Un statut de résident permanent
pour tous les travailleurs migrants
et les réfugiés, maintenant!
Opposons-nous au rôle du Canada dans l'exploitation et le mauvais traitement des travailleurs migrants!
- Diane Johnston -
Le Canada crée de nombreux programmes de
migration irrégulière pour satisfaire d'abord et
avant tout les besoins des plus gros exploiteurs
de main-d'oeuvre ainsi que de quelques petits
producteurs. Ces programmes sont le terrain de jeu
des trafiquants d'êtres humains de toutes sortes,
y compris des agences qui exploitent et
maltraitent sans pitié les travailleurs qui
n'acceptent pas de se soumettre à des conditions
de vie et de travail inacceptables.
Des actions sont en cours dans tout le pays pour
la régularisation du statut de tous les migrants
précaires et pour garantir qu'aucun migrant sans
papiers ne soit déporté. Dans ce contexte, une
action a été organisée à Montréal le 23
septembre devant les bureaux du gouvernement
fédéral au Complexe Guy-Favreau à Montréal.
L'action a été organisée par Solidarité sans
frontières et le Centre des travailleurs migrants
pour la défense de toutes les personnes
sans-papiers, et les participants ont été informés
que Mamadou Konaté, 37 ans, originaire de
Côte d'Ivoire, avait été appréhendé par l'Agence
des services frontaliers du Canada (ASFC)
le 16 septembre et est détenu au Centre de
surveillance et de détention des immigrants de
Laval en attendant son expulsion vers son pays
d'origine.
Mamadou Konaté
Accompagné de son avocat Stewart Istvanffy,
Mamadou, un travailleur sans-papiers, s'était
volontairement présenté le même jour auprès des
autorités fédérales d'immigration dans le but de
faire suspendre sa mesure de renvoi jusqu'à ce que
sa demande de résidence permanente pour motifs
humanitaires soit réexaminée. Son avocat souhaite
présenter de nouvelles preuves relatives à son
travail dans trois différents centres
d'hébergement et de soins de longue durée (CHSLD)
pendant la pandémie de la COVID-19.
La réponse des agents de l'immigration a été de
l'appréhender immédiatement et de le faire
incarcérer au centre de détention des immigrants
de Laval.
Au plus fort de la pandémie, Mamadou a été
embauché par une agence de placement pour
travailler dans les « zones chaudes »
infectées par la COVID-19 dans les CHSLD où il
nettoyait les chambres et les couloirs contaminés
par la pandémie. Fin avril, il a lui-même
contracté le coronavirus. Une fois rétabli, il est
retourné travailler dans les CHSLD avant d'être
conduit au centre de détention des immigrants.
Dans un courriel adressé au Huffington Post,
le porte-parole de l'ASFC, Louis-Carl Brissette
Lesage, a écrit que « la détention ne doit
être envisagée que dans des circonstances
exceptionnelles et lorsqu’aucune solution de
rechange à la détention raisonnable ne peut être
mise en œuvre». Cependant, l'avocat de Mamadou
insiste sur le fait qu « aucune circonstance
exceptionnelle n'a été mentionnée » lors de la
demande de révision de détention et qu'il est
surtout détenu parce qu'il est considéré comme
pouvant présenter un risque de fuite.
« Il semblait que l'agent de l'ASFC ne voulait
rien entendre au sujet de la COVID-19 ou du fait
qu'il a travaillé [dans les CHSLD] pendant la
pandémie », a rapporté son avocat aux médias.
« C'est vraiment navrant de voir des humains
traités avec si peu de considération »,
a-t-il déclaré.
Le 23 septembre, lors d'une audience de
révision de son cas devant la Commission de
l'immigration et du statut de réfugié du Canada
(CISR), la détention de Mamadou a été confirmée. À
l'audience, un représentant de l'ASFC a confirmé
que les expulsions avaient repris, une décision
qui n'a pas été rendue publique mais qui est,
apparemment, la raison du maintien en détention de
Mamadou. Sa prochaine comparution devant un juge
de la CISR est prévue le 19 octobre.
En réponse à une demande de Radio-Canada
International pour savoir si le renvoi des
demandeurs d'asile avait recommencé après avoir
été mis en attente en raison de la pandémie,
l'ASFC a répondu qu'avant la mise en place de
mesures frontalières renforcées en mars, elle
avait tenté de renvoyer des personnes dès que
possible conformément à la Loi sur
l'immigration et la protection des réfugiés (LIPR).
La pandémie avait entraîné des changements à
divers paliers, mais d'autres mesures, comme les
renvois, étaient toujours en vigueur en fonction
des besoins, a déclaré l'ASFC.
Depuis le 15 mars, souligne Radio-Canada
International, l'ASFC a continué d'effectuer un
certain nombre et type de renvois. Le réseau été
informé par le porte-parole de l'ASFC, Louis Carl
Brissette Lesage, que : « Le retrait des cas
graves d'interdiction de territoire (criminalité,
sécurité, violations des droits internationaux ou
des droits de la personne et crime organisé) se
poursuit au cas par cas, après évaluation,
également comme le renvoi de ceux qui souhaitent
quitter le Canada volontairement malgré la
pandémie mondiale actuelle. Les renvois effectués
aux points d'entrée et par les voies
administratives normales en vertu du
paragraphe 240 (3) du RIPR [Règlement sur
l'immigration et la protection des réfugiés] sont
également en cours. »
L'ASFC a également souligné que le renvoi d'une
personne du Canada « a lieu à la suite d'une série
complexe de processus et de mécanismes d'appel qui
accordent aux ressortissants étrangers le droit à
une procédure régulière » et que ce n'est
qu'après que toutes ces procédures ont été
épuisées que l'ASFC expulse une personne du
Canada.
