Chanson
d'Alexandre Belliard
Une horde
ambitieuse en mal de nouvelles terres
Débarque chez les
Métis comme s'ils n'existaient guère
D'un océan à
l'autre, chemin de fer à tout prix
Les millionnaires
du rail se sont offert un pays
Riel, chef
légitime de l'Assiniboia
Réclame en homme
digne, le respect de leurs droits
Trahi par Ottawa,
traité comme du bétail
Les Métis n'ont
plus le choix, il faut livrer bataille
Victoire à
Rivière-Rouge et près de Lac aux Canards
Tous leurs
espoirs s'écroulent à Batoche plus tard
Riel, les fers
aux pieds; écroué à Regina
« Coupable »,
disent les jurés; Richardson sonne le glas
Parodie de
justice dans le plus grand désordre
C'est la haine
qui dicte, la potence et la corde
De la furie
orangiste, Thomas Scott est le fiel
Macdonald le
complice, de la mort de Riel
Telle une
cicatrice profonde qui lacère
La mémoire des
Métis, que rien ne fera taire
Francophones de
partout expriment leur colère
Et pleurent Louis
Riel, assassiné hier
Du gibet de ce
dernier ne reste qu'une estampe
Un bout de corde,
un musée, la maison de ses parents
Et lui qui fut
pourtant père du Manitoba
Doit encore
aujourd'hui, essuyer les coups bas
Martyr pour les
uns et traître pour les autres
L'histoire le
portera en vainqueur face aux fauves
On le voudrait
oublié, c'est qu'il dérange encore
Toujours
controversé, plus d'un siècle après sa mort
Une journée d'infamie dans l'histoire du Canada
Le chef métis Louis Riel (au centre) entouré
de conseillers de l'Assemblée législative
métisse
d'Assiniboia
Le 16 novembre 1885, le
pouvoir colonial britannique a pendu le grand
leader métis Louis Riel. Ce dernier a été
accusé et trouvé coupable de haute trahison
après la défaite des Métis à la bataille de
Batoche en mai de la même année. L'exécution
de Louis Riel était une façon de frapper la
conscience de la nation métisse, mais le
pouvoir colonial ne parvint pas à mettre fin à
sa lutte pour ses droits et sa dignité en tant
que nation. La lutte des Métis pour affirmer
leur droit d'être et assumer la direction de
leurs affaires politiques continue à ce jour.
Les deux grands
soulèvements de la Rivière Rouge (1869-1870)
et du Nord-Ouest (1885) n'étaient pas des
éléments isolés. Ils ont eu lieu à une époque
où les Premières Nations et la nation du
Québec cherchaient à s'affirmer, au moment où
régnait une effervescence révolutionnaire en
Europe. Les soulèvements des Métis
traduisaient une réponse au projet colonial
britannique qui cherchait à reproduire l'État
britannique en Amérique du Nord et à tenir en
échec les aspirations légitimes des nations
qui composaient le Canada.
L'Acte de l'Amérique du Nord
britannique de 1867 et l'achat des
Terres de Rupert de la Compagnie de la Baie
d'Hudson par le gouvernement canadien en
1869-1870, juxtaposés au déclin de leur
économie traditionnelle basée sur la chasse du
bison, ont contraint les Métis à se doter d'un
rapport de force avec les autorités coloniales
et à négocier l'entrée dans la Confédération
du Manitoba grâce à la mise sur pied d'une
Assemblée législative. L'esprit qui animait
Riel et les membres du gouvernement provisoire
à cette époque est contenu dans la Déclaration
des habitants de la Terre de Rupert et du
Nord-Ouest qui affirme la souveraineté des
Métis sur leurs terres. Ces derniers
refusaient également de reconnaître l'autorité
du Canada, « [...] qui prétend avoir le droit
de venir nous imposer une forme de
gouvernement encore plus contraire à nos
droits et à nos intérêts [...] ».
La Loi du Manitoba, qui
établissait le Manitoba en tant que province,
a été votée au parlement fédéral en mai 1870.
Le gouvernement n'a pas tardé à exercer son
contrôle sur son nouveau territoire comme en
font foi l'expédition militaire de Wolseley
plus tard dans l'année - qui a contraint Riel
à la fuite par crainte pour sa sécurité -, la
création de la Police montée du Nord-Ouest
(1873) et de la Loi sur les Indiens (1876).
