Des campagnes pour bloquer une nouvelle direction pour le secteur pharmaceutique

Les grandes sociétés pharmaceutiques attaquent l'opinion publique qui exige une nouvelle direction pour ce secteur afin de servir le peuple sur la base de l'autosuffisance et d'une entreprise publique contrôlée par une autorité publique à laquelle le peuple peut faire confiance et qu'il peut tenir responsable. Les grandes sociétés pharmaceutiques tentent de dévier la discussion vers les prix de marché payés pour les médicaments et l'introduction ou non d'un régime privé/public d'assurance-médicaments, ce qui garantirait une demande élargie et un paiement pour leurs produits.

L'enjeu dans ce secteur n'est pas le prix des médicaments demandé par les sociétés pharmaceutiques mondiales ni comment les Canadiens devraient le payer. Le problème relève du contrôle privé des sociétés pharmaceutiques mondiales du secteur pharmaceutique et leurs visées de profit maximum privé, et de la nécessité d'une nouvelle direction qui comprend une entreprise publique qui suffit à ses besoins, contrôlée par le peuple et son objectif de garantir le droit de tous aux soins de santé.

Un article a récemment été publié dans National Newswatch intitulé « Exempter les médicaments liés à la COVID des nouveaux contrôles de prix : l'hypocrisie d'Ottawa », par Nigel Rawson et John Adams[1]. On peut y lire : « En janvier, le gouvernement fédéral compte transformer de façon draconienne la réglementation de son tribunal qui fixe les prix maximums des nouveaux médicaments et des vaccins au Canada. [...] Des éléments clés du projet gouvernemental ont été vertement critiqués par les patients, les chercheurs et les analystes en produits pharmaceutiques depuis son annonce initiale en 2017. Ces inquiétudes se sont accentuées pendant la pandémie de la COVID-19. Plusieurs mois avant sa mise en oeuvre, le projet a déjà bloqué l'accès à de nouveaux médicaments importants pour les patients canadiens. »

Les auteurs se concentrent surtout sur le tribunal gouvernemental, sur la question des prix des médicaments et les répercussions possibles de ceux-ci sur la production, la disponibilité et l'approvisionnement de produits pharmaceutiques. Ils soulèvent les problèmes d'« accès à de nouveaux et importants médicaments » du point de vue du marché pour des médicaments produits par les grandes compagnies pharmaceutiques mondiales et non du point de vue d'ouvrir une nouvelle direction et un nouvel objectif pour le secteur, qui servent le peuple et son droit aux soins de santé.

Les auteurs soulignent : « Des études de cas ont montré que les nouveaux règlements peuvent exiger des fabricants qu'ils réduisent leurs prix à des niveaux non viables. En outre, les essais cliniques financés par les concepteurs de médicaments ainsi que le nombre de nouveaux médicaments au Canada ont diminué de façon dramatique. »

On sonne l'alarme et on encourage les gens à se lever à la défense des grandes compagnies pharmaceutiques, ou à préconiser que le tribunal et les contrôles de prix sont la voie vers l'avant.

L'article continue dans cette veine, affirmant que la proposition du gouvernement est « hypocrite » puisqu'elle permet aux grandes sociétés pharmaceutiques de dicter les prix des médicaments pandémiques, mais pas des autres médicaments : « Or, le 17 septembre, Ottawa a annoncé une politique spéciale qui réduit le pouvoir du tribunal d'examiner les vaccins et les médicaments pour la COVID-19, tels que le remdesivir, laquelle politique fait partie d'un 'effort gouvernemental visant à assouplir provisoirement le processus de réglementation des médicaments et des instruments médicaux nécessaires au diagnostic, au traitement, à l'atténuation ou à la prévention de la COVID-19'.

« Les fabricants pourront fournir ces produits selon leurs propres tarifs en vigueur, sauf si le tribunal des prix reçoit une plainte d'un ministre fédéral ou provincial de la santé. C'est bien qu'Ottawa ait commencé à comprendre que certains éléments de la révision des prix représentent un lourd fardeau réglementaire pour les concepteurs de médicaments et un obstacle à ce que les besoins des patients soient comblés. »

Les auteurs semblent enchantés de constater que les grandes sociétés pharmaceutiques pourront s'enrichir par la vente de vaccins et de médicaments pour la COVID-19. La pandémie met en lumière à quel point le Canada est dépendant de ces compagnies et la nécessité d'une nouvelle direction basée sur l'entreprise publique autosuffisante dans le secteur pharmaceutique.

