Résistance courageuse à l'occupation militaire et à la tentative d'isoler le Québec
- Christine Dandenault -
Manifestation contre la Loi sur les mesures de
guerre à l'Université de Calgary le 27
octobre 1970
Lorsque le gouvernement de Pierre Elliott Trudeau
a promulgué la Loi sur les mesures de guerre
le 16 octobre 1970, après avoir déployé
l'armée dans les rues d'Ottawa et de Montréal et
commencé les arrestations, l'opposition et la
résistance ont été immédiates partout au pays. Les
étudiants et les jeunes, les intellectuels et les
travailleurs sont descendus dans la rue par
milliers pour protester contre l'imposition de
mesures de guerre. Le compte rendu suivant est
tiré des journaux publiés par le Parti communiste
du Canada (marxiste-léniniste) et ses
organisations affiliées au moment où ces
événements avaient lieu.
La veille de l'entrée en vigueur de la Loi
sur les mesures de guerre, 3 000
jeunes et étudiants se sont rassemblés à l'aréna
Paul Sauvé de Montréal pour saluer l'esprit de
lutte sans compromis contre le fascisme du
gouvernement et soutenir le nouvel essor de la
libération nationale du Québec. Le
lendemain, 16 octobre 1970, plus
de 300 étudiants manifestent pour appuyer la
lutte du peuple pour la libération nationale et
pour dénoncer sur la place publique l'occupation
militaire. Une déclaration du Parti communiste du
Québec (marxiste-léniniste) est distribuée
largement, plus de 35 000 copies,
appelant à s'y opposer. « La classe ouvrière passe
à la scène politique et commence à mener des
actions indépendantes, lit-on dans la déclaration.
Toutes ces choses ont montré la faiblesse des
compradores canadiens et ont déjoué tous leurs
plans. Afin de réprimer la lutte montante du
peuple, ils ont maintenant lancé le fascisme
contre le peuple québécois. Ces mesures n'ont pas
fonctionné[1].
»
Rassemblement à l'Université de Montréal, octobre
1970
« À Montréal, des étudiants de l'Université
McGill, de l'Université du Québec, de l'École des
Beaux-Arts, de l'Université de Montréal et de
divers cégeps se sont levés en signe de
protestation militante. De nombreux étudiants ont
voté pour le boycott des cours et à l'Université
du Québec, les étudiants ont organisé un sit-in
pendant plusieurs jours, défiant les intimidations
fascistes des autorités », lit-on dans le Quotidien
du Canada populaire (QCP)
du 27 octobre 1970[2].
« Le 19 octobre, à Vancouver et à Regina,
des manifestations de masse ont été organisées
pour soutenir les patriotes québécois et pour
dénoncer la Loi sur les mesures de guerre
[...]. Mille étudiants ont participé au
rassemblement à Regina. Après le
rassemblement, 300 militants en colère ont
marché en direction des édifices du gouvernement
où ils ont tenu une puissante manifestation. À
Vancouver, 1500 manifestants ont entendu au
Palais de justice des orateurs déclarer leur appui
à la lutte du peuple québécois et appelant à une
opposition totale aux mesures imposées par le
régime du laquais Trudeau ». Les étudiants de
l'Université de Calgary ont fait de même. « Après
le rassemblement, 300 étudiants en colère ont
marché en direction du centre-ville de Calgary
dans un acte de défi pour exprimer leur opposition
militante aux mesures fascistes du gouvernement[3]. » À
Ottawa, le 16 octobre, une réunion de plus
de 300 étudiants francophones de l'Université
d'Ottawa a voté à majorité des deux tiers pour la
grève contre la Loi sur les mesures de guerre.
Dans un rapport paru dans Le QCP on
lit :
« Les étudiants de
tout le pays ont défendu leur droit de publier le
Manifeste du FLQ dans leurs journaux. En Alberta,
les autorités [...] de l'université de Lethbridge
ont interdit la distribution du journal The
Meliorist et ont menacé les éditeurs
d'expulsion. À Halifax, les imprimeurs commerciaux
ont refusé d'imprimer le St. Mary's Journal
parce qu'il contenait un éditorial dénonçant la
tentative du gouvernement d''institutionnaliser la
suppression de l'information au Canada'. À Guelph,
la GRC a saisi un exemplaire de la maquette d'un
numéro spécial du journal The Ontarion sur
la lutte du peuple québécois et la Loi sur les
mesures de guerre. D'autres journaux
étudiants, tels que le Varsity de
l'Université de Toronto, ont publié le Manifeste
et divers articles citant des statistiques
exposant la condition d'oppression du peuple
québécois et décrivant sa longue histoire de lutte
pour la libération nationale[4]. »
« Le vendredi 25 décembre, plus de 1000
membres et sympathisants de divers groupes
démocratiques et patriotiques de Montréal ont tenu
une manifestation devant le Centre de détention de
Parthenais à Montréal pour dénoncer
l'emprisonnement des combattants révolutionnaires
et des patriotes québécois », rapporte le QCP.
