Une
restructuration ordonnée par des
intérêts privés étrois
Les gouvernements provinciaux se servent de la pandémie pour masquer des interventions antisociales
- Barbara Biley -
Les décisions prises par les gouvernements
fédéral et provinciaux prétendument en
réponse à la pandémie de la COVID-19
ont un tout autre objectif que de protéger le
bien-être du peuple et de la société.
Les « mesures d'urgence » et les projets
de loi adoptés depuis le mois de mars n'ont rien
à voir avec bâtir une économie
canadienne indépendante et suffisante pour
répondre aux besoins des Canadiens. Depuis le mois de mars,
en vertu de lois provinciales respectives, les gouvernements ont
déclaré des états d'urgence par
décrets, arrêtés
ministériels et ordonnances des autorités de la
santé publique, afin de prendre des mesures pour combattre
la pandémie. Dans plusieurs
provinces, plus particulièrement au Québec, en
Ontario et en Alberta, et par toutes sortes de moyens dans d'autres
provinces, la pandémie sert d'excuse aux gouvernements pour
adopter des lois et des méthodes de fonctionnement qui
restructurent considérablement l'État, menant
à l'élimination de toute autorité
publique. C'est l'offensive antisociale des 30
dernières années qui se poursuit et qui
s'intensifie dans le but d'ouvrir un espace pour les oligarques
mondiaux les plus puissants afin qu'ils puissent gouverner directement
les affaires de la société dans leurs propres
intérêts étroits. Par exemple, au cours
des dernières décennies et partout au pays, les
gouvernements ont cédé de vastes portions du
secteur de la santé, notamment les services alimentaires,
l'entretien, les systèmes d'informatique et les services de
laboratoire des hôpitaux et plus encore à
certaines des plus grandes entreprises multinationales
étrangères. Il y a eu une
vaste prise en main des résidences de soins de longue
durée et de personnes autonomes et semi-autonomes par des
propriétaires et gestionnaires d'entreprises
privées, souvent étrangères.
À cette fin, les travailleurs de la santé et
leurs organisations ont subi des attaques sans
précédent, leurs salaires et leurs conditions de
travail étant perçus comme un coût et
donc des obstacles à l'ordre du jour des
intérêts privés étroits et
des gouvernements qui les servent. Sous couvert de la
pandémie, les gouvernements restructurent l'État,
éliminant tout vestige d'une autorité publique
pour faire place à un contrôle direct par les
oligarques les plus puissants. En Alberta
Les
mesures du gouvernement Kenney en Alberta illustrent bien ce qui
précède. Depuis l'ouverture de la
deuxième session de l'Assemblée
législative de l'Alberta le 25
février, 34 lois ont été
adoptées, dont quatre sont liées directement
à la pandémie. La plupart de ces lois visent
à appliquer le programme du gouvernement du Parti
conservateur uni de déréglementation de
l'industrie et de privatisation de l'éducation et de la
santé afin de répondre aux demandes des
oligarques de l'énergie. Les lois sont
d'une telle envergure et sont adoptées avec une telle
rapidité, un projet de loi antisocial et antiouvrier
n'attendant pas l'autre, qu'il est difficile pour l'opposition
populaire de ne pas s'y perdre, tandis que le gouvernement Kenney
profite de sa majorité pour adopter les lois à
toute vapeur à l'Assemblée législative.
Le premier acte législatif de cette session a
été la Loi 1, Loi sur la
défense des infrastructures critiques. La
définition d'infrastructure publique dans la loi est
tellement vaste qu'elle permet aux autorités de criminaliser
les luttes grévistes des travailleurs, les actions des
jeunes contre les changements climatiques et toute forme d'opposition.
