains et de la
souveraineté des nations, notamment dans le
contexte de la pandémie de la COVID-19. Le Canada
n'a cependant pas participé à cette rencontre ni
déclaré son opposition aux mesures coercitives
unilatérales.
Voilà seulement
quelques exemples parmi les plus récents de ce que
le Canada fait et prépare aux Nations unies sous
la direction de Bob Rae. Les tentatives de «
réinventer » des alliances dignes de l'ordre
du jour de l'impérialisme américain au XXIe siècle
sont inacceptables. Elles existent dans la tête de
ceux qui ne veulent pas accepter la réalité telle
qu'elle est. Ils croient que les conditions qui
ont depuis longtemps surpassé leurs jeux du XIXe
siècle existent encore. Aujourd'hui, l'Afghanistan
est tout aussi insaisissable qu'il l'était alors
et charger dans la vallée de la Mort comme l'a
fait à l'époque la Brigade légère est une voie
tout aussi désastreuse aujourd'hui. Il est
pitoyable que ni Justin Trudeau, ni Chrystia
Freeland, ni Bob Rae n'ont appris qu'aujourd'hui
le devoir n'est pas envers le Roi et le pays, il
est envers les peuples du monde et envers
l'environnement naturel et social. Il est envers
la réalisation de la cause de paix, de liberté et
de démocratie des peuples au XXIe siècle.
Affronter une force de sept milliards d'humains
est non seulement stupide, c'est aussi totalement
irresponsable.
Notes
1. Moyenne puissance
Giovanni Botero, un maire de Milan au XVe siècle,
a défini une « moyenne puissance » comme un
acteur ayant suffisamment de force et d'autorité
pour se suffire à lui-même sans avoir besoin de
l'aide des autres. Depuis, le concept de moyenne
puissance a été constamment mentionné dans le
domaine des relations internationales. La «
classification » des acteurs étatiques a fait
l'objet de débats diplomatiques pour la première
fois lors du règlement de paix des guerres
napoléoniennes en 1815. C'est alors que la
catégorie de moyennes puissances a été
officiellement reconnue, parmi lesquelles
figuraient les États allemands.
Le concept de moyenne puissance a été
sérieusement examiné dans les dernières années de
la Deuxième Guerre mondiale en ce qui concerne le
Canada et l'Australie. Les deux pays ont essayé de
trouver des moyens de renforcer leur influence en
se basant sur leurs contributions aux alliés. Au
début de la création des Nations unies, le premier
ministre canadien Mackenzie King a insisté pour
que les pays de moyenne puissance coopèrent entre
eux afin d'assurer leur influence dans la société
internationale et proposé le concept de « moyenne
puissance » en 1944. En Australie, le
ministre des Affaires extérieures Herbert Evatt a
discuté du concept de moyenne puissance en vue de
garantir l'intérêt national de son pays dans un
nouvel ordre mondial après la Deuxième Guerre
mondiale. Depuis lors, le concept de moyenne
puissance est devenu une marque de commerce de la
politique étrangère des deux pays.
(« A Critical Review of the Concept of Middle
Power », Dong-min Shin, E-International
Relations, 4 décembre 2015)
2. En 1942, le
diplomate canadien Humpfrey Wrong a souligné que
la société internationale devait respecter le rôle
du Canada comme moyenne puissance selon trois
principes fonctionnels : le degré
d'implication, l'intérêt et la capacité.
Selon la perspective comportementale, un pays est
une moyenne puissance s'il joue certains rôles
considérés comme ceux d'une puissance moyenne ou
s'il s'identifie comme tel. Le professeur Andrew
F. Cooper et ses collègues ont proposé que la
recherche de solutions multilatérales aux
problèmes internationaux, la préférence pour des
positions de compromis dans les différends
internationaux et l'adoption des notions de bonne
citoyenneté internationale constituent le
comportement typique d'une moyenne puissance.
La troisième approche est la perspective
hiérarchique qui classe et catégorise les États
selon des normes relatives à leurs capacités. Elle
tend à utiliser des indices statistiques pour
catégoriser les pays, comme la taille du
territoire, le PIB, le volume des échanges
commerciaux et des réserves de devises étrangères,
la population et le nombre de soldats. Les pays
dotés de capacités moyennes sont regroupés en
moyennes puissances; les grandes puissances et les
puissances faibles peuvent être classées de la
même manière.
(Ibid.)
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 81 - 7 décembre 2020
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La politique étrangère du Canada: Les agissements du Canada aux Nations unies - Steve Rutchinski et Philip
Fernandez
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