L'importance de l'analyse des événements en cours

La bataille pour la présidence américaine

L'analyse suivante des événements en cours aux États-Unis est basée sur la discussion qui a eu lieu à une récente réunion du Comité central du Parti communiste du Canada (marxiste-léniniste) avec des cadres dirigeants du Parti du Québec et du Centre ouvrier et des jeunes du Parti.

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Le premier débat de l'élection présidentielle américaine en cours a eu lieu le 30 septembre. Ces débats dictent l'ordre du jour et ce qu'on appelle les « enjeux électoraux ». Ils jouent un rôle dans la mesure où ils permettent à l'un ou l'autre des candidats de se démarquer comme champion des désirs et souhaits que l'oligarchie financière veut que le prochain président réalise. Les sujets qui étaient censés être abordés étaient la Cour suprême, l'économie, la justice raciale, les changements climatiques, la gestion de la pandémie et l'intégrité du processus électoral.

Or, avec le démantèlement de toutes les institutions liées à ce qu'on appelait autrefois une autorité publique et un pouvoir civil, même l'existence d'un corps politique avec des normes et une culture politique n'est plus reconnue. Le débat a été un match de cris et d'insultes, à tel point que même les médias monopolisés l'ont décrit comme un gâchis et une catastrophe. Les échanges d'insultes ont clairement révélé qu'il n'existe plus de partis politiques dignes de ce nom. Les partis ont été remplacés par des actes individuels d'hooliganisme et de diffamation et un étalage de bêtise, d'ignorance et d'irrationalité. La notion même de politique comme lien avec un corps politique a été si minée que les États-Unis ne sont plus capables de tenir un débat présidentiel de quelque envergure que ce soit.

La seule chose qui a suscité les passions chez Joe Biden, le candidat du Parti démocrate à la présidence, était de défendre la réputation de son fils qui a combattu en Irak. Il a dit qu'il n'appréciait pas les commentaires de Trump selon qui ceux qui sont décédés sont des « perdants » et des « nuls ». Trump a répondu en attaquant l'autre fils de Biden et ils se sont emportés dans un échange stéréotypé de mafieux : pas de politique, pas de civilité, pas de solutions, juste une guerre de territoire. Beaucoup s'attendaient à ce qu'ils parlent de leur inquiétude au sujet de « la fin de l'Amérique telle que nous la connaissons », mais l'attente a été trahie puisque les deux ont démontré en pratique « la fin de l'Amérique telle que nous la connaissons ».

Pendant ce temps, le discours ouvert sur le fait qu'une élection contestée pourrait ouvrir la voie à une prise de contrôle militaire au nom de la défense de la démocratie se poursuit. Les réponses aux menaces de Trump de reporter l'élection présidentielle ou de ne pas accepter ses résultats si elles ne le favorisent pas sont un appel à une action militaire. La situation est si tendue que les messages sur les médias sociaux invitant à prendre les armes sont devenus affaire courante. En effet, beaucoup ont interprété l'appel de Trump au groupe raciste et hitlérien soutenu par l'État « Proud Boys » de « se tenir en retrait et d'être prêt » n'était autre chose qu'un appel aux armes. Les « Proud Boys » eux-mêmes ont répondu en disant qu'ils se tenaient prêts.

Récemment, le secrétaire adjoint aux affaires publiques du département de la Santé et des Services sociaux, Michael R. Caputo, a accusé les scientifiques des centres sur le contrôle des maladies de commettre un acte de « sédition » et/ou de constituer une « unité de résistance » déterminée à saper les chances de réélection du président. Dans un échange en direct sur sa page Facebook, Caputo a dit avoir reçu des menaces de mort et que des « groupes de gauche » se préparaient à un conflit armé après l'élection présidentielle. En référence à l'élection possible de Trump pour un deuxième mandat, il a dit : « Si vous portez des armes, achetez des munitions maintenant, mesdames et messieurs, car elles seront difficiles à obtenir par la suite. »

D'autres réactions prennent la forme d'appels à défendre la Constitution, qui n'autorise pas le président à décider de la date des élections et est censée défendre le droit de parole et d'assemblée. La Charte des droits et le Posse Comitatus Act de l'époque de la guerre civile sont censés bloquer l'utilisation de l'armée contre le peuple américain  sauf en période d'insurrection. Les références courantes aux manifestants en tant que « foules anarchistes », « émeutiers violents » et « terroristes » ainsi que le discours sur la « sédition » préparent le terrain pour déclarer le mouvement de protestation du peuple américain une insurrection. Déjà, la police militaire a été utilisée contre des manifestants à Washington, aux côtés de la Garde nationale, avec 1 600 autres soldats en service actif en attente. L'utilisation des forces armées contre les personnes qui manifestent pour leurs droits constitue une tyrannie, ce que la Constitution est censée empêcher, mais ne le fait évidemment pas.

