Opinion: L'Assemblée générale de l'OÉA a laissé tomber les peuples des Amériques
- Sir Ronald Sanders -
Quiconque suivrait la 50e session ordinaire
de l'Assemblée générale de l'Organisation des
États américains (OÉA) serait pardonné de croire
qu'elle a eu lieu pour discuter du Venezuela et du
Nicaragua.
L'assemblée s'est tenue virtuellement les 20
et 21 octobre, ostensiblement pour traiter de
« Faire face aux défis du COVID-19 » et
rechercher une approche collaborative « pour
remédier aux vulnérabilités et renforcer la
résilience ». Ce thème a attiré peu
d'attention. La référence à cela par certains pays
à tendance idéologique était superficielle. Le
représentant d'un État puissant ne l'a même pas
mentionné.
La réunion s'est terminée sans approche
collaborative pour faire face aux vulnérabilités
et à la résilience. Le problème clé auquel sont
actuellement confrontés les États membres en
développement de l'Organisation a été mis de côté.
Pour les pays les plus riches, leur principale
préoccupation était le Venezuela. Leur objectif
primordial était de garantir des positions qui
renforcent leurs efforts pour se débarrasser du
gouvernement Maduro et forcer l'acceptation de
Juan Guaido.
Ils ont utilisé toute leur force coercitive pour
atteindre cet objectif, au détriment de la crise
la plus préjudiciable qui ravage les nations
partout dans le monde.
Pas étonnant que l'ambassadeur Anton Edmunds de
Sainte-Lucie ait déclaré que cette « focalisation
presque singulière sur un pays de notre région, un
pays avec des problèmes dont nous sommes bien
conscients, prive beaucoup d'entre nous du soutien
dont nous avons besoin en ce moment critique,
basée sur la sécurité ou autre ».
Cette observation poignante est tombée dans
l'oreille d'un sourd. Il en a été de même lorsque
l'ambassadrice de Saint-Vincent-et-les Grenadines,
Lou-Anne Gilchrist, a demandé que l'organisation «
se recentre et devienne plus inclusive dans son
approche du développement ».
Ceux qui contrôlent l'OÉA ne semblent guère
s'intéresser aux problèmes de survie auxquels sont
confrontés les États en développement. De plus en
plus, l'Organisation devient une arme pour
défendre uniquement leurs intérêts politiques. À
cet égard, sa pertinence pour les pays en
développement, qui a toujours été discutable,
devient de plus en plus évidente.
Les pays de la CARICOM ont réussi à obtenir une
résolution sur les changements climatiques. Mais
il est significatif que l'excellent projet proposé
par la Barbade ait été dilué sous l'insistance de
quelques pays plus riches. L'un d'eux l'a rejeté
jusqu'au bout, même si l'on sait très bien que les
changements climatiques constitue une grave menace
pour tous les membres de l'OÉA, quelle que soit
leur taille ou leur puissance économique.
Dans mon exposé, j'ai insisté sur le fait que «
l'OÉA devrait être une voix unifiée dans le
plaidoyer pour une action forte et décisive sur le
financement climatique, non pas comme une
concession ou un acte de générosité, mais comme
une responsabilité morale, politique et
environnementale. Les États membres de l'OÉA
devraient également être une voix unifiée pour la
renégociation et le rééchelonnement de la dette
extérieure, et pour l'achat abordable de vaccins
pour tous dans notre combat contre la
COVID-19 ».
Pour mémoire, plutôt que parce que je m'attendais
à une réponse positive, j'ai dit : «
L'intégration et l'action collective au sein de
l'OÉA ne devraient pas être une option, ni un
choix ; ce devrait être un impératif pour
tous – riches et pauvres, grands et petits ».
Mais la gouvernance de l'OÉA est mortellement
imparfaite. Seul le pouvoir prévaut, pas la
raison. Et le secrétaire général, Luis Almagro,
qui, à mon avis, est capable de bien mieux, s'est
permis de faire partie de cette gouvernance
défectueuse. À plusieurs reprises, il a fait que
l'OÉA semble enflammer des conflits, même ceux
entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie, qui sont très
éloignés des Amériques.
