Comment le territoire et l'espace public canadien et québécois sont mis au service des intérêts d'alliances militaires agressives
- Christine Dandenault et Claude
Brunelle -
Manifestation contre la présence des navires de
guerre à Montréal, le 30 octobre 2004
Le Canada est un membre fondateur de
l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord
(OTAN) mise sur pied le 4 avril 1949. Il est
également membre du Commandement de la défense
aérospatiale de l'Amérique du Nord (NORAD) depuis
le 12 mai 1958. L'intégration de l'armée
canadienne à l'armée des États-Unis a été une des
caractéristiques de l'adhésion du Canada à ces
alliances militaires. En dépit de l'opposition
résolue et répétée des peuples du Québec, du
Canada et des Premières Nations à toute
participation du Canada au sein de ces alliances
et dans les guerres d'agression et d'occupation
sous la gouverne des impérialistes américains, le
gouvernement canadien poursuit ses interventions
contre les peuples du monde. Cela implique que le
territoire, l'espace public, les fonds publics
soient mis au service des intérêts de ces
alliances.
La Presse indiquait le 21 octobre 2020
que le gouvernement canadien augmentera le budget
fédéral alloué à ses obligations en tant que
membre de l'OTAN. « Les chiffres de l'OTAN
montrent que le Canada est sur le point de
consacrer 1,45 % de son PIB à l'armée cette année.
Il ne s'agit pas seulement d'un bond important par
rapport aux 1,29 % de l'an dernier, mais de la
plus grande part du PIB pour la défense depuis dix
ans[1].
« Cela dépasse également le plan initial du
gouvernement libéral, énoncé dans la politique de
défense en 2017, qui prévoyait de consacrer 1,4 %
du PIB à l'armée d'ici 2024-2025 –
année où les membres de l'OTAN devaient atteindre
l'objectif de 2 %. [2]»
Le prétexte de protéger les populations et de
contrer
les menaces de l'étranger
Cinquante ans après la promulgation de la Loi
des mesures de guerre et l'occupation
militaire du Québec par le gouvernement Trudeau,
les activités d'entrainement de l'armée canadienne
se poursuivent au nom de protéger la population.
L'occupation militaire du Québec avait été
utilisée pour écraser la lutte du peuple québécois
à la fin des années 60 pour affirmer ses droits en
utilisant le prétexte d'une insurrection armée
imminente, ce qui fut révélé plus tard comme un
montage de toutes pièces par le gouvernement. Peu
avant ce 50e anniversaire le 31 octobre 2020, les
forces d'opérations spéciales du Canada ont tenu
un exercice militaire à la base militaire de
Farnham dans la nuit du 20 et 21 octobre dernier.
Des aéronefs CH-146 Griffon et CH-147 Chinook ont
survolé les municipalités de Farnham, Chambly et
les villes environnantes pour se rendre à
l'aéroport de Saint-Hubert. On rapporte que le
ciel était bondé d'hélicoptères et que des coups
de feu ont été tirés. Le Commandement des Forces
d'opérations spéciales du Canada (COMFOSCAN) est
une organisation d'une disponibilité de
déploiement rapide, à très court préavis qui
viserait à protéger la population canadienne
contre les menaces au pays et à l'étranger.
Ian Grant, le capitaine en charge du
commandement, a précisé que : « L'entraînement
contenait un grand support aérien de l'Aviation
royale canadienne. Cet exercice était un
entraînement régulier du commandement des Forces
d'opérations spéciales du Canada qui aide à
maintenir les compétences qui peuvent être
requises lors de déploiements à l'étranger, et
donne l'occasion de fortifier les compétences
nécessaires pour protéger les Canadiens ici chez
eux »[3].
En août 2020, un exercice d'entrainement
militaire s'est tenu dans l'Arctique connu sous le
nom d'opération Nanook, qu'on dit être un pilier
des Forces armées canadiennes depuis 2007. Cet
exercice a duré 3 semaines et a été mené par le
Canada et, pour la première fois, par des alliés,
soit les États-Unis, la France et le Danemark.
