Discours de Miguel Mario Diaz-Canel Bermudez, président de la République de Cuba, au débat général à l'ONU

Voici le discours de Miguel Mario Diaz-Canel Bermudez, président de la République de Cuba, à la 75e session ordinaire de l'Assemblée générale des Nations unies, le 22 septembre 2020.

Monsieur le Secrétaire général ;

Monsieur le Président,

Le président cubain Miguel Diaz-Canel Bermudez s'adresse à l'Assemblée générale de l'ONU le 22 septembre 2020.

Une épidémie mondiale a radicalement changé la vie quotidienne. Du jour au lendemain, des millions de personnes sont contaminés et des milliers d'autres meurent, alors que leur espérance de vie était supérieure grâce au développement. Des systèmes hospitaliers aux prestations de haut niveau se sont effondrés, et les structures de santé des pays pauvres souffrent de leur incapacité chronique. Des confinements draconiens transforment en déserts virtuels les villes les plus populeuses. La vie sociale n'existe plus si ce n'est à travers les réseaux numériques. Les théâtres, les discothèques, les galeries, voire les écoles, sont fermés ou redimensionnés.

Nos frontières ont été fermées, nos économies se contractent, nos réserves s'épuisent. La vie subit un remaniement radical de ses coutumes ancestrales et l'incertitude remplace la certitude. Même les meilleurs amis ne se reconnaissent plus sous les masques qui nous protègent de la contagion. Tout change.

Il est urgent non seulement de juguler la pandémie, mais de démocratiser dès maintenant cette organisation qui s'avère indispensable si l'on veut qu'elle réponde efficacement aux besoins et aux aspirations de tous les peuples.

Le droit auquel aspire l'humanité de vivre dans la paix et la sécurité, dans la justice et dans la liberté, ce qui est la base de l'union des nations, est constamment menacé.

Plus de 1,9 billion de dollars sont dilapidés à l'heure actuelle dans une course aux armements insensée qui a, pour point de départ, la politique agressive et belliciste de l'impérialisme dont le principal représentant est le gouvernement actuel des États-Unis, un pays qui cumule 38 % des dépenses militaires mondiales.

Il s'agit d'un régime foncièrement agressif et moralement corrompu, qui méprise et attaque le multilatéralisme, recourt au chantage financier dans ses rapports avec les institutions des Nations unies, se retire avec une arrogance inouïe de l'Organisation mondiale de la santé, de l'UNESCO et du Conseil des droits de l'Homme.

Paradoxalement, le pays qui accueille le siège des Nations unies s'écarte aussi de traités internationaux essentiels comme l'Accord de Paris sur les changements climatiques, répudie l'accord nucléaire consensuel avec l'Iran, fomente des guerres commerciales; met fin à ses engagements envers des instruments de contrôle internationaux en matière de désarmement; militarise le cyberespace; multiplie la coercition et les sanctions unilatérales contre ceux qui ne se plient pas à ses visées et parraine le renversement par la force de gouvernements souverains par des méthodes de guerre non conventionnelles.

Ancrée dans cette attitude qui méconnaît les vieux principes de la coexistence pacifique et du respect du droit d'autrui à l'autodétermination comme garantie de la paix, le gouvernement présidé par Trump manipule, en outre, à des fins subversives la coopération en matière de démocratie et de droits de l'Homme, alors que dans son pays les expressions de haine, de racisme, de brutalité policière et les irrégularités du système électoral et du droit de vote des citoyens prolifèrent pratiquement sans contrôle.

Il est urgent de réformer les Nations unies. On ne saurait retarder plus longtemps l'actualisation et la démocratisation de cette puissante organisation issue de deux guerres mondiales qui ont coûté des millions de vies et qui est le résultat de la prise de conscience universelle de l'importance du dialogue, de la négociation, de la coopération et de la légalité internationale.

Quelque chose de tout à fait essentiel et profond a échoué, quand on constate à quel point les buts et principes de la Charte des Nations unies sont violés jour après jour et que l'on recourt toujours plus fréquemment à la force ou à la menace de la force dans les relations internationales.

On ne saurait préserver plus longtemps comme s'il était naturel et inamovible un ordre international inégal, injuste et antidémocratique qui fait passer l'égoïsme avant la solidarité et les intérêts mesquins d'une puissante minorité avant les justes aspirations de millions de personnes.

