Les résultats des élections aux États-Unis

Un Congrès dysfonctionnel signifie la poursuite des affrontements entre les cercles dirigeants

Les affrontements entre les cercles dirigeants se manifestent au Congrès maintenant que différents États ont certifié le vote en faveur de Joe Biden et que divers PDG et autres intervenants demandent à Trump de concéder. Parmi les fronts de discorde, citons le processus de transition, la confirmation par le Sénat des choix de Joe Biden pour son cabinet, l'adoption d'un énorme projet de loi budgétaire omnibus ou d'un projet de loi de dépenses d'urgence pour éviter la fermeture du gouvernement le 11 décembre et les différends concernant la Loi d'autorisation de la défense nationale (NDAA) qui est habituellement adoptée sans difficulté.

La transition et les menaces de guerre civile

Après que le Michigan a certifié son vote le 23 novembre et que 166 hommes d'affaires ont demandé dans une lettre ouverte que commence la transition, l'Administration des services généraux (GSA), qui avait bloqué le soutien officiel à la transition pour Joe Biden, a « confirmé » qu'il était le vainqueur. Ce geste a permis de libérer des millions de dollars et a ouvert la voie à des briefings entre les deux camps concernant la COVID-19, les questions de sécurité intérieure et étrangère et bien d'autres choses. Cependant, il n'est pas encore clair si les différents départements du cabinet, qui font tous partie du Bureau de la présidence, vont coopérer. Le procureur général William Barr refuse toujours de coopérer. Le conseiller à la sécurité nationale Robert O'Brien a promis une « transition professionnelle » avec l'équipe Biden. Ces divergences au sein du cabinet, ainsi que les poursuites engagées par Donald Trump pour bloquer la participation des grands électeurs de Biden pour la Pennsylvanie et l'Arizona au collège électoral, par exemple, indiquent que les règles et normes habituelles ne sont toujours pas respectées.

Les allégations persistantes de Trump de fraude électorale et la prétention, comme l'a dit son avocat, que « les Américains doivent être assurés que les résultats finaux sont justes et légitimes », ont également été répétées lors d'une audience convoquée par les sénateurs républicains de l'État de Pennsylvanie le 25 novembre. Trump a choisi Gettysburg comme lieu de l'audience et a appelé pour dire : « Cette élection a été perdue par les démocrates. Ils ont triché. C'était une élection frauduleuse. » L'ancien gouverneur de la Pennsylvanie, Tom Ridge, a répondu : « L'histoire retiendra l'ironie honteuse qu'un président qui a menti pour éviter le service militaire a organisé un faux événement sur les terres sacrées de Gettysburg dans une tentative effrontée de saper la République pour laquelle de nombreux vrais patriotes se sont battus et sont morts depuis sa fondation. »

Gettysburg est connu comme le lieu d'une des grandes batailles de la guerre civile, qui a fait de très nombreuses morts des deux côtés. C'est également là que le président Lincoln s'est demandé « combien longtemps peut perdurer » l'union, fondée sur les revendications de « liberté » de la Déclaration d'indépendance et « vouée à la thèse selon laquelle tous les hommes sont créés égaux ».

L'administration Trump, les élections et la transition ont mis en évidence la guerre civile féroce qui se mène au sein des cercles dirigeants, où seule manque la violence ouverte. Les appels lancés par de nombreux fonctionnaires et PDG en faveur d'une « transition pacifique » sont des appels à maintenir cette situation. La lettre des 166 hommes d'affaires a par exemple soulevé des inquiétudes quant à la légitimité des élections et à la nécessité de maintenir l'Union unie :

« Chaque jour pendant lequel un processus de transition présidentielle ordonnée est retardé, notre démocratie s'affaiblit aux yeux de nos propres citoyens et la stature de la nation sur la scène mondiale est diminuée. »

« En tant que chefs d'entreprises et dirigeants civiques qui reflètent la diversité politique du pays, nous exhortons au respect du processus démocratique et à un soutien unifié à nos dirigeants dûment élus », ont-ils conclu.

Parmi les 166 signataires il y a Larry Fink, président et chef de la direction de BlackRock, l'un des plus grands gestionnaires de fonds spéculatifs, David Solomon, président et chef de la direction de la société financière Goldman Sachs et Steve Schwarzman, fondateur de la société d'actions Blackstone et principal donateur de Trump.

