Les opérations occultes et de dissimulation approuvées par l'État

Une attaque policière contre une manifestation dirigée par des activistes du PCC(M-L)
devant l'hôtel Royal York à Toronto, le 3 mars 1971. Les manifestants appuient le peuple
québécois et s'opposent aux attaques lancées contre lui par le gouvernement du premier
ministre Pierre Elliott Trudeau.

Il y a plusieurs comptes rendus officiels et reportages des médias sur les crimes commis par la Gendarmerie royale du Canada (GRC) contre les Canadiens, les Québécois et les peuples autochtones. Certains de ces crimes n'ont jamais été documentés; d'autres sont rapportés comme des aberrations inacceptables ou nécessaires malgré les violations des droits. Dans l'ensemble, on dit que ces crimes appartiennent au passé ou même qu'ils ont contribué à renforcer notre démocratie. Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) qui a été créé en 1984 avait pour mandat de recueillir des renseignements mais sans pouvoir d'intervention, et ainsi nous devrions croire que le temps des activités illégales de la GRC est terminé. Il n'est évidemment pas vrai qu'après 1984 les services de sécurité ont cessé de violer les droits du peuple. Cela inclut la dissimulation de leur implication dans la catastrophe d'Air India de 1985. Depuis le 11 septembre, toutes les excuses ont été données pour violer les droits en toute impunité. Le projet de loi C-51, la Loi antiterroriste de 2015, étend les pouvoirs du SCRS pour lui permettre de mener des activités qui ressemblent à celles de la GRC avant 1984.

Cet article revoit de manière succincte le récit officiel de ce qui s'est passé et ce que le Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) a dit à ce sujet à l'époque. Cet examen vise à résumer cette expérience afin que les gens puissent se donner un guide à l'action qui serve le présent et ouvre la voie à un avenir brillant et en sécurité.

Selon le récit officiel, la GRC a mené des activités illégales dans le cadre de son travail de protection de la « sécurité nationale » du Canada jusqu'en 1977, puis tout cela a été assaini au cours de la période 1978-1984, dont l'aboutissement a été la séparation des services de renseignement des services de police de la GRC, comme l'avait recommandé la Commission d'enquête concernant certaines activités de la GRC (la Commission McDonald). La période de 1977 à 1981 a été la période d'enquête sur les méfaits de la GRC, tandis que celle de 1981 à 1984 a été la période de réorganisation des forces de sécurité. Le nouveau régime a été mis en place en novembre 1984 avec la création du Comité de surveillance des activités de renseignements de sécurité.

Les événements qui ont conduit à la création
de la Commission McDonald

Le 26 juillet 1974, Robert Samson, gendarme de la GRC, membre de l'escouade antiterroriste conjointe du Québec et du Service de sécurité de la GRC, est blessé par l'explosion d'une bombe devant la résidence du président de la compagnie Steinberg, M. Melvyn Dobrin, à Ville de Mont-Royal. En interrogatoire, l'agent Samson dit qu'il s'était rendu à cet endroit pour y rencontrer un informateur et qu'il avait été blessé par l'explosion d'un colis suspect qu'il avait ramassé. La GRC dément officiellement tout lien avec l'activité de Samson et le rapporte à la police de Montréal. Le Commissaire des incendies du Québec qui interroge Samson ne croit pas sa version des faits et Robert Samson est accusé d'avoir placé une bombe. Au cours de son procès, qui a lieu en 1976, Samson fait des révélations sur ce qu'il appelle l'opération Bricole. En échange de l'immunité, il explique que l'opération Bricole est le nom du cambriolage des locaux de Montréal de l'Agence de presse libre du Québec (APLQ) dont le but est « de prendre des documents qui étaient les dossiers des membres plus militants, ainsi que des documents pertinents ». Il explique que l'APLQ « avait toujours eu une assez grande liste de militants de gauche du Québec ». Encore aujourd'hui, ce que Samson était en train de faire à Ville de Mont-Royal le 26 juillet 1974 reste un mystère.

Peu de temps après la fin du procès de Samson, le solliciteur général du Canada de l'époque, Warren Allmand, déclare à la Chambre des communes que la perquisition de l'APLQ était un cas isolé et l'oeuvre de la police provinciale du Québec ou de la police de Montréal avec le soutien de la GRC.

