Le refus du gouvernement Trudeau de présenter
une nouvelle direction pour l'économie

L'énoncé économique de l'automne ouvre la voie à plus d'endettement, d'appauvrissement et d'insécurité

Le 30 novembre, le Parti libéral cartellisé au pouvoir a présenté au Parlement son Énoncé économique d'automne dans lequel la ministre des Finances et vice-première ministre Chrystia Freeland annonce le maintien de programmes tels que le soutien aux loyers commerciaux pour les entreprises et l'augmentation à 75 % de la subvention salariale aux employeurs pour leurs travailleurs. Il prévoit aussi une subvention supplémentaire pouvant atteindre 100 % du salaire minimum pour les entreprises qui embauchent des jeunes. Le gouvernement prétend que ces paiements aux entreprises aident les travailleurs à trouver de l'emploi mais il de donne aucune preuve de cela.

Le prix combiné de ce que le gouvernement appelle les programmes de relance à court terme sur trois ans est estimé à environ 110 milliards de dollars. Les dépenses fédérales prévues feront passer le déficit budgétaire annuel à 381,6 milliards de dollars en 2021, avec des déficits cumulés supplémentaires de 270 milliards de dollars d'ici 2026. Les dépenses comprennent 100 milliards de dollars supplémentaires pour lesquels aucun détail n'a été donné.

Avec les déficits annuels projetés, la dette fédérale dépassera bientôt 1 000 milliards de dollars à laquelle il faut ajouter un autre billion de dollars pour la dette du Québec et des provinces. Les déficits accumulés sont dus à des emprunts publics sans précédent auprès de prêteurs institutionnels mondiaux. Les emprunts publics auprès de prêteurs privés sont une pratique particulièrement onéreuse de la politique de payer les riches dont les Canadiens devraient exiger l'abolition. Elle devrait être remplacée par l'emprunt de l'État à lui-même. L'énorme dette envers les oligarques mondiaux, qui reçoivent des intérêts composés sur le montant emprunté, a déjà suscité des menaces dans les médias et les groupes de réflexion impérialistes d'importantes compressions antisociales pour faire payer le peuple une fois la pandémie surmontée.

Garde d'enfants, assurance-médicaments et soins de longue durée

Deux programmes sociaux que, selon les rumeurs, le gouvernement libéral devait mettre en place ne se sont pas matérialisés dans le document officiel : le système d'apprentissage et de garde des jeunes enfants (ou système fédéral de garderie universel) et l'assurance-médicaments. Il convient de noter que l'énoncé de politique d'un programme universel de garde d'enfants est associé au Parti libéral depuis son « livre rouge » de promesses électorales de 1993. Au lieu d'une stratégie nationale en matière de garde d'enfants, Chrystia Freeland semble avoir voulu s'attirer les faveurs du Québec en disant que le gouvernement fédéral utiliserait le système québécois comme modèle. Elle a cependant omis de dire que ce système dit universel souffre d'un important manque de places pour combler les besoins des familles qui y ont droit. De plus, les travailleuses en garderie au Québec protestent depuis très longtemps contre leurs conditions de travail et leurs salaires inadéquats. C'est typique d'un gouvernement dont les déclarations, les conclusions et les décisions ne sont jamais corroborées par des faits.

En ce qui concerne la situation désespérée à laquelle sont aux prises les travailleurs et les résidents des établissements de soins de longue durée du Canada, le président national du Syndicat canadien de la fonction publique, Mark Hancock, souligne que l'offre faite par le gouvernement d'un milliard de dollars pour les provinces afin de renforcer le contrôle des infections et accroître les stocks d'ÉPI pour ces établissements est en fait une subvention aux exploitants de ces établissements, principalement des entreprises privées. « Il s'agit d'une autre annonce décousue qui souligne l'absence décevante de progrès vers la réalisation de la promesse fédérale d'adopter des normes nationales pour ce secteur », a souligné Mark Hancock.

