La Reine leur a tout donné - Peter
Ewart - Encore une fois, les élections
d'octobre 2020 en Colombie-Britannique montrent à
quel point le système uninominal majoritaire à un
tour est déformé et comment il concentre le
pouvoir d'une manière qui va à l'encontre de la
volonté du peuple. Lors des
élections de 2020, le NPD n'a obtenu
que 45,03 % des voix (chiffres basés sur
un décompte non officiel des votes, les bulletins de vote
par la poste n'ayant pas encore été
dépouillés). Dans le cadre du système
uninominal majoritaire à un tour, bien qu'il ait obtenu une
minorité de voix au niveau provincial, il est
désormais un gouvernement majoritaire qui
détient 55 des 87 sièges de
l'Assemblée législative (ce qui
représente 63,2 % des sièges).
Le NPD a gagné 14 siège de plus, alors
que sa part du vote populaire n'a augmenté que
de 5 % (par rapport
à 40,29 % lors des élections
de 2017). Pour sa part, le
Parti libéral de la Colombie-Britannique a
obtenu 29 sièges avec 33,3 % du
vote populaire tandis que le Parti vert a obtenu trois
sièges avec 15,3 %, le Parti conservateur
aucun avec 2,35 % et les autres partis aucun
avec 1,9 %. Dans un
système électoral de représentation
proportionnelle, les résultats de l'élection
de 2020 auraient été sensiblement
différents. L'objectif d'un système de
représentation proportionnelle est que la
répartition des sièges de l'Assemblée
législative reflète le plus possible les
résultats du vote populaire. Par exemple, pour
l'élection de 2020, avec un système de
représentation proportionnelle le résultat aurait
été tout d'abord que le NPD ne disposerait pas
d'un gouvernement majoritaire. Au lieu de cela, dans
l'Assemblée législative de 87
sièges, le NPD détiendrait autour de 39
sièges (au lieu de 55), le Parti libéral
autour de 31 sièges (au lieu de 29), le Parti vert
autour de 13 sièges (au lieu de trois) et le Parti
conservateur autour de deux sièges (au lieu de
zéro). Après cette
élection, avec l'actuel système uninominal
majoritaire à un tour, de nombreux électeurs de
vastes régions de la province n'auront pas de
députés qui représentent leur
préférence politique. Par exemple, il semble que
les libéraux seront évincés
complètement des 14 sièges de l'île de
Vancouver malgré qu'un nombre important de
résidents aient voté pour ce parti. C'est la
même chose pour une grande partie du nord-est et du centre de
la province où les libéraux dominent et
où le NPD, les verts et les conservateurs sont exclus
malgré un soutien important. Après
la victoire de son parti aux élections provinciales
de 1972, l'ancien premier ministre
néodémocrate Dave Barrett a
déclaré à la presse que « la
Reine nous a tout donné »[1]. Il voulait dire
par là que, dans le système électoral
majoritaire à un tour, le bureau du premier ministre
acquiert de grands pouvoirs et que « une fois que le pouvoir
est conféré [...], c'est la
prérogative du gouvernement de
l'utiliser ». Une fois qu'un premier ministre est
élu, il ou elle contrôle le Cabinet, les
ministères gouvernementaux, l'Assemblée
législative et le parti lui-même, et il y a peu ou
pas de contrôle sur ce pouvoir. Comme l'a
souligné l'ancien député, maintenant
décédé, du Crédit social,
Rafe Mair, ces partis politiques, quelle que soit leur affiliation,
« aiment le pouvoir absolu » et
l'autoritarisme inhérent au système uninominal
majoritaire à un tour, et «
préfèrent attendre d'avoir100 %
d'autorité que de partager le pouvoir avec l'autre camp
détesté ». Oui, un jour tous
les quatre ans, nous avons le droit de voter. Mais pour le reste de
ces 1 460 jours environ, nous vivons sous une sorte
de dictature élue où le peuple n'a aucun
contrôle sur les décisions qui touchent sa vie.
Le fait est que les électeurs de la
Colombie-Britannique sont privés de tout pouvoir
à cause du système électoral et de la
domination des partis cartellisés. Les groupes
d'intérêt puissants aiment cet arrangement,
notamment les grandes entreprises mondialisées, car il leur
permet de n'avoir à frapper qu'à une seule porte
pour obtenir ce qu'ils veulent. La représentation
proportionnelle ne résout pas le problème
fondamental de la privation de pouvoirs des électeurs, mais
au moins elle permet de mieux refléter la volonté
des électeurs. La Colombie-Britannique a tenu un certain
nombre de référendums sur la réforme
électorale, le plus récent étant sur
la proposition référendaire de 2018
d'adopter la représentation proportionnelle (qui a
été rejetée). Toutefois, que l'on soit
pour ou contre la représentation proportionnelle, les
problèmes posés par le système
uninominal majoritaire à un tour et la question plus vaste
d'investir les électeurs du pouvoir demeurent. Note
1.
Barrett, Dave et William Miller. « Barrett : A
Passionate Political Life », Vancouver, Douglas
& McIntyre, 1995. (Photos : LML)
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 67 - 31 octobre 2020
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