Il y a aussi beaucoup de discussions sur les insuffisances du mode de scrutin américain et l'exclusion sur une base raciste d'un grand nombre de Noirs, de Latino-Américains et d'Américains d'origine asiatique, sans compter les prisonniers dont les Noirs injustement incarcérés sont en nombre disproportionné, etc. Tout cela crée le doute dans l'esprit de tous, quelles que soient les convictions politiques, sur la capacité de la « démocratie » américaine à régler la crise dans laquelle elle se trouve sans recourir à la violence.

Pendant ce temps, une pléthore de discours ont été prononcés par le secrétaire d'État Mike Pompeo, le procureur général William Barr, le président du Council of Foreign Relations Richard Haas, le directeur du FBI Christopher Wray et le conseiller à la sécurité nationale Robert O'Brien, sur la Chine, le Parti communiste chinois et le communisme. C'est de la désinformation officielle pour empêcher le peuple de se doter de sa propre conception du monde. Sans établir leur propre point de référence, les travailleurs américains ne peuvent exprimer des opinions sur la façon dont les choses se posent qui soient dans leur intérêt. C'est pourtant nécessaire pour s'organiser sur un pied ferme et éviter les dangers inhérents à la situation actuelle.

D'autre part, il y a ces reportages qui parlent d'une possible ingérence de la Russie, de la Chine et de l'Iran dans les élections, comme l'ont fait la CIA et le directeur des services de renseignement nationaux à l'élection précédente. Le 24 juillet, le bureau du directeur du renseignement national a rendu public un rapport intitulé « Mise à jour sur la menace au public américain dans l'élection ». Le directeur du Centre de renseignement et de la sécurité nationale William Evanina dit que le rapport donne au public américain « un aperçu non classifié des menaces étrangères dans l'élection de 2020 et propose des mesures de base pour atténuer certaines de ces menaces ». Le candidat à la présidence du Parti démocrate Joe Biden a également publié une déclaration disant que la Russie s'ingérait contre lui. Le réseau CNN cite quant à lui d'autres agents du renseignement qui disent que les informations contenues dans ce rapport ne sont pas exactes. Et ainsi de suite.

Ce qui s'est passé à la dernière élection et a fait l'objet d'accusations et de contre-accusations tout au long du mandat de Trump est en train de se reproduire. La différence est qu'aujourd'hui les contradictions sur le contrôle de tout et de tout le monde, et surtout de l'intelligence artificielle et son utilisation pour décider qui domine le monde, sont encore plus intenses.

Lors de la dernière élection, ce sont les forces du camp Clinton qui ont utilisé ce qu'Hillary Clinton a appelé la « communauté du renseignement » pour s'ingérer dans la campagne électorale. Certains affirment que la cyberguerre menée par la Chine ou par la Russie pourrait certainement être une raison pour déclarer un état d'urgence ou déclarer que le vote n'est pas valide. Les agences de renseignement pourraient elles-mêmes dire que le Congrès, et surtout la Chambre des représentants, doit trancher si le résultat est contesté. Nancy Pelosi, présidente de la Chambre, demande déjà aux représentants de se préparer à une telle éventualité et de s'arranger pour donner la victoire à Biden. Or, cela provoquerait un autre conflit et le doute sur la validité du vote, le critère de majorité et la légitimité du président.

En invoquant tel ou tel scénario, les médias, les politiciens et les médias persistent à dire que c'est le peuple qui élit le président. C'est ridicule même comme une simple affirmation en soi. Les citoyens ne nomment pas les candidats et ces derniers ne représentent clairement pas leurs intérêts, ils représentent ceux de l'oligarchie financière qui les porte au pouvoir. De plus, étant donné l'échec à moderniser le scrutin pour qu'il soit le véritable reflet de la véritable majorité des membres du corps politique américain, dire que le vote représente une décision majoritaire est d'autant plus absurde. Mais c'est en réalité une campagne de désinformation perpétrée par l'État pour s'assurer que les Américains restent coincés dans de vieilles équations basées sur des arrangements établis pour perpétuer différentes formes d'esclavage, d'exploitation, d'oppression et la domination impérialiste. On ne peut pas s'appuyer sur ces arrangements pour résoudre les problèmes d'aujourd'hui.

Il est ironique qu'à un moment où il n'y a aucun doute dans l'esprit de qui que ce soit que les États-Unis eux-mêmes sont descendus dans la tyrannie, ils mènent cette campagne guerrière contre la Chine sur la base d'arguments qui proclament le modèle de démocratie américaine en crise et ses vieilles institutions démocratiques libérales comme le plus haut sommet de la gouvernance que l'humanité peut espérer atteindre.

