Lettre ouverte de la famille Williams


Marche pour la restitution du territoire à Toronto, le 9 octobre 2020

Il y a environ cent ans, en 1927, alors que les Premières Nations mettaient de l'avant de plus en plus de revendications territoriales, le gouvernement fédéral amendait la Loi sur les Indiens et rendait illégal pour quiconque de faire des collectes de fonds pour la représentation par avocat des peuples des Premières Nations. Il devenait aussi illégal pour tout avocat plaidant de représenter une personne des Premières Nations dans une procédure judiciaire. La sanction pour une telle activité était une amende et/ou l'emprisonnement.

Alors que le peuple haudenosaunee continue de lutter contre le pillage colonial des terres de part et d'autre des berges de la rivière Grand, le gouvernement continue de criminaliser notre résistance.

Aujourd'hui, nous pouvons avoir recours à un avocat et faire des revendications territoriales en vertu de la loi canadienne. Mais maintenant les injonctions des tribunaux autorisent ceux qui veulent nos terres à venir s'en accaparer en toute légalité, tandis que nous sommes forcés de nous engager dans de longues et onéreuses procédures judiciaires. On ne peut pas dire que c'est un progrès. Lorsque nous, les défenseurs de la terre des Haudenosaunee et nos alliés, devons défier des injonctions afin de protéger nos territoires, nous sommes arrêtés, accusés et menacés d'incarcération. C'est toujours un crime de lutter pour nos terres, mais nous nous battons toujours. La criminalisation de la défense des terres vise à diviser les familles, les nations et les alliés afin de nous faire taire et de nous soumettre. Sachant ce qui en est, le maire de Caledonia, Ken Hewitt, a publiquement applaudi la police pour nous avoir « tenu tête » en arrêtant et en accusant notre famille pour avoir participé à la défense de la terre 1492. Hewitt a dit qu'il anticipait d'autres arrestations des membres de notre famille et a conseillé aux tribunaux de nous garder en prison.

C'est particulièrement alarmant puisque ces propos de Ken Hewitt ont été tenus quelques semaines après les commentaires et les recommandations de la Commission des services policiers de Haldimand à l'effet que la Police provinciale de l'Ontario (PPO) réévalue sa « Politique des incidents autochtones graves » – celle-ci ayant été conçue pour éviter les décès parmi les autochtones durant les conflits territoriaux. Ken Hewitt n'a pas condamné ces propos extrêmement préoccupants de sa Commission des services policiers.

Nos enfants entendent ces mots et s'inquiètent avec raison pour notre sécurité et la leur. Ils veulent que les résidents de Caledonia et le peuple canadien réfléchissent aux impacts de la criminalisation de la défense des terres sur nos familles autochtones. En tant qu'héritières de nos actions collectives, nos enfants – Nora, Lola et Makiyah – s'expriment sur ce qu'elles voient et nous les écoutons. La véritable attaque contre notre famille est l'assaut constant contre nos terres, notre culture et notre communauté haudenosaunee, et les attaques personnelles des politiciens nous rappellent que nous devons puiser la force dans notre lutte collective pour la paix.

Kahsenniyo et Skyler Williams

Nora Williams, 18 ans

Mon nom est Nora Williams, et Kahsenniyo et Skyler sont mes parents. J'aimerais aborder les propos récents tenus par le maire du comté de Haldimand, Ken Hewitt, en particulier qu'il « continuera d'appuyer les efforts de l'PPO et de les applaudir pour nous avoir tenu tête, entre autres, en arrêtant les membres de la famille de Skyler Williams ». Je n'apprécie pas être attaquée de cette façon. Essayer de convaincre les forces policières de cibler le partenaire, les aînés et les filles adolescentes du porte-parole des défenseurs de la terre est un acte lâche. Que ce soit parce que vous tentez de mettre la pression sur mon père, ou que vous avez simplement décidé d'ignorer les droits humains fondamentaux, je ne comprends vraiment pas. Si vous êtes si désespéré à vouloir que nous agissions comme des « Canadiens » et que nous ne nous soucions pas de nos terres et traditions, quel est donc votre propre code moral en tant que représentant du gouvernement canadien ?

