Un moment de vérité
- Pauline Easton -
Le Mur d'anciens combattants et derrière eux le
Mur des mamans qui forment les lignes
de front dans les manifestations contre la
violence et l'impunité policières – le 29 juillet 2020,
à Portland en Oregon.
L'expérience du mouvement de résistance aux
États-Unis et de la présidence de Donald Trump
révèle d'abord et avant tout comment se déroule le
processus décisionnel aux États-Unis et qui le
contrôle. Cela a également été révélé par les
présidences qui ont précédé celle-ci, quelle que
soient la période de l'histoire, les
circonstances, la personnalité du président, le
style de son gouvernement ou du parti politique au
pouvoir.
Toutefois, avec l'avènement des arrangements
néolibéraux après l'effondrement de l'ancienne
Union soviétique, une contre-révolution virulente
occupe l'espace du changement. Le diktat des
impérialistes voulant que tous ceux qui n'adhèrent
pas à l'économie de marché, à la démocratie
multipartite et à leur définition des droits de
l'homme sont des éléments voyous et n'ont pas de
légitimité s'est imposé. Cette offensive
contre-révolutionnaire des impérialistes a
exacerbé toutes les contradictions inhérentes à un
système basé sur des rapports de production qui ne
peuvent plus contenir les forces productives ni
les contrôler.
La violence est devenue la méthode privilégiée
pour contrôler et réprimer l'opposition. L'état
d'exception et le gouvernement des pouvoirs
d'urgence sont devenus permanents, tout cela au
nom de la préservation des institutions
démocratiques libérales, du contrôle de la
pandémie du coronavirus, de la paix et d'autres
justifications qui se révèlent tout aussi
irrationnelles qu'insoutenables.
Bien que les États-Unis se déclarent la « nation
indispensable » et proclament que la
démocratie américaine est « la plus avancée du
monde », les conditions matérielles ne se
soumettent pas à la volonté des cercles
dirigeants.
Aujourd'hui, le conflit entre l'autorité
gouvernementale et le peuple sur la direction que
prend le pays prend une ampleur sans précédent.
Comme le montre la persistance de la résistance
aux autorités américaines, la revendication
d'égalité, de justice et de responsabilité ne peut
être réduite au silence ni arrêtée. Il est clair
que ces élections ne trancheront pas ces
questions; nous voyons partout qu'elles vont être
réglées par le peuple et sa lutte pour que les
droits soient reconnus sur une base moderne.
Le rejet du point de vue juridique
À cet égard, les gens rejettent le point de vue
juridique qu'on leur propose dans un effort pour
sauver les institutions démocratiques
anachroniques qui perpétuent l'existence d'une
autorité imposée au peuple. Ce point de vue
juridique est l'un des obstacles auxquels fait
face actuellement le peuple des États-Unis et il
le rejette.
Une des
caractéristiques principales de cette façon de
voir les choses est que les problèmes doivent être
examinés sur la base de leur légalité ou de leur
illégalité. Cela est fait pour entraîner tout le
monde dans la recherche de solutions qui défendent
les institutions démocratiques anachroniques
existantes et dans un débat sur le pour et le
contre de solutions proposées par d'autres. Cela
amène également à se tourner vers les tribunaux et
les organismes publics et, souvent, à compter sur
eux pour régler les problèmes.
C'est une vision bornée, coincée dans les
arrangements existants, qui a conduit à un conflit
sans précédent entre les conditions et l'autorité,
entre l'Ancien, qui s'efforce en vain et
irrationnellement d'atteindre l'immortalité, et le
Nouveau qui s'efforce de naître afin d'établir une
nouvelle autorité qui correspond aux conditions
actuelles.
Le point de vue juridique laisse le peuple et sa
volonté de s'investir du pouvoir hors de
l'équation. Le peuple n'est pas considéré comme la
force du changement. Ses discussions et son effort
d'organisation pour s'investir du pouvoir ne
doivent pas avoir lieu. Les médias monopolisés
jouent leur rôle de lancer et d'entretenir le
débat pour ou contre Joe Biden ou Donald Trump,
tout cela pour étouffer le grand mécontentement
qui existe envers l'ensemble des arrangements en
place aux États-Unis et pour réprimer la lutte du
peuple pour des changements qui lui sont
favorables et non en faveur de gouvernants qui
sont manifestement inaptes à gouverner.
De la même manière, les tentatives d'utiliser
l'opinion contre Trump pour plonger les gens dans
ce débat de pour ou contre confinent la discussion
aux arrangements existants au lieu de montrer que
le système est dysfonctionnel et que de nouveaux
arrangements qui investissent le peuple du pouvoir
sont nécessaires, et d'engager la discussion sur
ce que ces nouveaux arrangements pourraient être.
Une période de transition
Nous sommes dans une période de transition. Les
anciens arrangements ne fonctionnent pas et ne
nous servent pas, alors que les nouveaux
arrangements n'existent pas encore. L'organisation
doit viser à faciliter la naissance du Nouveau et
à unir tous ceux que l'affirmation politique
favorise afin qu'ils se joignent aux efforts pour
définir des institutions modernes, des formes
modernes de collectifs dans lesquelles le peuple
est le décideur.