Le projet de loi avait été
déposé à l'Assemblée
législative le 25 février par le premier
ministre Kenney lui-même qui a dit très clairement
que la loi était une réponse directe aux actions
menées à l'échelle du pays en appui
à la lutte des défenseurs de la terre
Wet'suwet'en contre l'oléoduc du monopole
énergétique Coastal GasLink qui passera sur leur
territoire ancestral sans leur autorisation. Depuis,
le gouvernement a menacé la Commission scolaire de Calgary
de démantèlement en raison de sa prise de
position contre les compressions en éducation, et a
adopté des lois, dont la Loi 32, Loi
de 2020 sur la restauration de l'équilibre dans les
endroits de travail en Alberta, qui apporte des amendements
au Code des normes d'emploi et au Code
des relations de travail qui bafouent les droits des
travailleurs. Peu après l'adoption de la Loi 32, le
gouvernement a lancé un assaut majeur contre la classe
ouvrière en révisant deux importantes lois de la
législation ouvrière, la Loi sur la
santé et la sécurité du travail
(OHS Act) et la Loi sur l'indemnisation des travailleurs,
afin de préparer le terrain pour apporter des changements en
faveur des employeurs et à l'encontre des droits des
travailleurs. En juillet, la Loi sur
l'amendement des statuts de la santé (Loi 30)
a été adoptée, une loi omnibus qui
modifie neuf lois et qui vise à couper des services et
à ouvrir la porte à la privatisation, y compris
en faisant de la sous-traitance dans les hôpitaux, en pavant
la voie aux cliniques chirurgicales privées et en changeant
la façon dont les médecins sont
rémunérés. Le 13
octobre, le ministre de la Santé a annoncé que le
gouvernement allait de l'avant avec la mise à pied
de 11 000 travailleurs de la santé et la
privatisation d'un secteur après l'autre dans le
système de santé, y compris la privatisation des
services alimentaires et de buanderie ainsi que des services
environnementaux, et qu'il continuera de couper des postes
d'infirmières par attrition jusqu'à ce qu'il
déclare lui-même la pandémie
terminée, puis il procèdera à
l'élimination de l'équivalent de 500
postes d'infirmières à temps plein, ce qui se
traduira, selon les Infirmières et infirmiers unis de
l'Alberta, par la mise à pied de 750
infirmières. Cet assaut contre les
travailleurs et le tort incroyable qu'il fera à la
capacité du secteur de la santé de combattre la
pandémie n'émeuvent aucunement le gouvernement
Kenney qui est dirigé par les Ernst & Young de ce
monde qui visent à apporter des changements qui favorisent
les oligarques et cherchent à éliminer les
obstacles, tels que les droits et les organisations des travailleurs
qui se dressent sur leur chemin. En Ontario
Des rassemblements et
des lignes de piquetage devant les bureaux de membres du Parlement
ontarien sont organisés par les travailleurs de la
santé en août et en septembre 2020 pour
demander le retrait de la Loi 195. Le 17
mars, le gouvernement de l'Ontario a déclaré
l'état d'urgence à l'échelle de la
province en réponse à la pandémie de
la COVID-19. En vertu des pouvoirs d'urgence dont le gouvernement s'est
muni, des décrets ont été pris
touchant à tous les aspects du fonctionnement de
l'économie, les rassemblements sociaux, la fermeture des
écoles, la fermeture des hôpitaux et des
résidences de soins de longue durée aux
visiteurs, et beaucoup d'autres. Plusieurs des
décrets émis en vertu des pouvoirs d'urgence
stipulent explicitement qu'en dépit des conventions
collectives existantes, les employeurs peuvent
unilatéralement décider du nombre des effectifs
en personnel, redéployer le personnel comme bon leur semble,
changer les horaires de travail ou la répartition des quarts
de travail, annuler les vacances, embaucher des travailleurs
à temps partiel, temporaires ou en sous-traitance, et avoir
recours à des bénévoles pour faire le
travail de syndiqués. Les procédures de grief ont
été suspendues en ce qui concerne toute question
contenue dans le décret. Malgré leur connaissance
directe de leurs endroits de travail, les travailleurs de la
santé ont été entièrement
exclus de toute prise de décision sur le
déploiement du personnel, sur les mesures à
prendre pour protéger les travailleurs et les patients et,
surtout en soins de longue durée, sur comment mobiliser
d'autres forces dont les familles, les bénévoles,
et les travailleurs de la santé provenant de secteurs autres
que celui des résidences. Le 7
juillet, la Loi de 2020 sur la
réouverture de l'Ontario (mesures adaptables en
réponse à la COVID-19), la
Loi 195, a été adoptée
à l'Assemblée législative ontarienne.