Parmi les autres diversions qui constituent de la désinformation, il y a le rétablissement par Trump des tarifs sur l'aluminium en provenance du Canada – une tentative désespérée de faire appel aux secteurs de l'automobile et de l'acier de le soutenir lui et non les démocrates dans l'élection. Il est intéressant de noter que c'est la vice-première ministre du Canada qui lui a répondu, et non le premier ministre. Avec le soutien de certains chefs syndicaux, Chrystia Freeland s'est présentée comme le défenseur militant des intérêts nationaux du Canada. En fait, l'aluminium et l'acier sont tous deux cruciaux dans la production de guerre et lors de la dernière série de tarifs douaniers des deux côtés de la frontière, les riches se sont enrichis. C'est un stratagème cynique pour diviser la classe ouvrière des deux pays en l'appelant à se ranger derrière des intérêts qui prétendent être ce qu'ils ne sont pas.

En plus d'intensifier les attaques contre la Chine et l'Iran, les États-Unis continuent de provoquer des situations en Europe dans leurs efforts pour isoler la Russie et l'Iran. Directement et par alliés interposés, les États-Unis continuent de multiplier les attaques contre Cuba révolutionnaire, le Venezuela et d'autres pays de notre Amérique. La possibilité d'élections pacifiques en Bolivie est quasi nulle.

Le danger que Donald Trump lance une invasion à l'étranger pour détourner l'attention de la crise dans laquelle sont embourbés les États-Unis, leurs institutions et leur économie est toujours présent. C'est une pratique bien connue des États-Unis de lancer une invasion à l'étranger pour tenter d'unir les forces armées et conjurer le danger de guerre civile au pays. Déjà nous assistons à des désaccords qui peuvent facilement dégénérer en conflits violents entre autorités rivales dans le contexte des tentatives actuelles de réprimer le mouvement de masse qui continue de faire rage partout au pays à la défense des droits. Les désaccords indiquent que la guerre civile pourrait devenir violente à tout moment, différentes agences des forces armées, de police et du renseignement s'alignant derrière les intérêts privés étroits qui se disputent le pouvoir de la présidence.

Depuis que George W. Bush et Donald Rumsfeld ont promis à tort que l'invasion « choc et effroi » serait accueillie à bras ouverts en Irak, ainsi que dans le monde et aux États-Unis, les invasions à l'étranger ne parviennent plus à unir l'armée et les agences de police et de renseignement. Malgré cela et malgré la tyrannie du gouvernement qui a été exposée dans les tentatives de faire taire le mouvement de protestation de masse en ce moment, les deux candidats à la présidence n'en continuent pas moins de publier des déclarations incendiaires contre le Venezuela et contre le socialisme qu'ils assimilent au « pouvoir de la foule » et à la tyrannie.

La présidence Trump a été le paravent de manoeuvres cyniques pour démanteler davantage les arrangements constitutionnels du passé. Aujourd'hui, l'autorité publique et les institutions, y compris les partis politiques, les chambres du congrès et le système judiciaire, ne servent plus leurs objectifs originaux de résoudre les contradictions entre les factions et de garder le peuple en laisse. La création du Homeland Security a mené à la création d'énormes forces policières sous l'autorité fédérale dans une tentative d'usurper les droits des États et de réprimer la révolte de la plus grande faction aux États-Unis, celle qu'on appelle « la foule ». Tout cela sert à donner un contrôle direct sans entrave de l'État américain aux oligopoles, à leurs coalitions et à leurs cartels qui dominent et imposent leurs intérêts privés. La lutte pour le contrôle accentue les contradictions entre ces intérêts privés, fomentant la guerre civile dans le pays et augmentant le danger de guerres d'agression à l'étranger.

La lutte pour les combustibles fossiles et le pétrole par opposition à ce que l'on appelle les solutions vertes porte à la fois sur le contrôle de l'utilisation de l'intelligence artificielle et de l'espace, ce qui alimente la machine de guerre. Les mêmes oligopoles, cartels et coalitions sont à la fois derrière les combustibles fossiles et les solutions vertes. La couleur du chat n'a pas d'importance, tant qu'il attrape des souris.

Le PCC(M-L) est d'avis qu'il est important de surveiller de près et d'analyser les événements entourant les élections américaines en partant du point de vue qui aide les peuples des États-Unis, du Canada, du Mexique et de tous les pays du monde à se préparer pour ce qui suivra. Le Canada est intégré à la machine de guerre américaine et le gouvernement du Canada est le prolongement des intérêts privés étroits qui se sont emparés du bureau de la présidence des États-Unis. Les conflits qui existent aux États-Unis se reflètent dans les conflits d'intérêts qui surgissent au Canada, y compris la révolution de palais qui se déroule sous nos yeux.

(Photos: VOR, K. Erikson, S. Devol, Portland Independent Documentarians)


Cet article est paru dans

Volume 50 Numéro 62 - 3 octobre 2020

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