Colombie-Britannique
Les Britanno-Colombiens sont exclus de la décision de déclencher les élections
- Peter Ewart -
L'essence du système politique des partis
cartellisés au Canada est que le peuple est aliéné
face à toute prise de décision qui a trait à
l'économie, la politique et d'autres questions qui
touchent sa vie, mis à part de voter toutes les
quelques années. Les partis contrôlent le
processus et s'entendent pour empêcher le peuple
d'y prendre part. Un exemple flagrant de cela est
la récente décision du gouvernement néodémocrate
minoritaire de la Colombie-Britannique de
déclencher des élections provinciales malgré une
opposition quasi universelle.
La répartition actuelle des sièges à l'Assemblée
législative de la Colombie-Britannique est la
suivante : NPD, 41 sièges ;
Libéral, 42 sièges ; Parti vert,
deux ; Indépendants, deux ; et un siège
vacant. Jusqu'à présent, ce gouvernement
minoritaire a été soutenu par l'Accord de soutien
et de confiance qui a été négocié entre le NPD et
le Parti vert après les élections de 2017. Dans
cet accord signé de partage du pouvoir, le NPD a
promis d'attendre jusqu'au 16
octobre 2021 avant de tenir une autre
élection, ce qui était conforme à la loi de la
Colombie-Britannique sur des élections à date
fixe.
Cependant, le 21 septembre 2020, le
premier ministre néodémocrate John Horgan est
revenu sur l'accord et, après avoir obtenu
l'approbation de la lieutenante-gouverneure de la
province, a fixé les prochaines élections
au 24 octobre, un an avant la date convenue
précédemment. Dans son annonce, John Horgan a
déclaré qu'il avait « hésité » à prendre
cette décision, mais la province n'était qu'au
début de la pandémie de la COVID-19 et le fait de
retarder les élections « créerait de l'incertitude
et de l'instabilité au-delà des 12 prochains
mois ». Selon lui, le « mépris » et «
l'acrimonie » entre les partis
l'empêcheraient de faire face à la pandémie. Selon
lui, « la meilleure façon d'avancer est de mettre
la politique derrière nous ». Tout cela a été
dit quelques jours à peine après que le premier
ministre eut reconnu qu'au cours des derniers
mois, il y avait eu « une coopération
extraordinaire entre le ministre de la Santé,
Adrian Dix, et les partis d'opposition pour lutter
contre la COVID-19 ».
L'annonce de John Horgan a été vivement critiquée
par les libéraux et les verts de la
Colombie-Britannique, ainsi que par une foule
d'analystes des médias et d'observateurs de la
scène électorale. Les médias ont également
rapporté que des partisans du NPD se sont opposés
au déclenchement des élections et que la plupart
des membres du parti, à l'exception de quelques
hauts cadres, ont été tenus à l'écart des échanges
et discussions sur le déclenchement d'une
élection.
John Horgan a déclaré que la question décisive
pour lui en déclenchant les élections était
l'opposition des députés du Parti vert à deux
projets de loi du gouvernement présentés l'été
dernier. Le premier projet de loi aurait permis la
détention à court terme de jeunes qui avaient fait
une surdose de drogue, et le second aurait
augmenté la quantité d'électricité bon marché que
BC Hydro est autorisée à acheter aux États-Unis.
La députée du Parti vert, Sonia Furstenau, qui
est devenue chef du parti il y a quelques jours à
peine, a exprimé son désaccord avec l'évaluation
de John Horgan, faisant remarquer que, depuis le
début de la pandémie de la COVID-19 au printemps
dernier, il n'y a pas eu d'« instabilité » au
sein du gouvernement, mais plutôt « un temps de
coopération et de collaboration incroyables pour
les gens de la Colombie-Britannique ».
Sonia Furstenau a fait remarquer que le projet de
loi qui aurait permis la détention des jeunes
après une surdose de drogue avait été largement
critiqué, notamment par le coroner en chef, le
représentant indépendant des enfants et de la
jeunesse et l'Association des libertés civiles de
la Colombie-Britannique. En effet, face à ces
critiques, le projet de loi a été retiré par la
ministre de la Santé mentale et des Dépendances,
Judy Darcy, pour un examen plus approfondi.
