Disons Non! à la criminalisation des défenseurs de la terre des Six Nations

Les injonctions ne peuvent dissuader les Haudenosaunee d'affirmer leur souveraineté

Le 19 juillet 2020, les défenseurs de la terre des Six Nations (Haudenosaunee) de la rivière Grand à Caledonia, à environ 100 kilomètres au sud-ouest de Toronto, ont bloqué le chantier de construction du développement immobilier de McKenzie Meadows et ont repris la terre de ce territoire haudenosaunee non-cédé. Ils l'ont renommée 1492 Land Back Lane et depuis continuent leur occupation pour affirmer leur souveraineté malgré l’escalade de la violence de l'État canadien.

Les défenseurs de la terre occupent la propriété pour arrêter un développement immobilier pour lequel il n'y a pas de consentement libre, préalable et éclairé des Haudenosaunee. Les occupants disent que si le promoteur procédait au développement, cela détruirait effectivement la capacité de résoudre le litige sous-jacent aux terres. Foxgate Development avait d'abord demandé une injonction à la Cour supérieure de l'Ontario exigeant que les défenseurs de la terre se retirent. Le 31 juillet, une injonction provisoire a été accordée par le juge John R. Harper. Le 25 août, l'injonction est passée de provisoire à interlocutoire, un niveau plus élevé, et le 22 octobre, l'injonction est devenue permanente. Le juge Harper a accordé l'injonction sans entendre la preuve des Haudenosaunee concernant leur revendication territoriale.

Lors d'un reportage d'APTN News sur l'audience tenue le 22 octobre pour accorder l'injonction, Brett Forester a expliqué que la personne désignée par le tribunal comme l'unique dirigeant de l'occupation et l'accusé dans l'affaire, Skyler Williams, a tenté de poser une question constitutionnelle et a demandé que la province et la Couronne fédérale soient désignées comme tierces parties à l'audience.

Skyler Williams a déposé un affidavit le 20 octobre dans lequel il soutient que la Couronne, et non lui, devrait être tenue responsable de dommages-intérêts pour avoir manqué à son obligation de consulter la communauté au sujet du projet de construction résidentielle sur les terres contestées. L'affidavit dit : « La plainte est que la Couronne est responsable de ces dommages et de tout autre dommage en raison de sa négligence en ne s'assurant pas que l'obligation de consulter a été remplie sur des terres dont elle sait qu'elles sont légitimement contestées par les peuples des Six Nations. »

Le juge a refusé d'entendre l'argumentation, déclarant Williams coupable d'outrage et donc non « autorisé à participer ». Il a ajouté : « Toute plaidoirie qu'il a déposée – que je n'ai pas vue, mais je comprends qu'il dépose une motion de défense et une demande reconventionnelle – sera radiée du procès-verbal. »

Auparavant, pour statuer sur l'injonction interlocutoire, le juge Harper avait utilisé un test en trois parties – appelé le test RJR MacDonald. Après avoir examiné si la cause de Foxgate était fondée, il a décidé si le préjudice causé par le refus d'accorder l'injonction serait irréparable. Il a statué que ces normes étaient satisfaites et a examiné qui serait le plus lésé si l'injonction était accordée – une considération appelée la prépondérance des inconvénients. On pourrait penser que cela conduirait à une décision en faveur des peuples autochtones, ceux qui ont une revendication territoriale, car le développement de la terre éliminerait effectivement leur juste revendication. Cependant, comme le souligne une étude de 2019 du groupe de réflexion autochtone du Yellowhead Institute, 81 % des injonctions demandées par des entreprises et des intérêts privés contre des peuples autochtones qui défendent des revendications territoriales sont accordées par les tribunaux canadiens, comme ce fut le cas avec les injonctions accordées à Coastal GasLink contre les Wet'suwet'en dans le nord de la Colombie-Britannique, par exemple.



Une délégation de la Fédération du travail de l'Ontario et du Syndicat canadien de la fonction publique, section de l'Ontario se joint aux défenseurs de la terre à Caledonia, le 25 octobre 2020.

