La revendication se fait de plus
en plus entendre aux États-Unis:
les crimes de la police doivent cesser!
Le mouvement de résistance rejette le refus d'inculper les responsables de la mort de Breonna Taylor
- Kathleen Chandler -
Manifestation à Louisville, Kentucky, le 23
septembre 2020, à la suite du refus du tribunal
d'incriminer les policiers qui ont tué Breonna
Taylor
Le 23 septembre le procureur général du Kentucky
Daniel Cameron a annoncé que le grand jury
n'inculpera pas le policier raciste qui a tué
Breonna Taylor à son domicile, le 13 mars à
Louisville.
Deux des policiers impliqués dans la mort de
Breonna Taylor ont été libérés, un troisième est
accusé d'avoir « intentionnellement mis en danger
» la vie en tirant dans l'appartement voisin de
celui où Breonna vivait, alors qu'un quatrième qui
a menti à propos de l'implication de Taylor dans
les drogues afin de se voir garantir un mandat
pour le raid des policiers n'était même pas
inclus. Le mandat invoquait un maître de poste qui
prétendait que Breonna recevait des colis illégaux
à son appartement. Le maître de poste a témoigné
plus tard qu'il n'avait jamais vérifié ces
allégations.
Exprimant l'opinion
de plusieurs, un activiste palestino-américain à
Louisville a dit que l'absence de mises en
accusation, « est un message aux gens que les
policiers peuvent vous tuer même dans votre
domicile qui est supposé être inviolable. »
La réponse des résidents de Louisville a été
rapide et sans équivoque. Des manifestations se
poursuivent à Louisville depuis plus de 100 jours
et ce n'est que grâce à leur résistance déterminée
que le nom de Breonna est devenu connu et qu'un
grand jury a même été saisi de l'affaire, six mois
après son meurtre. Les manifestations n'ont fait
que s'amplifier à la nouvelle d'une autre
provocation gouvernementale dont l'atrocité et
l'inhumanité révèlent l'ampleur du système raciste
aux États-Unis.
Outre l'indignation exprimée à Louisville, de
nombreuses autres manifestations se sont déroulées
par tout le pays, à New York, Chicago,
Minneapolis, Los Angeles et ailleurs.
Plus de 11 336 700 personnes ont signé la
pétition qui demande que toutes les forces
policières soient redevables et que le
gouvernement agisse.
Partout les demandes fusent pour le contrôle
communautaire, l'arrêt des crimes policiers, le
retrait des forces fédérales, et l'abandon des
poursuites retenues contre les organisateurs.
Plusieurs Afro-Américains, des jeunes
travailleurs, des femmes, des immigrants, des
travailleurs syndiqués, des organisateurs des
droits, des personnes de toutes les nationalités
et tendances religieuses et politiques demeurent
unis dans leurs demandes pour que justice soit
faite et pour la reddition de comptes.
Breonna Taylor était une technicienne d'urgence
médicale (TUM) primée. Il s'agit d'une
technicienne médicale spécialement formée et
certifiée pour fournir des services d'urgence de
base. Elle travaillait dans deux hôpitaux pendant
la pandémie.
La demeure de
Breonna Taylor a été la cible d'une descente à
environ 12 h 40 en vertu d'un mandat d'intrusion
sans frapper et à la suite d'un mensonge de la
part des policiers qui ont prétendu qu'elle était
impliquée dans une affaire de drogue. On a tiré
sur elle à six reprises dans une rafale de 32
coups de fusil. La ville a réglé la poursuite pour
« mort injustifiée » et a accordé 12 millions de
dollars à la famille. Malgré tout, le procureur
général du Kentucky, Daniel Cameron, a présenté un
dossier d'une telle médiocrité que le grand jury
n'a pu inculper personne. Il a ensuite à
nouveau jeté l'huile sur le feu en disant aux
millions de gens partout au pays qui exigent
justice et le contrôle des forces policières : «
Si nous agissons seulement par colère, il n'y a
pas de justice - la justice populaire n'est pas la
justice. La justice qu'on cherche à obtenir par la
violence n'est pas la justice. Nous avons affaire
plutôt à de la vengeance. »
Les procédures du grand jury sont secrètes, ce
qui fait que les preuves présentées dans ce procès
restent un mystère. La vidéo de la police et
l'autopsie de Taylor ne sont pas rendues
publiques. Il n'y a aucune imputabilité. Ce qui
est su, ce sont les efforts du gouvernement pour
donner l'impression que c'est le grand jury qui
est fautif parce qu'il n'a incriminé personne. On
prétend que « justice » a été rendue parce que
l'affaire a été soumise à un grand jury.
Invariablement, les gouvernements des États
présentent les dossiers de telle sorte que le
recours à la force policière létale est considéré
« raisonnable » et, par conséquent, légal. Malgré
la pluie de balles, on prétend que les policiers
impliqués dans la mort de Breonna n'avaient pas
l'« intention » de tuer quelqu'un. Dans un cas
similaire à Tampa Bay, en Floride,
l'Afro-Américain Jonas Joseph a été tué dans sa
voiture lors d'une attaque quasi militaire de 120
balles par des policiers en tenue civile. Aucune
accusation n'a été portée. La police a prétendu,
comme d'habitude, que Joseph avait tiré des coups
de feu, pour ensuite constamment changer son
histoire, avouant que Joseph n'avait tiré aucun
coup.
