Les «deux Amériques» qui s'affrontent


Manifestation à Philadelphie le 27 octobre 2020 pour protester contre la mort de Walter Wallace Jr aux mains de la police dans cette ville quelques jours plus tôt

Les élections américaines de 2020, qui se tiendront le 3 novembre, sont l'élection du président, ainsi que l'élection de l'ensemble des 435 membres de la Chambre des représentants et d'un tiers des 100 sénateurs. Les élections se déroulent dans des conditions de crise sans précédent pour ce que l'on appelle « la plus grande démocratie du monde » :

- plus de 220 000 personnes sont mortes de la COVID-19 et plus de 8 millions en ont été infectées;
- quelques milliardaires ont augmenté leur fortune de 930 milliards de dollars au cours des six premiers mois de la pandémie de la COVID-19;
- près de 62 millions de personnes ont perdu leur emploi;
- quelque 98 000 entreprises ont fermé leurs portes de façon définitive;
- plus de 12 millions de personnes ont perdu leur assurance-maladie financée en partie par l'employeur;
- 22 millions de personnes ont déclaré ne pas avoir assez de nourriture;
- un sixième de tous les locataires seraient en retard dans le paiement de leur loyer.

Plus de 20 millions de personnes ont participé à un mouvement de protestation qui se poursuit sans relâche depuis mai 2020, lorsque George Floyd a été tué par la police, pour exiger des comptes et des réparations. Cette résistance large et persistante pour faire cesser la violence policière raciste et obtenir justice, égalité et responsabilité, a entraîné une profonde remise en question du système de justice actuel, ou plutôt d'injustice comme beaucoup l'appellent. Il est largement reconnu que les services de police, les tribunaux et les incarcérations de masse sont racistes dans leur essence, injustes et incapables de tenir les services de police responsables, que ce soit aux niveaux local, des États ou fédéral. Les demandes ne se limitent pas à obtenir le licenciement de quelques policiers, car un changement bien plus important est nécessaire dont le contrôle par le peuple est l'élément central.

Des réunions et des débats ont déjà lieu pour réimaginer la sûreté et la sécurité en incluant des enjeux comme la lutte contre la pauvreté, le droit au logement, à la santé et à l'emploi, en particulier dans les conditions de la COVID-19. Les efforts d'organisation se concentrent également sur les budgets et le droit des citoyens de décider comment les fonds publics sont dépensés, que ce soit pour le maintien de l'ordre, les forces armées, les prisons et les guerres ou pour la santé et le logement.

Les gens ne sont pas dupes des élections comme moyen de changement. Les obstacles à la participation des électeurs montrent que ce n'est pas le peuple qui élit celui qui est porté au pouvoir. Les obstacles à la participation comprennent l'obligation de s'inscrire pour voter, un grand nombre de personnes admissibles étant dans l'impossibilité de le faire bien qu'elles en aient le droit. Les Afro-Américains ont depuis longtemps été la cible de cette exclusion de fait. Chaque État a des exigences différentes en matière d'inscription, de mise en candidature, d'enregistrement des partis, etc. L'ensemble du processus est antidémocratique et inéquitable. Malgré cela, lorsque les conditions le permettent, des candidats antiguerre ou des candidats de tiers partis se présentent pour exprimer la volonté d'affirmation du peuple en tant que décideur.

La couverture médiatique se concentre sur les sondages et l'opinion sur qui va gagner l'élection. Pour qui le peuple va-t-il voter ? Nous pouvons prédire avec certitude que c'est la classe dominante qui gagnera l'élection. Nous pouvons également prédire que le peuple continuera de s'organiser et de se battre, qu'il trouvera les moyens de déjouer les pressions qui l'obligent à se taire sur les questions d'impunité policière, d'injustice, d'appauvrissement, d'inégalité, d'environnement, de guerre et de paix. Il continuera de parler en son propre nom et d'exprimer ses préoccupations et ses revendications.

Le mouvement de résistance héroïque se poursuit sans relâche malgré la violence des forces fédérales, des États et municipales déchaînées contre une population qui ne se laisse pas décourager par la criminalisation de sa résistance et des diverses formes de participation aux affaires politiques. L'affrontement des « deux Amériques » n'est pas entre la vision de Joe Biden et celle de Donald Trump, toutes deux étant essentiellement identiques. Il oppose la vision du peuple à la vision des cercles dirigeants. Voilà les « deux Amériques » d'aujourd'hui.

Celle des riches, de leur économie de guerre et de leur gouvernement de guerre avec sa violence et sa brutalité, et celle du peuple qui défend les droits de tous et toutes sur tous les fronts en s'opposant aux inégalités, à la violence policière et à l'impunité.

Dans le débat sur l'élection américaine, les questions soulevées par les médias monopolisés sont une diversion, destinées à diviser le peuple et à le rallier à une faction ou l'autre des cercles dirigeants. Or, ce qu'il faut, c'est une enquête et un débat sur ce à quoi ressemble une démocratie moderne qui investit le peuple de pouvoir. Comment réalise-t-on l'égalité des membres du corps politique ? Comment peut-on établir des rapports entre nous qui mettent l'individu et le collectif sur un pied d'égalité ? Ce sont là quelques-unes des questions auxquelles il faut répondre aujourd'hui pour que le mouvement populaire puisse atteindre son but.

(Photos : R. Melgarejo, We Are California, T. Phon Quang, Minnesota DOT, Karey)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 68 - 1er novembre 2020

Lien de l'article:
Les «deux Amériques» qui s'affrontent - Kathleen Chandler


    

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