Selon un reportage paru le 29 octobre, dans le Hamilton Spectator la subdivision de McKenzie Meadows devait être « le premier volet d'un développement immobilier beaucoup plus important qui s'étendrait jusqu'à la frontière des Six Nations de la rivière Grand, la plus grande réserve des Premières Nations au Canada sur le plan démographique ».

Malgré les tentatives de Foxgate pour gagner de l'appui à leur développement, la grande majorité des résidents du territoire des Six Nations s'y oppose. Le 15 août, les chefs héréditaires ont déclaré : « Le Conseil des chefs de la Confédération Haudenosaunee s'oppose à ce développement et, en tant que détenteur des droits collectifs du peuple haudenosaunee, n'a accordé aucun type de consentement qui permet la poursuite de ce développement. ».

La violence d'État de la police, des tribunaux et du gouvernement a été déployée contre la juste lutte des défenseurs de la terre haudenosaunee. À ce jour, 33 Haudenosaunee et leurs alliés ont été arrêtés et certains ont été inculpés par la Police provinciale de l'Ontario (PPO) le 5 août lorsque 100 agents de l'PPO armés de pied en cap ont envahi le territoire souverain des Haudenosaunee et ont utilisé des tasers et des balles en caoutchouc contre les occupants des terres. Les renforts provenant de la communauté ont forcé l'OPP à battre en retraite. Les personnes arrêtées ont comparu devant les tribunaux le 25 novembre pour faire face à des accusations criminelles, mais leur cause a été reportée au 12 janvier à la requête de la défense pour obtenir plus de temps pour consulter les accusés et se préparer.

Le premier ministre Doug Ford a criminalisé les défenseurs de la terre lors d'une conférence de presse tenue le 6 août lorsqu'il a déclaré : « Vous savez, vous ne pouvez tout simplement pas entrer et reprendre les futures maisons des gens, ce n'est pas correct. Et puis, quand la police arrive... ils prennent une toilette extérieure, la jettent d'un pont sur une voiture de police, puis ils commencent à lancer des pierres sur la voiture de police ! Alors, assez c'est assez ... les gens doivent obéir aux règles. Vous savez, peu m'importe d'où vous venez, quelle que soit votre race, croyance, couleur, peu importe, nous avons un pays avec ses règles et c'est ainsi que cela fonctionne ! » Pour sa part, le gouvernement Trudeau n'a entrepris aucune démarche pour intervenir et assister les Six Nations, et encore moins initier des discussions constructives pour trouver une solution pacifique à cette lutte.

Une audience s'est tenue le 9 octobre devant la Cour supérieure de l'Ontario pour que Foxgate obtienne une injonction permanente contre les défenseurs de la terre à Cayuga, en Ontario. À l'audience, Skyler Williams, qui, sur la base de ses messages sur sa page Facebook, a été déclaré par la cour le leader des défenseurs de la terre, a affirmé dans son affidavit : « Je suis un homme haudenosaunee qui n'a pas sa place dans une cour coloniale. En tant que Mohawk du clan du Loup et de la Confédération haudenosaunee...je crois et respecte la Grande Loi de la Paix. » Lorsqu'au cours de l'audience Williams a déclaré qu'il avait en effet défié l'injonction, le juge Harper qui présidait l'audition s'est dit « stupéfait » et, sur un ton arrogant, a fait la leçon à Williams en lui disant : « Ce n'est pas une option de se faire justice soi-même, d'occuper les terres des autres. »

Ce sont ces « autres » en question, l'État canadien et les intérêts privés, qui volent et occupent les terres haudenosaunee depuis plus de 250 ans. La proclamation de 1784 du traité de Haldimand a légué aux Haudenosaunee 950 000 acres « d'une superficie de six milles de profondeur » des deux côtés de la rivière Grand pour leur utilisation et pour celle de leurs descendants à perpétuité. Ce traité visait à indemniser les Six Nations pour la perte de leurs territoires ancestraux puisqu'ils s'étaient battus en tant qu'alliés du côté des Britanniques qui ont été défaits dans la Guerre révolutionnaire américaine. Cette terre a depuis été réduite à moins de 47 000 acres (voir la carte ci-dessous).