À la même période, en juin 1977, le gouvernement du Québec, un gouvernement du Parti Québécois, décide d'ouvrir sa propre enquête sur les activités de la police et crée la Commission d'enquête sur des opérations policières en territoire québécois (aussi connue sous le nom de la Commission Keable). À chaque étape de son travail, la Commission se heurte à la résistance et à l'obstruction de la GRC et du gouvernement fédéral qui conteste sa compétence à faire enquête sur un organisme fédéral et soutient que c'est une atteinte aux prérogatives du gouvernement fédéral. Finalement, le gouvernement Trudeau obtient un jugement de la Cour suprême qui déclare l'enquête inconstitutionnelle, même si un grand nombre des sales opérations dont il est question étaient dirigées contre le peuple du Québec. On accuse la Commission Keable d'enfreindre la Loi sur les secrets officiels. Le solliciteur général Francis Fox, qui a succédé à Allmand, refuse de remettre les documents exigés en invoquant le « privilège absolu » accordé au solliciteur général en vertu de la Loi sur les Cours fédérales du Canada, un privilège à l'abri de toute procédure d'appel.

Toutefois, la Commission Keable réunit assez de preuves pour établir que la GRC s'est livrée à un certain nombre d'activités illégales dans le cadre de ses opérations de surveillance après la crise d'octobre de 1970, notamment :

- le cambriolage à l'APLQ

- l'incendie criminel, en 1971, d'une grange, La Ferme du Québec Libre, dans les Cantons-de-l'Est, où devait se tenir une rencontre entre des membres du Front de Libération du Québec (FLQ) et des Black Panthers américains.

- l'émission de 13 faux communiqués du FLQ en 1971, rédigés dans le cadre de la mise sur pied d'une fausse cellule du FLQ, la cellule André Ouimet. La fausse cellule revendiquera un attentat à la bombe incendiaire à la compagnie Brinks de Montréal en janvier de la même année. Le but de ces communiqués était de donner l'impression que le FLQ était encore actif après la crise d'octobre de 1970. Ces communiqués contenaient des menaces de mort contre le ministre de la Justice, Jérôme Choquette, et revendiquaient la responsabilité d'attentats à la bombe incendiaire qui n'ont jamais eu lieu. Sur la base de ces communiqués, les médias, en particulier le Journal de Montréal, ont publié des articles avec des titres comme « Le FLQ n'est pas mort » et « A-t-on sous-estimé la force du FLQ ? ». Le FLQ qui, en réalité, avait été démantelé au cours de la crise d'octobre, était maintenant présenté comme une organisation puissante avec de nombreuses cellules dont les actions fréquentes « représentent une menace active pour la sécurité de la personne et les libertés civiles au Québec ». La Commission Keable a consacré un chapitre entier au rôle des médias.

- Le vol de dynamite, dans la nuit du 26 au 27 avril 1972, à la poudrière de la Richelieu Explosives de Rougemont, par le gendarme Rick Daigle ainsi que par les caporaux Bernard Dubuc et Normand Chamberland.

- L'enlèvement le 7 juin 1972 d'André Chamard, stagiaire dans une étude de droit qui assure la défense d'accusés du FLQ. Les agents de la GRC essaient de le recruter comme indicateur en le faisant chanter pour une affaire de drogue, en le maltraitant et en proférant des menaces de mort.

- le vol de listes de membres du Parti Québécois en janvier 1973, au cours de l'opération Ham lors du cambriolage de l'entreprise Messageries Dynamiques Inc. Soixante-six agents de la GRC ont participé à cette opération.

L'agent de la GRC Donald Cobb, l'inspecteur Jean Coutellier de la Sûreté du Québec et l'inspecteur Roger Cormier de la police de Montréal sont poursuivis pour avoir autorisé une perquisition sans mandat, la perquisition illégale des locaux de l'APLQ. Lorsqu'ils comparaissent en mai 1977, ils plaident tous les trois coupables aux accusations portées contre eux, ainsi il n'y a pas de divulgation de la preuve au cours d'audiences publiques. Leur avocat plaide qu'ils sont des citoyens remarquables qui ont fait une erreur de jugement momentanée en ne demandant pas de mandat, mais que cela a été fait dans les meilleures intentions, pour défendre la sécurité nationale. En juin 1977, le juge les libère inconditionnellement et ils sont retournés au service actif.

Le 6 juillet 1977, à la Chambre des communes, le solliciteur général, Francis Fox, reconnaît que « l'affaire de I'APLQ n'est pas un acte isolé ou exceptionnel » et annonce une commission d'enquête.

Les audiences de la Commission McDonald

Les audiences de la Commission McDonald commencent le 18 octobre 1977. En tout, il y a 169 audiences, dont 144 à huis clos. Le témoignage de 149 personnes est entendu au sujet des activités de la GRC et de la connaissance qu'avaient les ministres et les hauts fonctionnaires des activités illégales de la GRC.