Le premier ministre John A. Macdonald s'est
fait le champion de la colonisation de l'Ouest
et du développement de l'agriculture avec la
politique nationale qu'il a promue à partir de
1878. Avec l'aide des Oblats (les membres
laïcs de l'Église catholique affiliés à une
communauté monastique), les autorités ont
cherché à sédentariser et à forcer les Métis à
adopter le mode de vie agricole. Face à une
existence marquée par ce cadre contraignant et
sous la pression des spéculateurs fonciers,
certains Métis vendirent les terres qui leur
avaient été octroyées pour aller s'établir en
Saskatchewan.
C'était aussi une époque
où les nationalismes s'exprimaient. L'épisode
du Manitoba fit prendre conscience aux
Québécois de la fragilité de la situation des
Métis alors que l'abolition de l'enseignement
en français au Nouveau-Brunswick en 1871
indiquait le besoin d'organisation. Les
sociétés nationales à la défense des droits et
des intérêts des francophones, telles que les
sociétés Saint-Jean-Baptiste, se répandirent à
travers le continent en raison des vagues
migratoires partant de la vallée du
Saint-Laurent. La Convention nationale de
Montréal en 1874 et les fêtes de la
Saint-Jean-Baptiste à Québec en 1880 et à
Windsor en 1883 ont rassemblé des délégations
de toute l'Amérique française afin de
démontrer avec force la vitalité de la «
famille canadienne-française ». Les Acadiens
ont tenu leur première Convention en 1881 où
ils ont célébré et adopté une doctrine
nationale.
Discours de Louis Riel au jury dans la salle
d'audience de Regina, juillet 1885.
Les chefs métis, sous
l'influence du clergé, ne sont pas allés à
contrecourant. Dès les lendemains de la
Résistance de la Rivière-Rouge, fut fondée à
Saint-Boniface l'Association
Saint-Jean-Baptiste du Manitoba. Son
vice-président n'était nul autre que Louis
Riel. Cette association regroupait à ses
débuts autant les Canadiens français que les
Métis francophones.
Toutefois, conscients de
leur identité distincte, les chefs métis
voulaient façonner leur propre nationalisme.
Riel en viendra à articuler un nationalisme
proprement métis, doté d'une fête et de
symboles nationaux propres. Ce processus
culminera avec la création à Batoche en
septembre 1884 de l'Association nationale des
Métis afin de promouvoir le développement de
leur conscience politique.
Les Métis ont pris les
armes encore une fois pour affirmer leur
nation et leur droit d'être lors de la
Rébellion du Nord-Ouest de 1885. Pendant trois
jours, du 9 au 12 mai 1885, 250 Métis ont
affronté vaillamment 916 soldats des Forces
canadiennes à Batoche, mais ont été vaincus et
Riel s'est rendu.
Macdonald et son cabinet
adoptèrent la ligne dure à l'endroit de Riel
et de ses compagnons. Louis Riel fut jugé à
Régina en juillet 1885. Le procès dura cinq
jours. Le jury l'a reconnu coupable le 31
juillet, après seulement une demi-heure de
délibérations, mais a demandé la clémence. Or,
le juge Hugh Richardson, qui présidait au
procès, l'a condamné à mort. De septembre 1885
à octobre 1886, plusieurs de ses camarades,
tous autochtones, seront condamnés au même
sort.
Si les temps ont changé,
l'État canadien a hérité du pouvoir colonial
et persiste à vouloir nier la nation métisse,
les Premières Nations et la nation du Québec.
La fière histoire de la lutte des Métis pour
affirmer leurs droits en tant que nation n'est
pas que pour les bouquins qui amassent la
poussière, elle continue d'éclairer le
présent. La lutte pour l'affirmation des
droits qui appartiennent à tous du fait qu'ils
sont humains est précisément la lutte pour des
arrangements modernes centrés sur l'être
humain. La vie de Louis Riel représente la
lutte pour la reconnaissance des droits sur
une base moderne.
La vie de Louis Riel est
un legs important et toujours aussi pertinent
aujourd'hui alors que l'État canadien fait
tout ce qu'il peut pour nier les droits des
Métis, des Premières Nations et de la nation
du Québec, de même que les droits des
travailleurs, des femmes, des jeunes, des
minorités nationales et de tous les collectifs
de la société, tout cela au nom de la
sécurité, de l'équilibre, de l'austérité et
d'autres faux idéaux.
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 74 - 21 novembre 2020
Lien de l'article:
Le 135e
anniversaire de la pendaison de Louis Riel : Une journée d'infamie dans l'histoire du Canada
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