Résistance grandissante à la détérioration des conditions de vie et de la condition sociale
Campement des itinérants au parc Strathcona
Les personnes confrontées
à la mort civile et leurs alliés en
Colombie-Britannique
réclament de vraies solutions à la crise de la
pauvreté, pas des attaques
policières et des discours vides de sens.
Le chômage et la
pauvreté sont devenus encore plus graves pendant
la pandémie et la crise économique actuelles. Des
signes visibles de pauvreté se sont accrus dans
les villes de toute la Colombie-Britannique. Des
personnes incapables de payer leur loyer vivent
dans des véhicules récréatifs, des fourgonnettes,
des voitures, des tentes ou sans aucun abri.
L'État, par le biais de ses gouvernements, sa
police et ses tribunaux, utilise de plus en plus
les pouvoirs sanctionnés par l'État pour
criminaliser la pauvreté et attaquer ceux qui
risquent la mort civile et qui cherchent un refuge
dans les espaces publics. Plutôt que de
s'acquitter de sa responsabilité sociale envers
les membres de la société, l'État s'attaque aux
personnes qui se trouvent démunies pour quelque
raison que ce soit. L'année dernière, des
centaines d'itinérants du centre-ville de
Vancouver se sont rassemblés pour construire un
village de tentes dans le parc Oppenheimer. Ils
sont devenus la cible des pouvoirs de police, sont
continuellement contraints de déplacer leur
campement et ont fait face à de multiples
arrestations.
Du parc Oppenheimer au parc Crab
Après l'irruption de la pandémie, au lieu de
s'acquitter de ses responsabilités sociales envers
le peuple et de trouver des solutions à la
pauvreté et à l'itinérance, le gouvernement
provincial a utilisé ses pouvoirs de police en
vertu de la Loi sur les programmes d'urgence
et de l'état d'urgence provincial en cours pour
vider le parc Oppenheimer de toutes les tentes et
de leurs occupants au début du mois de mai.
Beaucoup de ceux qui ont été déplacés ont déménagé
sur des terrains fédéraux abandonnés près du parc
Crab, le long des quais du port de la ville. Le
gouvernement fédéral a immédiatement demandé et
obtenu une injonction des tribunaux pour expulser
les campeurs. La police est intervenue contre eux
au début juin, arrêtant et accusant 45
campeurs d'avoir violé l'injonction, tandis que
d'autres ont quitté la zone avant l'attaque de la
police.
Dans un autre geste vindicatif, l'Administration
portuaire de Vancouver Fraser a demandé une
ordonnance du tribunal pour forcer le Service des
poursuites judiciaires de la Colombie-Britannique,
au nom du procureur général, à revoir les
accusations et à déterminer si les personnes
arrêtées devraient être poursuivies pour outrage
criminel au tribunal au lieu que le tribunal
conclut à l'infraction moindre d'outrage civil au
tribunal.
Le 14
septembre, le juge en chef Christopher Hinkson,
qui a imposé l'injonction en premier lieu, s'est
rangé du côté de l'administration portuaire
fédérale et a ordonné que onze des accusations
soient renvoyées au procureur général de la
Colombie-Britannique pour examen et d'éventuelles
poursuites au criminel, les autres devant faire
face à des accusations d'outrage au civil. Hinkson
a déclaré qu'il souhaitait que les personnes
comprennent « la nécessité de faire respecter les
ordonnances de ce tribunal afin de maintenir sa
dignité et l'état de droit ».
Dans sa décision, Hinkson a cité une décision
rédigée par Beverley McLachlin lorsqu'elle était
juge en chef de la Cour suprême du Canada : «
La primauté du droit est le fondement de notre
société ; sans elle, la paix, l'ordre et le
bon gouvernement n'existent pas. La primauté du
droit est directement tributaire de la capacité
des tribunaux de faire observer leur procédure et
de maintenir leur dignité et le respect qui leur
est dû. »
Hinkson a déclaré : « Il ne m'appartient pas
de dire si des poursuites pénales contre les
accusés constituent une utilisation judicieuse ou
imprudente des ressources publiques, mais je
prévois que le procureur général soupèsera cette
question à la lumière de l'importance de l'état de
droit dans notre société démocratique. »
Dans un article paru dans le Province intitulé
« Le juge en chef de première instance de la
Colombie-Britannique en a assez que les
manifestants ignorent les ordonnances des
tribunaux », Ian Mulgrew a écrit à propos de
la décision : « Hinkson semblait réagir à une
année de protestation, avec des perturbations
causées par les blocus des Wet'suwet'en jusqu'aux
manifestations contre le pipeline Trans Mountain
... Ceux qui appuieraient les blocus autochtones,
les villages de tentes et autres désobéissances
civiles feraient mieux d'en prendre note -
cela n'amuse pas le juge en chef de première
instance de la Colombie-Britannique. »
En réponse à l'injonction de Hinkson, les avocats
des campeurs itinérants et leurs alliés ont
dénoncé la décision en disant que cela « pourrait
signifier des peines considérablement plus
sévères ». L'avocat de Surrey, Amandeep
Singh, a déclaré : « Voici les personnes les
plus défavorisées de la société, au milieu d'une
pandémie, qui essaient de s'installer sur ce qui
était essentiellement un terrain de stationnement
vide. Pourquoi sont-elles punies ? »
En 2018, le Service des poursuites
judiciaires de la Colombie-Britannique a souscrit
à l'appel lancé par le même tribunal pour des
poursuites criminelles contre ceux qui avaient
défié une injonction de Trans Mountain Pipeline en
manifestant contre la construction du pipeline. Le
tribunal a reconnu quatre manifestants coupables
d'outrage criminel et les a condamnés à 14 jours
de prison, leur imposant du même coup un casier
judiciaire. Le juge de l'époque a averti que les
membres du public « qui pourraient être tentés de
choisir les ordonnances des tribunaux qu'ils
respecteront, que ce soit dans cette situation ou
dans d'autres, doivent être dissuadés de bafouer
les décisions des tribunaux ».
