L'importance de l'analyse des
événements en cours
La bataille pour la présidence américaine
L'analyse suivante des événements en cours
aux États-Unis est basée sur la discussion qui a
eu lieu à une récente réunion du Comité central
du Parti communiste du Canada
(marxiste-léniniste) avec des cadres dirigeants
du Parti du Québec et du Centre ouvrier et des
jeunes du Parti.
* * *
Le premier débat de l'élection présidentielle
américaine en cours a eu lieu le 30 septembre. Ces
débats dictent l'ordre du jour et ce qu'on appelle
les « enjeux électoraux ». Ils jouent un rôle
dans la mesure où ils permettent à l'un ou l'autre
des candidats de se démarquer comme champion des
désirs et souhaits que l'oligarchie financière
veut que le prochain président réalise. Les sujets
qui étaient censés être abordés étaient la Cour
suprême, l'économie, la justice raciale, les
changements climatiques, la gestion de la pandémie
et l'intégrité du processus électoral.
Or, avec le
démantèlement de toutes les institutions liées à
ce qu'on appelait autrefois une autorité publique
et un pouvoir civil, même l'existence d'un corps
politique avec des normes et une culture politique
n'est plus reconnue. Le débat a été un match de
cris et d'insultes, à tel point que même les
médias monopolisés l'ont décrit comme un gâchis et
une catastrophe. Les échanges d'insultes ont
clairement révélé qu'il n'existe plus de partis
politiques dignes de ce nom. Les partis ont été
remplacés par des actes individuels d'hooliganisme
et de diffamation et un étalage de bêtise,
d'ignorance et d'irrationalité. La notion même de
politique comme lien avec un corps politique a été
si minée que les États-Unis ne sont plus capables
de tenir un débat présidentiel de quelque
envergure que ce soit.
La seule chose qui a suscité les passions chez
Joe Biden, le candidat du Parti démocrate à la
présidence, était de défendre la réputation de son
fils qui a combattu en Irak. Il a dit qu'il
n'appréciait pas les commentaires de Trump selon
qui ceux qui sont décédés sont des «
perdants » et des « nuls ». Trump a
répondu en attaquant l'autre fils de Biden et ils
se sont emportés dans un échange stéréotypé de
mafieux : pas de politique, pas de civilité,
pas de solutions, juste une guerre de territoire.
Beaucoup s'attendaient à ce qu'ils parlent de leur
inquiétude au sujet de « la fin de l'Amérique
telle que nous la connaissons », mais
l'attente a été trahie puisque les deux ont
démontré en pratique « la fin de l'Amérique telle
que nous la connaissons ».
Pendant ce temps, le discours ouvert sur le fait
qu'une élection contestée pourrait ouvrir la voie
à une prise de contrôle militaire au nom de la
défense de la démocratie se poursuit. Les réponses
aux menaces de Trump de reporter l'élection
présidentielle ou de ne pas accepter ses résultats
si elles ne le favorisent pas sont un appel à une
action militaire. La situation est si tendue que
les messages sur les médias sociaux invitant à
prendre les armes sont devenus affaire courante.
En effet, beaucoup ont interprété l'appel de Trump
au groupe raciste et hitlérien soutenu par l'État
« Proud Boys » de « se tenir en retrait et
d'être prêt » n'était autre chose qu'un appel
aux armes. Les « Proud Boys » eux-mêmes ont
répondu en disant qu'ils se tenaient prêts.
Récemment, le secrétaire adjoint aux affaires
publiques du département de la Santé et des
Services sociaux, Michael R. Caputo, a accusé les
scientifiques des centres sur le contrôle des
maladies de commettre un acte de « sédition »
et/ou de constituer une « unité de
résistance » déterminée à saper les chances
de réélection du président. Dans un échange en
direct sur sa page Facebook, Caputo a dit avoir
reçu des menaces de mort et que des « groupes de
gauche » se préparaient à un conflit armé
après l'élection présidentielle. En référence à
l'élection possible de Trump pour un deuxième
mandat, il a dit : « Si vous portez des
armes, achetez des munitions maintenant, mesdames
et messieurs, car elles seront difficiles à
obtenir par la suite. »
D'autres réactions
prennent la forme d'appels à défendre la
Constitution, qui n'autorise pas le président à
décider de la date des élections et est censée
défendre le droit de parole et d'assemblée. La Charte
des droits et le Posse Comitatus Act
de l'époque de la guerre civile sont censés
bloquer l'utilisation de l'armée contre le peuple
américain – sauf en
période d'insurrection. Les références courantes
aux manifestants en tant que « foules
anarchistes », « émeutiers violents » et
« terroristes » ainsi que le discours sur la
« sédition » préparent le terrain pour
déclarer le mouvement de protestation du peuple
américain une insurrection. Déjà, la police
militaire a été utilisée contre des manifestants à
Washington, aux côtés de la Garde nationale,
avec 1 600 autres soldats en service
actif en attente. L'utilisation des forces armées
contre les personnes qui manifestent pour leurs
droits constitue une tyrannie, ce que la
Constitution est censée empêcher, mais ne le fait
évidemment pas.