Les principales questions traitées par la commission sont :

- l'opération Bricolel'affaire de l'APLQ;

- l'opération Ham l'enlèvement de bandes d'ordinateurs contenant des données sur les membres du Parti québécois, la reproduction de ces bandes;

- les entrées subreptices;

- les tentatives de recrutement de sources humaines;

- la vérification du courrier;

- l'incendie d'une grange; 

- la subtilisation de dynamite;

- l'accès à l'information en la possession du ministère du Revenu national, la Commission d'assurance-chômage et d'autres ministères du gouvernement;

- l'opération Checkmateles contre-mesures et les tactiques perturbatrices;

- divers sujets ayant trait à la responsabilité de la GRC au gouvernement; 

- la relation entre le Service de sécurité et ses sources humaines.

La Commission promet sous réserve « des restrictions qui nous sont imposées par notre mandat quant aux questions liées à la sécurité nationale, l'intérêt du public et l'intérêt de la vie privée des personnes » de rendre publics les témoignages entendus « autant que possible ».

Cinquante-deux volumes des transcriptions des témoignages entendus lors des audiences à huis clos sont publiés sous forme de 45 volumes de documents expurgés. Certains de ces volumes sont maintenant aux Archives nationales et ne peuvent être consultés qu'avec une autorisation du SCRS. Une fois autorisés, les documents peuvent être consultés. Beaucoup, sinon la plupart, des preuves se rapportant à cette période jusqu'à 1988 ont été détruites. Le volume relatif aux actes illégaux commis contre le PCC(M-L) n'a jamais été publié.

La destruction des dossiers Checkmate par la GRC

Lors des audiences de la Commission McDonald en novembre 1979 et février 1980, il est révélé que le Service de sécurité de la GRC a détruit des dossiers, en particulier ceux de l'opération Checkmate. Ce service a détruit les dossiers contenant des informations sur des opérations réelles et d'autres opérations qui n'étaient que « de simples projets ».

Selon les informations fournies à la Commission, le Service de sécurité a détruit ces dossiers après les avoir soumis à deux revues internes, la première, la Phase un, en 1974 et 1975, et la deuxième en 1977. Les dossiers Checkmate comprenaient environ 25 volumes en tout.

La Commission est informée que le directeur général adjoint (Opérations) du Service de sécurité de la GRC Howard Draper, le sergent d'état-major Ron Yaworski et le surintendant principal Gustav Begalki, responsable des opérations « D »le Service d'antisubversion qui a supervisé l'opération Checkmate ont recommandé la destruction des dossiers. On lit dans le rapport de la Commission que « dès novembre 1974, il [Yaworski] croyait qu'un grand nombre des opérations Checkmate avaient été menées 'à tort'. Il en était venu à cette conclusion en grande partie parce qu'il avait de plus en plus conscience des critiques croissantes que suscitaient aux États-Unis les programmes comparables exécutés par le FBI. »

La Commission explique : « Puisqu'il y avait eu peu de temps auparavant des fuites de documents gouvernementaux, M. Yaworski craignait beaucoup que ne soient divulgués ce qu'il considérait comme des renseignements 'très délicats et très explosifs" et qu'ainsi l'ensemble du Service de sécurité ne soit mis dans l'embarras ». Il voulait « faire baisser le risque de divulgation de l'opération Checkmate ».

La Commission note que les policiers impliqués dans la destruction des dossiers avaient examiné « la nature potentiellement 'très explosive' du peu de matériel qui était encore dans les dossiers ». Elle déclare qu'aucune explication n'a été donnée sur ce que voulait dire « très explosive » ou s'il s'agissait de « problèmes liés à des activités illégales ». Aucune liste du matériel détruit n'a été conservée.

Begalki a dit que les dossiers avaient été détruits à cause de la « réduction progressive » de l'opération. Selon la Commission, M. Begalki « a ajouté que les ennuis que la divulgation du contenu de ces dossiers aurait pu causer au Service de sécurité n'ont pas joué 'séparément' sur sa décision d'en ordonner la destruction. Il a expliqué plus tard que là n'était pas la raison, qu'il ne savait pas ce que contenaient les dossiers ou si des actes illégaux y étaient décrits. Il a maintenu que leur valeur nulle du point de vue du renseignement est le critère dont il a tenu compte pour autoriser leur destruction et qu'il s'attendait de voir le sergent d'état-major Pethick l'appliquer en dépouillant les dossiers. »

Les personnes qui ont participé à la destruction des dossiers, comme le sergent d'état-major Pethick, ont dit à la Commission qu'ils n'avaient que de vagues souvenirs des dossiers. M. Pethic « dit se souvenir vaguement tout au plus d'avoir révisé un dossier sur un particulier et de n'avoir retenu que trois documents : (1) un tableau des finances soit du Parti communiste du Canada, soit d'une organisation crypto-communiste, (2) une description de l'abandon par un particulier d'une organisation soupçonnée d'être crypto-communiste et (3) un document provenant d'un organisme autre que le Service de sécurité ».