La Loi étend les pouvoirs d'urgence du gouvernement tout en
éliminant les mécanismes de surveillance de base
au nom de la « flexibilité ».
La Loi 195 met fin officiellement à
l'état d'urgence (en date du 24 juillet), mais
permet aux décrets d'urgence adoptés en vertu de
la Loi sur la protection civile et la gestion des mesures
d'urgence (EMCPA) d'être prolongés par
ordre de la lieutenante-gouverneure en conseil
(c'est-à-dire, le Cabinet provincial). Alors qu'en vertu de
l'EMCPA les décrets d'urgence devaient être
réapprouvés tous les 14 jours,
la Loi 195 prescrit qu'ils peuvent être
renouvelés par le Cabinet pour des périodes
de 30 jours et même jusqu'à un an, et les
pouvoirs conférés par la Loi peuvent
être prolongés pour encore une autre
année. Les décrets peuvent aussi être
amendés pour qu'ils puissent être
appliqués à d'autres personnes ou groupes.
Entretemps, ce qui aurait dû être fait
pour veiller à ce que le système de
santé puisse combattre adéquatement la
deuxième vague, déjà en cours, n'a pas
été fait. Au
Québec Les
travailleurs de la santé du Québec bloquent des
ponts à Montréal et dans la ville de
Québec, le 19 octobre 2020, pour demander
la satisfaction de leurs revendications aux conditions dont ils ont
besoin pour assumer leur responsabilité envers la
société. L'état
d'urgence dans la santé publique a été
déclaré le 13 mars. Parmi les
premières mesures adoptées, il y a eu les
arrêtés ministériels du 15 et
du 21 mars, en vertu desquels le gouvernement s'est
donné le pouvoir d'annuler les conventions collectives des
travailleurs de la santé et des services sociaux et
d'imposer des conditions de travail à l'encontre des
ententes négociées. Ces mesures ont
été justifiées par des pouvoirs
appartenant au ministre de la Santé en vertu de la Loi
sur la santé publique. Cette loi ne comprend
aucune référence à des annulations de
conventions collectives ou à des changements de conditions
de travail et le gouvernement du Québec n'a jamais offert
d'explications sur comment ces mesures draconiennes
protègent la santé du public. Les
arrêtés ministériels permettent au
gouvernement d'annuler les congés des travailleurs, y
compris leurs vacances, de changer les affectations et les horaires,
d'imposer des journées de travail prolongées
jusqu'à 12 heures et de « suspendre ou
d'annuler les congés déjà
autorisés, ainsi que de refuser l'octroi de nouveaux
congés ». Ces
arrêtés ministériels ont
été renouvelés continuellement et sont
toujours en vigueur. Alors que le
gouvernement a tout fait pour permettre aux employeurs d'agir
unilatéralement et d'augmenter les risques pour les
travailleurs, les patients et les résidents de centres de
soins de longue durée, il a refusé
d'écouter les travailleurs de première ligne qui
sont les mieux placés pour décider comment
organiser le travail et ce qui est requis pour assurer la
sécurité de tout le monde. Il a aussi
fermé la porte aux autres qui cherchent à faire
partie de la solution, y compris les infirmières
étudiantes qui se sont portées volontaires pour
venir prêter mainforte et qui ont été
ignorées. Ensuite,
le 3 juin, le gouvernement Legault a
déposé le projet de loi 61, Loi visant la relance de
l'économie du Québec et l'atténuation
des conséquences de l'état d'urgence sanitaire
déclaré le 13 mars 2020 en
raison de la pandémie de la COVID-19. Le projet
de loi constituait une restructuration majeure de l'État en
ce qui concerne la prise de décision. On y citait l'urgence
de la santé publique et la nécessité
d'atténuer ses conséquences sur
l'économie comme justification pour accorder à
l'exécutif gouvernemental tout le pouvoir d'annuler et de
passer outre les lois et les réglementations existantes sous
prétexte d'accélérer la relance de
l'économie. Le projet de loi 61 aurait
autorisé l'exécutif gouvernemental à
passer outre aux articles de la Loi sur la santé
publique, la Loi sur la qualité de
l'environnement, la Loi sur les expropriations,
et la Loi sur les contrats des organismes publics. En
plus, il accordait l'immunité face aux poursuites aux
ministres du gouvernement et à d'autres agissant en vertu de
la loi. Une des principales
caractéristiques du projet de loi 61 est que tout
changement apporté aux lois existantes serait permanent.