Plutôt que de chercher à comprendre, vous avez opté pour la force. Plutôt que la raison, vous avez choisi des tactiques sournoises et violentes. Plutôt que défendre les droits fondamentaux, vous avez choisi d'essayer d'élargir le pouvoir que vous avez pour tenter honteusement de pousser les agents de l'OPP à cibler les aînés et les enfants. Plutôt que de remettre en cause notre droit à la terre, vous devriez remettre en cause votre propre droit à la terre. Ce genre d'attaques ne changera pas mes opinions ni mes actions à la défense de ma terre et de mes traditions.

Lola Williams, 14 ans

Mon nom est Lola Williams – Skyler Williams est mon père. Il est un défenseur de la terre depuis aussi longtemps que je me souvienne. Moi et mon père avons toujours été très proches l'un de l'autre. Toute ma famille a toujours été très proche. Je suis fière de mes deux parents. Mais en ce moment, après avoir lu les recommandations de la Commission des services policiers de Haldimand, et plus tard, de voir Ken Hewitt applaudir la PPO d'avoir arrêté ma mère, et de les encourager à traquer les autres membres de ma famille, j'ai peur. J'ai peur de ce qui peut arriver à mes grands-parents, ma soeur et moi. Je fréquente l'école à Caledonia. La PPO s'est installée de l'autre côté de la rue devant mon école. Ce sont les mêmes personnes qui ont tiré des coups de feu en direction de mon père et arrêté ma mère lorsqu'elle était seule. Maintenant, je vois la police à chaque fois que je regarde par les fenêtres de l'école ou que je vais dîner. À chaque fois que je sors des portes de l'entrée principale de l'école, je vois tous ces hommes blancs armés de fusils et qu'on encourage à me cibler, moi et ma famille. Je suis tellement déçue que le maire du comté où je vais à l'école choisisse de proférer de tels propos haineux et dangereux pour les inciter à cibler des adolescentes et mes grands-parents aînés.

Makiyah Williams, 16 ans

Mon nom est Makiyah, je suis la fille de Skyler et de Kahsenniyo. J'écris cette lettre parce que j'aimerais aborder les propos tenus par le maire du comté de Haldimand, Ken Hewitt. Ces propos sont mauvais et racistes. Je suis une jeune autochtone des Six Nations. C'était bouleversant et répugnant d'entendre de tels propos affreux et racistes. Comment se peut-il que Caledonia soit représenté par quelqu'un qui a ouvertement ciblé mes parents et applaudi la PPO parce qu'ils ont arrêté ma mère ? Hewitt met notre famille en danger, sans en comprendre les répercussions sur mes parents, mes grands-parents, mes soeurs et la génération à venir. Expliquez-moi en quoi c'est correct ?

En tant qu'étudiante à Caledonia, je suis en danger d'être ciblée et menacée. Toute menace contre ma famille est une menace contre moi et mes soeurs. Cela brise le coeur et est d'une grande tristesse que des politiciens aient applaudi lorsque ma mère a été arrêtée parce qu'elle assumait ses responsabilités haudenosaunee en tant que femme mohawk. Imaginez que c'est votre famille qui est ciblée : comment vous sentiriez-vous ? C'est tellement difficile de constamment s'inquiéter de ce qui va arriver d'une minute à l'autre, de s'inquiéter pour la sécurité de mes soeurs. Notre peuple sait comment on se sent, et nos responsabilités nous guideront toujours dans nos actions, même lorsque nous avons peur.

(Yellowhead Institute, 28 octobre 2020. Photos : N.G. Farreal, S. Williams)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 79 - 2 décembre 2020

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