Les nombreux conflits entre les forces des États et les forces fédérales, non seulement sur les résultats de l'élection, mais aussi sur le maintien de l'ordre, sont parmi les fronts où la violence ouverte menace d'éclater. La Déclaration d'indépendance stipulait que « toutes les fois qu'une forme de gouvernement devient destructive » du droit « à la vie, à la liberté et à la recherche du bonheur », le peuple « a le droit de la changer ou de l'abolir ». Faire ainsi référence à la guerre civile tout en rappelant si ouvertement le potentiel de division de l'union est peut-être pour Trump une façon de dire que quel que soit le résultat de l'élection, la bataille pour le pouvoir n'est pas terminée. Et il a des forces derrière lui, non seulement parmi les élus, mais aussi au sein des corps policiers et des milices armées qu'ils soutiennent.

La confirmation du cabinet Biden

Joe Biden a commencé à annoncer ses nominations aux différents postes ministériels, notamment ceux de secrétaire d'État, de directeur du département de la Sécurité intérieure et de directeur du renseignement national. Le Sénat doit confirmer ces postes et 1 200 autres dans la bureaucratie par un vote à majorité simple. Les audiences de confirmation débutent le jour de l'investiture, le 20 janvier, ou dans les jours qui suivent. Normalement, ces confirmations ne sont pas contestées, par une courtoisie générale accordée au président élu qui est dans ce cas un ancien sénateur. Dans l'histoire, seulement neuf candidats n'ont pas été confirmés, dont quatre remontent au temps du président John Tyler, de 1841 à 1845. Dix-sept autres ont été retirés.

Joe Biden a demandé « que les audiences commencent rapidement » et demandé au Sénat de « commencer le travail de guérison et d'unification de l'Amérique et du monde ». Les républicains s'opposent déjà aux candidats etMitch McConnell, l'actuel chef du Sénat, n'a pas encore accepté Joe Biden comme président élu. Les normes et les courtoisies habituelles ne s'appliquent évidemment plus.

L'indignation devant la possibilité d'une éventuelle
fermeture du gouvernement

La possibilité d'une fermeture du gouvernement le 11 décembre demeure. Une loi sur les dépenses d'urgence a été adoptée à la fin de l'exercice financier en octobre. Ce financement se termine le 11 décembre. La Chambre et le Sénat négocient présentement un projet de loi omnibus de grande envergure. Une enveloppe de 1,4 trillion de dollars, couvrant les 12 crédits budgétaires nécessaires aux différents départements, est en négociation. Les différends portent sur les montants, qui sont gardés secrets. Trump a dit qu'il préférait le projet de loi omnibus à une autre mesure d'urgence, à laquelle il pourrait mettre son veto. Son chef de cabinet a déclaré qu'il « ne peut pas garantir » que la fermeture sera évitée.

Auparavant, chacun des 12 crédits budgétaires était débattu séparément et faisait l'objet d'audiences publiques. Aujourd'hui, aucune audition de ce type n'a lieu et les chiffres sont cachés au public, et même aux législateurs, souvent jusqu'au vote final sur un projet de loi de 1 000 pages. Ce processus en dit long sur la détérioration du Congrès en tant qu'organe législatif et l'élimination de la nécessité de servir le bien public, ou du moins de donner au public la possibilité de s'exprimer. Cela signifie également que le budget n'est plus l'occasion d'atténuer les conflits entre les factions au pouvoir, ayant fait place aux menaces de paralysie, voire à la fermeture du gouvernement. Compte tenu de la COVID-19 et du nombre déjà important de chômeurs, une telle fermeture entrainant le licenciement de centaines de milliers de fonctionnaires est largement considérée comme une attaque inacceptable et odieuse contre le peuple.

Le financement du Pentagone

La Loi d'autorisation de la défense nationale, qui est généralement adoptée facilement par une large majorité, n'a pas non plus été adoptée. Il s'agit d'une loi annuelle établissant le financement du Pentagone, y compris les guerres d'agression des États-Unis à l'étranger. Cette année, 740,5 milliards de dollars sont prévus. Parmi les points litigieux, on trouve des amendements allant dans le sens d'affirmer le contrôle du Congrès dans des situations où le président usurpe le pouvoir. L'un d'eux exige que le président obtienne l'approbation du Congrès avant de retirer d'autres soldats d'Allemagne ou d'Afghanistan. Un autre exige que le président consulte le Congrès avant d'invoquer la Loi sur l'insurrection. Trump avait menacé d'y recourir en juin pour justifier le déploiement des forces armées contre les manifestants qui dans tout le pays réclamaient la fin des morts racistes aux mains de la police, l'égalité et la justice.