Il y a aussi beaucoup de discussions sur les
insuffisances du mode de scrutin américain et
l'exclusion sur une base raciste d'un grand nombre
de Noirs, de Latino-Américains et d'Américains
d'origine asiatique, sans compter les prisonniers
dont les Noirs injustement incarcérés sont en
nombre disproportionné, etc. Tout cela crée le
doute dans l'esprit de tous, quelles que soient
les convictions politiques, sur la capacité de la
« démocratie » américaine à régler la crise
dans laquelle elle se trouve sans recourir à la
violence.
Pendant ce temps, une pléthore de discours ont
été prononcés par le secrétaire d'État Mike
Pompeo, le procureur général William Barr, le
président du Council of Foreign Relations Richard
Haas, le directeur du FBI Christopher Wray et le
conseiller à la sécurité nationale Robert O'Brien,
sur la Chine, le Parti communiste chinois et le
communisme. C'est de la désinformation officielle
pour empêcher le peuple de se doter de sa propre
conception du monde. Sans établir leur propre
point de référence, les travailleurs américains ne
peuvent exprimer des opinions sur la façon dont
les choses se posent qui soient dans leur intérêt.
C'est pourtant nécessaire pour s'organiser sur un
pied ferme et éviter les dangers inhérents à la
situation actuelle.
D'autre part, il y a ces reportages qui parlent
d'une possible ingérence de la Russie, de la Chine
et de l'Iran dans les élections, comme l'ont fait
la CIA et le directeur des services de
renseignement nationaux à l'élection précédente.
Le 24 juillet, le bureau du directeur du
renseignement national a rendu public un rapport
intitulé « Mise à jour sur la menace au public
américain dans l'élection ». Le directeur du
Centre de renseignement et de la sécurité
nationale William Evanina dit que le rapport donne
au public américain « un aperçu non classifié des
menaces étrangères dans l'élection de 2020 et
propose des mesures de base pour atténuer
certaines de ces menaces ». Le candidat à la
présidence du Parti démocrate Joe Biden a
également publié une déclaration disant que la
Russie s'ingérait contre lui. Le réseau CNN cite
quant à lui d'autres agents du renseignement qui
disent que les informations contenues dans ce
rapport ne sont pas exactes. Et ainsi de suite.
Ce qui s'est passé à la dernière élection et a
fait l'objet d'accusations et de
contre-accusations tout au long du mandat de Trump
est en train de se reproduire. La différence est
qu'aujourd'hui les contradictions sur le contrôle
de tout et de tout le monde, et surtout de
l'intelligence artificielle et son utilisation
pour décider qui domine le monde, sont encore plus
intenses.
Lors de la dernière élection, ce sont les forces
du camp Clinton qui ont utilisé ce qu'Hillary
Clinton a appelé la « communauté du
renseignement » pour s'ingérer dans la
campagne électorale. Certains affirment que la
cyberguerre menée par la Chine ou par la Russie
pourrait certainement être une raison pour
déclarer un état d'urgence ou déclarer que le vote
n'est pas valide. Les agences de renseignement
pourraient elles-mêmes dire que le Congrès, et
surtout la Chambre des représentants, doit
trancher si le résultat est contesté. Nancy
Pelosi, présidente de la Chambre, demande déjà aux
représentants de se préparer à une telle
éventualité et de s'arranger pour donner la
victoire à Biden. Or, cela provoquerait un autre
conflit et le doute sur la validité du vote, le
critère de majorité et la légitimité du président.
En invoquant tel ou tel scénario, les médias, les
politiciens et les médias persistent à dire que
c'est le peuple qui élit le président. C'est
ridicule même comme une simple affirmation en soi.
Les citoyens ne nomment pas les candidats et ces
derniers ne représentent clairement pas leurs
intérêts, ils représentent ceux de l'oligarchie
financière qui les porte au pouvoir. De plus,
étant donné l'échec à moderniser le scrutin pour
qu'il soit le véritable reflet de la véritable
majorité des membres du corps politique américain,
dire que le vote représente une décision
majoritaire est d'autant plus absurde. Mais c'est
en réalité une campagne de désinformation
perpétrée par l'État pour s'assurer que les
Américains restent coincés dans de vieilles
équations basées sur des arrangements établis pour
perpétuer différentes formes d'esclavage,
d'exploitation, d'oppression et la domination
impérialiste. On ne peut pas s'appuyer sur ces
arrangements pour résoudre les problèmes
d'aujourd'hui.
Il est ironique
qu'à un moment où il n'y a aucun doute dans
l'esprit de qui que ce soit que les États-Unis
eux-mêmes sont descendus dans la tyrannie, ils
mènent cette campagne guerrière contre la Chine
sur la base d'arguments qui proclament le modèle
de démocratie américaine en crise et ses vieilles
institutions démocratiques libérales comme le plus
haut sommet de la gouvernance que l'humanité peut
espérer atteindre.