Le reportage explique l'exercice naval dans
l'Arctique en disant qu'il visait à envoyer un
message d'unité contre des adversaires potentiels
dans le Nord qui sont définis comme étant la
Russie ou la Chine. Trois navires de la marine
canadienne et quatre navires étrangers ont
participé à l'exercice. Les navires de guerre
canadiens et alliés ont mené la plupart de leurs
activités dans le détroit de Davis, entre l'île de
Baffin et le Groenland, qui est considéré comme
faisant partie du passage du Nord-Ouest.
« Le message est que l'Arctique a une importance
stratégique, il devient de plus en plus important
et c'est important pour notre sécurité
nationale collective » (notre
souligné), a déclaré le vice-amiral
Steven Poulin, commandant de la zone atlantique de
la Garde côtière américaine[4].
En juillet 2020, s'est tenu à Cold Lake en
Alberta des exercices de tir aérien pendant une
semaine. Le 408e Escadron tactique d'hélicoptères
s'est rendu à la 4e Escadre Cold Lake, en Alberta,
pour participer à Gander Gunner 2020, un exercice
de tir aérien d'une semaine destiné au personnel
navigant nouvellement affecté à l'escadron. Les
hélicoptères ont volé au-dessus du polygone de tir
aérien de Cold Lake avec des hélicoptères CH-146
Griffon équipés chacun de deux mitrailleuses C6
latérales pour acquérir de nouvelles compétences.
L'exercice Gander Gunner portait sur la précision
des mitrailleurs de bord, les modèles d'attaque
efficaces et les scénarios tactiques réalistes
pour maintenir le haut niveau de formation de tout
le personnel navigant. Lors des missions, les
équipes d'assaut ont utilisé des lunettes de
vision nocturne pour leur permettre d'accomplir
des opérations de tir même durant les nuits les
plus sombres. [5]
En octobre 2020, des soldats de l'armée
canadienne ont participé à un exercice militaire
au Koweit avec les forces armées américaines. Des
membres des Forces armées canadiennes au Koweït se
sont entraînés au maniement des armes d'opérations
spéciales en octobre au complexe Udairi Range avec
le Joint Special Operation Forces Support
Detachment-Kuwait (JSSD-K), le détachement
américain de soutien des forces d'opérations
spéciales conjointes au Koweït, dirigé par le
United States Central Command (CENTCOM),
responsable des opérations militaires des
États-Unis au Moyen-Orient, en Asie centrale et en
Asie du Sud. [6]
Les membres du JSSD-K ont réuni pour une journée
d'entraînement sur les armes d'opérations
spéciales (SOF) des soldats du 386e Escadron des
Forces de sécurité expéditionnaires, du 386e
Escadron expéditionnaire de génie civil, du 387e
Escadron expéditionnaire aérien, du Camp Canada et
du Camp Moreell. [7]
Militarisation des forces policières
Un des aspects de la vie actuelle est la faillite
des institutions démocratiques et de la réponse
que trouvent les gouvernements aujourd'hui pour
contenir la volonté populaire qui demande à
exercer un contrôle sur toutes les décisions qui
le concernent. Le recours au pouvoir de police
prend toutes sortes de formes dont la
militarisation des forces policières. Ainsi, des
armes de guerre sont maintenant achetées et mises
à la disposition de la police de diverses
municipalités. En février 2018, la Ville de Laval
a conclu un contrat de gré à gré de 168 000 $ avec
Colt pour l'achat d'armes longues et de puissantes
munitions. Les fusils d'assaut ne sont pas
destinés au groupe d'intervention, mais aux
patrouilleurs.
Dans le document justifiant l'appel d'offres, on
peut lire : « Il est impératif pour le Service de
police de Laval d'acquérir des carabines de
patrouille adéquates, efficaces et précises, pour
que les policiers soient en mesure de neutraliser
la menace dans un minimum de temps et avec un
maximum de précision. » à la disposition des
patrouilleurs et placées dans le coffre des
autopatrouilles pour qu'ils puissent réagir en cas
d'attentat ou de tuerie. Quelle est la menace ?
