Derrière la mobilisation des milices racistes

Les médias monopolisés font la promotion de milices racistes armées qui se disent prêtes à intervenir dans les bureaux de vote le 3 novembre et à se mobiliser après les élections si Donald Trump perd.

Une grande attention est accordée à l'appel de Donald Trump à constituer une « armée pour Trump » dont les recrues vont être déployées dans les bureaux de vote ce qui est considéré par beaucoup comme une intimidation des électeurs et des travailleurs d'élection. En outre, les médias répètent fréquemment le commentaire de Trump lors du premier débat avec son rival Joe Biden, quand il a demandé à des groupes comme les « Proud Boys », une bande de racistes, anti-musulmans et anti-peuple, de « se tenir prêts » à agir s'il perd dans ce qu'il a appelé une élection « truquée ». D'autres groupes comme les « Gardiens du serment », le KKK et divers groupements hitlériens seraient également prêts à agir.

Beaucoup de ces milices comptent dans leurs rangs des policiers, des shérifs et des militaires, actuels ou anciens, et ont généralement obtenu des armes de type militaire. Elles sont connues et souvent infiltrées par des agences comme le FBI, comme cela a été le cas longtemps pour le KKK et les forces néonazies. Elles ne sont pas « indépendantes » et séparées de l'État comme on le prétend, elles sont plutôt un bras de l'État raciste qui a pour tâche d'exécuter sa violence.

L'inquiétude parmi les cercles dirigeants au sujet de ces milices et de leur contrôle est telle que le Conseil des relations étrangères (CFR), un conseil de premier plan qui réunit diverses factions de l'élite dirigeante et s'intéresse à l'établissement de rapports entre les factions, qualifie la mobilisation de ces milices de « danger extraordinaire pour la démocratie américaine ». Le CFR affirme que ces groupes armés comprennent ceux qui appellent à la sédition et à « une nouvelle guerre civile américaine ».

Le CFR relie cette inquiétude au fait que « près de 13 500 manifestations et protestations ont eu lieu dans tout le pays depuis la mort de George Floyd ». Bien qu'il affirme que « l'écrasante majorité des manifestations [...] ont été pacifiques », elles ont « exacerbé les tensions et polarisé les positions politiques ».

Ce qui est omis, c'est que les tensions exacerbées sont celles qui opposent la grande majorité des gens de tous horizons et de toutes nationalités qui soutiennent la résistance au gouvernement et à ses services de police. Plus de 20 millions de personnes ont participé directement aux manifestations et ont tenu bon contre les violences policières. Les « positions polarisées » sont celles qui existent dans les cercles dirigeants, qui opposent les différentes factions représentant des intérêts privés étroits qui se disputent le pouvoir. Ces intérêts privés ne sont pas vraiment intéressés à résoudre leurs conflits, car toute réconciliation gênerait l'obtention du contrôle total dont ils ont besoin pour pouvoir disposer de toutes les ressources naturelles et humaines comme ils le souhaitent. Si l'élection sert traditionnellement à résoudre les conflits entre les factions, dans ce cas-ci il n'y a aucune résolution en vue. Au contraire, les tensions liées aux troubles civils et à l'utilisation des milices exacerbent les contradictions et bloquent toute enquête et délibération rationnelles sur ce que révèlent les événements en cours au sujet des problèmes dans lesquels la démocratie américaine est enlisée.

La menace d'une guerre civile préoccupe beaucoup les cercles dirigeants qui souhaitent préserver l'union et éviter un conflit ouvert et violent. Ils reconnaissent tous que de grands États comme la Californie, le Texas et New York pourraient facilement devenir indépendants. Des alliances régionales sont également en train de se dessiner, comme entre New York, le New Jersey et le Connecticut, qui pourraient aussi constituer des États indépendants. L'exacerbation des conflits entre les États tels qu'ils sont actuellement constitués et le Bureau du Président sur la COVID, l'immigration, le financement et l'utilisation des agences de police - indique à quel point les conflits d'intérêts s'aggravent.

Les forces armées et les nombreuses agences de police fédérales, des États et locales étant également divisées, les cercles dirigeants ne peuvent pas prévoir si ces forces se soumettront à Donald Trump en tant que commandant en chef des forces armées, ou si elles s'opposeront à lui s'il perd et refuse de quitter ses fonctions. Ou, comme l'a dit Joe Biden, elles s'entendraient sur la nécessité d'utiliser les forces armées pour démettre Trump de ses fonctions et réprimer la résistance au nom d'une « transition démocratique pacifique » et de la préservation de l'union.

Mais la plus grande préoccupation des cercles dirigeants est que la plus grande des factions, le peuple également appelée « le pouvoir de la rue » persiste à réclamer justice, l'égalité et la fin de la brutalité et de l'impunité policières et de la discrimination raciale. La lutte de sections toujours plus larges du peuple a l'empreinte d'une conscience et d'une organisation qui grandissent et s'élargissent. Tous les jours, nous assistons à l'expression du droit de parler en son propre nom, pour la garantie des droits de tous et de toutes et pour le contrôle du pouvoir de décision. Il est largement reconnu que les travailleurs de première ligne, voire tous les travailleurs, peuvent faire beaucoup mieux que ceux qui sont actuellement au pouvoir pour apporter des solutions politiques non violentes et rendre des comptes.

La mobilisation des milices racistes a davantage à voir avec la tentative de détourner la colère des gens contre l'État américain raciste vers ces groupes. Il s'agit d'attiser la colère afin de dresser les gens les uns contre les autres, alors l'État apparaît comme étant « au-dessus d'une population polarisée », qui intervient pour la protéger, alors qu'il est la source du racisme et de la violence qui ravagent la société américaine. Bien sûr, il s'agit aussi d'avoir ces groupes « prêts » à intervenir, prêts à perturber et à attaquer la résistance, comme cela s'est déjà produit, afin de justifier une intervention fédérale et militaire encore plus importante après les élections. Une éventuelle « urgence nationale » invoquant les actions de ces groupes et la résistance à ceux-ci pourrait également être proclamée entre le jour de l'élection et l'assermentation en janvier.

La mobilisation des milices n'est pas seulement révélatrice de Donald Trump l'individu, elle révèle surtout la nature de l'État américain et sa difficulté à conserver le pouvoir et à rester indivisible dans les conditions de divisions intenses de la classe dominante et face au rejet populaire de la direction actuelle du pays. C'est l'État qui mobilise les milices racistes et qui crée les conditions d'une violence et d'une répression encore bien plus grandes contre le peuple, en utilisant ces groupes dans la répression du peuple et pour justifier la répression du peuple.

(Voice of Revolution. Photos : S. Devol, D. Druauthamer, Radical Graffiti)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 68 - 1er novembre 2020

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