Par conséquent, l'Assemblée a dû éprouver
l'indignité de permettre aux représentants de
l'Azerbaïdjan et de la Turquie de s'exprimer,
exigeant qu'Almagro se tienne à l'écart de leurs
affaires régionales. Il avait publié une
déclaration, à l'insu d'aucun organe officiel de
l'Organisation, accusant l'Azerbaïdjan d ‘«
agression et d'escalade » d'un conflit
complexe avec l'Arménie.
En l'occurrence, le gouvernement mexicain, par la
voix de Maximiliano Reyes Zuniga, sous-secrétaire
pour l'Amérique latine et les Caraïbes, n'a pas
mâché ses mots lorsqu'il a appelé ce « schéma
inquiétant ».
Il a déclaré : « Nous notons la
configuration d'un schéma d'action inquiétant du
secrétariat général, consistant à utiliser ses
pouvoirs administratifs pour prendre des décisions
politiques qui ont un impact sur la direction de
l'Organisation, sans les soumettre au préalable à
l'examen des membres.
De telles décisions manquent de soutien juridique
et des informations nécessaires permettant de
connaître leur motivation et leurs objectifs.
C'est le cas de la nomination d'un conseiller
spécial sur la responsabilité de protéger. Cette
question aurait dû faire l'objet de consultations
et de discussions de manière exhaustive au sein de
l'Organisation ». (Note : j'ai soulevé
cette question dans mon dernier commentaire et à
l'Assemblée).
Il existe de nombreux cas de deux poids, deux
mesures dans la gouvernance et le processus
décisionnel de l'OÉA. Ces deux poids deux mesures,
qui servent les intérêts politiques de
quelques-uns, étaient particulièrement évidents
dans les résolutions sur le Venezuela et le
Nicaragua.
Que ce soit clair. Le Venezuela et le Nicaragua
suscitent des inquiétudes de toutes parts,
concernant des élections libres et équitables,
l'indépendance du pouvoir judiciaire et la
détention de personnes. Mais la réponse efficace à
ces préoccupations est minée dans l'OÉA par ceux
qui utilisent des tactiques d'intimidation et
d'exclusion.
Les résolutions ont été rédigées et réglées par
un groupe exclusif. Pourtant, la résolution a
appelé le gouvernement du Nicaragua à soutenir des
« négociations inclusives et opportunes ». La
contradiction de l'application d'une norme au
Nicaragua qu'ils ignorent pour eux-mêmes est soit
perdue pour eux, soit, tout simplement, ils s'en
moquent.
La résolution sur le Venezuela a été rédigée par
un groupe exclusif qui comprenait le représentant
de Juan Guaido. Sans surprise, cela a obligé tous
les gouvernements de l'OÉA à accepter l'agent de
Guaido comme représentant du Venezuela, les
poussant ainsi à reconnaître implicitement Guaido,
en tant que soi-disant président par intérim du
Venezuela, quels que soient leurs intérêts
nationaux respectifs et leur politique.
En outre, la résolution était ponctuée de propos
belliqueux susceptibles d'accroître les divisions,
aggravant la situation au Venezuela. Il s'agissait
moins de démocratie au Venezuela que de
l'imposition d'une classe politique et d'un
dirigeant sur une autre, alors que le choix d'un
dirigeant de n'importe quel pays est l'affaire du
peuple de ce pays uniquement.
La 50e Assemblée générale de l'OÉA n'a pas
abordé le thème important défini par ses 33
États membres légitimes. Malheureusement, elle a
laissé tombé les peuples des Amériques qui
continuent d'être tourmentés par la COVID-19 et
qui attendent des gouvernements qu'ils trouvent
une solution collectivement.
Sir Ronald Sanders est ambassadeur
d'Antigua-et-Barbuda aux États-Unis et à
l'Organisation des États américains. Il est
également Senior Fellow à l'Institute of
Commonwealth Studies de l'Université de Londres
et au Massey College de l'Université de Toronto.
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 66 - 26 octobre 2020
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