Elle n'est pas définie.
Le Service de police de Châteauguay a fait des
démarches en 2018 pour doter ses patrouilleurs de
calibres 5.56 mm. Ces armes doivent être
principalement utilisées dans deux circonstances :
en présence d'un tireur actif ou d'un suspect
barricadé. Les patrouilleurs pourraient intervenir
dans ces situations à haut risque, sans attendre
l'arrivée du groupe d'intervention.
En novembre 2019, les journaux annonçaient que
les membres du Groupe tactique d'intervention
(GTI) du SPVM manieront bientôt des fusils
d'assaut dotés d'une force de frappe encore plus
forte que ceux qu'ils possèdent déjà. Le corps
policier a lancé un appel d'offres pour acquérir
des armes de calibre comparable au mythique AK-47,
capables d'arrêter un camion bélier ou de percer
un blindage léger.
La Sûreté du Québec (SQ) a reçu, en 2018, 230
carabines Colt C8 des Forces canadiennes. Cent
cinquante patrouilleurs doivent être formés « au
rythme des budgets ». Une centaine ont déjà suivi
le cours et une quarantaine d'armes circulent déjà
dans autant d'unités de patrouille à travers le
Québec. En novembre 2019, la SQ a également conclu
un contrat de 153 000 $ pour l'achat d'armes
longues semi-automatiques et de munitions 300
Blackout à la compagnie MD Charlton.
Durant l'année 2017, la Ville de Longueuil a
conclu pas moins de 11 contrats pour un total de
751 000 $. Une douzaine de fusils d'assaut ont été
achetés pour les équipes tactiques, ainsi que des
accessoires – silencieux, matériel optique.
Par ailleurs, des dizaines de milliers de
munitions commandées serviront également aux armes
longues des patrouilleurs. Ces derniers
utiliseront des fusils d'assaut C8 fournis par
l'armée canadienne. « Tous nos patrouilleurs qui
auront recours aux armes longues ont suivi un
entraînement rigoureux », a dit le Service de
police de l'agglomération de Longueuil. [8]
La militarisation de la vie et de l'espace
public
Encore plus récemment, dans le contexte de la
pandémie, le gouvernement fédéral a eu recours aux
Forces armées canadiennes pour porter « assistance
» aux autorités publiques. On se rappellera entre
autres du refus de la vice-première ministre
Chrystia Freeland de permettre aux brigades
cubaines Henry Reeve de porter assistance aux
communautés Anishinabe et Dakota au Manitoba à la
demande de celles-ci. Le lendemain, la
vice-première ministre avait plutôt fait
intervenir les forces armées canadiennes auprès
d'elles.
Au Québec, plus de mille quatre-cents membres des
Forces armées canadiennes (FAC) ont été mobilisés
par les autorités civiles dans 47 CHSLD au Québec.
L'opération LASER, l'opération déployée des
membres des Forces armées canadiennes dans les
résidences pour aînés du Québec et de l'Ontario au
printemps pour combattre la COVID-19, s'est
effectuée graduellement à partir du 22 avril. Le
gouvernement Legault est même intervenu pour
demander que les forces armées demeurent jusqu'en
septembre, disant que c'était un service
essentiel.
Le gouvernement a refusé et refuse toujours
d'écouter et de mettre en pratique les
propositions des travailleurs et professionnels du
milieu qui ont l'expérience du terrain et savent
très bien ce qu'il faut et comment sauver des
vies. Au lieu de répondre aux demandes pressantes
du personnel de la santé en termes d'équipement,
de masques, de ressources humaines et matérielles
et de mettre fin à l'offensive antisociale en
investissant massivement en santé, le gouvernement
se tourne vers les forces armées. La COVID-19
devient le prétexte. Dans les faits, cela sert
d'exercice militaire en milieu public, en plein
coeur des établissements de santé.