La Loi d'autorisation de la défense nationale comprend également des dispositions exigeant le changement de nom de dix bases militaires portant le nom de généraux confédérés. Il s'agit notamment de Fort Bragg, Hood, Robert E. Lee et d'autres. Trump a déclaré qu'il mettrait son veto au projet de loi s'il comprenait ces mesures. Le chef du Sénat, Mitch McConnell, a déclaré qu'il ne soumettrait pas le projet de loi au vote si celui-ci faisait l'objet d'un veto. Certains font valoir qu'un veto pourrait avoir un impact sur les deux courses sénatoriales en Géorgie le 5 janvier. Ces courses détermineront si le Sénat sera partagé à 50-50 ou si les républicains en garderont le contrôle, à 52 contre 48 ou 51 contre 49. Certains disent que le veto pourrait favoriser les démocrates, d'autres croient qu'il favorisera les républicains.

Comme pour l'ensemble du débat sur la Loi d'autorisation de la défense nationale, ce qui est laissé de côté, c'est la militante position antiguerre du peuple qui réclame des coupes massives au Pentagone et un financement accru pour la lutte contre la COVID-19, notamment pour la sécurité, les soins de santé, l'éducation et le logement. De même, l'opposition à honorer les généraux confédérés a été renforcée par des manifestations et le retrait des statues par les manifestants. La lutte ne consiste pas simplement à retirer des statues et à rebaptiser des bases, il s'agit surtout d'honorer l'histoire et les contributions des peuples dans leur lutte pour les droits.

Tous les conflits en cours montrent clairement que les institutions gouvernementales actuelles ne fonctionnent plus, ce qui soulève la possibilité de violence à la fois entre les factions et plus probablement contre le peuple, car il continue de renforcer sa résistance et d'exiger un contrôle sur ses affaires. Le peuple refuse d'être divisé et rejette les structures gouvernementales qui renforcent l'inégalité. Ses nombreuses actions de toutes sortes montrent qu'il s'organise pour donner au pays une nouvelle direction qui favorise ses intérêts et représente sa volonté antiguerre et prosociale. Cette nouvelle direction se reflète dans la lutte pour un gouvernement antiguerre, une économie de paix et une démocratie où c'est nous, le peuple, qui décidons !

À titre d'information

166 dirigeants d'entreprises font parvenir une lettre ouverte sur la
transition présidentielle
- Partnership for New York City, le 23 novembre 2020 -

Les préoccupations soulevées dans cette lettre ouverte révèlent l'ampleur de l'impact qu'aura un manque de « transition pacifique » sur les intérêts d'affaires au pays et à l'étranger. Ces préoccupations touchent aussi à la légitimité et aux inquiétudes des dirigeants quant à la façon dont le peuple considère ces développements.

En plus de Larry Fink, président et directeur général de BlackRock, un des plus importants gestionnaires de fonds spéculatifs, David Solomon, président et directeur général de Goldman Sachs, et Steve Schwarzman, fondateur de Blackstone et principal donateur de Trump, il y a d'autres signataires du domaine de la finance, des assurances et de plusieurs autres domaines influents dont : John Bruckner, président du National Grid de New York ; Kelly J. Grier, président américain et associé directeur et associé directeur des Amériques de Ernst & Young LLP ; Alfred F. Kelly Jr., président et PDG de Visa Inc. ; Michel A. Khalaf, président et PDG de MetLife, Inc. ; Kewsong Lee, directeur général de The Carlisle Group ; Theodore Mathas, président et PDG de New York Life Insurance Company ; John McAvoy, directeur, président et PDG de Con Edison, Inc. ; Michael Roberts, président et PDG de HSBC Bank USA. (Voir ici pour la liste intégrale). Jamie Dimon, président et directeur de JPMorgan Chase et Tom Donohue, PDG de la US Chamber of Commerce, qui ont tenu des propos similaires.