Des milliers ont marché à New York le 23
septembre dans deux actions séparées, une à
Manhattan et l'autre à Brooklyn. À Chicago, près
de 1 000 personnes ont convergé vers le quartier
général de la police. À Minneapolis, où des
actions continuent d'être organisées pour obtenir
justice pour George Floyd, plus de 1 000 personnes
se sont rassemblées devant le Capitol de l'État et
ont marché pendant quatre heures, pendant
lesquelles ils ont aussi fermé l'autoroute I-94
pour un certain temps.
Des milliers de personnes ont aussi souligné les
23 et 24 septembre, journées d'action nationale
contre le racisme et la répression du
gouvernement.
À Tallahassee, Tampa Bay et Jacksonville, en
Floride, ont eu lieu des manifestations contre les
morts aux mains de la police, contre le profilage
racial et pour le contrôle par la communauté de la
police. La revendication est pour un contrôle, y
compris comment la sûreté et la sécurité
communautaires doivent être organisées, et le
pouvoir d'embaucher, de congédier et d'assigner à
comparaître et accuser –
et non d'être obligés de se fier à un conseil «
consultatif » sans pouvoir, comme on le voit trop
souvent.
Les manifestants à Tallahassee ont aussi exigé
la libération sans accusations des 19 de
Tallahassee (#Tally19) arrêtés lors d'une action
le 9 septembre. Ils ont condamné le gouvernement
pour les décisions de grand jury où la police n'a
jamais été accusée des trois morts récentes de
civils aux mains de la police. On pouvait lire sur
les bannières : « La vie des Noirs compte », «
Pour le contrôle communautaire de la police » et «
« Abandonnez les poursuites ».
À Jacksonville, des actions ont eu lieu pour
exiger un contrôle sur le budget municipal et sur
les forces policières. Près de 40 % du budget est
réservé à la police. Les manifestants ont aussi
exigé que les lois qui protègent la police de
toute reddition de compte pour les morts aux mains
de policiers commis au nom d'un recours «
raisonnable » à la force et/ou parce qu'ils «
craignaient pour leur vie », sans aucune preuve à
l'appui, soient proscrites. Ils ont aussi dit
qu'ils voulaient que les accusations contre les
membres des 19 de Tallahassee (#Tally19) soient
abandonnées. À Tampa Bay, un orateur a résumé la
situation : « Assez, c'est assez. Nous nous
battons pour les vies des noirs et des bruns, pour
que justice soit faite, et nous continuerons de le
faire jusqu'à ce qu'il y ait des changements. »
Également, le 19 septembre la manifestation de
centaines de personnes à Chicago, y compris une
caravane de 80 voitures, avait pour revendication
le contrôle et le retrait des forces fédérales et
« l'abandon des poursuites contre les 19 de
Tallahassee ! »
À Dallas, au Texas,
il y a aussi eu des actions le 19 septembre, pour
demander le contrôle du budget municipal et des
forces policières. Les organisateurs ont fait
valoir qu'Erin Nealy Cox, la procureure générale
américaine du district Nord du Texas, qui comprend
Dallas, avait été nommée par le président Trump en
tant qu'une des dirigeantes du soi-disant « Groupe
de travail antifa » du département de la Justice.
Ce Groupe de travail est accusé d'avoir attaqué et
tenté de réduire au silence la résistance alors
que des milliers de manifestants ont été arrêtés
et accusés, dont certains de crimes. Parmi les
récentes arrestations ciblées, il y a celle des
six principaux organisateurs à Denver, au
Colorado, le 17 septembre, dans le but de
compromettre les actions du 19 septembre. Les six
organisateurs ont été arrêtés chez eux, dans des
stationnements, et en voiture. Ils font face à de
fausses accusations, y compris « incitation à
l'émeute », « enlèvement » et « vol ».
La poursuite des actions à Louisville, Portland,
Denver, Detroit, Tallahassee et partout au pays où
il y a eu la répression policière brutale et des
arrestations de masse illustre bien comment tous
les efforts qui visent à intimider et réduire les
gens au silence ne fonctionnent pas. La démocratie
américaine se révèle au monde entier dans toute sa
tyrannie, la chose même que la fameuse
constitution américaine est censée interdire. En
effet, plus les actes gouvernementaux continuent
officiellement d'autoriser et d'approuver
l'impunité pour les policiers et leurs meurtres
racistes, plus il devient évident que c'est le
peuple par ses propres efforts et sa propre lutte
pour s'investir du pouvoir et pour l'égalité qui
est au coeur des solutions. Partout, on affirme
que la résistance va se poursuivre jusqu'à ce
qu'il ait un changement favorable au peuple.
Cet article est paru dans
Volume 50 Numéro 60 - 26 septembre 2020
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