La logique coloniale derrière le raisonnement juridique

Karl Dockstader, un membre de la nation Oneida de la Thames, journaliste et coanimateur de « One Dish, One Mic », une émission à CKTB 610 AM à Niagara, fournit l'information de base suivante sur la cause du peuple haudenosaunee devant les tribunaux, sur 1492 Land Back Lane et le vol colonial de leurs terres sur la rivière Grand :

« 'Le raisonnement juridique du juge Harper pour faire pencher la prépondérance des inconvénients du côté du promoteur est inspiré des commentaires du juge Robert J. Sharpe, dans un texte de droit canadien de 2019 : 'Les droits de propriété sont sacro-saints... la prépondérance des inconvénients et d'autres questions devront peut-être s'estomper devant la sacro-sainteté des droits de propriété en matière d'entrée non autorisée sur une propriété privée.'

« Les droits autochtones sont protégés par la Constitution canadienne. Les droits de propriété au Canada ne sont pas protégés par la Constitution du Canada, mais ils sont perçus comme tellement primordiaux à l'identité et à la richesse canadiennes qu'ils sont très bien protégés.

« Il ne s'agit pas là d'un précédent. La sacro-sainteté canadienne des droits de propriété a tellement d'importance dans les audiences sur les mesures injonctives qu'elle l'emporte sur toute autre considération face aux trois critères pour l'octroi d'une injonction interlocutoire. Les critères pour une injonction permanente sont différents.

« Une injonction permanente [...] est en effet l'étape à laquelle la cour détermine si la terre appartient au promoteur.

« Le juge Harper a nommé Skyler Williams comme seul représentant de la défense de 1492 Land Back Lane – malgré les objections de M. Williams – et lui a ordonné de faire libérer le terrain. Le juge Harper n'entendra aucun des argumentaires liés à la constitution à moins que le peuple haudenosaunee et ses alliés ne quittent la propriété en litige, a-t-il affirmé en cour.

[...]

« La cour, les conflits et la 'réconciliation'

« Cette année, des causes hautement médiatisées de droits autochtones en raison de la victoire historique des Sipekne'katik devant les tribunaux et d'une victoire juridique historique des Wet'suwet'en ont fait les manchettes précisément parce que ces décisions des tribunaux ne se sont pas traduites en législation ou en politique qui fait respecter les droits affirmés dans ces causes. Les pêcheurs mi'kmaq et le peuple wet'suwet'en ont fait des démarches juridiques formelles, ont connu un certain degré de succès via le système des tribunaux, mais leurs droits ont tout de même été bafoués.

« La juge Marguerite Church de la Cour suprême de la Colombie-Britannique a accordé à Coastal Gaslink une injonction provisoire pour expulser les défenseurs de la terre wet'suwet'en en 2018. Après six mois de réflexion, son honneur a décidé en 2019 de bonifier l'injonction de provisoire à interlocutoire. La juge Church a tenu très peu compte du droit autochtone et a clairement statué qu'une barricade n'était pas une pratique ancestrale.

« Les droits issus des traités des pêcheurs mi'kmaq ont été affirmés par la Cour suprême du Canada en 1999. Les pêcheurs mi'kmaq ont gagné leur cause devant les tribunaux comme quoi ils avaient le droit inhérent de subvenir à leurs besoins par la pêche. La cour a reconnu le droit, mais a souligné l'importance de la négociation, refusant de proposer une solution.

« Pêches et Océans Canada (POC) a été autorisé par les tribunaux à limiter la pêche. Il s'est servi de ce pouvoir pour limiter la pêche autochtone sans définir ces limites pour qu'elles respectent leurs droits inhérents, selon les pêcheurs mi'kmaq. Vingt-et-un ans après la décision des tribunaux, le gouvernement des Sepekne'katik a commencé à gérer son propre système. L'assaut violent par les pêcheurs non autochtones a exacerbé les conséquences de l'inaction de POC et montré le danger qui existe lorsque les politiques qui reflètent les décisions judiciaires ne sont pas mises en pratique.

« S'il y a des différences importantes dans la lutte pour les droits autochtones des défenseurs de la terre wet'suwet'en, sipekne'katik et haudenosaunee, ce qu'elle a peut-être en commun c'est que la terre et les droits sur papier sont beaucoup plus difficiles à mettre véritablement en pratique.

« Qu'en est-il de l'obligation de consulter ?

« En 2004, la Cour suprême du Canada a décidé, à la suite du procès dans la cause de la Nation Haïda c. la Colombie-Britannique, que la Couronne avait l'obligation de consulter. Le juge Harper s'est référé à cette cause dans sa décision de changer l'injonction de provisoire à interlocutoire : 'La connaissance d'une réclamation crédible quoique non prouvée suffit pour invoquer l'obligation de consulter et d'accommoder. Le contenu de cette obligation, cependant, varie selon les circonstances.'

« Le juge Harper a ensuite décidé dans cette cause qu' 'il n'est pas possible de différencier entre des réclamations vagues, des réclamations d'une cause fortement prima facie et des réclamations établies lorsque ceux qui ont décidé de passer à l'action refusent de s'engager dans le processus judiciaire.'

« Dans son jugement sur l'injonction interlocutoire, son Honneur le juge établit une chronologie qui débute avec l'achat antérieur des terrains en 2003 et prend fin avec l'achat actuel de 176 maisons. Le juge Harper souligne que ce n'est qu'à la fin du processus que les défenseurs de la terre ont commencé 'à passer à l'action autonome accompagnée de violence '.

« En dépit de la complexité de la caractérisation, par le juge Harper, de l'interaction entre la police et les peuples autochtones de violence de la part des défenseurs de la terre, il y a eu des consultations publiques documentées. Bien que les consultations n'aient pas attiré beaucoup de monde, la majorité des membres des Six Nations qui y ont participé se sont opposés à toute forme de développement sur cette propriété.

« La consultation équitable en vertu de la Proclamation Haldimand est une autre histoire complexe où s'entrecroisent la loi, l'histoire des Six Nations et les relations de nation à nation. Le Conseil de bande des Six Nations et les dirigeants traditionnels de la Confédération haudenosaunee affirment sans équivoque qu'ils jugent que la façon dont la terre a été transférée du peuple haudenosaunee aux peuples non autochtones est complètement inéquitable.

« Le 1492 Land Back Lane est situé de l'autre côté du chemin où se trouve Kanonhstaton, un terrain qui en 2006 a été réclamé par les promoteurs qui tentaient de faire du développement urbain intensif à l'entrée de la réserve des Six Nations. La dynamique politique a changé depuis la réclamation de 2006, mais la réclamation sous-jacente non résolue des Six Nations à la justice et leur désir de reprendre la terre n'a pas changé. »

(Sources : Karl Dockstader. Photos : S.D. Donald, Land Back 1492)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 79 - 2 décembre 2020

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