Tout en appuyant aux côtés d'autres États et de millions de citoyens du monde les demandes encore insatisfaites de transformation des Nations unies, la Révolution cubaine défendra toujours l'existence de l'organisme auquel nous devons le peu de multilatéralisme, mais indispensable, qui ait survécu à l'arrogance impériale.

De cette même tribune, Cuba a réitéré à maintes reprises sa volonté de coopérer à la démocratisation de l'ONU et à la défense de la coopération internationale que celle-ci est la seule à pouvoir sauver. Comme l'a dit le général d'armée Raul Castro Ruz, Premier secrétaire du Parti communiste de Cuba : « La communauté internationale pourra toujours compter sur la voix sincère de Cuba face à l'injustice, à l'inégalité, au sous-développement, à la discrimination et à la manipulation, et en faveur de l'instauration d'un ordre international plus juste et équitable, vraiment axé sur l'être humain, sur sa dignité et sur son bien-être. »

Monsieur le Président,

Revenant à la gravité du moment actuel, que beaucoup attribuent uniquement à la pandémie de COVID-19, j'estime essentiel d'avertir que ses effets dépassent largement le domaine sanitaire.

À cause de ses séquelles néfastes, du nombre impressionnant de morts, des dommages à l'économie mondiale et de la dégradation des niveaux de développement social, l'expansion de la pandémie ces derniers mois angoisse et désespère les dirigeants et les citoyens de pratiquement toutes les nations.

Or, la crise multidimensionnelle qu'elle a suscitée prouve clairement que les politiques déshumanisées imposées par la dictature à outrance du marché sont profondément erronées.

Aujourd'hui, nous sommes douloureusement témoins du désastre auquel le monde a été poussé par le système de production et de consommation irrationnel et insoutenable du capitalisme, par des décennies de règne d'un ordre international injuste et d'application d'un néolibéralisme brutal et effréné qui n'a fait que creuser les inégalités et sacrifier le droit des peuples au développement.

À la différence de ce néolibéralisme d'exclusion, qui met de côté et rejette des millions d'êtres humains, les condamnant à survivre avec les restes du banquet de 1 % des plus riches, le virus de la COVID-19 frappe sans discrimination les uns et les autres, mais ses effets économiques et sociaux dévastateurs seront mortels pour les plus vulnérables et les personnes à faible revenu, qu'elles vivent dans le monde sous-développé ou dans les poches de pauvreté des grandes villes industrialisées.

Selon des prévisions de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO), 130 millions de personnes pourraient venir s'ajouter aux 690 millions qui avaient faim en 2019 par suite de la récession économique causée par la pandémie. Des études de l'Organisation internationale du travail (OIT) indiquent que plus de 305 millions d'emplois ont d'ores et déjà disparu, et que plus de 1,6 milliard de travailleurs sont menacés dans leurs moyens de subsistance.

Nous ne pouvons pas affronter la COVID-19, la faim, le chômage et l'inégalité économique et sociale croissants entre les personnes et entre les pays comme des phénomènes indépendants. Il est urgent de mettre en place des politiques intégrales priorisant l'être humain, et non les profits économiques ou les avantages politiques.

Il serait criminel de remettre à demain des décisions d'hier et d'aujourd'hui. Il est impératif de promouvoir la solidarité et la coopération internationales pour atténuer le choc.

Seules les Nations unies, justement parce qu'universelles, ont l'autorité et la portée nécessaires pour relancer le juste combat de supprimer la dette extérieure impossible à rembourser qui, aggravée par les retombés socio-économiques de la pandémie, menace la survie des peuples du Sud.

Monsieur le Président,

Quand le SARS-CoV-2 est apparu et que les premiers indices prouvaient qu'il risquait de provoquer une pandémie, Cuba n'a pas été prise au dépourvu.

Forts de l'expérience acquise durant des décennies de lutte contre de terribles épidémies, dont certaines ont été introduites délibérément dans le cadre de la guerre permanente contre son projet politique, nous avons immédiatement mis en oeuvre une série de mesures fondées sur nos capacités et nos forces : un État socialiste organisé, responsable de veiller sur la santé de ses citoyens, un capital humain hautement qualifié et une société où le peuple participe largement à la prise de décision et à la solution des problèmes.

