Les peuples des États-Unis et des Amériques sont nos alliés, pas l'impérialisme américain

My neighbour is rich
He can buy the earth
He wants to buy the earth
But the earth belongs to everybody and is not for sale.
- Félix Leclerc

(Mon voisin est riche
Il peut acheter la Terre
Il veut acheter la Terre
Mais la terre appartient à tout le monde et n'est pas à vendre)

Le 4 novembre, alors que les élections présidentielles n'étaient pas encore terminées, le premier ministre du Québec, François Legault, a déclaré à leur sujet : « On va continuer de travailler fort pour faire prospérer notre relation, peu importe le président que les Américains auront choisi. Je ne voudrais pas que les autres États ou pays se mêlent de nos élections. Donc, ce sera aux Américains de décider. » La vice-première ministre du Québec, Geneviève Guilbeault, a dit : « On va se ranger au résultat qui aura été décidé par la population américaine. » Et finalement, la ministre des Relations internationales, Nadine Girault, a dit : « Nos liens sont forts et nous sommes des alliés commerciaux essentiels. Nous allons continuer de soutenir la relation que nous entretenons depuis toujours avec notre voisin du sud. »

Pour trouver une période du passé où le peuple québécois considérait que les États-Unis étaient un allié, il faut retourner au XIXe siècle, lorsque les patriotes voyaient les États-Unis comme un allié dans la lutte anticoloniale contre l'empire britannique, qui a culminé avec les grandes assemblées du peuple en 1837-1838, et la nécessité de mettre fin au contrôle de l'empire britannique sur leurs vies.

Mais l'expérience directe du peuple québécois, en particulier pendant l'expansion du capital américain au Québec et au Canada dans les années 1960 et les guerres d'agression ouvertes des États-Unis, leurs renversements criminels de gouvernements et leurs alliances de guerre, a fait en sorte que le peuple québécois s'est rangé du côté des peuples du monde, y compris la jeunesse des États-Unis qui s'opposait à la guerre du Vietnam. Parmi les nombreuses expressions de cette prise de position, à la suite du coup d'État qui a eu lieu au Chili en 1973, les communautés québécoises ont accueilli à bras ouverts les Chiliens qui avaient été forcés de s'exiler par le coup d'État brutal de Pinochet, dirigé par les États-Unis.

Au cours de cette période, les travailleurs et le peuple québécois ont subi les contrecoups de l'expansion du capital financier américain au Québec. Ils se sont vite rendu compte de ce que signifiait la politique officielle de gouvernements successifs, peu importe leur couleur politique, d'un « Québec ouvert aux investisseurs ». C'est une politique pour mettre les ressources humaines et naturelles du Québec à la disposition des entreprises étrangères, en particulier les compagnies des États-Unis, une situation qui se répète constamment, alors que le gouvernement du Québec se range ouvertement du côté des monopoles contre les travailleurs en grève et leurs communautés, comme ce fut le cas à Alma en 2012 lorsqu'il s'est rangé du côté de Rio Tinto Alcan. Ce qui voulait aussi dire que, comme dans les cas des industries forestières et minières et des grands projets hydroélectriques financés par les Américains, les gouvernements se rangeraient du côté des propriétaires de ces industries contre les droits ancestraux et issus des traités des Innus, des Anishinabés et des autres Premières Nations.

Pour ce qui est de la question de se mêler de nos affaires ici, les agences étatuniennes ont été particulièrement actives au Québec dans les années 1960 et 1970, comme partie intégrante de leur Opération Chaos, pour subvertir et supprimer la lutte de la classe ouvrière et de la jeunesse à la défense de leurs droits, y compris le doit de décider eux-mêmes de leur avenir et de s'opposer à l'OTAN dirigé par les États-Unis, et à toutes ses conséquences pour le Québec et le Canada, telles que la militarisation de l'économie et une politique étrangère au service des ambitions mondiales des États-Unis. Cela se voit aujourd'hui dans la politique hostile des États-Unis envers Cuba et le Venezuela, par exemple, alors que le peuple québécois s'oppose aux sanctions brutales et criminelles imposées à ces pays et soutient le droit des peuples de décider, et des relations entre pays fondées sur des relations pacifiques et sur l'assistance mutuelle.

Voilà ce qui fait que ces déclarations au sujet de « respecter ce que décident les Américains » sont si trompeuses et détachées de la réalité. Conférer une crédibilité quelconque à un processus aussi brutal et anticonscient qu'on ne peut plus qualifier de « politique » vise précisément à venir au secours d'un processus politique qui ne sert plus les intérêts du peuple et de la société et à subvertir les luttes des peuples pour le changement. C'est de promouvoir un processus politique qui est désuet, corrompu et injuste par lequel des millions de gens ne peuvent même pas s'inscrire pour voter, les campagnes des deux partis imposés au peuple comme étant un « choix » sont financées par les plus grandes entreprises au monde, et la notion même d'autorité publique, de bien public et de corps politique a été remplacée par des intérêts privés étroits.

La lutte du peuple des États-Unis pour décider se mène avec acharnement dans tous les mouvements des travailleurs et du peuple qui se sont poursuivis sans relâche même durant les mois d'élections et sont volontairement ignorés par ceux qui veulent perpétuer le mythe de la « plus grande démocratie au monde ». Elle est exprimée dans la participation active – malgré une répression des plus brutales – de plus de 20 millions de personnes de tous les horizons contre les meurtres et la violence racistes par la police, exigeant égalité, justice et reddition de comptes. Dans le cours de ces mouvements, des discussions ont lieu sur les arrangements politiques actuels et sur le fait que sa constitution et sa fraude électorale ne servent pas les intérêts du peuple et sont une entrave au développement d'une société qui peut et doit servir ces intérêts.

Si Trump gagne/si Biden gagne 

Cette lutte est menée par les travailleurs des États-Unis, qui ont mené des milliers de grèves ces derniers mois à la défense de leurs droits et leur sécurité, en particulier en ces temps de pandémie. À cet égard, les infirmières – plus de 2 000 travailleurs et travailleuses de la santé sont décédés aux États-Unis en raison de la COVID-19 – ont été particulièrement actives et courageuses alors qu'elles ont organisé des vigiles tout au long des élections pour honorer les morts et lutter pour les vivants, exigeant une meilleure protection et des normes de sécurité publiques nationales pour lesquelles toutes les institutions privées et publiques doivent être tenues responsables.

Les déclarations citées plus haut, en apparence anodines, cachent des enjeux énormes, surtout pour ce qui est de notre relation avec les États-Unis et la lutte de vie ou de mort pour le changement qui fait rage présentement dans les Amériques, y compris au Québec et au Canada. Pour ce qui est de la classe ouvrière et du peuple québécois, notre relation est avant tout avec la classe ouvrière et le peuple des États-Unis et des Amériques dans cette période où les effets des injustices passées ont rattrapé ceux qui forment les classes dirigeantes et qui en ont profité. Une humanité, une lutte – celle de la lutte pour la démocratie fondée sur la défense des droits de tous, et, avant tout, le droit des peuples de décider, de développer et de choisir les formes de démocratie qui conviennent à leurs besoins, sans ingérence étrangère.

(Photos : VOR)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 70 - 7 novembre 2020

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Les peuples des États-Unis et des Amériques sont nos alliés, pas l'impérialisme américain


    

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