Coup d'État au Chili

Nouvelles révélations sur le coup d'État des États-Unis qui a renversé Salvador Allende


Discours d'investiture du président Allende en 1970

Des chercheurs aux archives de la sécurité nationale des États-Unis (un projet basé à l'Université Georgetown, qui déclassifie les documents du gouvernement des États-Unis) ont révélé des documents inédits qui offrent de nouvelles preuves des plans des États-Unis pour renverser le gouvernement socialiste chilien démocratiquement élu de Salvador Allende (1970-1973), sous le règne de l'administration du président Richard Nixon. Les documents ont été rendus publics le 3 novembre, à l'occasion du 50e anniversaire de l'investiture d'Allende. Ces documents ont été étouffés par l'administration du président Gerald Ford.

L'une de ces archives révèle la conversation entre Nixon et certains de ses représentants, pour évaluer comment le gouvernement des États-Unis devrait procéder compte-tenu de la victoire d'Allende aux élections du 4 septembre 1970, au coeur de la guerre froide. Une des notes de service du 5 novembre 1970 indique que le conseiller de la sécurité nationale de l'époque, Henry Kissinger, a alerté Nixon que la Maison-Blanche allait devoir prendre la « décision la plus historique et la plus difficile touchant aux affaires étrangères », compte-tenu des conséquences négatives qu'aurait la présidence d'Allende sur la relation entre le Chili et les États-Unis, ainsi que son influence possible dans l'hémisphère. À la suite de la déclassification d'autres documents, il est clair qu'il y avait des divergences d'opinions au sein des responsables américains sur comment mener à bien ce plan. Tandis que le secrétaire d'État, William Rogers, proposait de promouvoir le renversement d'Allende « sans trop de contre-coups », c'est-à-dire, sans que l'hostilité et l'agression des États-Unis envers le Chili ne soient trop évidentes aux yeux du monde, le secrétaire de la Défense, Melvin Laird, affirmait tout simplement : « Nous devons faire tout ce qui est possible pour lui [Allende] faire mal et pour le renverser. » Dans ce choc des idées sur la politique étrangère, Kissinger a défendu la position la plus agressive.

« Les États-Unis tenteront de maximiser la pression exercée sur le gouvernement Allende afin d'empêcher sa consolidation et limiter sa capacité de mettre en oeuvre des politiques contraires aux intérêts des États-Unis et de l'hémisphère », avait-il dit, selon un autre document. Parmi les politiques qui seraient mises en oeuvre, des efforts ont été déployés pour redoubler les interventions dans la région en coordination avec d'autres gouvernements, y compris le Brésil et l'Argentine, qui se termineront par le coup d'État et l'assassinat du dirigeant socialiste chilien, le 11 septembre 1973.

Les responsables américains ont décidé d'exercer la pression sur le gouvernement d'Allende en empêchant les prêts des banques multilatérales au Chili et en manipulant sur le marché international la valeur du cuivre, la principale source d'exportation du Chili « afin d'endommager davantage l'économie chilienne », selon les documents. De plus, la CIA était autorisée à préparer des plans d'actions pour les mettre en oeuvre à l'avenir.

Selon les documents des archives de la sécurité nationale, Kissinger a réussi à reporter une rencontre entre Nixon et le conseil de la sécurité nationale, parce qu'il voulait lui parler seul avant la tenue de la réunion, à laquelle il tenterait de convaincre le président que les risques allaient au-delà de la relation bilatérale entre les deux pays. Il lui fait rapport comment il devrait promouvoir auprès de la bureaucratie en politique étrangère qu'elle adopte une posture de changement de régime.

Dans une note de service, l'ancien chef de l'état-major, Harry Robbins Haldeman, a décrit la position de Kissinger et son argumentaire pour avoir retardé la réunion : « Pour Henry, le Chili pourrait finir par représenter le pire échec de notre administration : 'notre Cuba' de 1972 », a-t-il dit. Plus tard, lors d'une conversation avec Kissinger, Nixon dit : « Si [Allende] peut montrer qu'il peut établir une politique marxiste antiaméricaine, d'autres feront de même. » Kissinger est allé plus loin : « Il y aura des répercussions jusqu'en Europe, pas seulement en Amérique latine[1] ».

L'économie du Chili s'enfoncerait de plus en plus dans un marasme, alors que l'accès aux banques multilatérales était bloqué, la fin par les États-Unis des prêts et crédits à l'exportation ainsi que le déploiement des médias monopolisés contre lui. Les problèmes financiers, en plus de la baisse des activités économiques, ont créé un environnement propice au coup d'État. Trois ans après ces pourparlers à Washington, sous la direction du commandant en chef de l'armée chilienne de l'époque, Augusto Pinochet, les forces armées mettraient fin, violemment, au gouvernement socialiste de l'Unité populaire en assassinant Salvador Allende le 11 septembre 1973.

Kissinger et d'autres responsables impliqués dans la planification et l'exécution du coup d'État ont par la suite justifié leurs actions en disant qu'ils étaient pour la « préservation de la démocratie ». Cette même logique de l'époque de la guerre froide est encore donnée aujourd'hui par les impérialistes américains et leurs alliés pour justifier leur bellicisme et leurs crimes brutaux, visant à affirmer leur domination sur les peuples du monde qui luttent pour la libération nationale, la souveraineté et des relations internationales justes et pacifiques.


Les participants à la marche à Santiago au Chili lors du 40e anniversaire du coup d'État contre le gouvernement Allende, qui a porté au pouvoir Augusto Pinochet, réclament justice pour son règne brutal, le 11 septembre 2013.

Note

1. Pour voir l'ensemble de la documentation fournie par les archives de la sécurité nationale, cliquer ici.


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 78 - 30 novembre 2020

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Coup d'État au Chili: Nouvelles révélations sur le coup d'État des États-Unis qui a renversé Salvador Allende


    

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