La Commission conclut : « À notre avis, si on analyse bien l'explication donnée par M. Yaworski concernant la recommandation de 1974 de détruire les dossiers Checkmate, elle n'équivaut à rien de moins que l'intention de réduire la possibilité que le gouvernement du Canada apprenne l'existence d'actes qu'il en était lui-même venu à juger répréhensibles. MM. Yaworski et Draper ont passé outre délibérément aux critères habituels de destruction des dossiers.

« Nous ne pouvons pas faire abstraction du fait que plus de trois ans auparavant, soit le 30 juin 1971, une note de service rédigée par M. Yaworski (mais signée par le sergent Pethic) précisait que 'les mesures de restriction tentées ou envisagées' pourraient bien être 'd'une nature tellement délicate qu'il ne faille pas les consigner par écrit'. Selon M. Yaworski, lorsqu'il a écrit 'délicate' il ne voulait pas dire 'illégale', mais plutôt que le Service de sécurité utilisait des informations qui risquaient de mettre en danger la source qui les avait fournies, et que le Service de sécurité prenait lui-même des mesures, plutôt que de faire part des renseignements qu'il possédait à un autre secteur gouvernemental.

« Cette explication ne nous a pas convaincus et nous croyons que, dans la note de service pour la signature du sergent Pethic, M. Yaworski, voulait dire qu'on était prêt à recourir à des moyens de dissuasion, illégaux au besoin, pour parvenir, comme il le dit dans la note de service, à une 'façon plus agressive et positive' d'exécuter des opérations destinées à entraver, contrecarrer ou saper les groupes cibles. »

Aucune accusation n'a été portée pour cette destruction délibérée des preuves des crimes commis contre le peuple du Canada et du Québec. Pendant un certain temps, Ron Yaworski a été un « consultant en sécurité » qui, plus tard, en 2002, a témoigné devant une commission du Sénat comme témoin expert à une audience à huis clos qui examinait les questions budgétaires reliées à la sécurité. (Le poste de directeur adjoint des opérations du SCRS est occupé par un Jeff Yaworski. LML n'a pas pu établir s'il y a un lien de parenté.)

À part la destruction des dossiers liés à la période allant de 1974 à 1977, dans la période transitoire où le Service de sécurité de la GRC est devenu le SCRS, une des questions qui se posaient était comment disposer des dossiers accumulés depuis plus de 50 années d'activités subversives. Un universitaire ayant enquêté sur le sort réservé aux dossiers écrit : « Le service de sécurité, avec l'autorisation du gouvernement fédéral, a détruit 208 481 de ces dossiers entre juillet 1983 et mai 1984. Lorsque la nouvelle agence d'espionnage a vu le jour, la décision a été prise de transférer certains des dossiers aux Archives nationales du Canada. En 1987, le SCRS a mis sur pied la Sous-section des exigences des Archives nationales afin d'examiner les dossiers en consultation avec des archivistes. Sur près de 500 000 dossiers, 440 000 ont été détruits. 29 000 dossiers sont allés aux archives tandis que 28 000 ont été retenus par le SCRS parce qu'ils étaient toujours pertinents. Le facteur embarras a joué dans au moins un dossier au moment de leur examen. Après avoir examiné une compilation de dossiers liés à l'Université McGill, un employé du SCRS est arrivé à la conclusion qu'il fallait à tout prix détruire ce dossier puisque le nouveau service d'espionnage du Canada devait « se défaire d'un dossier qui avait été spécifiquement ouvert pour espionner une université (effacé). Le fait de conserver un tel dossier ne peut que nous attirer des problèmes ».

Les délibérations du PCC(M-L) sur la Commission
McDonald et la création du SCRS

Le 19 février 1975, le Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) a tenu un point de presse à Toronto pour répudier une nouvelle sensationnaliste publiée par le Toronto Star dans laquelle on prétend qu'un agent du FBI du nom de Joseph Burton avait infiltré le Parti et qu'il avait recueilli des renseignements internes. La présumée taupe avait supposément appris que « Hardial Bains était sorti de l'ambassade de la Corée du Nord à Paris avec 30 000 $ » alors qu'une telle ambassade n'existait tout simplement pas.