Les auteurs défendent la demande des grandes entreprises pharmaceutiques de mettre fin au contrôle des prix pour tous les médicaments. Ils affirment : « Le Canada est présentement un marché commercialement viable pour de nouveaux médicaments et vaccins, malgré les obstacles créés par les gouvernements fédéral et provinciaux qui limitent, retardent ou refusent l'accès aux nouveaux médicaments, en particulier les plus dispendieux.

« Cependant, les nouveaux contrôles des prix du fédéral empêcheront plusieurs nouveaux médicaments d'entrer au Canada. Les Canadiens ayant des maladies rares seront les premiers à en subir les impacts. »

Les auteurs appellent les Canadiens à porter plainte contre « la bureaucratie et les contrôles des prix » auxquels les grandes sociétés pharmaceutiques sont confrontées, et qui empêcheront peut-être l'accès des patients à de nouveaux médicaments ou, au contraire, à se ranger peut-être du côté du gouvernement et de sa prétention que le tribunal et les contrôles des prix sont des mesures nécessaires. Ainsi, on cherche à empêcher les Canadiens de se pencher sur une nouvelle direction prosociale, d'en discuter, de planifier et de s'y engager, pour soutirer une fois pour toutes le secteur de l'emprise des grandes sociétés pharmaceutiques mondiales.

Les auteurs donnent l'exemple d'un cartel pharmaceutique mondial qui refuse de vendre une nouvelle drogue  le Trikafta  au Canada en raison des « incertitudes qui planent sur les nouveaux règlements de fixation des prix ». Ce recours à des cas spécifiques vise à imposer un chantage émotif aux Canadiens pour se plier aux termes des grandes sociétés pharmaceutiques et pour accepter leur domination, un peu comme lorsque les oeuvres caritatives des grandes entreprises intimident les gens en les prenant par les sentiments pour qu'ils donnent de l'argent plutôt que de regarder les problèmes en face et de les résoudre par une nouvelle direction.

Pour le Trikafta et d'autres nouveaux médicaments, selon les auteurs, les grandes entreprises pharmaceutiques mondiales semblent adopter une « approche attentiste. Depuis que la réglementation a été finalisée en août 2019, une liste grandissante de médicaments a été approuvée aux États-Unis, mais n'a pas été soumise à Santé Canada pour une évaluation ».

Les auteurs accusent le gouvernement Trudeau d'accroître « la bureaucratie, ce qui rend le Canada moins attrayant comme endroit où on peut faire de la recherche et lancer de nouveaux médicaments qui pourraient réduire les souffrances des Canadiens et prolonger des vies ».

Les Canadiens devraient dénoncer cet argumentaire et cette direction, et accuser les grandes sociétés pharmaceutiques de bloquer et de détruire le développement d'une recherche canadienne qui s'appuie sur elle-même, d'une production indépendante, d'une disponibilité de médicaments et d'un développement de l'expertise par le biais de l'entreprise publique.

À la fin de l'article, les auteurs affirment : « La pandémie a une fois de plus montré que notre système de santé est une ressource limitée et fragile. Les médicaments contribuent à la viabilité du système de santé et des vies des patients. Le gouvernement fédéral devrait reconnaître la valeur d'autres médicaments innovateurs qui révolutionnent l'existence et mettre en oeuvre des politiques rationnelles qui permettent aux Canadiens de bénéficier des progrès technologiques et qui encouragent la recherche et le développement au Canada. Agir autrement serait d'une grande hypocrisie. »

Si notre « système de santé est une ressource limitée et fragile », c'est précisément parce qu'il est contrôlé par les intérêts privés des grandes entreprises pharmaceutiques qui rivalisent pour dominer ce secteur tout en faisant le maximum de profit et bloquent un développement canadien indépendant. Pour rompre avec l'état « limité et fragile » du système de santé, il faut une nouvelle direction sous le contrôle du peuple dont l'objectif est de garantir la santé en tant que droit pour tous et non en tant que droit pour quelques-uns à des fins de profit maximum.

Note

1. Les auteurs Nigel Rawson et John Adams disent être membres de l'Institut canadien en politiques de santé (CHPI) et de la Coalition pour les meilleurs médicaments (BMC).

Sur son site Web, le CHPI affirme que son principal souci est « l'économie de la santé et les questions politiques liées à l'accès des patients aux biens et services médicaux innovateurs, ainsi qu'aux questions monétaires liées à la viabilité et le rapport qualité-prix pour les contribuables. »

La BMC affirme que son objectif est « Des programmes de médicaments qui permettent un accès équitable et uniforme aux médicaments pour tous les Canadiens ».

Ces objectifs et énoncés de mission répondent à ceux des grandes sociétés pharmaceutiques pour le profit maximum par la vente de médicaments et son contrôle continu du secteur pharmaceutique.

(Photos : LML)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 67 - 31 octobre 2020

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