Ressources naturelles jugées intérêt national
Un autre volet de l'utilisation de notre
territoire national pour des fins militaires et
agressives de l'OTAN et du US Command est
l'intérêt marqué pour nos ressources naturelles
qui peuvent servir à des fins militaires. Le
numéro du LML du 24 octobre 2020 précise
les minéraux qui sont d'intérêt.
« Parmi les 35 minéraux critiques, de nombreux
autres sont également extraits au Canada, comme le
cobalt (en Ontario), le niobium, le scandium et le
titane (au Québec), pour n'en nommer que
quelques-uns, alors que des plans sont en place
pour que d'autres soient exploités à l'avenir,
comme le chrome (Cercle de feu de l'Ontario), le
vanadium (des sables bitumineux de l'Alberta et du
complexe du Lac Doré au Québec), le lithium (dans
la région de la Baie-James, Québec) et les
éléments de terres rares (dans le nord de la
Saskatchewan). Dans tous ces cas, les
gouvernements du Québec et des provinces du Canada
fournissent toutes sortes d'aides aux riches sous
forme de projets d'infrastructure (construction de
routes, de voies ferrées, de lignes électriques,
d'installations pour la recherche et
développement) et de plans de sauvetage.
« Comme l'indique le document de 2018 de la
United States Geological Survey sur les minéraux
critiques, bon nombre des éléments trouvés au
Canada ont des applications militaires et civiles.
L'aluminium est utilisé dans de nombreuses
applications civiles et militaires terrestres,
marines et aérospatiales telles que les véhicules,
les navires de guerre, les cellules et les
fuselages d'avions et de fusées tandis que le
césium et le rubidium sont des éléments
indispensables dans les satellites de
positionnement mondial (GPS), les systèmes de
guidage des fusées, les appareils infrarouges
militaires (vision nocturne), téléphones
cellulaires et fibres optiques, pour n'en nommer
que quelques-uns.
« L'indium est utilisé pour les parebrises
d'avions, l'imagerie infrarouge militaire, les
écrans plats pour les écrans d'ordinateur et de
télévision et pour les applications nucléaires,
parmi de nombreuses autres utilisations.
Différents éléments des terres rares (ETR) sont
utilisés dans les moteurs à réaction; dans les
systèmes de guidage militaires, les lasers, radars
et sonars et pour fabriquer des aimants
permanents. Le tellure a des applications
militaires dans les dispositifs infrarouges
(vision nocturne) et les semi-conducteurs pour les
dispositifs de télécommunication et électroniques.
L'uranium a de nombreuses applications pour les
missions spatiales, la propulsion nucléaire de
navires militaires et les centrales nucléaires. »
Faisons du Canada une zone de paix
Dans ces activités
militaires et d'occupation de l'espace public et
du territoire, les peuples du Canada, du Québec,
des Premières Nations, voire les peuples du monde
et leur mouvement objectif de pouvoir décider de
toutes les actions qui les concernent ne font pas
partie de l'équation. Pourtant, la réalité est que
seuls les peuples du monde dans leur lutte pour la
justice, la dignité, l'émancipation, la paix et la
sécurité, sont à même de gagner la paix. Les
Canadiens et les Québécois ont depuis des
décennies manifesté leur opposition à toute
participation du Canada dans les alliances
agressives qui visent à écraser et soumettre
d'autres peuples et nations qui refusent de se
soumettre au diktat impérialiste. Les
manifestations, pétitions, prises de position
publiques font partie de leur ADN. Il n'y a pas un
bateau de guerre de l'OTAN qui ne peut s'installer
dans un port au Québec et ailleurs au pays sans
qu'il ne soit reçu par des manifestants. Le peuple
canadien, québécois et les Premières Nations
démontrent de manière active leur désir d'un
Canada en tant que zone de paix, pour un Canada
antiguerre qu'il est urgent d'établir.
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 74 - 21 novembre 2020
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Comment le territoire et l'espace public canadien et québécois sont mis au service des intérêts d'alliances militaires agressives - Christine Dandenault et Claude
Brunelle
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