En fait, cet argent fédéral pour la santé qui « vient avec des conditions » est contraire à Loi constitutionnelle de 1867 qui stipule que la santé est une responsabilité provinciale. Le Bloc Québécois et certains chefs de partis cartellisés provinciaux considèrent que les « conditions attachées » à l'offre d'un milliard de dollars pour les soins de longue durée sont une provocation. Ils veulent plutôt une augmentation générale du Transfert canadien en matière de santé, pour atteindre au moins 33 % des dépenses totales de santé du pays. L'offensive d'austérité antisociale menée par le gouvernement fédéral depuis des décennies, qui a réduit les dépenses de santé en proportion de la population et des besoins des Canadiens, a fait passer le transfert pour la santé de 50 % des dépenses totales à environ 22 %.

L'énoncé économique ne révèle pas l'ampleur de la crise et la nécessité d'une nouvelle direction

Le gouvernement fédéral décrit son énoncé économique comme un « portrait instantané » de l'économie, mais il n'essaie même pas de révéler et de soumettre à la discussion ou à l'analyse les conditions réelles auxquelles les Canadiens font face et la nécessité d'arrêter de payer les riches et d'augmenter les investissements dans les programmes sociaux.

Pour les travailleurs, la situation reste précaire, tant pour ceux au travail que pour les chômeurs, qui sont nombreux à avoir du mal à joindre les deux bouts. De nombreux Canadiens qui travaillent sont confrontés à des difficultés liées à la pandémie au travail et dans leur vie quotidienne. Les gouvernements et les employeurs refusent de mobiliser la classe ouvrière dans une action collective pour se défendre et défendre la société contre la pandémie et pour vaincre la pandémie. Ce refus a rendu la situation particulièrement difficile pour les travailleurs de première ligne dans les secteurs de la santé, de l'éducation, des transports en commun et de l'agriculture, en particulier pour les milliers de travailleurs agricoles migrants, et dans les secteurs où les travailleurs sont à proximité les uns des autres.

Selon Statistique Canada, le nombre de chômeurs est resté élevé en septembre : 1,8 million de travailleurs cherchaient du travail et n'en ont pas trouvé et 580 000 autres chômeurs attendent un signe d'amélioration de la situation pour vendre leur capacité de travail avant de chercher activement du travail. Le nombre de travailleurs ayant quitté la population active pour diverses raisons continue de demeurer élevé, en particulier chez les femmes.

Selon Statistique Canada, les travailleurs à bas salaire, ceux qui gagnent moins de 16 dollars l'heure, ont été particulièrement touchés par cette crise et continuent d'avoir de la difficulté à trouver du travail. L'emploi chez les jeunes de 15 à 24 ans reste plus éloigné de la reprise que les autres grands groupes d'âge. En septembre, le taux d'emploi parmi les jeunes femmes était encore inférieur de 10,4 % au niveau de février 2020 et celui des jeunes hommes de 10,2 %.

Huit millions neuf cent mille Canadiens ont reçu une allocation de 500 dollars par semaine de la Prestation canadienne d'urgence (PCU), qui a débuté au printemps dernier et s'est terminée le 3 octobre. Cette allocation est maintenant terminée, mais de nombreux Canadiens ont encore des difficultés à gagner leur vie, y compris ceux qui sont considérés comme des travailleurs indépendants. Selon Statistique Canada, « la reprise relativement lente du travail autonome – et le nombre d'heures travaillées par les travailleurs autonomes canadiens – se reflète dans le profil des personnes qui reçoivent des paiements de soutien liés à la COVID-19. En septembre, un prestataire de la PCU sur cinq (21,8 %) était un travailleur autonome ou avait été un travailleur autonome au cours des 12 derniers mois. La proportion de prestataires de la PCU vivant au sein de ménages ayant de la difficulté à assumer ses dépenses nécessaires a augmenté pour atteindre 42,0 %, en hausse de 4,3 points de pourcentage par rapport à août. »

L'itinérance, la pauvreté et l'insécurité alimentaire ont toutes augmenté pendant la crise, sans réel assouplissement à l'horizon. Cela s'ajoute aux tragédies personnelles de nombreuses personnes qui ont directement souffert ou sont décédées à cause de la crise sanitaire et de l'épidémie d'opioïdes qui se poursuit en parallèle.

