25e
anniversaire du référendum de 1995
La lutte du peuple du Québec pour s'investir de la souveraineté demeure un problème posé et à résoudre -
Claude Brunelle et Christine Dandenault - Rassemblement pour le
« Oui » à Montréal
le 25 octobre 1995 à la veille du
référendum Le 30
octobre 2020 était le 25e anniversaire du
référendum en 1995 sur la
souveraineté du Québec dans lequel le peuple
québécois s'est prononcé dans les
conditions difficiles d'un déploiement tout azimut des
forces de l'establishment canadien pour écraser son
désir d'affirmer son droit en tant que nation souveraine.
Mais vingt-ans plus tard, le problème demeure entier. L'Acte
de l'Amérique du Nord britannique, qui est
à la base de la constitution actuelle, date d'il y a plus
de 150 ans. Il conserve les vieilles prérogatives
royales et les vieilles conceptions de bâtisseur d'empire qui
nient les droits de la nation du Québec, des
Premières Nations et du peuple canadien. Aujourd'hui,
un profond mouvement existe parmi la jeunesse en faveur d'un
Québec moderne et souverain qui défend les droits
de tous et de toutes, qui prend soin de l'environnement naturel et
social, qui entretient des relations d'égal à
égal avec les peuples des Premières Nations, le
peuple du Canada et les peuples du monde et qui est une zone de paix.
Il représente le désir de tous ceux et celles qui
vivent au Québec, qui constitue une seule et même
nation, formée de tous ceux et celles qui y vivent, y
travaillent, créent la richesse. Ce mouvement est porteur de
beaucoup d'espoir. Ce mouvement objectif, indépendant,
cherche et aspire à établir un projet
d'édification nationale qui réponde aux
aspirations de tous et toutes, soit une société
moderne qui reconnaît que tous sont des êtres
humains jouissant des mêmes droits et devoirs et contribuent
ensemble comme force organisée à la promotion du
bien-être de tous. Beaucoup d'illusions
sont créées et entretenues au sujet du
système de démocratie dite
représentative alors que tous peuvent voir que ce
système ne les représente pas. En vertu des
arrangements actuels, le peuple n'exerce aucun contrôle sur
les prises de décision. Ces institutions, au
Québec comme dans tout le Canada, ont
été établies suivant
l'expérience britannique d'édification nationale
du XIXe siècle qui a conservé la «
prérogative royale » et maintenu les
privilèges entre les mains d'une infime minorité,
ce qui était l'essence de l'absolutisme et de la notion
archaïque du « droit divin des
rois ». Que cette petite minorité soit
dirigée par un monarque, un président ou un
premier ministre, la plupart des organes du pouvoir ou bien ne sont pas
élus, ou bien sont élus selon un processus qui
empêche le peuple d'exercer une démocratie
conséquente selon le principe « du peuple, par le
peuple et pour le peuple ». Ce
sont autant de leçons pouvant être
tirées du référendum de 1995.
Formulée par le parti majoritaire à
l'Assemblée nationale, le Parti
québécois, la question
référendaire de 1995
était : « Acceptez-vous que le
Québec devienne souverain, après avoir offert
formellement au Canada un nouveau partenariat économique et
politique, dans le cadre du projet de loi sur l'avenir du
Québec et de l'entente signée le 12
juin 1995 ? » Un
peu plus de 5 millions d'électeurs,
soit 93,25 % des personnes ayant droit de vote, se
sont exprimés. C'était un taux de participation
record au Québec. Le projet fut rejeté
par 50,58 % des votants,
contre 49,42 % en faveur. L'écart entre le
« oui » et le «
non » a été
de 54 288 voix. L'objectif
déclaré du projet de loi
numéro 1, l'Avant-projet de loi sur la
souveraineté du Québec,
était de donner à l'Assemblée
nationale le pouvoir de déclarer la souveraineté
du Québec et de réclamer « le pouvoir
exclusif de faire toutes ses lois, de percevoir tous ses
impôts et de conclure tous ses
traités ». Il prévoyait
l'ébauche d'une nouvelle constitution du Québec,
le maintien des frontières actuelles, la création
d'une citoyenneté québécoise,
l'utilisation du dollar canadien et le maintien des lois et programmes
sociaux en vigueur. Il prévoyait aussi que le gouvernement
du Québec propose un traité de partenariat avec
le reste du Canada basé sur l'entente tripartite
signée le 12 juin 1995 par le chef du
Parti québécois Jacques Parizeau, le chef du Bloc
québécois Lucien Bouchard et le chef de l'Action
démocratique Mario Dumont. Cette entente contenait certaines
propositions convenues par les trois chefs qu'un Québec
souverain ferait au Canada pour définir les relations entre
les deux pays. Le projet de loi
numéro 1 est passé en
première lecture à l'Assemblée
nationale et le gouvernement en a envoyé une copie
à tous les foyers du Québec
accompagnée de l'accord tripartite Parizeau-Bouchard-Dumont,
en préparation pour le référendum.