L'exécutif gouvernemental aurait le pouvoir d'apporter des
changements législatifs sans discussion au sein de
l'Assemblée nationale ou avec les personnes directement
touchées par les nouvelles clauses, accordant le plein
pouvoir à l'exécutif de faire toutes sortes
d'arrangements avec des intérêts privés
sans l'examen du public. Le projet de
loi 61 aurait aussi prolongé l'état
d'urgence de la santé publique et les pouvoirs
accordés à l'exécutif gouvernemental
pour encore deux ans. En raison de l'opposition
massive du peuple, le gouvernement du Québec n'a pas pu
adopter le projet de loi avant l'ajournement de l'Assemblée
nationale le 12 juin, et le 23 septembre, le
gouvernement Legault a déposé le projet de
loi 66, Loi concernant
l'accélération de certains projets
d'infrastructure, en remplacement du projet de
loi 61. Le nouveau projet de loi accorderait au gouvernement
l'autorité de passer outre les lois sur la protection
environnementale et sur les expropriations, mais non de passer outre la
Loi sur les contrats des organismes publics ou d'accorder
l'immunité aux ministres du gouvernement ou de prolonger
l'état d'urgence de la santé publique. Ce qu'ont en
commun ces mesures des gouvernements de l'Alberta, de l'Ontario et du
Québec, ainsi que d'autres, se résume
à trois choses : 1) les mesures
prises visent une plus grande restructuration de l'État pour
servir les intérêts privés; 2)
les droits des travailleurs de la santé sont
bafoués, y compris leur droit d'agir collectivement
à la défense de leurs droits; 3)
le corps politique dans son ensemble, en particulier les travailleurs
de la santé, les patients et les aînés
qui reçoivent les soins, leurs familles et d'autres
personnes en lien étroit avec les patients et les
aînés, sont maintenus à
l'écart. 4) ces mesures
antisociales et ces stratagèmes pour payer les riches pour
ne pas avoir le consentement du peuple et faire face à un
examen de plus en plus minutieux et à des actes de
résistance et d'opposition de la part de la classe
ouvrière et du peuple. Par
leurs mesures coercitives, les gouvernements de l'Alberta, de l'Ontario
et du Québec tentent de nier l'expérience du
peuple et les leçons tirées dans la lutte contre
la pandémie. Ces gouvernements ont recours à des
pouvoirs exécutifs pour continuer d'imposer une direction de
l'économie qui fait en sorte que toute l'organisation de la
société repose la multiplication des
stratagèmes pour payer les riches et la concentration du
pouvoir et de la richesse entre les mains d'une poignée de
personnes. Les travailleurs mettent de l'avant leurs revendications
basées sur la reconnaissance collective que cette direction
et la façon dont la société est
organisée n'ont pas réussi à
satisfaire les besoins de base du peuple. (Photos : LML, HSAA, Radical Citizen's
Media, Let Nurses Speak, OCHU, J-M Desrosiers)
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 67 - 31 octobre 2020
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intérêts privés étrois: Les gouvernements provinciaux se servent de la pandémie pour masquer des interventions antisociales - Barbara Biley
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