Selon l'énoncé économique du gouvernement, les investissements des entreprises privées se sont considérablement effondrés. La réduction de la demande de biens et de services a laissé certaines entreprises avec une capacité inutilisée, y apprend-on. Les intentions d'investissement des entreprises privées pour l'année fiscale ont chuté de 180 à 140 milliards de dollars. Ce montant est inférieur de 60 milliards de dollars au pic d'investissement privé de 200 milliards de dollars atteint juste avant l'effondrement des prix du pétrole en 2014.

La crise économique a engagé l'économie dans un déclin, tout comme les crises de 2008 et 2014. Une fois la pandémie passée, l'économie devrait stagner et connaître une croissance minimale d'environ 1,4 % par an, cette faible croissance provenant presque exclusivement de la stimulation de l'immigration et de l'augmentation de la demande et du temps de travail supplémentaire et de la valeur apportée par les nouveaux arrivants.

Dans cette situation, les entreprises privées exigent des gouvernements des programmes pour payer les riches et des investissements dans les pouvoirs de police et l'économie de guerre pour servir les desseins d'hégémonie mondiale de l'impérialisme américain, ce qui a pour effet de siphonner les fonds publics des programmes sociaux et des investissements centrés sur l'humain. On peut le voir dans les partenariats public/privé pour payer les riches afin de construire des infrastructures pour ce que l'élite dirigeante qualifie de projets « verts » et les corridors de transport militarisés qui facilitent l'extraction de minéraux stratégiques du Canada pour approvisionner les forces armées américaines. 

Ne laissons pas l'élite dirigeante écarter la discussion sur une
nouvelle direction pour l'économie

Les partis cartellisés au gouvernement sont unis dans leur opposition à la recherche d'une nouvelle direction pour l'économie basée sur un programme pour arrêter de payer les riches, augmenter les investissements dans les programmes sociaux et développer et construire un vaste réseau d'entreprises centrées sur l'humain dont le but explicite est de servir le peuple, l'économie et la société et non les intérêts privés de l'oligarchie. La direction actuelle qui consiste à acheminer un paquet d'argent aux riches et à leurs entreprises s'est avérée être un échec en pratique.

L'élite dirigeante qui est dans les gouvernements, les médias et les groupes de réflexion est obsédée par la défense du statu quo du privilège de classe et de l'immense richesse de quelques-uns. Au lieu de verser l'argent public dans les mains privées des riches, beaucoup se demandent pourquoi ne pas entamer une discussion au moins sur une nouvelle direction avec pour but explicite de servir le peuple. La classe ouvrière est prête pour autre chose que cette économie en crise. Certains, même dans le secteur des petites entreprises, seraient prêts à discuter d'une nouvelle direction où leurs talents et leur énergie pourraient être canalisés vers quelque chose de constructif et de stable, tant pour eux-mêmes que pour l'économie et le peuple, une direction qui s'attaquerait aux nombreux problèmes qui accablent le pays, son économie et son environnement social et naturel.

Peu de gens seraient en désaccord avec le fait que le pays a besoin de centres d'éducation préscolaire universels, un système de santé et d'éducation universel, meilleur et véritablement gratuit pour tous, qu'il faut répondre aux besoins en logements et renforcer les autres programmes et services sociaux. Pourquoi ne pas verser les milliards de dollars actuellement consacrés aux stratagèmes pour payer les riches et à l'économie de guerre des États-Unis dans la création d'entreprises centrées sur l'humain dans des endroits stratégiques des grandes villes et dans toutes les villes de petite et moyenne taille ? Ces entreprises centrées sur l'être humain et responsables devant le peuple se consacreraient à la résolution des problèmes sociaux et naturels, à la réalisation de l'autosuffisance économique et à la satisfaction des besoins et de la sécurité de tous et toutes.