Dans sa déclaration à l'époque, le Parti avait dit : « Cette manoeuvre de la part de la presse capitaliste était si malhabile qu'elle a révélé l'objectif sinistre qui est de discréditer le Parti en soulevant des doutes sur ses activités et en remettant en doute son intégrité aux yeux du peuple. »

Le fondateur et dirigeant du PCC(M-L) Hardial Bains réfute les mensonges et les calomnies dirigées contre le Parti, lors d'une conférence de presse à Toronto le 19 février 1975.

Il s'agissait de l'une des nombreuses activités menées contre le PCC(M-L). Ce ne fut pas la première opération sale menée contre le Parti par le Service de sécurité de la GRC et c'était loin d'être la dernière. Le temps viendra sans doute où les peuples du Canada reconstruiront la vérité sur les activités traîtres et sordides menées contre eux au cours de cette période qui a supposément été examinée et élucidée. La plus grande fraude de toutes, cependant, est qu'avec le SCRS était né une « nouvelle » agence civile pour s'occuper du renseignement de sécurité nationale. En réalité, le SCRS a recruté les agents du Service de sécurité de la GRC qui désiraient passer au SCRS. On dit que plusieurs d'entre eux ont même conservé leur bureau et que la nouvelle agence d'espionnage était composée avant tout d'anciens du Service de sécurité de la GRC.

Dans la période de transition vers le SCRS, le 12 août 1984, le bureau du PCC(M-L) en Colombie-Britannique ainsi que les entreprises avoisinantes ont été complètement ravagés par un incendie, causant des dommages de l'ordre de 3 millions de dollarsr. C'est comme si le SCRS voulait envoyer un message que rien n'allait changer. Un citoyen américain âgé de 22 ans du nom de Rolland Degroot a été arrêté en lien avec l'incendie, mais la police et les médias ont refusé d'enquêter adéquatement et personne n'a été accusé et aucune compensation n'a été versée. Dans les jours et les semaines qui ont précédé la destruction du bureau du Parti en Colombie-Britannique, plusieurs autres attaques ont été perpétrées, non seulement en Colombie-Britannique, mais aussi à Montréal.

Rolland Degroot, un néonazi autoproclamé, n'a jamais été accusé par la police ni traduit en justice. Cette attaque faisait partie de l'offensive raciste de l'État contre le peuple en Colombie-Britannique et à l'échelle du pays pour terroriser les immigrants et les forcer à cesser de se battre pour leurs droits. L'État a mis sur pied des organisations nazies et suprémacistes blanches et les a utilisées pour commettre des attaques racistes. Il a essayé de blâmer le peuple pour ce racisme, comme il le fait aujourd'hui en accusant les Québécois d'être islamophobes ou en disant que les Canadiens exigent que les musulmans soient « modérés » et jurent loyauté à ce qu'on appelle les valeurs canadiennes. Toute cette propagande a servi à justifier l'intervention de l'État contre le peuple au Canada et en Inde et elle est utilisée dans le même but aujourd'hui au pays et à l'étranger.


Manifestation et rassemblement à l'occasion de la fondation du Front du peuple
à Vancouver le 22 novembre 1980

Dans la période où ces attaques étaient perpétrées, le PCC(M-L) et son dirigeant Hardial Bains ont avancé le slogan « Blâmons l'État et non le peuple pour les attaques racistes et la violence fasciste », et ont appelé le peuple à s'organiser pour se défendre lui-même puisque de toute évidence la police n'allait pas le défendre. Le Comité de défense indien a été fondé en 1975 et le Front du peuple contre la violence raciste et fasciste en novembre 1980. Les deux organisations ont développé leur travail sous la direction du Parti et de Hardial Bains. Cela a donné une forme organisée au travail qui était fait depuis le début de l'année 1973 pour unir dans l'action les gens de tous milieux et aux expériences diverses contre la violence raciste et fasciste et s'assurer qu'elle ne s'enracine pas au Canada.

