Les décrets ne vont pas contrôler
la contagion de la COVID-19
Il faut mobiliser le peuple et non la police pour résoudre le problème de la contagion de la COVID-19
- Normand Chouinard -
Les jeunes du Québec assument la responsabilité de
l'avenir de leur société, comme
ici lors de la marche pour le climat le 17 mai
2020. Ils exigent des solutions sociales et
politiques aux problèmes de la société, y compris pour la
pandémie, en opposition à la criminalisation de leur comportement.
Le 1er octobre, le gouvernement du Québec a
émis un décret qui impose de nouvelles mesures de
confinement en réponse aux nombreuses éclosions de
COVID-19 qui se produisent au Québec. Les
éclosions confirment que la deuxième vague de la
pandémie est commencée et plusieurs régions ont
été déclarées « zones rouges ».
Ces mesures sont accompagnées de nouveaux
pouvoirs de police qui ont été annoncés par le
premier ministre François Legault et la ministre
de la Sécurité Geneviève Guilbault. Les
interventions policières sont principalement de
trois ordres.
- S'ils ont des motifs de soupçonner que des
rassemblements qui dépassent les normes de
confinement ont lieu dans les maisons, les
policiers interviendront dans les maisons
concernées pour faire cesser le rassemblement,
munis de constats d'infraction pour imposer une
amende de 1000 $. Des contraventions de
1000 $ seront aussi données lors de rassemblements
dans les parcs, qui sont dorénavant interdits.
- Si les personnes refusent que la police entre
dans leur logement, les policiers pourront obtenir
un télémandat dans un très bref délai auprès d'un
juge afin de pénétrer dans le logement et de
remettre le constat.
- Toute personne qui participe à une
manifestation doit dorénavant porter un masque.
Les policiers seront aussi munis de constats
portatifs pour donner rapidement des
contraventions de 1000 $. La même mesure
s'applique aux rassemblements dans les parcs.
Alors que nous marquons le 50e anniversaire
de l'invocation de la Loi sur les mesures de
guerre le 16 octobre 1970, le
caractère offensant de ces mesures est
particulièrement déplorable. Les jeunes n'ont pas
manqué de pointer du doigt l'ironie d'avoir
recours à des mesures de criminalisation pour
s'attaquer à des problèmes sociaux. Dans le passé,
ils ont été criminalisés parce qu'ils portaient
des masques pendant les manifestations alors
qu'aujourd'hui ne pas porter un masque est une
infraction criminelle. Ils soulignent
qu'aujourd'hui, comme par le passé, ils réclament
des solutions politiques et sociales aux
problèmes. Ils s'opposent à la criminalisation de
la vie par laquelle le peuple est blâmé des
problèmes tandis que l'État et ses gouvernements
et agences s'en tirent à bon compte.
Les mesures
actuelles annoncées par le premier ministre
Legault sont semblables à celles qui sont adoptées
dans les autres provinces. Elles illustrent le
fait que les institutions démocratiques libérales
sont devenues incapables de créer une opinion
publique afin de persuader la population que
quelque chose est nécessaire.
Dans ce cas-ci, les gens ne sont pas opposés à
des mesures de sécurité comme le port du masque,
mais ils ne voient pas la nécessité d'en faire une
question policière. Ils déplorent le refus du
gouvernement de garantir que des conditions
sécuritaires existent dans les écoles, les
hôpitaux et les résidences pour personnes âgées où
la pression exercée sur le personnel est très
grande. La raison en est que l'objectif premier
des gouvernements au Canada n'est pas de protéger
les gens, mais de payer les riches puis de blâmer
le peuple quand la situation ne s'accorde pas avec
leurs stratagèmes. L'incapacité de l'État et du
gouvernement à mobiliser le peuple dans la lutte
contre la pandémie ne sera pas réglée en donnant
plus de pouvoirs à la police. En fait, cela va
seulement exacerber le problème et ne résoudra pas
la crise des institutions.
Pendant ce temps, les médias font la promotion de
ce qu'ils appellent les « adeptes de la théorie du
complot » qui disent que l'obligation de porter le
masque, de rester à la maison et de ne pas se
rassembler est une violation du droit de
conscience et des droits qui sont inscrits dans la
Charte des droits et libertés de la personne.
On prétend que ces personnes représentent
un danger pour la sécurité de la population et
méritent d'être criminalisées. Il est douteux
qu'une poursuite en vertu de la Charte aurait du
succès parce
que les limitations imposées pendant la COVID-19
seraient
probablement considérées comme étant «
raisonnables ». Cette propagande a
cependant pour effet
de créer la confusion sur comment se pose la
question des
droits, sur le rôle de l'État et des gouvernements
et sur
l'utilisation des pouvoirs de police pour dicter
la direction que doit
prendre la société, sans parler du fait que le
peuple est
privé d'accès au pouvoir décisionnel.