Les entreprises centrées sur l'humain pourraient être construites comme un type de campus, avec des installations d'apprentissage de la petite enfance jusqu'à la douzième année, des centres de soins de longue durée, des collèges et universités postsecondaires, des installations récréatives et culturelles pour tous les âges avec des cafétérias centralisées où des chefs cuisiniers réputés connaissent tous les styles et types d'aliments. Le campus pourrait être relié aux transports en commun assistés par des applications et à la distribution de manière coordonnée avec les résidents voisins. Les enfants, les travailleurs et les aliments cuits pourraient être transportés en toute sécurité chaque jour du campus vers les logements de la région de manière organisée.

Les campus pourraient être associés à des entreprises de fabrication centrées sur l'humain et responsables devant le peuple, chargées de produire des produits essentiels et d'autres biens de manière autonome, afin de reverser la nouvelle valeur produite par les travailleurs dans la région et l'économie régionale et de commercer avec d'autres régions dans tout le Canada et dans le monde entier pour l'avantage réciproque, l'amitié et le développement.

Les problèmes doivent être abordés tels qu'ils se présentent et une discussion approfondie doit être engagée pour bâtir une opinion publique favorable à une nouvelle direction qui résout les problèmes. Les partis politiques cartellisés et les riches qui ne veulent pas que leurs privilèges de classe et le statu quo soient perturbés ne doivent pas être autorisés à écarter la discussion parmi le peuple sur une nouvelle direction et les mesures pratiques nécessaires à prendre.

Le problème clé qui existe actuellement est d'ordre politique, à savoir la marginalisation institutionnelle et constitutionnelle du peuple. L'ancien doit faire place au nouveau, tel doit être le nouveau slogan en toute chose. Le système politique actuel, dépassé et dominé par les partis cartellisés et les médias impérialistes, bloque la discussion et tout mouvement vers un renouveau démocratique. Les travailleurs doivent s'attaquer à ce problème de marginalisation politique de manière organisée, avec une conscience claire et des actions déterminées, avec des analyses qui construisent l'opinion publique en faveur d'un renouveau constitutionnel et institutionnel qui favorise le peuple. Fini l'ancien ! Allez vers le nouveau avec confiance dans votre capacité à relever les défis !

Les Canadiens doivent dénoncer et rejeter avec mépris les déclarations qui engourdissent les esprits, qui détruisent la discussion, qui détournent l'attention et répandent les platitudes et les énoncés de politiques vides de sens du gouvernement Trudeau et des autres partis cartellisés. Ils rendent un bien mauvais service au peuple et empêchent d'ouvrir une voie vers l'avenir. Une société moderne mérite mieux et exige mieux.

Le peuple lui-même doit façonner le monde moderne en toute conscience. Il doit adopter la devise d'apprendre la guerre par la guerre et pour cela, il faut ouvrir une voie de discussion et d'action avec des analyses qui rejettent tout ce qui est moribond, décrépit et corrompu. Assez de ces crises économiques récurrentes, de ces problèmes sociaux et naturels croissants et d'un blocage politique qui empêche le peuple d'agir dans son propre intérêt. Les travailleurs doivent continuer de défier les riches oligarques et leurs vassaux serviles en maintenant haut levée leurs revendications de ce qui leur appartient de droit et en n'acceptant rien de moins.

Le renouveau démocratique est à l'ordre du jour. Prenez vos responsabilités dès maintenant ! Les problèmes peuvent être résolus ; l'économie socialisée moderne peut être mise au service du peuple sans crise ni guerre ! L'environnement social et naturel peut être humanisé !

Le temps est venu de s'organiser, de discuter et de se battre pour une nouvelle direction de l'économie et de la politique ! Cela peut être fait !

(Photos : LML)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 80 - 5 décembre 2020

Lien de l'article:
Le refus du gouvernement Trudeau de présenter: L'énoncé économique de l'automne ouvre la voie à plus d'endettement, d'appauvrissement et d'insécurité - K. C. Adams


    

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