Des centaines de milliers de Canadiens ont bâti ensemble une opposition de masse à la violence raciste et fasciste, et notamment au Livre vert raciste sur l'immigration présenté par le gouvernement libéral en 1975, une lutte qui elle aussi a été dirigée par le Parti. Le Livre vert divisait les Canadiens entre « blancs » et « personnes de couleurs aux traits nouveaux et distinctifs » et enchâssait la catégorie « Autochtone » pour faire en sorte que toutes les nations autochtones soient mises dans un même paquet sur une base raciste. À la suite du Livre vert, alors que dans la conscience canadienne s'incrustait l'idée que le racisme était organisé par l'État, l'Ontario a présenté le Rapport Pitman (du nom de son auteur Walter Pitman) qui affirmait qu'il n'y a aucune preuve de l'existence d'un racisme organisé par l'État et que les Canadiens sont « tous un petit peu racistes ». Toute cette période a exposé que l'État était à l'origine de la violence raciste et fasciste. Elle a confirmé la véracité de ce que le PCC(M-L) disait. Face à cela, l'État a tout mis en oeuvre pour isoler le PCC(M-L) et a notamment organisé les attaques d'agents de police contre lui au sein du mouvement populaire et a accusé le Parti de fomenter la violence alors qu'il ne faisait que se défendre contre ces attaques. Le PCC(M-L) a eu gain de cause en cour où la preuve a été faite que le Parti était celui qui était victime des assauts et qu'il n'avait agressé personne même en se défendant contre les assauts.


Le PCC(M-L) organise des manifestations, des piquetages et des réunions partout au Canada en 1975 pour mobiliser l'opposition au Livre vert sur l'immigration du gouvernement fédéral qui vise à diviser la population canadienne sur une base raciste. Ci-dessus de haut en bas : Vancouver, Ottawa et Kitchener-Waterloo.

Plus tard, l'État canadien a intensifié son utilisation du terrorisme d'État contre le peuple. Entre autres, il a concocté la théorie de l'« intégrisme » et de l'« extrémisme » sikhs pour justifier les attaques de l'État contre ceux qui luttaient contre l'injustice au Canada et en Inde, s'opposaient au régime d'Indira Gandhi, et surtout contre la nation du Pendjab qui revendiquait son indépendance de l'Inde. Des attaques criminelles ont aussi été lancées contre le peuple du Cachemire et les autres nations et peuples tribaux en Inde qui luttaient pour leur émancipation de l'exploitation et de l'oppression brutales des industriels et des propriétaires fonciers et de leur État.

C'est dans ces conditions que se produisit l'attentat à la bombe d'Air India. Malgré les tentatives faites pour blâmer les « extrémistes sikhs », rien n'a pu cacher le rôle des agences d'espionnage dans la création de ces « extrémistes » et la fabrication de ce complot.

Dans ces conditions, des milliers de Pendjabis ont été massacrés au Pendjab, alors que les « lois antiterroristes » et les opérations occultes étaient utilisées pour réprimer l'opposition. Finalement, c'est dans ce contexte d'anarchie et de violence en Inde que se produisit en 1984 l'Opération Blue Star au cours de laquelle le Temple d'Or d'Amritsar, au Pendjab, le temple le plus sacré des sikhs, a été attaqué par l'armée indienne et un grand nombre de personnes ont été tuées. Cela ouvrit toutes grandes les portes de l'intervention de l'État dans les affaires religieuses où celui-ci dicte au peuple sa conscience, ce qu'il peut et ne peut pas faire et son mode de vie. Les actes individuels de terrorisme et les assassinats ciblés devinrent la méthode privilégiée pour exclure le peuple des affaires politiques. Indira Gandhi et son fils Rajiv Gandhi tombèrent eux aussi victimes de cette politique.

C'est ainsi que l'État canadien a créé le spectre de l'« intégrisme sikh ». Après les attentats du 11 Septembre contre les tours jumelles de New York et le Pentagone à Washington, ce spectre a rendu un grand service au système impérialiste d'États. L'« intégrisme sikh » a servi de modèle à la CIA pour créer le spectre de l'« intégrisme islamique » en tant qu'extrémisme qui représente la plus grande menace pour la société. Sur cette base, une fois de plus, c'est le peuple qui est blâmé pour les attaques terroristes tandis que le terrorisme d'État au nom de la lutte au terrorisme devient la solution. Tout ceci révèle le modus operandi de ces services de renseignement et leur « stratégie de tension » qui, en même temps, vise à faire en sorte que les problèmes économiques, sociaux et autres ne reçoivent pas de solutions politiques.

Pendant toute cette période, le PCC(M-L) a démontré son caractère et son courage révolutionnaires en unissant le peuple dans l'action contre les attaques racistes et fascistes de l'État.