Parmi les autres diversions qui constituent de la
désinformation, il y a le rétablissement par Trump
des tarifs sur l'aluminium en provenance du
Canada – une tentative désespérée de faire
appel aux secteurs de l'automobile et de l'acier
de le soutenir lui et non les démocrates dans
l'élection. Il est intéressant de noter que c'est
la vice-première ministre du Canada qui lui a
répondu, et non le premier ministre. Avec le
soutien de certains chefs syndicaux, Chrystia
Freeland s'est présentée comme le défenseur
militant des intérêts nationaux du Canada. En
fait, l'aluminium et l'acier sont tous deux
cruciaux dans la production de guerre et lors de
la dernière série de tarifs douaniers des deux
côtés de la frontière, les riches se sont
enrichis. C'est un stratagème cynique pour diviser
la classe ouvrière des deux pays en l'appelant à
se ranger derrière des intérêts qui prétendent
être ce qu'ils ne sont pas.
En plus d'intensifier les attaques contre la
Chine et l'Iran, les États-Unis continuent de
provoquer des situations en Europe dans leurs
efforts pour isoler la Russie et l'Iran.
Directement et par alliés interposés, les
États-Unis continuent de multiplier les attaques
contre Cuba révolutionnaire, le Venezuela et
d'autres pays de notre Amérique. La possibilité
d'élections pacifiques en Bolivie est quasi nulle.
Le danger que Donald Trump lance une invasion à
l'étranger pour détourner l'attention de la crise
dans laquelle sont embourbés les États-Unis, leurs
institutions et leur économie est toujours
présent. C'est une pratique bien connue des
États-Unis de lancer une invasion à l'étranger
pour tenter d'unir les forces armées et conjurer
le danger de guerre civile au pays. Déjà nous
assistons à des désaccords qui peuvent facilement
dégénérer en conflits violents entre autorités
rivales dans le contexte des tentatives actuelles
de réprimer le mouvement de masse qui continue de
faire rage partout au pays à la défense des
droits. Les désaccords indiquent que la guerre
civile pourrait devenir violente à tout moment,
différentes agences des forces armées, de police
et du renseignement s'alignant derrière les
intérêts privés étroits qui se disputent le
pouvoir de la présidence.
Depuis que George
W. Bush et Donald Rumsfeld ont promis à tort que
l'invasion « choc et effroi » serait
accueillie à bras ouverts en Irak, ainsi que dans
le monde et aux États-Unis, les invasions à
l'étranger ne parviennent plus à unir l'armée et
les agences de police et de renseignement. Malgré
cela et malgré la tyrannie du gouvernement qui a
été exposée dans les tentatives de faire taire le
mouvement de protestation de masse en ce moment,
les deux candidats à la présidence n'en continuent
pas moins de publier des déclarations incendiaires
contre le Venezuela et contre le socialisme qu'ils
assimilent au « pouvoir de la foule » et à la
tyrannie.
La présidence Trump a été le paravent de
manoeuvres cyniques pour démanteler davantage les
arrangements constitutionnels du passé.
Aujourd'hui, l'autorité publique et les
institutions, y compris les partis politiques, les
chambres du congrès et le système judiciaire, ne
servent plus leurs objectifs originaux de résoudre
les contradictions entre les factions et de garder
le peuple en laisse. La création du Homeland
Security a mené à la création d'énormes forces
policières sous l'autorité fédérale dans une
tentative d'usurper les droits des États et de
réprimer la révolte de la plus grande faction aux
États-Unis, celle qu'on appelle « la foule ».
Tout cela sert à donner un contrôle direct sans
entrave de l'État américain aux oligopoles, à
leurs coalitions et à leurs cartels qui dominent
et imposent leurs intérêts privés. La lutte pour
le contrôle accentue les contradictions entre ces
intérêts privés, fomentant la guerre civile dans
le pays et augmentant le danger de guerres
d'agression à l'étranger.
La lutte pour les combustibles fossiles et le
pétrole par opposition à ce que l'on appelle les
solutions vertes porte à la fois sur le contrôle
de l'utilisation de l'intelligence artificielle et
de l'espace, ce qui alimente la machine de guerre.
Les mêmes oligopoles, cartels et coalitions sont à
la fois derrière les combustibles fossiles et les
solutions vertes. La couleur du chat n'a pas
d'importance, tant qu'il attrape des souris.
Le PCC(M-L) est d'avis qu'il est important de
surveiller de près et d'analyser les événements
entourant les élections américaines en partant du
point de vue qui aide les peuples des États-Unis,
du Canada, du Mexique et de tous les pays du monde
à se préparer pour ce qui suivra. Le Canada est
intégré à la machine de guerre américaine et le
gouvernement du Canada est le prolongement des
intérêts privés étroits qui se sont emparés du
bureau de la présidence des États-Unis. Les
conflits qui existent aux États-Unis se reflètent
dans les conflits d'intérêts qui surgissent au
Canada, y compris la révolution de palais qui se
déroule sous nos yeux.
(Photos: VOR, K. Erikson, S.
Devol, Portland Independent Documentarians)
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 62 - 3 octobre 2020
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L'importance de l'analyse des
événements en cours: La bataille pour la présidence américaine
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