L'action était dirigée par le Comité de défense
des droits démocratiques fondé en 1968 durant
le soulèvement des travailleurs et des étudiants
contre la persécution dont ils étaient la cible[5].
Un an plus tard, à l'occasion du premier
anniversaire de la promulgation de la Loi sur
les mesures de guerre, le journal Le
Québec populaire écrivait qu'à Montréal,
le 16 octobre 1971, « plus
de 7 000 personnes ont manifesté à
l'occasion du premier anniversaire de l'imposition
de la loi fasciste des 'mesures de guerre' au
peuple québécois. La Loi fut dénoncée comme une
sale tentative d'écraser les révolutionnaires et
les patriotes et d'étouffer la lutte de libération
nationale[6]. »
Le même jour, à Toronto, « un rassemblement a eu
lieu au Nathan Philips Square, suivi d'une
manifestation le long des artères principales de
Toronto jusqu'au consulat impérialiste américain[7]. »
Les articles de la presse du Parti témoignent de
l'échec des tentatives du gouvernement Trudeau et
des forces policières d'isoler le peuple québécois
et d'écraser sa résistance. Les manifestations se
sont poursuivies partout pour exiger la libération
des prisonniers politiques et appuyer
l'affirmation des droits des travailleurs, des
étudiants, des autochtones et du peuple québécois.
Depuis,
l'histoire a continué de montrer, époque après
époque, que la lutte des Québécois et de tous les
Canadiens pour exercer un contrôle sur les prises
de décision qui les concernent ne peut être
résolue par les pouvoirs policiers et militaires.
À des problèmes politiques, il faut des solutions
politiques, ce que l'élite dirigeante refuse
d'apporter. Les arrangements en vertu desquels le
pouvoir reste dans les mains d'un petit groupe de
privilégiés ne peuvent durer parce qu'ils servent
des intérêts privés étroits qui en demandent
toujours plus. Le peuple ne peut jamais s'y
réconcilier. Aujourd'hui, aucun problème ne peut
être résolu sans que le corps politique au Québec
et au Canada ne soit au coeur des prises de
décision. Penser autrement, c'est entretenir des
illusions sur le processus politique actuel qui
est désuet et en faillite.
Aujourd'hui, en cette période de pandémie, le
problème demeure entier. Le 1er octobre, le
gouvernement du Québec a émis un décret qui impose
de nouvelles mesures de confinement en réponse aux
nombreuses éclosions de COVID-19 qui se produisent
au Québec, accompagnées de nouveaux pouvoirs de
police qui ont été annoncés par le premier
ministre François Legault et la ministre de la
Sécurité Geneviève Guilbault. Comment la réponse à
une pandémie et à tous les problèmes sociaux,
médicaux, d'éducation, de santé mentale et de
confinement peut-elle être d'accroître les
pouvoirs de police ? Cette réponse sert la
poursuite des politiques néolibérales des
gouvernements au service d'une oligarchie
financière et est en opposition aux solutions que
donnent et mettent de l'avant les milliers de
travailleurs de la santé et de l'éducation et tous
ceux qui sont au front pour résoudre la situation
en faveur du peuple.
Aujourd'hui comme avant, ces problèmes réels
peuvent être résolus uniquement par l'entière
mobilisation politique et idéologique du facteur
humain/conscience sociale, pas avec la
criminalisation des différents collectifs dont les
jeunes. Le peuple n'a jamais abandonné la lutte
pour s'investir du pouvoir de décider de toutes
les questions qui le concernent. Il l'a exprimé
avec vigueur lors des mesures de guerre et
l'affirme aujourd'hui dans ces conditions
difficiles et complexes de la COVID-19 alors qu'il
se heurte à une gouvernance qui bloque la
résolution des problèmes et qui recourt encore une
fois à la criminalisation de la dissidence.
Notes
1. « La
lutte non armée du peuple québécois va
nécessairement se transformer en lutte armée
! », Déclaration du Parti communiste du
Québec (marxiste-léniniste), Le Quotidien du
Canada populaire, 17
octobre 1970
2. «
Canadian Workers and Students Stand Firmly
Behind Quebec People », People's Canada
Daily News, 27 octobre 1970
3. « Le
mouvement de résistance développera le pouvoir
démocratique populaire », Le Quotidien du
Canada populaire, 27 octobre 1970
4. «
Canadian Workers and Students Stand Firmly
Behind Quebec People », People's Canada
Daily News, 27 octobre 1970
5. « CDDP
Leads Mass Demonstrations in Montreal », People's
Canada Daily News, 20 janvier 1971
6. « Plus
de 7000 personnes manifestent pour la lutte
de libération nationale et contre le
fascisme », Le Québec populaire, 18
octobre 1971
7. «
Manifestation à Toronto contre l'impérialisme
américain et pour appuyer la lutte de libération
nationale du peuple québécois », Le
Québec populaire, 18 octobre 1971
(Photos : LML, CC)
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 64 - 17 octobre 2020
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