La réponse du PCC(M-L) à l'incendie criminel

À la suite de l'incendie criminel du Bureau provincial du PCC(M-L) en Colombie-Britannique, le Parti a convoqué un Plénum élargi du Comité central du Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) les 20 et 21 août 1983 où a été présenté le rapport intitulé « L'incendie criminel du Bureau provincial du PCC(M-L) en Colombie-Britanniqueun geste insensé de violence individuelle ou un crime inspiré par l'État contre le Parti et le peuple ? » Le Parti a placé l'incendie criminel dans le contexte de la longue série d'attaques sous diverses formes perpétrées contre le Parti, ses membres, ses sympathisants et ses locaux depuis 1970 jusqu'à cet incendie criminel.

Le rapport présenté au Comité central du Parti a tiré la conclusion que l'incendie criminel et la réponse de la police et des médias avaient comme objectif de :

1) convaincre l'opinion publique que l'incendie criminel n'avait pas grande importance et donc que ces attaques contre le Parti étaient une chose normale et acceptable;

2) créer de la confusion dans l'esprit du peuple afin de sous-estimer et nier le danger de fascisme;

3) créer l'opinion publique que c'est la victime des attaques qui les provoque;

4) promouvoir la théorie anticommuniste en banqueroute « des deux extrêmes » selon laquelle les marxistes-léninistes et les fascistes se combattent l'un l'autre tandis que le gouvernement et les agences de l'État sont la voie modérée, qui sont neutres et opposées aux deux extrêmes.

Dans ce contexte, le Plénum a analysé que les mesures étaient en train d'être mises en place pour renforcer l'appareil répressif de l'État comme une composante de la fascisation de la vie, de la répression des marxistes-léninistes et des autres forces progressistes et pour « inciter à des crimes de violence insensée » comme cet incendie criminel en Colombie-Britannique.

Le rapport du Comité central a traité de la question du Rapport de la Commission McDonald, et montré la similitude entre l'incendie criminel au Québec en 1974 et l'incendie de la librairie. Il a déclaré : « Loin de condamner de tels crimes, la Commission McDonald sur les méfaits de la GRC a cherché à les justifier et à élaborer un cadre légal pour les activités criminelles de la GRC contre les luttes du peuple et les intérêts de la nation, ainsi que pour les opérations au Canada des services d'espionnage de l'impérialisme américain, le FBI et la CIA et l'intervention directe dans les affaires du Canada des plus hautes instances du gouvernement américain.[...] » Le rapport a souligné que le Service canadien du renseignement de Sécurité « pourra légalement mener toutes les activités de voyous que la GRC, la CIA et le FBI ont menées illégalement par le passé, et cela au nom de la défense de la démocratie et des intérêts de la nation contre la subversion ».

Le Comité central a posé la question : « Qui sont les terroristes et qui provoque des actes de violence politique au Canada ? » La réponse à cette question se trouve dans le rapport de la Commission McDonald.

Grande manifestation sur la colline du Parlement en septembre 1974 en appui à la lutte des peuples autochtones. Cette manifestation a été sauvagement attaquée par la GRC. Par la suite, la bourgeoisie, les autorités gouvernementales, les médias monopolisés et les opportunistes ont accusé le PCC(M-L) de provoquer la violence. En fait, le PCC(M-L) a été un défenseur ardent de la juste cause de la nation anishnabe et des Premières Nations et un des principaux organisateurs de la manifestation. Suivant une logique tordue, la police et ses agents ont déclaré après leur échec que parce que le PCC(M-L) avait organisé la manifestation, il était responsable de cette attaque violente. Tout a été fait pour lui attribuer la responsabilité de la répression de l'État. « Blâmer l'État et non le peuple pour la violence raciste et fasciste » était le slogan fidèle à la réalité à cette époque et l'est toujours aujourd'hui.

« La Commission royale a carrément admis que c'est la bourgeoisie, sa GRC et ses autres forces policières et d'espionnage, ainsi que les bandes fascistes, qui ont été la source d'actes de terrorisme, d'incendie de granges, d'enlèvements, de tortures et de chantage pour recruter des espions et des indicateurs, de messages téléphoniques enregistrés véhiculant la haine raciste et fasciste, d'attaques violentes contre les minorités nationales, contre les luttes ouvrières, contre les forces démocratiques et progressistes et les marxistes-léninistes, de tentatives d'assassinats, etc. Le rapport de cette commission révèle également que la police et les autorités gouvernementales ont apporté leur pleine collaboration aux services d'espionnage et aux forces policières des États-Unis pour faire venir au Canada des espions afin de saboter le PCC(M-L) et la lutte des autochtones et d'autres groupes au Canada. Cependant, il est significatif que certaines sections du Rapport de la Commission McDonald, notamment celle sur l'« opération Checkmate », qui traitent spécifiquement des attaques terroristes menées contre le Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) et son dirigeant, le camarade Hardial Bains, n'ont pas été publiées. Ce mutisme aussi sert la tactique de la bourgeoisie qui consiste à calomnier les marxistes-léninistes en disant qu'ils sont la source du crime et de la violence et en les comparant aux fascistes et terroristes, tout en gardant le silence quant à leurs vraies activités et positions progressistes. »