L'application de ces mesures, de pair avec les connaissances accumulées durant plus de 60 ans d'efforts intenses pour créer et fortifier un système de santé de qualité ouvert à tous, ainsi que la recherche et le développement scientifique, nous ont permis non seulement de préserver le droit de tous les citoyens sans exception à la santé, mais encore de faire face à la pandémie dans de meilleures conditions.

Nous y sommes parvenus malgré les sévères restrictions qu'entraîne le blocus économique, commercial et financier prolongé que nous imposent les États-Unis et que le gouvernement actuel, même en pleine pandémie, a brutalement durci ces deux dernières années, preuve qu'il est un élément essentiel de sa politique hostile envers Cuba.

L'agressivité du blocus a été portée à un degré qualitativement nouveau, qui augmente son caractère d'obstacle réel et déterminant dans la conduite de l'économie et du développement de notre pays. Le gouvernement étasunien a intensifié notamment la traque des transactions financières internationales de Cuba et adopté depuis 2019 des mesures qui violent le Droit international pour priver le peuple cubain de son droit de se pourvoir des combustibles dont il a besoin dans sa vie quotidienne et pour son développement.

Dans le but de nuire à la Révolution cubaine et de la diaboliser, ainsi qu'à d'autres gouvernements qu'il taxe d'adversaires, les États-Unis publient des listes fallacieuses, dénuées de légitimité, à partir desquelles ils s'arrogent le droit d'imposer au monde des mesures coercitives unilatérales.

Il ne se passe pas une semaine sans que ce gouvernement n'émette des déclarations contre Cuba ou lui impose de nouvelles restrictions. En revanche, il est paradoxal qu'il se soit refusé à qualifier de terroriste l'attaque perpétrée le 30 avril dernier par un individu qui, armé d'un fusil d'assaut, a tiré à plus de trente reprises sur l'ambassade cubaine à Washington dans le but avoué de tuer.

Nous dénonçons la politique de deux poids deux mesures pratiquée par le gouvernement des États-Unis dans la lutte contre le terrorisme et exigeons qu'il condamne publiquement cette attaque brutale.

Nous demandons par ailleurs que cessent l'hostilité et la campagne de diffamation contre l'action altruiste que constitue la coopération médicale internationale de Cuba qui, forte d'un prestige élevé et de résultats vérifiables, a contribué à sauver des centaines de vies et à réduire l'impact des maladies dans de nombreux pays. Des personnalités internationales et des organisations sociales au prestige notable ont reconnu l'oeuvre humaniste du Contingent international Henry Reeve de médecins spécialisés en situation de catastrophe naturelle et de graves épidémies, et ont plaidé pour que lui soit octroyé le Prix Nobel de la paix.

Alors que le gouvernement des États-Unis ignore l'appel à conjuguer des efforts dans le combat contre la pandémie et se retire de l'Organisation mondiale de la santé, Cuba, répondant aux demandes qu'elle a reçues, et guidée par la profonde vocation solidaire et humaniste de son peuple, a renforcé sa coopération en dépêchant plus de 3 700 coopérants organisés en 46 brigades médicales dans 39 pays et territoires touchés par la COVID-19.

Aussi condamnons-nous le chantage crapuleux que les États-Unis exercent sur l'Organisation panaméricaine de la santé afin que celle-ci lui serve d'instrument dans son agression maladive contre Cuba. Mais la force de la vérité finira par faire voler les mensonges en éclats et l'histoire remettra les faits et les protagonistes à leur place. L'exemple de Cuba prévaudra.

Nos travailleurs dévoués de la santé, fierté d'une nation formée selon la pensée de Marti : « La patrie, c'est l'humanité », recevront ou non le Prix que mérite leur noblesse ; néanmoins, depuis des années, ils ont gagné la reconnaissance des peuples bénis par leur travail de santé.

Le gouvernement des États-Unis ne cache pas son intention d'imposer à Cuba, dans les prochains mois, de nouvelles mesures d'agression encore plus dures. Nous déclarons une fois de plus devant la communauté internationale que notre peuple, fier de son histoire et attaché aux idéaux et à l'oeuvre de sa Révolution, saura résister et vaincre.