Il y a plus de 30 revendications territoriales en cours et d'autres sont à venir alors que les Haudenosaunee continuent leurs recherches historiques sur les terres qu'ils ont perdues en raison de saisies de terres par le gouvernement et d'autres mesures carrément illégales. Dès le début, l'État canadien, en tant que représentant de la Couronne, a refusé d'empêcher la construction de villages et de villes sur ces terres sans l'approbation des Haudenosaunee.

En 2006, les Haudenosaunee ont revendiqué avec succès des terres sur un projet domiciliaire semblable, la subdivision Douglas Creek Estates (DCE), et l'ont rebaptisé Kanonhstaton, ce qui veut dire en Mohawk « l'endroit protégé ». Les Canadiens ont appuyé les défenseurs de la terre Haudenosaunee en 2006, comme ils le font encore aujourd'hui. Aujourd'hui, le camp dressé par les défenseurs de la terre haudenosaunee est situé de l'autre côté du chemin de Kanonhstaton.

Les actes de perfidie et de violence de l'État canadien raciste contre les Haudenosaunee remontent à très longtemps et comprennent l'expulsion violente par la GRC du Conseil de la Confédération de ses bureaux en 1924, après quoi les représentants de l'État ont mis sur pied un conseil de bande en vertu de la Loi sur les Indiens en tenant une élection à laquelle très peu de personnes ont participé.

Dans un message publié sur sa page Facebook le 25 novembre, le 130e jour de la lutte pour les revendications territoriales, Skyler Williams a déclaré : « Malgré le nombre de jours, nous sommes toujours aussi déterminés à continuer d'avancer. Continuons à construire et à grandir. Tant nous a été volé. C'est déjà allé trop loin. Notre communauté ne sera pas restreinte dans ses demandes. Nous ne resterons pas les bras croisés et ne continuerons pas à regarder nos terres se faire voler ou à laisser nos nations être divisées. Les gouvernements fédéral et provincial, après tout cela, continuent de traîner de la patte. Laisser cela entre les mains de la PPO est absolument inacceptable. Nous étions prêts à entamer ce dialogue. Il n'y a aucune raison pour laquelle cela n'a pas commencé il y a des mois de cela. Pourtant, nous voici ici, à attendre encore sous la menace constante de la PPO.

Tous sont invités à rendre visite aux défenseurs de la terre à leur camp et même d'y passer la nuit pour exprimer leur appui. Ceux qui le peuvent sont encouragés à faire une contribution financière au Fonds de défense juridique de 1492 Land Back ici [LINK to : https ://ca.gofundme.com/f/legal-fund-1492-land-back-lane]. Des contributions peuvent être aussi faites pour le fonctionnement du camp des défenseurs de la terre, en faisant un virement électronique de fonds à landback6nations@gmail.com. Jusqu'à ce jour, plus de 4 500 personnes de l'île de la Tortue ont fait des contributions au fonds d'aide juridique qui totalise plus de 365 000 dollars, ce qui démontre le niveau d'appui pour la cause juste des Haudenosaunee.


Une bannière déployée à partir d'un viaduc qui surplombe l'autoroute 403 à Hamilton, le 25 octobre 2020

Ne touchez pas aux Haudenosaunee ! 
Défendons la souveraineté des nations et des peuples autochtones !

(Sources : Hamilton Spectator, Yellowhead Institute, Turtle Island News. Photos: OFL, Six Nations of the Grand, J. Whattam.)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 79 - 2 décembre 2020

Lien de l'article:
Disons Non! à la criminalisation des défenseurs de la terre des Six Nations: Les injonctions ne peuvent dissuader les Haudenosaunee d'affirmer leur souveraineté - Philip Fernandez


    

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