Le rôle du Congrès et du Collège électoral

La Constitution des États-Unis prévoit un processus électoral qui garantit le pouvoir des hommes de propriété et maintient la plus grande faction – connue sous le nom de classe non possédante, comme le disaient les pères fondateurs – hors du pouvoir. Le Collège électoral, utilisé uniquement pour les élections présidentielles, fait partie de cet arrangement. Il a été établi comme un mécanisme contre « le pouvoir de la rue » pour assurer le maintien du pouvoir par les propriétaires fonciers – aujourd'hui les oligarques au pouvoir (ce qu'on retrouve à l'Article II et dans le 12e amendement). Le Collège électoral faisait partie du compromis avec le système de travail forcé par l'esclavage, comme l'ensemble de la Constitution d'ailleurs. Les développements qui se déroulent aujourd'hui montrent de plus en plus à quel point la Constitution et son processus électoral sont un compromis qui favorise les oligarques, en opposition à une démocratie du peuple, par le peuple et pour le peuple.

Bien que certaines modifications aient été apportées, telles que l'accord sur la tenue d'une élection populaire pour le président, le système fondamental décrit dans la Constitution demeure intact. Le Collège électoral comprend actuellement 538 grands électeurs, partagés entre les États et le district de Columbia. Les votes de grands électeurs sont accordés en fonction du nombre de représentants de chaque État à la Chambre des représentants, plus deux pour les sénateurs d'État. Chaque État sélectionne les électeurs au Collège électoral, les démocrates et les républicains ayant chacun préparé une liste d'électeurs. Bien que le district de Columbia ne soit pas un État, il a droit à trois grands électeurs. Le candidat qui obtient une pluralité de voix dans l'État reçoit les votes de tous les électeurs de cet État (à l'exception du Maine et du Nebraska qui utilisent un système de représentation proportionnelle). Les électeurs de chaque État se réunissent ensuite après l'élection pour certifier les résultats des élections pour leur État. Selon la loi, ces résultats doivent être complétés et soumis au Congrès le premier lundi suivant le deuxième mercredi de décembre qui, en 2020, tombe le 14 décembre.

Le nouveau Congrès, qui siégera le 3 janvier et se réunira en une session commune, est alors tenu de valider les résultats. Il s'agit d'une formalité car le résultat est déjà bien établi. Cependant, si cette année devait être différente parce que les résultats dans certains États sont contestés, ou si aucun candidat n'obtient les 270 voix requises au Collège électoral, il appartiendra à la Chambre des représentants de trancher. Cela se fait par ce qu'on appelle une « élection de dernier recours ». Chaque délégation d'État n'a qu'une seule voix. Selon le déroulement des élections de novembre, même si la nouvelle Chambre est composée d'une majorité de démocrates, ce vote de dernière instance pourrait encore favoriser les républicains puisque les délégations d'État peuvent être majoritairement républicaines ou démocrates.

La présidente de la Chambre, Nancy Pelosi, a déjà avisé les membres du Congrès de se préparer à un tel vote. Étant donné les sérieuses préoccupations en ce qui a trait au potentiel de violence, à la fois entre les factions rivales et contre le peuple, y compris par l'armée, la certification du vote par le Congrès pourrait servir à atténuer les risques. Cela ne se produirait pas nécessairement selon les lignes de parti, car l'enjeu serait alors d'éviter la guerre civile. Bien entendu, si aucun compromis ne peut être atteint, le vote du Collège électoral pourrait lui-même accroître les dangers de guerre civile.

Certains croient que si Trump est défait par une pluralité de votes suffisamment importante et que Biden obtient les votes nécessaires du Collège électoral dans les États non contestés, Trump concédera la défaite. C'est pourquoi le camp Biden insiste tant sur l'importance d'aller voter. Cependant, cela suppose que les électeurs sont convaincus que leur droit de vote ne sera pas remis en question, ce qui n'est pas le cas en ce moment. Une grande partie des Américains n'est pas en mesure d'exercer son droit de vote. C'est donc aussi un facteur qui accroît l'inquiétude que l'issue des élections ne soit pas pacifique.

Il est également vrai que Trump a déclaré le 1er novembre qu'il enverrait immédiatement ses avocats demander des recomptages dans les États susceptibles d'être contestés, comme la Pennsylvanie, le Michigan, la Caroline du Nord et le Wisconsin. Cela indique qu'il tentera d'abord des moyens légaux et demandera une décision de la Cour suprême en sa faveur plutôt que de déclarer immédiatement la victoire comme il a menacé de le faire. Cependant, plusieurs doutent de la légitimité d'une décision de la Cour suprême étant donné la confirmation rapide de la nomination par Trump de la juge Amy Barrett,. Déjà, des syndicats et des représentants ont exigé qu'il n'y ait aucune ingérence de la Cour suprême. Et avec ou sans décision de la cour, la Chambre des représentants doit encore certifier le vote. Ainsi, des divisions et des violences encore plus grandes pourraient se produire.

De plus, depuis que George W. Bush a défait le vice-président démocrate sortant Al Gore après une victoire serrée et contestée qui impliquait une décision de la Cour suprême d'arrêter un recomptage en Floride, l'anarchie aux États-Unis est érigée en autorité. La violence a été utilisée pour régler des conflits tant aux États-Unis qu'à l'étranger. Une transition pacifique exige qu'il y ait des politiques et des mécanismes pour régler les différends entre les factions, alors qu'aucun n'existe. Même les factions au sein de la classe dirigeante sont si changeantes et qu'il y a autant de voix en elles qu'il y a de personnes qui les composent qu'on ne peut s'attendre à voir des négociations qui aboutiront à quelque chose de substantiel. C'est seulement par l'affirmation des revendications que le peuple des États-Unis est en droit de faire qu'on obtiendra des résultats différents.

Quel que soit le résultat de cette élection, la seule chose qui soit certaine est que la crise de légitimité et de crédibilité dans laquelle la démocratie et les institutions américaines sont embourbées va continuer. Aucun des deux candidats n'aura le consentement du peuple.


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 69 - 2 novembre 2020

Lien de l'article:
Le rôle du Congrès et du Collège électoral


    

Site Web:  www.pccml.ca   Courriel:  redaction@cpcml.ca