De plus, les Premières Nations se sont opposées à
la fois au projet de loi sur les surdoses de
drogue et au projet de loi de BC Hydro parce que,
dans les deux cas, le gouvernement n'avait pas
consulté les peuples autochtones comme le prévoit
la Déclaration des Nations unies sur les droits
des peuples autochtones.
Selon Sonia Furstenau, les verts de la
Colombie-Britannique ont respecté toutes les
parties de l'accord de partage du pouvoir, y
compris le vote avec le gouvernement sur tous les
projets de loi budgétaires et tous les votes de
confiance. « Mais ce que cet accord ne stipulait
pas, a-t-elle dit, c'était une obéissance totale
au NPD ». Selon elle, John Horgan a « choisi
la poursuite du pouvoir plutôt que la santé et la
sécurité des Britanno-Colombiens ».
Pour sa part, le chef du Parti libéral de la
Colombie-Britannique, Andrew Wilkinson, a qualifié
l'élection d'inutile et de « geste cynique,
intéressé et égoïste » du gouvernement
néodémocrate. « Quel genre de personne fait cela,
au milieu d'une pandémie, déchirer un accord qui
aurait conduit à un gouvernement stable pour
l'année prochaine ? Qui ferait cela ?
a-t-il demandé, et la réponse est John Horgan et
le NPD ».
Cependant, mis à part les critiques de
l'opposition, il y a un problème plus vaste. Et
c'est que dans le système actuel des partis
cartellisés, les partis du parlement fédéral et
des assemblées législatives provinciales mettent
régulièrement leurs propres intérêts au premier
plan et abandonnent le peuple à son sort. Il
existe de nombreux autres exemples de
gouvernements fédéral et provinciaux, que ce soit
en Colombie-Britannique ou ailleurs, qui lancent
le même genre d'attaques-surprises contre les
électeurs.
Alors, pourquoi le gouvernement de la
Colombie-Britannique se précipite-t-il dans cette
élection au milieu d'une pandémie qui pourrait se
transformer en une « deuxième vague » plus
forte cet automne ? S'agit-il vraiment
d'avoir un gouvernement « stable » en ces
temps difficiles qui peut assurer une bonne
gouvernance pour la province ? Ou y a-t-il
des raisons plus opportunistes ?
Par exemple, la tenue des élections favorise
maintenant les perspectives de succès électoraux
du NPD. Selon un récent sondage, le NPD devance
de 19 % les libéraux de l'opposition. De
plus, la nouvelle chef des verts de la
Colombie-Britannique a été élue à son poste il y a
seulement quelques jours, ce qui, selon certains,
désavantage le parti par rapport au NPD qui
convoite les sièges des verts sur l'île de
Vancouver.
Ensuite, il y a la situation économique. Selon
les plus récentes perspectives économiques du
gouvernement, il y aura une baisse de l'activité
économique de 6,7 % cette année et un
déficit qui grimpera à 12,8 milliards de
dollars. Le gouvernement prévoit-il une
détérioration de l'économie durant l'année à venir
et donc des conditions électorales moins
favorables ?
Une des nombreuses manifestations contre la
construction du barrage Site C,
lors d'une audition du tribunal en février 2016
Et l'avenir du projet de barrage du site C dans
la région de Peace River pourrait être un énorme
problème durant l'année à venir. Le projet, qui a
été sévèrement critiqué par plusieurs experts et
contesté par de nombreux résidents de la région,
devrait dépasser le budget de plusieurs milliards
de dollars. Et des rapports sont publiés selon
lesquels les fondations du barrage lui-même sont
instables et peut-être irréparables. Ainsi, le
gouvernement pourrait être confronté à un choix
entre, d'une part, un projet dont le budget est
largement dépassé et, d'autre part, une annulation
pure et simple du barrage –
ce qui signifierait une perte de milliards de
dollars de deniers publics déjà dépensés.
Quoi qu'il en soit, tout cela met en évidence la
question suivante : qui décide de ce qui se
passe quand il est question des affaires
politiques, économiques et sociales de la
province – le peuple de la
Colombie-Britannique ou les partis politiques
cartellisés ? Cette question hante les
prochaines élections.
(Sources : Vancouver Sun,
The Tyee, Macleans, Times Colonist et Globe
and Mail. Photos et graphniques : LML, R.
Hales)
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 60 - 26 septembre 2020
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Colombie-Britannique: Les Britanno-Colombiens sont exclus de la décision de déclencher les élections - Peter Ewart
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