« Le rapport de la Commission McDonald a également servi à justifier la fascisation de l'État et le renforcement de l'appareil de répression, notamment la création d'un service d'espionnage civil, le SCRS, prétextant que la sécurité nationale exige la légalisation des activités illégales, que les intérêts du Canada sont inséparables de ceux de l'impérialisme américain, que ceux qui luttent pour les droits démocratiques du peuple et les intérêts de la nation [...] sont les ennemis des intérêts du peuple et de la nation et la source du danger qui plane sur la paix, la sécurité et la démocratie au Canada.

« Ainsi, dans son rapport, la Commission McDonald déclare que les principales menaces à la sécurité du Canada 'proviennent des activités clandestines d'agents de puissances étrangères au Canada, d'organisations terroristes et de groupes qui travaillent activement à renverser le fondement de la démocratie parlementaire'. »


Réunion en mars 1977 pour s'opposer à la persécution politique des forces progressistes et communistes, à la suite d'une descente de la police au Centre ouvrier du PC(M-L) à Kitchener-Waterloo le 23 février 1977

Le rapport du Comité central soulignait : « Dans la catégorie de 'groupes qui travaillent activement au renversement du fondement de la démocratie parlementaire', la commission réunit les marxistes-léninistes et les fascistes de sorte à créer le maximum de confusion, puis déclare que les fascistes sont inactifs et ne représentent aucun danger ». Le rapport indiquait également que ce n'est pas un hasard si la Commission ne précise pas davantage la catégorie des « organisations terroristes », puisqu'on ne manque pas de preuves pour établir le fait que la GRC et d'autres forces policières étaient derrière toutes les activités terroristes dont on a accusé le FLQ et derrière les actes terroristes de la Western Guard et les autres groupes néonazis suprémacistes blancs. « La Commission McDonald elle-même traite de certaines de ces attaques, ainsi que du travail d'agents de police américains au Canada, et elle cautionne ces activités infâmes. »

Le rapport du Comité central soulignait que la Commission McDonald reconnaissait le caractère policier de l'État canadien et que « les activités du PCC(M-L) ont fait l'objet d'une enquête détaillée dans les années 1970. Son dirigeant a fait l'objet à la fois de surveillance étroite et de certaines des tactiques de sabotage menées dans le cadre de l'opération Checkmate. La Commission avoue aussi qu'il y a eu contre les membres et sympathisants du Parti « un vaste harcèlement en toute occasion », notamment des congédiements et des expulsions du pays ainsi que des attentats à la vie. Plusieurs de ces activités ont échoué grâce à la vigilance du Parti, qui les a condamnées et combattues au moment même où elles étaient perpétrées ».

Le rapport avertissait que « la Commission McDonald prétend qu'elle s'oppose à ces activités, mais c'est seulement pour tromper les naïfs, pour justifier ses propres agissements et la fascisation de l'État et pour préparer d'autres attaques. En réalité, elle avait la mission d'attaquer directement les marxistes-léninistes sous prétexte de défendre « la primauté du droit ». Pendant que la Commission McDonald écrivait ses justifications de « la loi et l'ordre », les attaques contre les marxistes-léninistes et les autres forces progressistes se poursuivaient dans tout le pays, et elles se poursuivent encore aujourd'hui. Elles n'ont jamais cessé, ne fût-ce qu'un instant. »

Le rapport concluait que la création du SCRS « est un pas de plus vers la fascisation de l'État dans le cadre de ce qu'on appelle le processus parlementaire et par les 'moyens constitutionnels' et constitue une réelle menace pour la vie et les libertés du peuple ». Le rapport soulignait notamment que le projet de loi accorderait l'immunité aux agents des services de sécurité et ferait la divulgation de leur identité un acte criminel.

Le rapport identifiait également la prétendue lutte au terrorisme comme « une arme de propagande importante de tromperie idéologique et politique » du peuple dans le but de détourner et de liquider ses luttes.


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 63 - 10 octobre 2020

Lien de l'article:
Les opérations occultes et de dissimulation approuvées par l'État - Anna Di Carlo


    

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