Le projet de loi a vite trouvé un grand appui dans
la société québécoise parce
que le moment était opportun et les conditions favorables
à la déclaration de la souveraineté du
Québec. Les forces progressistes du Québec et du
Canada ont également reconnu qu'il y avait urgence
à établir un nouveau partenariat
économique et politique entre le Québec et le
Canada. Le référendum de 1995 s'imposait
comme façon de briser l'impasse créée
par l'intransigeance libérale envers la
souveraineté du Québec ainsi que plus
généralement envers le renouveau
démocratique et un nouveau partenariat économique
et politique entre le Québec et le Canada. Le
mécontentement face aux arrangements constitutionnels avait
pris de l'ampleur partout au Canada, pas seulement au
Québec. Le Forum des citoyens sur l'avenir du Canada
de 1990, auquel les gens ont participé en
très grand nombre, a montré que les Canadiens ne
faisaient pas assez confiance aux politiciens pour les laisser
rédiger la constitution et réclamaient des
changements en profondeur dans le processus politique. Le besoin d'une
constitution moderne et de nouveaux arrangements pour remplacer l'Acte
de l'Amérique du Nord britannique de 1867
basé sur la négation de la nation du
Québec et des Premières Nations et la
nécessité d'investir le peuple du pouvoir de
décider de toutes les questions qui le concernent
étaient à l'ordre du jour et l'est toujours
aujourd'hui. Le référendum
de 1995 était un geste audacieux après
près de 25 ans de pourparlers sur la place du
Québec dans la Confédération, de
soi-disant efforts de réforme constitutionnelle et des
initiatives du Québec pour affirmer sa
souveraineté : on pense à
l'échec du référendum
québécois de 1980, à
l'échec de l'accord du Lac Meech en 1990, au rejet
de l'Accord de Charlottetown par les Canadiens dans le
référendum de 1992. C'est sans parler de la
période d'effervescence à la fin des
années 1960 au Québec autour de la lutte
pour la libération nationale et la souveraineté.
Les tentatives du gouvernement de Pierre Elliott Trudeau
d'écraser la lutte du peuple québécois
pour la nation par l'imposition de la Loi sur les mesures de
guerre sur le territoire du Québec le 16
octobre 1970 avaient échoué. Loin de se
laisser écraser, la jeunesse étudiante et
d'autres collectifs avaient résisté à
l'occupation militaire et avaient obtenu des appuis de partout au
Canada. Durant la période menant au
référendum, les libéraux
dirigés par Jean Chrétien, chef du Parti
libéral du Canada, et Daniel Johnson, le chef du Parti
libéral du Québec, ont dressé tous les
obstacles possibles à une discussion sereine sur les besoins
de la nation québécoise et le besoin d'une
constitution moderne pour le Canada. Ils ont recouru aux mensonges,
à la déformation, à la menace et au
chantage pour subvertir tout effort de discussion raisonnée.
Le « camp du non » a commis des
infractions répétées à la Loi
référendaire du Québec,
notamment en ce qui concerne les limites des dépenses.
