Les «deux Amériques» qui s'affrontent
- Kathleen Chandler -
Manifestation à Philadelphie le 27
octobre 2020 pour protester contre la mort de
Walter Wallace Jr aux mains de la police dans
cette ville quelques jours plus tôt
Les élections américaines de 2020, qui se
tiendront le 3 novembre, sont l'élection du
président, ainsi que l'élection de l'ensemble
des 435 membres de la Chambre des
représentants et d'un tiers des 100
sénateurs. Les élections se déroulent dans des
conditions de crise sans précédent pour ce que
l'on appelle « la plus grande démocratie du
monde » :
- plus de 220 000 personnes sont
mortes de la COVID-19 et plus de 8 millions
en ont été infectées;
- quelques milliardaires ont augmenté leur
fortune de 930 milliards de dollars au
cours des six premiers mois de la pandémie de la
COVID-19;
- près de 62 millions de personnes ont
perdu leur emploi;
- quelque 98 000 entreprises ont fermé
leurs portes de façon définitive;
- plus de 12 millions de personnes ont
perdu leur assurance-maladie financée en partie
par l'employeur;
- 22 millions de personnes ont déclaré ne
pas avoir assez de nourriture;
- un sixième de tous les locataires seraient en
retard dans le paiement de leur loyer.
Plus de 20
millions de personnes ont participé à un mouvement
de protestation qui se poursuit sans relâche
depuis mai 2020, lorsque George Floyd a été
tué par la police, pour exiger des comptes et des
réparations. Cette résistance large et persistante
pour faire cesser la violence policière raciste et
obtenir justice, égalité et responsabilité, a
entraîné une profonde remise en question du
système de justice actuel, ou plutôt d'injustice
comme beaucoup l'appellent. Il est largement
reconnu que les services de police, les tribunaux
et les incarcérations de masse sont racistes dans
leur essence, injustes et incapables de tenir les
services de police responsables, que ce soit aux
niveaux local, des États ou fédéral. Les demandes
ne se limitent pas à obtenir le licenciement de
quelques policiers, car un changement bien plus
important est nécessaire dont le contrôle par le
peuple est l'élément central.
Des réunions et des débats ont déjà lieu pour
réimaginer la sûreté et la sécurité en incluant
des enjeux comme la lutte contre la pauvreté, le
droit au logement, à la santé et à l'emploi, en
particulier dans les conditions de la COVID-19.
Les efforts d'organisation se concentrent
également sur les budgets et le droit des citoyens
de décider comment les fonds publics sont
dépensés, que ce soit pour le maintien de l'ordre,
les forces armées, les prisons et les guerres ou
pour la santé et le logement.
Les gens ne sont pas dupes des élections comme
moyen de changement. Les obstacles à la
participation des électeurs montrent que ce n'est
pas le peuple qui élit celui qui est porté au
pouvoir. Les obstacles à la participation
comprennent l'obligation de s'inscrire pour voter,
un grand nombre de personnes admissibles étant
dans l'impossibilité de le faire bien qu'elles en
aient le droit. Les Afro-Américains ont depuis
longtemps été la cible de cette exclusion de fait.
Chaque État a des exigences différentes en matière
d'inscription, de mise en candidature,
d'enregistrement des partis, etc. L'ensemble du
processus est antidémocratique et inéquitable.
Malgré cela, lorsque les conditions le permettent,
des candidats antiguerre ou des candidats de tiers
partis se présentent pour exprimer la volonté
d'affirmation du peuple en tant que décideur.
La couverture médiatique se concentre sur les
sondages et l'opinion sur qui va gagner
l'élection. Pour qui le peuple va-t-il
voter ? Nous pouvons prédire avec certitude
que c'est la classe dominante qui gagnera
l'élection. Nous pouvons également prédire que le
peuple continuera de s'organiser et de se battre,
qu'il trouvera les moyens de déjouer les pressions
qui l'obligent à se taire sur les questions
d'impunité policière, d'injustice,
d'appauvrissement, d'inégalité, d'environnement,
de guerre et de paix. Il continuera de parler en
son propre nom et d'exprimer ses préoccupations et
ses revendications.
Le mouvement de résistance héroïque se poursuit
sans relâche malgré la violence des forces
fédérales, des États et municipales déchaînées
contre une population qui ne se laisse pas
décourager par la criminalisation de sa résistance
et des diverses formes de participation aux
affaires politiques. L'affrontement des « deux
Amériques » n'est pas entre la vision de Joe
Biden et celle de Donald Trump, toutes deux étant
essentiellement identiques. Il oppose la vision du
peuple à la vision des cercles dirigeants. Voilà
les « deux Amériques » d'aujourd'hui.
Celle des riches, de leur économie de guerre et
de leur gouvernement de guerre avec sa violence et
sa brutalité, et celle du peuple qui défend les
droits de tous et toutes sur tous les fronts en
s'opposant aux inégalités, à la violence policière
et à l'impunité.
Dans le débat sur l'élection américaine, les
questions soulevées par les médias monopolisés
sont une diversion, destinées à diviser le peuple
et à le rallier à une faction ou l'autre des
cercles dirigeants. Or, ce qu'il faut, c'est une
enquête et un débat sur ce à quoi ressemble une
démocratie moderne qui investit le peuple de
pouvoir. Comment réalise-t-on l'égalité des
membres du corps politique ? Comment peut-on
établir des rapports entre nous qui mettent
l'individu et le collectif sur un pied
d'égalité ? Ce sont là quelques-unes des
questions auxquelles il faut répondre aujourd'hui
pour que le mouvement populaire puisse atteindre
son but.
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 68 - 1er novembre 2020
Lien de l'article:
Les «deux Amériques» qui s'affrontent - Kathleen Chandler
Site Web: www.pccml.ca
Courriel: redaction@cpcml.ca
|