Pour que le changement ne soit pas encore une fois la victime

Les campagnes de Joe Biden et Donald Trump se sont concentrées sur le fait que l'élection présidentielle est décisive pour l'avenir des États-Unis. Les gens doivent voter « comme si leur vie en dépend » (Michelle Obama) et « les enjeux n'ont jamais été aussi importants » (vice-président Mike Pence). Cette façon catégorique de présenter les choses sert à éclipser le peuple et son large mouvement de résistance persistante comme facteur décisif pour façonner l'avenir. Elle cache les relations de pouvoir actuelles qui garantissent un gouvernement des riches, par les riches et pour les riches, qui ne peut pas être également un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple.

C'est la réalité que la vie a révélée à plusieurs reprises. Et c'est précisément parce que le peuple la reconnaît de plus en plus - comme en témoignent les revendications de millions de personnes pour l'égalité, la fin du racisme du gouvernement et les droits humains pour tous - que cette élection est présentée comme étant si décisive. Il s'agit de détourner les mouvements d'affirmation du peuple, par lesquels les gens prennent les choses en main, s'expriment en leur propre nom et formulent leurs propres revendications.

Lors de la Convention nationale du Parti démocrate, Biden a lancé un appel spécifique aux jeunes, disant : « Pour tous les jeunes qui n'ont connu qu'une Amérique où il n'y a que les inégalités croissantes et les opportunités diminuées, ils méritent de vivre pleinement la promesse de l'Amérique. »

Barack Obama s'est concentré sur le mouvement de résistance : « Je vous demande également de croire en votre propre capacité à assumer votre propre responsabilité en tant que citoyens – pour vous assurer que les principes fondamentaux de notre démocratie perdurent. Parce que c'est ce qui est en jeu actuellement : notre démocratie. » Les républicains « espèrent donc rendre le vote aussi difficile que possible et vous convaincre que votre vote n'a pas d'importance. C'est comme ça qu'ils gagnent. C'est ainsi qu'ils continuent à prendre des décisions qui affectent votre vie et celle des personnes que vous aimez. [...] C'est ainsi qu'une démocratie dépérit, jusqu'à ce qu'elle ne soit plus du tout une démocratie. Nous ne pouvons pas laisser cela se produire. Ne les laissez pas vous enlever votre pouvoir. Ne les laissez pas vous enlever votre démocratie. Faites un plan dès maintenant sur la façon dont vous allez vous impliquer et votez. »

Par un tour de passe-passe, Obama passe de « notre » à « votre ». Il parle des « principes fondamentaux de notre démocratie », c'est-à-dire ceux de la Constitution des États-Unis qui maintiennent le pouvoir entre les mains des descendants des « hommes de propriété de race blanche » qui ont constitué les États-Unis d'Amérique en premier lieu, puis de « votre démocratie » et de « votre pouvoir ». Le pouvoir des jeunes résiderait donc dans le vote en faveur des mêmes forces de la classe dirigeante qui sont responsables des crises actuelles, qu'il s'agisse de l'échec à subvenir aux besoins des citoyens pendant la pandémie, des morts aux mains de la police raciste et de la violence policière, du chômage, des évictions et de la pauvreté, ou des catastrophes climatiques et des guerres d'agression sans fin.

La prétention est que le pouvoir n'est pas conféré par une action unie collective à la défense des droits de tous et toutes. Ce que l'on appelle alors la responsabilité des citoyens n'est pas de promouvoir et d'harmoniser les intérêts individuels, collectifs et sociaux pour faire avancer la société et moderniser la démocratie. Ce n'est pas de lutter pour une nouvelle direction pour le pays qui remette les affaires politiques et économiques entre les mains du peuple. Non, la responsabilité des jeunes serait de voter pour un système qui n'a jamais assuré l'égalité ou garanti les droits de tous, mais qui promet de le faire.

Il y a un désir grandissant parmi les jeunes et les travailleurs aujourd'hui d'être les décideurs sur toutes les questions politiques et économiques qui les touchent. Il y a une volonté de s'investir du pouvoir de gouverner et de décider. C'est la nouvelle direction qui peut mener à une démocratie où tous sont des membres égaux du corps politique et où il y a reddition de comptes et non l'impunité, le racisme et l'inégalité continuels inhérents aux « principes fondamentaux » de la démocratie à l'américaine.

La ruse derrière l'effort pour à la fois détourner et diviser le peuple sur qui élire ou s'il faut voter ou pas, pour concentrer toutes les énergies et les ressources sur le vote, est qu'ensuite c'est le peuple qui sera blâmé pour les résultats du vote. La question n'est pas de savoir qui est élu, mais plutôt comment faire progresser au mieux les luttes actuelles pour les droits et s'investir du pouvoir, et comment utiliser les élections pour accentuer ce combat pour le Nouveau : pour de nouveaux arrangements, une nouvelle direction, une démocratie qui sera l'accomplissement du peuple.

(Photo : F. Zuccarella)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 68 - 1er novembre 2020

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Pour que le changement ne soit pas encore une fois la victime - Hilary LeBlanc


    

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