Comment peut-on juxtaposer le droit de conscience
et des actes qui mettent en danger la vie des
autres ? Si on accepte ce point de vue, alors
le fait que l'État demande au peuple d'appuyer les
« limites raisonnables » cause un problème
parce que le peuple ne joue aucun rôle dans la
décision de ce qui est raisonnable.
Un problème sérieux auquel les gouvernements font
face est qu'une majorité de gens ne sont pas
satisfaits du système politique. Ils n'ont aucune
confiance dans les institutions. Ce désabusement
face au système politique et ce manque de
confiance dans les institutions n'ont fait que
s'intensifier depuis des décennies. Au lieu de
résoudre les problèmes en affirmant le rôle du
peuple dans la prise de décisions, les élites
dirigeantes ont recours à des diversions pour
justifier l'activation des pouvoirs de police.
Il y a en ce moment des dizaines de milliers
d'enseignants qui se battent tous les jours pour
garantir leur sécurité et celle de leurs élèves,
mais le gouvernement les empêche de pouvoir
décider de la marche à suivre. Il refuse même
d'entendre les revendications pour un financement
d'une quantité suffisante de personnel, ou de
mesures de sécurité ou de ventilation bien que les
problèmes comme la COVID-19 vont vraisemblablement
devenir de plus en plus fréquents dans l'avenir.
Les travailleurs de la santé manifestent devant
l'Assemblée nationale à Québec, le 19 mai 2020.
Ils exigent que les arrêtés ministériels ne soient
pas utilisés pour restreindre leurs droits
et les empêcher de prendre des mesures pour
protéger leur sécurité et celle de leurs patients
pendant la pandémie.
Il y a dans le système de santé des dizaines de
milliers de travailleurs qui mettent leur vie en
jeu pour soigner la population et trouver des
solutions à la crise. Le gouvernement répond par
des arrêtés ministériels afin de traiter les
travailleurs comme des pions sur l'échiquier et il
croit pouvoir garder le contrôle de la situation
de cette façon.
Il y a en ce moment des centaines de milliers de
travailleurs industriels qui luttent pour
conserver les mesures qu'ils ont mises en place
pour se protéger, mais la direction des
entreprises s'est vu donner le pouvoir d'exploiter
les entreprises sans égard aux besoins de la force
de travail. Ils bloquent carrément la marche des
travailleurs et rejettent leurs initiatives bien
que le coronavirus n'obéisse pas à leurs
commandements.
La grande masse des jeunes ne demande pas mieux
que d'être responsable vis-à-vis la société, mais
elle non plus n'est pas respectée.
En ce moment
où la mondialisation néolibérale pave la voie à
encore plus de pandémies et de contagions, les
institutions démocratiques libérales sont en
crise. Il est absurde de croire que des problèmes
réels peuvent être résolus sans l'entière
mobilisation politique et idéologique du facteur
humain/conscience sociale. Transformer les
problèmes sociaux et politiques en problèmes de
loi et d'ordre est non seulement absurde, mais
irresponsable. Quand des vies sont en jeu, agir
ainsi est simplement criminel. C'est de la
diversion et les travailleurs doivent répondre en
demandant que des mesures adéquates soient mises
en oeuvre afin de garantir la sécurité de la
population dans tous les aspects de la vie.
Le fait que les gouvernements accusent les
individus de ne pas être socialement responsables
alors que le peuple n'a pas de mécanismes pour les
rendre redevables montre que le principal problème
auquel le peuple fait face est de s'organiser
socialement et politiquement pour renouveler le
processus démocratique. Un processus politique
digne d'être appelé démocratique ne placerait pas
au pouvoir des gouvernements qui paient les riches
et utilisent le processus de prise de décision
pour servir leurs intérêts.
Les problèmes sociaux et politiques requièrent
des solutions sociales et politiques, pas la
criminalisation du peuple. Non au gouvernement par
décret ! Les pouvoirs de police concentrent
la prise de décision dans un nombre de mains
toujours plus petit. De nouvelles formes sociales
et politiques doivent être créées qui investissent
le peuple du pouvoir.
(Photos : LML, Climat jeunes,
M-H. Nadeau, FIQ)
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 63 - 10 octobre 2020
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Les décrets ne vont pas contrôler
la contagion de la COVID-19: Il faut mobiliser le peuple et non la police pour résoudre le problème de la contagion de la COVID-19 - Normand Chouinard
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