C'est notre économie ! C'est notre
société ! C'est à nous à décider !
Les attaques contre les itinérants et leurs
alliés et leur criminalisation par des injonctions
de tribunaux et l'état de droit soulèvent des
questions fondamentales sur le rôle de l'État et
ses relations avec le peuple. Les juges parlent de
l'état de droit et de l'ordre démocratique comme
des abstractions sans considération des conditions
concrètes. Ils ne font pas le lien entre leurs
jugements et fabulations et les conditions
sociales de la population et, dans ce cas, de ceux
qui risquent la mort civile.
La pauvreté et le chômage sont des
caractéristiques constantes au Canada. Ils font
partie des conditions sociales auxquelles les
personnes doivent faire face, non pas dans
l'abstrait, mais dans le monde réel. De nombreux
Canadiens, avant et pendant les crises
économiques, sont confrontés à l'absence de moyens
de subsistance. Ils ne peuvent pas simplement
créer un moyen de subsistance à partir de rien.
Les moyens de subsistance sont les produits de
l'économie socialisée, qui est contrôlée par les
oligarques mondiaux. Si l'économie ne peut pas
répondre aux besoins des personnes en matière de
moyens de subsistance, que doivent faire les
personnes ? Certaines tombent dans la
toxicomanie pour réduire le stress et la douleur
de ne pas avoir de moyens de subsistance ;
quelques-unes peuvent se livrer à des activités
criminelles pour trouver un mode de vie, tandis
que d'autres luttent du mieux qu'ils peuvent, et
certaines s'organisent et s'unissent avec les
autres Canadiens pour lutter pour les droits de
tous et toutes et une nouvelle direction à
l'économie.
L'état de droit et l'ordre démocratique en tant
qu'abstractions ne sont d'aucune utilité pour ceux
qui n'ont pas de moyens de subsistance, mais
deviennent en fait un moyen de répression qui est
exercé contre eux et contre d'autres comme les
travailleurs en grève qui font face à des
injonctions qui rendent inefficaces leurs piquets
de grève pour défendre leurs revendications, ou
contre ceux qui sont profondément attachés à un
enjeu comme les changements climatiques, le
pipeline Trans Mountain et les droits des
autochtones.
Les juges peuvent
présenter l'état de droit et l'ordre démocratique
comme des abstractions auxquelles il faut obéir,
mais en fait, tels qu'ils sont constitués
aujourd'hui, ils ne sont pas des abstractions,
mais des méthodes concrètes pour nier au peuple
son droit de décider sur des questions qui
affectent sa vie et de le priver de ses droits, y
compris le droit fondamental d'être.
Les paroles abstraites de l'élite dirigeante, qui
appellent le peuple à obéir à l'état de droit et à
l'ordre démocratique dissimulent des attaques très
réelles contre les droits de tous. L'état de droit
et l'ordre démocratique en tant qu'abstractions
venant de la bouche de l'élite ne produisent pas
et ne peuvent pas produire un moyen de subsistance
ou un domicile, mais ils reflètent de réels
pouvoirs de police pour attaquer le peuple. Les
abstractions ne résolvent pas les problèmes entre
les employés et les employeurs ou d'autres enjeux
liés aux droits humains. Cependant, l'état de
droit et l'ordre démocratique tels qu'ils sont
actuellement constitués interfèrent de manière
réelle pour le compte des riches et des puissants
en opposition au peuple.
Lorsque les juges lancent des abstractions
combinées à de réelles attaques contre des
personnes confrontées à de réelles difficultés, ou
contre ceux qui défendent les droits autochtones,
ou contre des activistes qui traitent des enjeux
tels que les pipelines ou l'itinérance, ou contre
des travailleurs en grève, alors ceux qui
détiennent des postes de pouvoir se révèlent comme
des apologistes d'un État qui refuse de
s'acquitter de ses responsabilités sociales envers
le peuple. Cet État a pour base économique un
objectif fondamental de payer les riches et n'a
aucune intention de trouver des solutions aux
innombrables problèmes auxquels l'économie, le
peuple et la société sont confrontés.
L'état de droit et l'ordre démocratique présentés
comme des abstractions par les riches et leurs
représentants politiques et juridiques sont de
véritables attaques contre le peuple. Ils sont
aussi un obstacle à la résolution des problèmes,
un blocage aux efforts pour forcer l'État à
assumer ses responsabilités sociales et pour que
le peuple trouve et mette en oeuvre une nouvelle
direction de l'économie qui arrête de payer les
riches et met fin à la pauvreté et au chômage.
(Photos : LML, Strathcona
Residents Assn., B.S. Waters)
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 60 - 26 septembre 2020
Lien de l'article:
Résistance grandissante à la détérioration des conditions de vie et de la condition sociale
Site Web: www.pccml.ca
Courriel: redaction@cpcml.ca
|