Le rapport de la «Mission
d'établissement des faits » de l'ONU au
Venezuela
Lorsque l'élite en remet sur le Venezuela
- Pedro Santander -
Un énième rapport d'une organisation
internationale qui s'en prend au Venezuela a été
publié. Et comme on le voit fréquemment dans le
monde du spectacle, ceux qui l'attendaient avaient
déjà formé leur choeur de lamentations,
s'arrachant les cheveux et se prenant la tête dans
les mains pour épater la galerie.
Il leur importe peu que ceux qui pleurent devant
le monde entier, émus par la souffrance du peuple
vénézuélien, soient ceux-là mêmes qui ne se
conforment à aucune des obligations qu'ils
imposent au Venezuela, ou qui ferment les yeux
lorsqu'il s'agit d'autres pays et d'autres
peuples.
Le droit international a été traîné dans la boue
ces dernières années par ceux qui attaquent le
Venezuela. Des blocus et des sanctions
unilatéraux, des provocations militaires en
permanence, des attaques contre des ambassades,
l'interception de navires transportant des
médicaments, la liste est longue. On dit que ce
sont des « sanctions contre une dictature de
narcotrafiquants » –
c'est ce que prétendent les chefs d'État de ces
mêmes pays qui produisent et consomment le plus de
drogue sur la planète.
Toute la tradition de diplomatie occidentale est
jetée aux poubelles lorsqu'il est question du
Venezuela. Nous avons vu des présidents étrangers
se rendre sur les frontières de ce pays pour y
inciter la guerre et légitimer la violation de
l'intégrité territoriale. Les pays alliés des
États-Unis ont suspendu les lettres de créance du
personnel diplomatique vénézuélien et interdit que
celui-ci circule sur les voies publiques. Les
États-Unis, comme au temps de Far Ouest, ont mis
la tête du président vénézuélien à prix ainsi que
celle de son entourage.
Tout l'ordre financier international a été mis à
contribution pour « faire crier l'économie
vénézuélienne ». La Banque centrale de ce
pays a été la cible de sanctions (une mesure qui
est unique au monde), son or a été saisi en
Angleterre, ses raffineries confisquées aux
États-Unis (Citgo) et les pays en développement
qui refusent de rembourser leur dette envers les
sociétés d'État vénézuéliennes sont encensés.
Les mêmes individus qui réclament plus de
démocratie au Venezuela restent muets au sujet du
récent coup d'État en Bolivie. Ce sont les mêmes
qui, comme le Chilien Francis Cox, auteur du
rapport de l'ONU, réclament des droits humains au
Venezuela, alors qu'en visite récemment au Chili
il affirmait qu'il n'avait pu déterminer « s'il y
avait eu des attaques contre la population civile
en tant que politique de l'État » et qu'il ne
croit pas « que le président (Pinera) doive
assumer de responsabilité en vertu du droit
international ». C'est ce qu'il dit d'un pays
qui, en réponse au soulèvement social
d'octobre 2019, a incarcéré plus
de 1 500 jeunes, totalement militarisé
le territoire et est l'auteur du sombre exploit
d'avoir crevé les yeux de près de 500
personnes en à peine quatre mois, du jamais vu,
même en Palestine.
Ces deux poids, deux mesures, cette hypocrisie
mondiale, ce cynisme sont possibles, en grande
partie, parce que les grands médias de ce monde
restent muets lorsqu'il s'agit de l'un, et crie au
scandale lorsqu'il s'agit de l'autre. Des milliers
de journalistes, dont plusieurs se prétendent
progressistes, se laissent prendre à ce jeu où le
Venezuela est constamment critiqué.
Ces journalistes –
ceux de mon pays le Chili, par exemple –,
prenant un air de tristesse, semblent bien émus et
affligés par les violations des droits humains au
Venezuela, mais n'ont rien à dire du récent coup
et des massacres perpétrés en Bolivie (un pays
voisin). Ils déblatèrent contre le « régime
corrompu de Maduro », mais ne disent mot au
sujet du Pérou (un autre pays voisin) dont les six
(!) derniers présidents ont été mêlés à des
histoires de corruption, menant à des peines
d'emprisonnement, des suicides et des démissions.
Voilà pourquoi c'est un débat où les arguments et
les contre-arguments n'ont aucun sens. Il ne
s'agit pas ici d'un débat démocratique, la
discussion n'a rien de rationnel. Rien ne permet
de découvrir les pour et les contre qui pourraient
éclairer certaines positions.
En bref, ce n'est pas un débat, c'est une
attaque.
C'est une attaque qui est passée d'une
préoccupation à une obsession, et maintenant nous
en sommes à l'excès. Et devant ces attaques, en
particulier dans leurs phases aigües comme celle
que nous voyons aujourd'hui, nous ne pouvons
qu'affirmer nos principes et prendre position.
Parce que pour Trump, Pinera, Bolsonaro, Aznar,
Duque et Santos, c'est de cela qu'il s'agit :
renverser et détruire les positions de ceux qui,
comme des millions de Vénézuéliens, croyaient
qu'ils avaient le droit de penser et de proposer
une société non capitaliste et de parler, une fois
de plus, de socialisme.
C'est une attaque féroce, permanente, douloureuse
et incertaine, mais n'oublions pas, c'est une
attaque des élites mondiales. Le peuple, lui, mène
une autre bataille, sur son territoire et dans ses
communautés. C'est une bataille qui est pénible,
éprouvante et remplie d'incertitudes, mais dont
l'issue pourrait être, pour nous, un commencement.
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 60 - 26 septembre 2020
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Le rapport de la «Mission
d'établissement des faits » de l'ONU au
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