L'Amérique est ravagée par une pandémie mortelle dont les répercussions sociales et économiques sont énormes. L'attention et l'énergie des dirigeants des secteurs public et privé devraient être entièrement vouées à unir notre pays dans la lutte contre le coronavirus, apporter de l'aide aux gens dans le besoin, prévenir de nouvelles perturbations des entreprises et de nouvelles pertes d'emplois, et investir dans notre reprise et notre revitalisation économiques.

Chaque jour pendant lequel un processus de transition présidentielle ordonnée est retardé, notre démocratie s'affaiblit aux yeux de nos propres citoyens et la stature de la nation sur la scène mondiale est diminuée. Notre intérêt national et le respect pour l'intégrité de notre processus démocratique exigent que l'administrateur fédéral de l'Administration générale des services confirme sans plus tarder que Joseph R. Biden et Kamala D. Harris sont le président élu et la vice-présidente élue afin qu'une transition en bonne et due forme puisse s'opérer. Le fait de retenir des ressources et de ne pas divulguer de l'information vitale à la nouvelle administration met en danger la santé publique et économique ainsi que la sécurité de l'Amérique.

En tant que chefs d'entreprises et dirigeants civiques qui reflètent la diversité politique du pays, nous exhortons à respecter le processus démocratique et à soutenir de manière unifiée nos dirigeants dûment élus. Il n'y a pas un moment à perdre dans la bataille contre la pandémie et pour que le rétablissement et la guérison de notre nation puissent commencer.

Les associations d'hôpitaux et médicales exhortent l'administration
Trump à partager l'information sur la COVID-19
- Association américaine des hôpitaux, Association médicale américaine,
Association américaine des infirmières
, le 17 novembre 2020

Cher président Trump,

En tant qu'organisations qui représentent les systèmes hospitaliers et de la santé, les médecins et infirmières autorisées qui sont toujours sur les premières lignes dans la bataille contre la COVID-19 et soignent présentement des dizaines de milliers de patients de la COVID-19, nous travaillons avec votre administration pour vaincre la pandémie. Maintenant, alors que de nouveaux traitements et vaccins sont en développement et commenceront à être déployés, nous exhortons votre administration à travailler en collaboration avec l'équipe de transition de Biden et à partager toute information essentielle au sujet de la COVID-19.

Notre nation connaît présentement une nouvelle recrudescence de cas de COVID-19, d'hospitalisations et de décès alors que nous commençons une période des fêtes qui occasionnera fort probablement une plus grande exposition au virus mortel. Pouvoir relever les défis que pose la pandémie est fondamental si nous voulons sauver les vies américaines. Les données et l'information en temps réel sur l'approvisionnement en traitements, en matériel de dépistage, en équipement de protection individuelle, en ventilateurs, en capacité de lits d'hôpitaux et en effectifs de main-d'oeuvre doivent être partagées pour permettre la planification du futur déploiement des ressources de la nation et pour sauver des vies. Toute information sur la capacité de la Réserve nationale stratégique, sur les ressources de l'opération Warp Speed, et sur les plans de diffusion des traitements et des vaccins doit être partagée le plus vite possible afin d'assurer une continuité dans la planification stratégique pour éviter toute faille dans notre capacité de soigner les patients.

En tant que personnel soignant de tous les Américains, nous voyons la souffrance dans nos communautés en raison de la COVID-19. Nous voyons des familles qui ont perdu leurs deux parents à la COVID-19. Nous voyons des enfants souffrir des séquelles à long terme d'une infection à la COVID-19. Et nous voyons les populations issues de minorités souffrir de façon disproportionnée de la dévastation de la pandémie de la COVID-19. C'est à partir de cette perspective humaine de première ligne que nous vous exhortons à partager vos données et informations essentielles le plus tôt possible.

Nous sommes prêts à travailler avec votre administration pour tout mettre en oeuvre pour empêcher la propagation de la COVID-19 et dispenser des soins à ceux qui ont été infectés.

Sincèrement,

Richard J. Pollack, président et PDG, Association américaine des hôpitaux
James L. Madara, PDG, Association médicale américaine
Debbie Dawson, PDG, Association américaine des infirmières

(Photos : VOR)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 78 - 30 novembre 2020

Lien de l'article:
Les résultats des élections aux États-Unis: Un Congrès dysfonctionnel signifie la poursuite des affrontements entre les cercles dirigeants - Kathleen Chandler


    

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