La fidélité doit
être envers l'ensemble des relations humaines et à
ce qu'elles révèlent, et non envers les anciens
arrangements de la Constitution des États-Unis et
à ce qui est appelé société civile. Alors que nous
rejoignons nos frères et soeurs des États-Unis en
luttant dans notre propre pays sur toutes les
questions qui concernent les droits civils, notre
point de vue – la
manière dont nous envisageons les problèmes – ne peut être un point de vue
juridique. Nous ne nous limitons pas à la défense
des droits civils. Contrairement aux gouvernants,
nous disons que les intérêts conflictuels en jeu
concernent les intérêts individuels et collectifs
dans leur rapport avec l'intérêt général; et que
les rapports entre tous les individus et tous les
collectifs peuvent être harmonisés avec le bien
commun. Les intérêts individuels et collectifs
peuvent être harmonisés en donnant à la démocratie
une définition moderne qui répond aux besoins
actuels. Pour ce faire, il faut une définition
moderne de la démocratie, dans son contenu et sa
forme. L'effort pour réaliser cette définition
donnera naissance à la personnalité démocratique
moderne qu'exige le monde d'aujourd'hui.
L'harmonisation des intérêts est l'acte d'être de
la personnalité démocratique. Une démocratie
moderne est un moyen de garantir l'épanouissement
d'une telle personnalité démocratique.
Les droits ne sont pas des privilèges que les
gouvernants peuvent accorder ou retirer en
fonction des avantages que cela leur procure. Les
droits ne peuvent pas être sacrifiés sur l'autel
des élections. L'égalité n'est pas un droit
inaliénable divin et interprété comme une
construction sociale sujette à la manipulation par
ceux qui gouvernent. Elle est liée à
l'appartenance au corps politique et appartient à
tous en raison de leur être objectif. La qualité
inhérente de la définition moderne de l'égalité
est qu'elle confère à tous les membres du corps
politique le droit de participer à la prise des
décisions qui affectent leur vie, de faire le
bilan de l'expérience de leur mise en oeuvre et de
tracer une voie vers l'avant à partir de là. Ce
n'est que si le principe fondamental de l'égalité
est reconnu sur une base objective moderne que
ceux qui violent les décisions du collectif
peuvent être tenus responsables.
Dans l'élection actuelle aux États-Unis,
il n'y a pas d'égalité. C'est la lutte persistante
et grandissante des travailleurs de toutes
origines et convictions qui garantit l'égalité
conférée par l'appartenance. Une démocratie
moderne consacrera une telle égalité qui interdit
le racisme et la discrimination ou la violation de
la personne humaine et de l'environnement social
et naturel. Elle interdira le recours à la force
dans le règlement des conflits au sein des nations
et entre les nations, assurera le bien-être
économique et protégera l'environnement social et
naturel.
Les êtres humains
expriment leurs aspirations les plus profondes par
leurs revendications. Afin de réaliser leurs
objectifs, les gens tirent la conclusion qui
s'impose que les formes de lutte du passé, fondées
sur la Constitution et sur ce qu'elle nous dit en
termes de définitions et de moyens, doivent être
changées. De nouvelles formes sont nécessaires
pour que les travailleurs puissent saisir et se
battre pour réaliser ces revendications et
transformer leur situation, apporter la paix, la
démocratie et la justice et protéger
l'environnement naturel et social. La nouvelle
situation exige une nouvelle approche et les
solutions que les travailleurs veulent.
À cet égard, les efforts électoraux et la
propagande habituels qui visent à dérouter les
gens en les ralliant à l'un ou l'autre des deux
principaux partis cartellisés qui se disputent le
pouvoir, les républicains et les démocrates,
n'arrivent pas à l'heure actuelle à les convaincre
de compter sur les politiciens des riches et leur
pouvoir pour résoudre les problèmes auxquels ils
sont confrontés. Le gouvernement, à tous les
niveaux, s'est montré raciste et totalement
antidémocratique. Cela est évident dans les
élections elles-mêmes, avec la pratique répandue
de suppression des électeurs et un système raciste
et discriminatoire qui visent de toute évidence à
maintenir les rapports qui perpétuent le pouvoir
des intérêts privés étroits.
L'élément crucial de cette prise de conscience
est que les gens voient la nécessité de garder les
choses entre leurs mains propres et s'organisent
pour une démocratie qui leur appartient.
L'exemple des infirmières qui, dans tous les
États-Unis, ont organisé des vigiles la semaine
précédant l'élection pour pleurer les morts et
lutter pour les vivants témoigne de la conscience
qui a imprégné le mouvement. Les infirmières
ciblent tous les élus pour leurs échecs à
contrôler la COVID-19. De nombreuses actions sont
également prévues après les élections.
La position est ferme : c'est le peuple et
son combat pour les droits de tous et toutes qui
obligent à rendre des comptes et permettent
d'obtenir réparation. Une démocratie moderne doit
être mise en place, qui invente des arrangements
en faveur des travailleurs, quels que soient leur
race, leur origine nationale, leur genre, leurs
croyances ou leurs convictions.
La sécurité ne réside pas dans une meilleure
utilisation des pouvoirs de police, elle réside
dans la lutte pour les droits de tous et de
toutes.
C'est un moment de vérité et un moment de rendre
des comptes dans tout le pays; un moment où les
séquelles de toutes les injustices passées ont
rattrapé ceux qui forment la classe dirigeante et
qui en ont profité.
Après ces élections, rien ne restera comme avant.
La volonté du peuple doit prévaloir pour que le
résultat lui soit favorable plutôt que favorable à
l'impérialisme et toute la réaction.
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 68 - 1er novembre 2020
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