Supplément du Marxiste-Léniniste sur la
signification des résultats du
référendum (cliquer pour agrandir) |
L'État
colonial anglo-canadien appuyé par tout l'establishment
canadien, y compris les grandes entreprises publiques et
privées comme Via Rail, Air Canada et Radio-Canada, a
mené une vile campagne de peur et s'est livré
à toutes sortes de tactiques illégales
contrevenant à la Loi
référendaire du Québec pour
assurer la victoire du Non. Des sommes ont été
versées à des individus et à des
entreprises dans cet effort concerté pour priver la nation
du Québec de la souveraineté. Il y a eu les
« manifestations d'unité »,
dont la dernière –
le rassemblement de l'unité du 27
octobre 1995 –,
ou les appels interurbains gratuits enfreignant la Loi sur la
consultation populaire du Québec. Il y a
également eu la pratique permanente de corruption des
leaders ethniques, l'accommodement de gens en position d'influence par
des promesses d'emplois, de subventions et d'autres
récompenses pour atteindre des fins politiques. Les
libéraux sont passés maîtres dans ce
genre de chose, pas seulement à Montréal, mais
dans tout le pays. Beaucoup d'efforts ont
été faits après le
référendum de 1995 pour
élargir le mouvement d'indépendance nationale et
« tendre la main » aux
minorités nationales. Or, sans embrasser
résolument et emphatiquement la définition
moderne de la nation, on retombe dans ce qu'on appelle le
modèle d'«
intégration », le modèle
européen ou français qui est l'autre versant du
multiculturalisme canadien raciste à la moëlle. Le
Parti québécois n'a pas été
capable de s'élever bien au-dessus de la nation «
française » ou «
francophone ». Même après avoir
pris le pouvoir après la défaite de Jean Charest
à l'élection de 2012, entre autres
à cause de sa loi matraque contre les étudiants
du Québec au printemps 2012, le Parti
québécois de Pauline Marois a maintenu cette
vision désuète et divisive de la nation sur des
bases linguistiques et imposé plus tard sa charte des
valeurs sur des bases religieuses et vestimentaires, qui a
mené à sa défaite. L'incapacité
du mouvement pour l'indépendance de sortir de ces carcans,
qui comprend une opposition quasi haineuse entre partisans de
politiques sociales « de gauche » et
« de droite », le camp du «
oui » et le camp du «
non », etc., explique aussi l'échec
à mobiliser la vaste majorité des
Québécois autour d'un projet commun
d'État souverain et moderne et d'un Québec qui
défend les droits de tous. Au lendemain
de la défaite du référendum
de 1995, il était évident qu'il fallait
mettre tout en oeuvre pour ne plus cantonner le projet de
souveraineté dans une définition
dépassée et restreinte de la nation. Beaucoup ont
reconnu cette réalité. Un État moderne
ne se construit pas en fonction de la descendance. Un État
moderne se construit autour de grands idéaux et un des
grands idéaux de l'ère moderne est la
création d'un système politique dans lequel tous
ont des droits qui sont garantis du fait qu'ils sont des
êtres humains. Aujourd'hui,
la lutte pour la souveraineté moderne, la
souveraineté du peuple, se pose dans les batailles qu'il
mène dans le moment présent. Elle repose dans les
mains des travailleurs, les jeunes, les femmes, les
différents collectifs qui forment le Québec et
doit être au centre des solutions de tous les
problèmes auxquels est confrontée la
société sur la voie du progrès. C'est
le problème auquel les travailleurs sont
confrontés et qu'ils sont en train de résoudre en
plein coeur de la pandémie en ce moment en
défendant leur sécurité, celle de
leurs pairs et de l'ensemble de la population. Les vieilles
institutions dites démocratiques de même que le
système de partis cartellisés sont en faillite et
les empêchent de devenir les décideurs dans leurs
endroits de travail, les hôpitaux, les écoles et
les communautés. C'est le même blocage auquel ils
sont confrontés dans l'affirmation de la
souveraineté du peuple, de son droit de décider
de tout ce qui le concerne. Il n'y a pas de muraille de Chine entre les
deux. Cette semaine,
Dominique Anglade, cheffe du Parti libéral du
Québec, a souligné le 25e anniversaire
du référendum de 1995 en disant
« qu'il reste encore quelque chose d'inachevé dans
la place que le Québec doit occuper au sein du
Canada ». La cheffe libérale estime que
le gouvernement québécois doit revendiquer entre
autres sa souveraineté culturelle. Elle a dit «
que le Québec est maître de son avenir, dans un
Canada où chacun doit pouvoir trouver la place qui lui
revient. [...] Le Québec ne doit pas renoncer à
ses demandes légitimes, ou laisser le pouvoir
fédéral prendre une expansion sans
limites. » Ainsi, rien n'a
changé. La position libérale actuelle montre que
les libéraux n'ont pas abandonné leur conception
arriérée de grand empire britannique qui refuse
le droit à la souveraineté et le droit du peuple
de décider. Elle ramène les vieux
clichés de pouvoir et de rivalité entre les
provinces et le Canada et nie la nécessité
objective de régler les torts qui ont
été rejetés un après
l'autre. Ce qui est inachevé est l'application du droit du
peuple de décider et celui de parler en son propre nom.
(Photos :
LML, Fonds d'archive de compté de Verdun)
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 67 - 31 octobre 2020
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25e
anniversaire du référendum de 1995: La lutte du peuple du Québec pour s'investir de la souveraineté demeure un problème posé et à résoudre -
Claude Brunelle et Christine Dandenault
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