Monsieur le Président,

La prétention d'imposer sa domination néocoloniale à Notre Amérique en déclarant publiquement l'actualité de la Doctrine Monroe viole la Proclamation faisant de l'Amérique latine et des Caraïbes une Zone de paix.

La République bolivarienne du Venezuela – nous tenons à le réaffirmer publiquement de cette tribune virtuelle – pourra toujours compter sur la solidarité de Cuba face aux tentatives de déstabiliser et de saper son ordre constitutionnel, son union civique et militaire et de détruire l'oeuvre entamée par Hugo Chavez Frias et poursuivie par le président Nicolas Maduro Moros en faveur du peuple.

Nous rejetons aussi les actions des États-Unis visant à déstabiliser la République du Nicaragua et ratifions notre solidarité indéfectible envers son peuple et son gouvernement conduit par le commandant Daniel Ortega.

Nous nous solidarisons avec les nations des Caraïbes qui exigent une juste réparation pour l'horreur de l'esclavage et de la traite des esclaves qu'elles ont subis, dans un monde où la discrimination raciale et la répression des communautés de descendants d'Africains ne cessent de s'aggraver.

Nous ratifions notre engagement historique envers l'autodétermination et l'indépendance du peuple frère portoricain.

Nous appuyons la réclamation de souveraineté légitime de l'Argentine sur les Îles Malouines, les Îles Sandwich du Sud et la Géorgie du Sud.

Nous réitérons notre engagement envers la paix en Colombie et notre conviction que le dialogue entre les parties est la seule voie permettant d'instaurer une paix stable et durable dans ce pays.

Nous appuyons la recherche d'un règlement pacifique et négocié à la situation qui a été imposée à la Syrie, sans ingérence extérieure et dans le respect total de sa souveraineté et de son intégrité territoriale.

Nous réclamons un règlement juste au conflit du Moyen-Orient, lequel repose sur l'exercice réel par le peuple palestinien de son droit inaliénable à construire son propre État dans les frontières antérieures à 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale, et nous rejetons les tentatives d'Israël d'annexer de nouveaux territoires en Cisjordanie.

Nous exprimons notre solidarité avec la République islamique d'Iran face à l'escalade agressive des États-Unis.

Nous réaffirmons notre solidarité invariable avec le peuple sahraoui.

Nous condamnons énergiquement les sanctions unilatérales imposées injustement à la République populaire démocratique de Corée.

Nous rejetons une fois de plus l'intention de l'OTAN de s'étendre jusqu'aux frontières de la Russie et d'imposer injustement des sanctions unilatérales à ce pays.

Nous refusons l'ingérence étrangère dans les affaires intérieures de la République de Belarus et réitérons notre solidarité avec son président légitime, Alexandre Loukachenko et avec le peuple frère de ce pays.

Nous condamnons les ingérences dans les affaires intérieures de la République populaire de Chine et rejetons toute tentative de porter atteinte à son intégrité territoriale et à sa souveraineté.

Monsieur le Président,

Compte tenu des graves circonstances actuelles, nous sommes contraints, pour la première fois en 75 ans, de tenir cette Assemblée générale des Nations unies sur le mode virtuel.

La communauté scientifique cubaine, une autre fierté de la nation qui, dès le triomphe de la Révolution des justes, a annoncé au monde son intention de devenir un pays d'hommes et de femmes de science, travaille sans relâche sur l'un des premiers vaccins dans le monde à être entré dans la phase des essais cliniques.

Ses créateurs et d'autres chercheurs et spécialistes, en articulation avec le système de santé, mettent au point des protocoles de soins pour les malades contagieux, les patients rétablis et la population à risque, ce qui nous a permis de sauver 80 % des contagieux et de maintenir un taux de mortalité inférieur à la moyenne du continent et du monde.

« Des médecins, et non des bombes ! », s'est exclamé un jour le leader historique de la Révolution cubaine et le promoteur principal de l'essor des sciences à Cuba, le commandant en chef Fidel Castro Ruz. Telle est notre devise. Sauver des vies et partager ce que nous sommes et ce que nous avons, quel que soit le sacrifice, voilà ce que nous offrons au monde depuis les Nations unies auxquelles nous demandons un changement en accord avec la gravité du moment.

Nous sommes Cuba !

Battons-nous ensemble en faveur de la paix, la solidarité et le développement.

Je vous remercie

(Ministère des Relations extérieures de Cuba)