Le programme
spécial temporaire des gouvernements fédéral et
québécois qui confère un statut à certains
travailleurs migrants est limité à ceux qui ont
prodigué des soins directs aux patients dans les
établissements de soins de longue durée. Ceux qui
travaillent dans des résidences pour personnes
âgées infectées par la COVID-19, qui préparent la
nourriture ou font le nettoyage et qui travaillent
souvent par l'intermédiaire d'agences de placement
temporaire pour un salaire inférieur au salaire
minimum, comme dans le cas de Mamadou, sont
maintenant confrontés à la menace très réelle
d'être expulsés. Les tentatives de justifier un
tel traitement illustrent le rôle sans principe
que joue le gouvernement du Canada en permettant
le mauvais traitement des travailleurs
vulnérables.
L'histoire de Mamadou
Mamadou est arrivé pour la première fois au
Québec en février 2016 après avoir fui la
Côte d'Ivoire, où il avait été emprisonné lors
d'un conflit militaire qui a suivi un coup d'État
manqué de 2002. Selon des documents
judiciaires, il a été « battu, soumis à de mauvais
traitements, voire torturé, lors de sa
détention » aux mains de Forces nouvelles, un
groupe rebelle, entre 2004 et 2005. Il avait
été associé au groupe en 2002-2003. Il
affirme qu'après avoir fait défection, il a été
emprisonné par eux et que maintenant beaucoup de
responsables de la rébellion occupent des
positions d'influence dans l'actuel gouvernement
Ouattara et Mamadou craint des représailles.
Sa demande d'asile a été rejetée en raison de son
engagement avec le groupe. L'article 34 (b.1) de
la LIPR, adoptée sous le gouvernement libéral
Chrétien en 2001, stipule qu'un ressortissant
étranger est interdit de territoire pour des
raisons de sécurité s'il s'est livré « à la
subversion contre toute institution démocratique,
au sens où cette expression s'entend au
Canada ».
Dans une demande de révision judiciaire de la
décision en 2018, son avocat a fait valoir
qu'il avait été recruté de force par les rebelles,
ce qui ne ferait pas de lui un « membre » aux
yeux de la loi. Cependant, cette demande a été
rejetée.
Deux jours avant son renvoi prévu le 9
juillet 2018, sa demande de sursis a été
entendue. Un médecin qui l'avait soigné a témoigné
qu'il souffrait de troubles de stress
post-traumatique, d'anxiété, de dépression et
d'insomnie, ainsi que d'autres maux, et qu'il
craignait d'être « torturé et tué par
l'armée ». La suspension a été accordée.
Depuis la fin septembre, les députés de Québec
Solidaire de l'Assemblée nationale du Québec ainsi
que Alexandre Boulerice, député néodémocrate de
Rosemont–La
Petite-Patrie, pressent la ministre de
l'Immigration du Québec
Nadine Girault et le ministre fédéral de
l'Immigration,
Réfugiés et Citoyenneté Marco Mendicino
d'intervenir dans le dossier, mais sans succès
jusqu'à
présent.
« Les processus de demande d'asile et de renvoi
sont des compétences exclusives du gouvernement
fédéral, a déclaré la ministre québécoise Girault.
L'émission d'un CSQ [certificat de sélection
du Québec], en plus d'aller à l'encontre de
[l'Accord Canada-Québec sur l'immigration],
n'aurait aucun effet sur la procédure de renvoi
actuelle », a-t-elle déclaré. Son attachée de
presse Flore Bouchon a ajouté que le gouvernement
du Québec « apprécie tous les travailleurs
essentiels qui ont contribué à l'effort collectif
de lutte contre le virus ». Quant au ministre
de l'Immigration Mendicino, aucune réponse n'a été
donnée jusqu'ici.
Au matin du 8 octobre, plus
de 37 500 personnes avaient signé une
pétition en ligne qui demande au premier ministre
Justin Trudeau et à son gouvernement d'annuler
l'arrêté d'expulsion de Mamadou, de régulariser
son statut en lui offrant la résidence permanente
et de mettre en place un plan complet pour la
régularisation de toutes les personnes
sans-papiers.
Leur demande au premier ministre Legault et à son
gouvernement est que tous ceux qui travaillent
actuellement dans les CHSLD soient inclus dans le
programme spécial de régularisation, pas seulement
ceux qui travaillent comme préposés aux
bénéficiaires.
Il est de notre responsabilité sociale de
protéger ces travailleurs, qui sont utilisés par
les
gouvernements comme une source de main-d'oeuvre
bon marché, sans
aucune considération pour leur vie. Ici au Canada,
nombreux sont
ceux, comme Mamadou, dont la vie est devenue un
véritable enfer.
Ils travaillent pour qu'eux-mêmes et leurs
familles puissent
survivre, confrontés au déni de droits et à la
menace de renvoi.
Ça ne doit pas passer ! Personne n'est
illégal ! Le statut de résident permanent
pour tous et toutes, maintenant ! C'est une
question de dignité humaine pour tous et totues !
Pour signer la pétition, cliquer ici.
Une collecte de fonds pour Mamadou a été
organisée par Solidarité avec Mamadou Konaté sur
le site Web Go Fund Me. Jusqu'à
maintenant, 11 000 dollars ont été
amassés. Pour contribuer, cliquer ici.
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 63 - 10 octobre 2020
Lien de l'article:
Un statut de résident permanent
pour tous les travailleurs migrants: Opposons-nous au rôle du Canada dans l'exploitation et le mauvais traitement des travailleurs migrants! - Diane Johnston
Site Web: www.pccml.ca
Courriel: redaction@cpcml.ca
|